« Densification douce » : viser d’abord les obstacles réglementaires

« Densification douce » : viser d’abord les obstacles réglementaires
Publié le 4 avril 2022
Dans une contribution à La Grande Conversation, Lily Munson propose de favoriser la « micro-promotion » pour développer l’offre de logement dans des zones déjà urbanisées. En prenant l’exemple de la région parisienne, elle montre que le tissu pavillonnaire présente une réserve significative de foncier utilisable pour de petits projets de construction, rénovation ou extension. Mais comment favoriser au mieux ce potentiel prometteur ?

Sans aller jusqu’à répondre à une crise du logement qu’il faudrait qualifier plus précisément, la « densification douce » du tissu pavillonnaire existant peut certainement contribuer à élargir l’offre de logements sur les marchés tendus. C’est d’ailleurs ce que l’on observe déjà, là où le déséquilibre entre l’offre et la demande est le plus criant.

La densification douce est une composante du phénomène dit Bimby « Build in My Back Yard ». Alors que le Ninby, traduit l’opposition des habitants qui craignent de voir de nouvelles constructions densifier et donc perturber leur voisinage, le Bimby suscite plutôt la réticence des nombre collectivités locales qui voient d’un mauvais œil ces transformations qu’elles n’ont ni définies ni programmées. C’est ce qui ressortait déjà de deux études conduites en 2013 pour la région Île-de-France

C’est pourquoi il n’est peut-être pas prioritaire de l’encourager au moyen d’incitations financières spécifiques, de doter les opérateurs d’un statut ou de l’encadrer par un appareil réglementaire. Il faudrait être moins ambitieux et commencer par lever un certain nombre de contraintes administratives qui font obstacle à ce type de restructuration du stock de logements existants. Ainsi, nombre de communes modifient leur PLU pour aller contre la densification. Pour ne prendre qu’un exemple, le Code de la construction stipule que l’agrandissement d’une maison ou même la simple création d’une ouverture nouvelle en limite de propriété ne peut se faire à moins de 3 mètres par rapport à la maison des voisins. Or le PLU (Plan Local d’Urbanisme) peut émettre règles différentes dans la commune et imposer des distances plus importantes à seule fin de freiner la densification. Nombre de dispositions techniques ont également pour seul objet de contourner la nouvelle règle qui interdit d’imposer une surface minimale de terrain pour la construction d’une maison individuelle.

Sans aucune prétention à l’exhaustivité ou à la représentativité, on peut citer pêle-mêle les exemples de Saint-Tropez, Roquebrune – Pays de Fayence ; Sainte-Maxime ; Paris Ouest La Défense ; Nantes ; etc. Une telle orientation s’oppose clairement à la politique nationale qui intègre les préoccupations écologiques résumées par l’objectif dit de Zéro artificialisation nette (ZAN), même si ce concept mal défini fait un peu figure de slogan. Le développement de l’offre de logements doit se faire en évitant l’étalement urbain et sans consommation de terres agricoles, forêts, etc. Répondre aux besoins des ménages suppose donc la densification des espaces déjà urbanisés et une meilleure utilisation des constructions existantes, en particulier des locaux vacants.

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Reste qu’il faut préserver la qualité urbaine. Lily Munson propose pour ce faire de rendre obligatoire le recours à « un professionnel agréé par l’Etat ». Incitations financières, création d’un statut de micro-promoteur et recours obligatoire aux professions réglementées : à coup sûr, il s’agit d’une approche très française ! A supposer que lesdits professionnels soient à même de garantir la qualité urbanistique des projets, le coût de leur intervention serait souvent de nature à rendre plus difficile la réalisation de certaines opérations. Une difficulté du même ordre est apparue lorsqu’on a tenté d’inciter les accédants à entreprendre des opérations d’acquisition-amélioration, pour lesquels existait une aide spécifique, en partant de logements en mauvais état mais bien situés plutôt que de recourir à un constructeur de maisons individuelles. De la même façon que le constructeur offre à son client un logement pour une mensualité, le cas échéant nette des aides publiques, il aurait fallu qu’un opérateur joue ce rôle de maître d’œuvre et offre une maison rénovée pour une mensualité nette. Or le « sur mesure » est plus cher que la série et ces opérations se sont avérées difficiles à équilibrer pour des ménages modestes. En revanche, lorsque ce sont les communes qui souhaitent encourager cette densification douce par valorisation du bâti existant, elles ont la possibilité d’aider les propriétaires en prenant en charge le coût de prospection, de la conception et de la réalisation des opérations. Des architectes et des urbanistes, comme ceux réunis au sein de Ville Vivante, se spécialisent dans ce type d’interventions.

Ils accompagnent également la division parcellaire, autre modalité de densification qui contribue également à remodeler ce type de tissu urbain, et dont l’impact est probablement plus important.  En effet, la construction d’un immeuble collectif par un promoteur est une opération plus facile à équilibrer financièrement.

Pour encourager la densification douce, plutôt que d’alourdir le code de l’urbanisme ou de la construction, commençons par supprimer les multiples règles, celles qui concernent les parkings n’en sont qu’un exemple, qui entravent les micro-opérations qui ne mettent pas en péril la qualité du bâti ou les grands équilibres du voisinage. Au cours d’une interview sur un sujet connexe, Roland Castro défendait l’idée de rendre la liberté aux habitants de ces zones pavillonnaires « de faire ce qu’ils veulent » en la matière. Neuf organisations professionnelles ont établi un rapport sur ce sujet. On se reportera aux pages 15 et suivantes et plus particulièrement aux deux rubriques intitulées « des documents d’urbanisme insuffisamment appropriés » et « une réticence à la diversification entretenue par une réglementation imparfaite ». Le rapport d’étape de la commission Rebsamen dresse lui aussi un inventaire des marges en matière de simplification du droit de l’urbanisme. Le mouvement est largement engagé mais il est loin d’être abouti et il y a fort à parier que ce chantier n’est pas près de s’achever.

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Bernard Coloos

Bernard Vorms