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Étude

Des logements trop chers en France, une stratégie pour la baisse des prix

En France, les prix de l’immobilier ne diminuent pas, contrairement à ce qui se passe chez nos voisins. Leur niveau vient pénaliser l’économie française et fragiliser les ménages les plus modestes. Terra Nova s’engage dans cette question et étudie les mécanismes permettant de faire revenir ces prix à un niveau plus supportable, que ce soit en agissant sur l’offre ou encore en favorisant la constitution d’un pouvoir d’agglomération pour l’urbanisme.

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1 – Les prix de l’immobilier sont trop eleves en france

L’évolution des prix en France comparée aux autres pays européens.

Comme dans la plupart des pays de l’OCDE, les prix ont augmenté jusqu’en 2008.

Entre 1996 et 2012, les prix de l’immobilier ont augmenté en moyenne de 6% par an. L’amélioration des conditions financières des ménages est l’une des principales explications de la première phase de cette hausse, de 1998 à 2007. Au total, les prix immobiliers ont augmenté de 150% en France entre 1995 et 2007

Sur la même période, la hausse est similaire pour les autres pays de l’OCDE. Les Etats-Unis connaissent une hausse des prix comparable à la France, avec un pic atteint début 2006. En Espagne, le pic est atteint en 2008 mais la hausse, comme pour certains pays, aura été encore plus forte, de l’ordre de 200%.

De plus, en France, le ratio prix immobiliers / revenus, qui indique la capacité d’achat des ménages à capacité d’endettement fixe, a lui aussi connu une tendance comparable à celle des autres pays de l’OCDE. Ainsi, alors qu’il augmentait en France de près de 60% entre 1995 et 2007, la hausse atteignait près de 40% en Espagne, 70% aux Etats-Unis (de 1995–2005) et plus de 80% au Royaume-Uni (de 1995–2008). Cet écart de 20 points entre la France et le Royaume-Uni ne doit pas faire oublier que leur situation est comparable, avec la persistance d’un crédit bon marché, le soutien à l’accession à la propriété, une demande étrangère forte dans les deux capitales et une rigidité dans la planification urbaine.

Pendant cette période, seuls quatre pays de l’OCDE connaissaient une évolution différente, avec des prix immobiliers stables et un ratio prix immobiliers / revenus en baisse : le Japon, l’Allemagne, la Corée du Sud et la Suisse.

Alors que les prix immobiliers connaissaient un repli dans les autres pays après le début de la crise financière, la France n’a pas connu une baisse équivalente.

Entre 2005 et 2008, selon les pays, les prix immobiliers ont cessé d’augmenter avant de connaître des évolutions contrastées. Alors que dans la plupart des pays de l’OCDE, les prix ont diminué significativement, la France et d’autres pays tels que le Royaume-Uni, la Belgique, l’Allemagne et l’Autriche ont, au contraire, vu les prix immobiliers repartir à la hausse dès 2009, avant de stagner en 2012 et 2013.

Au-delà des chiffres nationaux, des évolutions contrastées.

D’une part, la trajectoire des prix à Paris et en Ile-de-France diffère des évolutions en province, où certaines régions dynamiques ont connu une hausse des prix et d’autres régions une baisse des prix.

La hausse des prix est plus rapide à Paris qu’en Ile-de-France, cette même hausse étant encore plus rapide par rapport à la province où les prix semblent se stabiliser. Cette stabilité apparente recèle des disparités entre les régions et les villes, où les villes-centres et les banlieues proches ont connu les pressions les plus fortes.

Cette pression n’a pas seulement pour origine la dimension quantitative de l’offre immobilière mais provient aussi des flux migratoires et des profils socio-économiques des migrants. En effet, les prix augmentent d’autant plus que la part des ménages déjà propriétaires est forte parmi les nouveaux entrants. En revanche, plus la part des étudiants est importante, moins les prix augmentent.

D’autre part, cette évolution des prix n’est pas indifférente à la nature des biens immobiliers. En particulier, les biens les moins chers sont ceux qui se sont le plus évalués.

L’évolution des marchés immobiliers pénalise particulièrement les ménages modestes dans les quartiers où l’offre est limitée, d’autant plus que les biens les plus abordables ont connu, partout, la plus forte croissance de prix. Les candidats à l’accession aux revenus modestes se trouvent ainsi largement évincés des centres urbains. L’écart entre les déciles extrêmes de prix s’est même réduit entre 1998 et 2007, sous l’effet d’une valorisation plus forte des marchés les moins chers par rapport aux marchés haut de gamme. Dans les appartements en ville-centre et les maisons en zone périurbaine à Toulouse, les maisons en ville-centre à Paris, les appartements dans la banlieue de Lille, les biens les moins chers se sont valorisés davantage que les biens du haut de gamme.

Même si ce constat national d’une hausse des prix de l’immobilier révèle des situations variées au niveau des villes et du type de bien immobilier, la France a connu une évolution singulière où, contrairement aux autres pays de l’OCDE qui les voyaient diminuer, les prix de l’immobilier sont restés élevés.

2 – Les conséquences pénalisantes des prix immobiliers élevés sont économiques, sociales et environnementales.

Les prix immobiliers ont un impact négatif sur la compétitivité de l’économie française.

En rallongeant la durée de transport, la pression immobilière pèse sur les salariés des entreprises et nuit à leur productivité.

Au total, 40% des entreprises sont affectées par les difficultés de logement de leurs salariés, là encore avec des différences selon la localisation des entreprises, leur taille et la qualification des salariés. Les entreprises s’estiment particulièrement touchées par les contraintes qui pèsent sur la mobilité et le choix de localisation des salariés : 27% constatent que certains salariés habitent trop loin de l’entreprise et 19% signalent que les membres de leur personnel rencontrent des soucis de logement. Les entreprises en région parisienne sont les plus touchées (37% d’entre elles signalent des difficultés à se loger pour leurs salariés) suivies par celles du Sud de la France (23%). De plus, les petites entreprises sont les moins en mesure de prendre des actions en réponse à ces problèmes. Enfin, ces problèmes de logement touchent davantage certaines catégories de personnel : les jeunes salariés (82%), les intérimaires, les travailleurs saisonniers (57%) ainsi que les familles monoparentales. Les salariés les plus qualifiés semblent les moins touchés. Pour autant 71% des cadres déclarent qu’ils refuseraient une opportunité professionnelle si elle devait occasionner un déménagement.

La pression immobilière nuit également au coût du travail, ce qui a eu un effet négatif sur la compétitivité-coût des entreprises françaises.

La hausse des prix immobiliers pourrait avoir dégradé la compétitivité-coût des entreprises, en renchérissant notamment le coût du travail. Au sein de la zone euro, les pays qui ont fait face à la plus forte augmentation du coût du travail ont également fait face à la plus forte inflation immobilière sur la période 2000–2010. Ceux qui sont restés très compétitifs sont ceux qui ont maîtrisés au mieux leurs prix de l’immobilier. La relation de causalité pourrait néanmoins jouer dans le sens inverse, avec une augmentation préalable des salaires qui permettrait des prix immobiliers plus élevés.

Par comparaison, l’immobilier français attire une épargne qui s’orienterait davantage vers les entreprises exportatrices.

L’acquisition d’une résidence constitue pour beaucoup de ménages français un projet de vie, qui entraîne une épargne conséquente. La hausse du prix de l’investissement en construction pourrait dans ce cadre avoir contribué à détériorer la compétitivité de l’économie en évinçant les autres formes d’investissements ou de dépenses. Ainsi, si l’investissement en points de PIB a été plus élevé en France qu’en Allemagne entre 2002 et 2012, l’investissement hors construction a été plus élevé en Allemagne qu’en France. Entre 1993 et 2012, la part des crédits aux entreprises dans les crédits au secteur privé (entreprises et ménages) a diminué de 13 points au profit des crédits à l’habitat. L’inflation immobilière oriente davantage l’épargne vers le crédit immobilier que vers le financement des entreprises.

La réallocation des ressources financières du secteur des exportations manufacturières au secteur de la construction a nui à la compétitivité des exportations françaises. Le secteur a en effet attiré le capital dans une mesure disproportionnée. Entre 2000 et 2007, les secteurs immobiliers et de la construction représentaient près du quart des nouvelles entreprises, contre 5% seulement pour le secteur manufacturier. Le secteur de la construction était celui qui, en 2001, présentait la plus forte rentabilité nette d’exploitation, à hauteur de 28%, tandis que les autres secteurs en moyenne présentaient une marge opérationnelle de 10%. Cette profitabilité supérieure était le résultat d’une augmentation des prix immobiliers plutôt que d’une hausse de la productivité.

Cette réallocation du capital des secteurs de l’industrie manufacturière vers les secteurs de la construction et de l’immobilier pourrait avoir nui au dynamisme des exportations françaises et donc de la balance des paiements.

Les inégalités entre les ménages se creusent.

L’augmentation des prix est davantage subie par les plus pauvres et par les classes moyennes. La part des dépenses liées au logement dans les budgets des ménages les plus pauvres atteint des proportions considérables.

La hausse des prix immobiliers impacte inégalement les différents types de ménages. D’une part, les ménages qui étaient déjà propriétaires avant le début de la hausse des prix n’ont pas souffert de l’inflation immobilière : non seulement elle n’a pas eu d’impact sur le poids des dépenses de logement mais a contribué à augmenter la valeur de leur patrimoine. Près de 40% des acheteurs des années 2000 étaient déjà propriétaires de leur résidence principale [2] . Ils ont très souvent financé l’achat de leur nouveau logement par la vente de l’ancien : la hausse des prix immobiliers accroît leurs ressources patrimoniales.

D’autre part, les ménages modestes sont les plus touchés par l’inflation immobilière. Leur taux d’effort a augmenté de 2,8 points entre 1996 et 2006. Sur la même période, il n’a augmenté que de 0,8 points pour les plus aisés. L’inégalité en matière d’accession à la propriété s’est renforcée. 73% des haut revenus sont aujourd’hui propriétaires de leur logement (contre 62% en 1990). Les ménages les plus pauvres et les classes moyennes sont, eux, 31% à être propriétaire, contre 51% en 1990. La part des locataires au sein des ménages modestes est passée de 61% en 2006 à 66% en 2010.

Les plus pénalisés sont les ouvriers et les employés. La hausse des prix du logement empiète sur la consommation, notamment les dépenses d’alimentation, de transports ou de santé. Les classes moyennes, entre le 2e et le 3e quartile de revenus, ne sont pas épargnées et sont confrontées à une hausse de leurs dépenses contraintes [3] . La frange plus modeste des classes moyennes se trouve exclue de la propriété. Elle est cantonnée au parc locatif privé, plus cher et souvent de moins bonne qualité [4] .

Les jeunes sont également très touchés, en tant que primo-accédants.

La fracture se creuse également entre les générations. Le patrimoine médian des ménages âgés de plus de 35 ans a considérablement augmenté dans les années 2000. Les dépenses de logement ont davantage augmenté pour les ménages jeunes. En effet, la part des dépenses de logement par mètre carré dans les dépenses totales des ménages est 1,6 fois plus élevée pour les moins de 25 ans que pour l’ensemble des ménages. En 1985, ce ratio était de 1,2. Plus dépendants des lieux d’études et des emplois situés en territoire urbain, les jeunes ont connu une hausse plus rapide de leur taux d’effort par rapport aux autres classes d’âge [5] . La part des jeunes parmi les accédants à la propriété n’a cessé de diminuer avec la hausse des prix immobiliers [6] . Les jeunes sont par ailleurs moins à même de bénéficier du parc social, dans la mesure où ils sont moins prioritaires que les familles.

L’étalement urbain est amplifié.

En raison des prix élevés en centre-ville, les ménages cherchant à se loger sont obligés de s’éloigner des centres .

La hausse des prix immobiliers dans les villes les plus attractives a eu pour effet de repousser les primo-accédants les plus modestes vers la périphérie. Ce mouvement d’éloignement croissant des classes populaires est particulièrement fort dans les aires urbaines dont la structure de prix est de type « centre-périphérie » comme Paris, Lyon ou Nantes. Les aides à l’accession à la propriété, assorties de plafonds de prix, ont également incité les ménages au budget limité à privilégier les zones périphériques où le foncier est moins cher.

Par conséquent, des communes périphériques sont entrées dans les grandes aires urbaines au point d’étendre leur territoire de 39% entre 1999 et 2008 [7] . Celui-ci couvre aujourd’hui près de la moitié du territoire, contre un tiers dix ans auparavant, et englobe près de 80% de la population.

Les conséquences environnementales de l’étalement urbain sur les émissions de CO2 sont importantes.

Les ménages qui choisissent, par défaut, ces localisations éloignées du centre sont confrontés à l’insuffisance des infrastructures urbaines et sont amenés à augmenter leur consommation de transport individuel. Coût environnemental de l’étalement urbain, leurs trajets professionnels sont plus longs et, dans certains cas, ils sont contraints d’acquérir deux véhicules.

L’ensemble de ces conséquences négatives conduit à comprendre les causes de ces prix de l’immobilier pour tenter d’y apporter des solutions.

3 – La hausse des prix immobiliers s’explique par une demande dynamique face à une offre rigide, en grande partie du fait de la planification urbaine et du foncier.

La demande immobilière a été soutenue.

Une combinaison de facteurs démographiques et culturels, financiers et économiques et enfin politiques expliquent le dynamisme de la demande immobilière.

Les facteurs économiques et financiers

L’évolution des conditions de financement, notamment la baisse des taux d’intérêts réels

La baisse des taux, qui a commencé en 1993 et s’est accélérée à partir de 2001, combinée à l’augmentation de la durée des prêts, a permis d’augmenter les capacités d’emprunt des ménages acquéreurs de biens immobiliers. Parallèlement, cette baisse a suscité une réallocation des portefeuilles d’investissement en faveur des biens immobiliers. Des calculs de l’ancien Conseil d’Analyse Stratégique suggèrent que les conditions de financement peuvent expliquer 50% à 60% de la hausse des prix dans l’ancien. Aux Etats-Unis, un article de recherche a évalué que l’amélioration des conditions de crédit peut expliquer environ 45% de la hausse des prix immobiliers entre 2000 et 2005 [8] .

L’accumulation des patrimoines privés.

Les économistes Piketty et Zucman montrent que la richesse patrimoniale privée, en France, est passée de 300% du PIB en 1970 à 600% du PIB, une évolution comparable aux autres pays, à l’exception de l’Allemagne. L’excédent d’épargne permet l’acquisition de biens immobiliers et exerce une pression à la hausse sur les prix.

Une demande externe dynamique, due à l’augmentation des patrimoines dans les pays en croissance

Cette demande externe touche particulièrement le marché des résidences secondaires et Paris. Ainsi, en 2010, les non-résidents représentaient 5,9% des transactions en volume et 6,4% en valeur à Paris.

Les facteurs sociodémographiques

La croissance démographique, combinée à la réduction de la taille des ménages

Le nombre de ménages croît de 1% par an environ, sous l’effet combiné d’un solde naturel supérieur à la moyenne européenne. A cette croissance s’ajoutent les excédents migratoires et la diminution de la taille des ménages : si en 1975, un ménage était constitué en moyenne de 2,9 personnes, il est en moyenne constitué de 2,3 personnes en 2009.

Cette diminution de la taille des ménages reflète plusieurs phénomènes. D’une part, le vieillissement de la population augmente le nombre de ménages comportant une seule personne, dans la mesure où l’espérance de vie entre hommes et femmes diffère. D’autre part, l’installation plus tardive à deux et le caractère plus fragile des couples, qui peut conduire à l’accroissement du nombre de familles monoparentales et des familles recomposées, sont des facteurs qui multiplient les besoins en logement. Ces évolutions accentuent des mobilités qui viennent fragiliser les ménages modestes. Ces temps et ces parcours de vie parfois plus aléatoires et moins stables viennent augmenter encore davantage le besoin en logements.

Au sein du territoire, des flux migratoires qui expliquent l’évolution différenciée des régions et des villes

L’augmentation généralisée des prix immobiliers jusqu’en 2008 masque de fortes disparités territoriales. Au niveau local, les zones les plus attractives sur le plan résidentiel ont connu les marchés immobiliers les plus tendus, et par conséquent les plus fortes augmentations de prix. Ainsi, sur la période 1999–2006, les aires urbaines les plus attractives situées dans le Sud-Est, le Sud-Ouest et l’Ouest de la France ainsi que dans le nord des Alpes, ont connu une inflation immobilière forte. A l’inverse, les aires urbaines situées dans les régions du Nord et de l’Est sont, en très grande, majorité déficitaires et ont connu une inflation immobilière plus modérée. L’agglomération parisienne fait figure d’exception : c’est la seule zone urbaine à combiner déficit migratoire et forte pression sur les marchés immobiliers, ce qui s’explique par l’extrême sélectivité de son aire urbaine.

Au-delà du solde migratoire net, le profil sociologique des nouveaux arrivants est l’autre facteur explicatif de l’inflation immobilière. Ainsi, les prix augmentent d’autant plus que la part des ménages déjà propriétaires est forte parmi les nouveaux entrants. De la même manière, l’arrivée en nombre de retraités renforce l’inflation immobilière [9] car, toutes choses égales par ailleurs, les prix d’acquisition sont plus élevés quand les acheteurs sont âgés. En revanche, lorsqu’une grande partie des nouveaux entrants sont des étudiants, la tension sur le marché immobilier est limitée parce que la demande étudiante porte davantage sur le marché locatif.

Une demande soutenue par la recherche de sécurisation à travers la propriété du logement.

Le souhait des Français d’accéder à la propriété reste à un niveau élevé depuis l’après-guerre, autour de 80% chez les non-propriétaires. Néanmoins, au-delà du modèle d’un parcours résidentiel dont l’accession à la propriété est l’étape ultime, la montée des incertitudes professionnelles ou des inquiétudes sur l’avenir des retraites incite les ménages à se tourner vers la propriété du logement comme un investissement de précaution [10] . C’est pourquoi les ménages qui se sont endettés pour acheter un logement n’ont pas tant acheté pour réaliser une plus-value que pour profiter de la valeur d’usage du logement ou pour devenir propriétaires pendant qu’il était, d’une certaine façon, « encore temps ». Cette logique s’est d’autant plus répandue que les politiques publiques ont encouragé l’accession à la propriété depuis la réforme de 1977 qui a diminué les aides à la pierre au profit des aides à la personne.

L’impact des politiques publiques

Des mesures politiques d’incitation à l’acquisition et à l’investissement locatif

Les prêts à taux zéro et la déduction des intérêts d’emprunts de l’impôt sur le revenu ont soutenu la demande immobilière dans une logique d’accession. Dans un contexte d’offre immobilière rigide, ces politiques de soutien à l’accession ont davantage contribué à faire augmenter les prix qu’à stimuler de nouvelles constructions [11] . Par des défiscalisations de l’achat dans le neuf (Périssol, Besson, Robien, Borloo, Scellier, Duflot), les dispositifs de soutien à l’investissement locatif ont également contribué à soutenir la demande mais n’ont pas servi à apaiser les tensions sur le marché immobilier. Les constructions neuves associées aux mesures de défiscalisation se sont en effet concentrées dans les marchés les moins tendus, créant localement des situations d’excès d’offre.

Non seulement la demande de propriété immobilière est fondamentalement soutenue mais les politiques de régulation l’ont davantage solvabilisée pour promouvoir « une France de propriétaires ».

Face à cette augmentation de la demande, l’ajustement de l’offre a été trop lent.

Les zones tendues ont fait face à des blocages de l’offre immobilière qui l’ont empêché de s’ajuster.

Un blocage de l’offre en région parisienne

Entre 1999 et 2009, la croissance du nombre de logements a été de 0,6% par an contre une croissance démographique de 0,7%/an.

Une gestion de la politique du logement et foncière inadaptée

La politique immobilière et foncière est gérée au niveau des communes, qui supportent davantage les coûts que les bénéfices de nouvelles constructions et peuvent avoir un intérêt à limiter l’allocation de permis de construire. La dispersion des pouvoirs d’urbanisme et fonciers entre les communes engendre à la fois des blocages de la construction et des ségrégations sociales territoriales : refus ou limitation excessive des constructions des logements sociaux, impossibilité financière de création des conditions d’accueil des nouveaux habitants, incohérence entre zones d’activité, zones d’habitat et transports. L’offre de logement peine tellement à s’ajuster que certains évoquent un déficit compris entre 800 000 et 1 million de logements en France. Ce déficit renvoie avant tout à l’insuffisance de logements pour les ménages modestes. Par ailleurs, le décalage entre l’offre et la demande doit être abordé au niveau local plutôt qu’au niveau national, comme le révèlent les hausses différenciées selon les aires urbaines.

On constate une inflation des coûts de production immobilière, des coûts de construction et surtout des coûts fonciers.

La hausse des coûts du foncier

Le prix du foncier a augmenté de plus de 550% de 1982 à 2012. Dans les zones les plus tendues, le foncier absorbe entre 33% et 50% du coût de sortie d’un logement.

La hausse des coûts de construction

Les coûts de construction ont augmenté nettement plus vite en France que dans les pays voisins, pour des raisons qui restent à éclaircir et relèvent, en partie, d’un développement des normes de construction, notamment au titre de l’accès des handicapés ou de la performance énergétique.

En effet, des études ont mis en évidence que l’offre immobilière française souffre d’un problème de rigidité.

La France souffre d’une offre immobilière trop rigide. L’investissement immobilier répond trop peu et trop lentement aux évolutions des prix immobiliers. Les estimations réalisées par Bessone, Heitz et Boissinot (2005) sur la période 1986–2004 donnent une élasticité-prix de l’investissement résidentiel de 0,12 (long terme) comparée à une estimation de 0,35 pour les Etats-Unis (McCarthy et Peach (2002)). Les estimations de l’OCDE réalisées par Caldera-Sanchez et Johanson (2011) montrent que la France a l’une des élasticités-prix de l’investissement résidentiel les plus faibles de l’OCDE (0,36 contre 2 pour les Etats-Unis et plus de 1 pour le Canada, le Japon, la Suède, la Finlande et le Danemark). En outre, la France présente une vitesse d’ajustement plus faible : à la suite d’un choc, seul 20% de l’ajustement est réalisé au bout d’un an, contre plus de 100% aux Pays-Bas, en Italie, en Pologne et au Royaume-Uni.

La rigidité du système de planification urbaine explique, pour une large part, la faible élasticité de l’offre immobilière et les prix élevés.

En France, les nouveaux développements immobiliers sont réglementés par le Plan Local d’Urbanisme (PLU) et sont autorisés par l’attribution d’un permis de construire.

Le PLU détermine l’usage du foncier. Il comporte un plan précis délimitant les différentes zones (urbaines, à urbaniser, agricoles, forestières) et un règlement qui précise les conditions de construction dans chaque zone, la localisation des terrains réservés pour de futurs aménagements publics, l’indication des services d’utilité publique.

Afin de construire ou d’aménager une construction, il faut disposer d’un permis de construire accordé par le maire en conformité avec le PLU. En somme, la libération du foncier (en identifiant une zone comme constructible) et son utilisation (en fixant des règles relatives à la hauteur des immeubles et au coefficient d’usage du sol) sont directement influencées par le PLU. Celui-ci impose un certain nombre de contraintes sur l’offre immobilière. Les autres pays développés tels que le Royaume-Uni, les Etats-Unis et l’Australie ont également un système de planification urbaine et de nombreuses études ont analysé l’effet des règles d’urbanisme sur les prix immobiliers.

A l’exception de certaines zones bien identifiées (Paris intra-muros, certaines zones côtières et touristiques, les grandes agglomérations), le foncier constructible n’est pas rare en France. En revanche, il est difficile à mobiliser en raison de difficultés tout au long de cette chaîne qui inclue le propriétaire du terrain, les promoteurs, sans oublier l’interférence des autorités locales. Le foncier fait ainsi l’objet d’une rareté organisée. Les acteurs privés et publics entrent dans une logique de « rétention rationnelle ». D’une part, les maires en charge de définir le PLU et d’accorder les permis de construire limitent le nombre de logements autorisés dans le but de minimiser le coût électoral et financier des nouvelles constructions. D’autre part, les propriétaires fonciers peuvent avoir intérêt, même une fois l’autorisation de construire accordée, à attendre avant de vendre leur terrain en pariant sur l’appréciation de sa valeur au fil des années.

Cette pénurie dans les zones tendues limite le nombre d’opérations neuves et en rallonge les durées de montage. Elle renchérit le logement ancien, logiquement moins cher que le neuf, mais d’autant plus proche des prix du neuf que la rareté de ce dernier reporte la demande sur l’ancien et le rend plus recherché.

La demande immobilière française a été particulièrement dynamique sur la période en question, ce qui s’explique par de nombreux facteurs. Néanmoins, ce dynamisme de la demande aurait pu engendrer une réaction de l’offre et une augmentation des quantités produites. A l’inverse, en raison des rigidités de l’offre immobilière, ce sont les prix qui ont augmenté. Cette analyse nous amène à explorer les pistes de réforme à envisager.

4 – Comment débloquer l’offre immobilière française ?

Les objectifs de construction doivent être fixés clairement.

En zone tendue, les objectifs de construction de chaque collectivité territoriale pourraient être fixés par l’Etat en concertation avec les collectivités en charge de les mettre en œuvre. Ils seraient établis à partir d’une analyse des besoins en logements sur un horizon de moyen-terme et articulés avec les disponibilités foncières correspondantes. Le PLU devrait tenir compte de ces objectifs.

Les décisions de construction doivent être assorties de bénéfices financiers pour les collectivités locales.

Au moment d’autoriser de nouvelles constructions, les élus font face à un choix difficile, politiquement et financièrement. Alors même que la déclaration d’un terrain en zone constructible bénéficie à son propriétaire, elle engendre pour la commune des coûts supérieurs aux bénéfices. Les coûts financiers sont considérables au titre de la réalisation des équipements publics et de leur fonctionnement qui sont nécessaires à ces nouveaux logements. Les bénéficies financiers sont, eux, faibles; les impôts locaux payés par les nouveaux propriétaires et occupants ne sont pas toujours suffisants. Ainsi, les coûts politiques de ces opérations sont élevés, comme le reflète l’adage « maire bâtisseur, maire battu ».

Dans d’autres pays européens, le partage des gains issus de la déclaration d’un terrain en zone constructible est mieux réparti. Ainsi aux Pays-Bas, les propriétaires revendent leur terrain à la collectivité à un prix fixé par cette dernière. La collectivité peut ensuite revendre les terrains une fois aménagés, réalisant au passage un bénéfice financier légitime dans la mesure où la valeur des terrains augmente grâce à la déclaration en zone constructible et aux aménagements réalisés par la collectivité. En Suisse, l’attraction de nouveaux résidents engendre de nouveaux revenus fiscaux pour la municipalité, dans la mesure où l’impôt sur le revenu est prélevé au niveau local. Cela incite les municipalités à attirer de nouveaux habitants.

Afin de rétablir un système d’incitation des collectivités locales plus favorable à la construction, l’Etat pourrait encourager les élus bâtisseurs et pénaliser ceux qui pratiquent la rétention foncière. La dotation globale de fonctionnement (DGF) constitue la principale dotation de fonctionnement de l’Etat aux collectivités locales. En 2013, son montant s’établit à 41,5 milliards d’euros. Une partie des dotations de la DGF devrait être conditionnée à la mise en œuvre d’un PLU défini pour intégrer les objectifs de construction assignés par ailleurs. Ainsi, les collectivités bénéficieraient d’une dotation globale de fonctionnement majorée en fonction du nombre de logements construits, qui servirait à couvrir les coûts engendrés par la construction de logements. A l’inverse, si le nombre de logements construits est inférieur à l’objectif fixé avec l’Etat, la dotation globale de fonctionnement serait diminuée d’autant.

Une gouvernance réformée de l’urbanisme au niveau local inciterait plus activement à la construction

Faire passer la compétence « urbanisme » à l’intercommunalité

En matière d’urbanisme, allouer les décisions d’octroi du permis de construire, et confier l’initiative des PLU à 36 782 maires, dont 75% à la tête de communes de moins de 1 000 habitants, s’avère contre-productif.

L’expérience montre que l’expression citoyenne sur ces questions est d’abord une expression de refus de la part du voisinage, d’autant plus influente que l’échelon de décision, le maire, est proche.

Il est donc essentiel que le niveau démocratique des décisions en matière d’urbanisme revienne à l’agglomération. A ce niveau-là, les enjeux de satisfaction globale des besoins et de minimisation des gênes locales peuvent être arbitrés sereinement. Le niveau de l’agglomération est pertinent pour définir des politiques de logement en cohérence avec l’urbanisme et l’aménagement du territoire, les transports et le soutien à l’économie locale.

Il s’agit de transférer les décisions de planification urbaine à travers le PLU mais également l’attribution des permis de construire et de démolir, le droit de préemption et d’expropriation. Cela permettrait de concilier plus efficacement bassins d’habitat, bassins d’emploi et infrastructures.

Ainsi, le PLU intercommunal devrait être obligatoire pour les communautés d’agglomération, communautés urbaines, et métropoles sans qu’une minorité de communes pourtant partie intégrante du continuum urbain, puisse bloquer le processus [12] . A ce titre, la loi ALUR laisse clairement des capacités de blocage très importantes à une minorité de communes y compris dans les zones tendues.

Pour les intercommunalités à urbanisation discontinue (cas des communautés de communes regroupant plusieurs bourgs), où les besoins en logement sont généralement moins forts, le PLU intercommunal, pourrait relever d’une adhésion volontaire des communes membres, dès lors qu’existent des documents de cadrage (SCOT).

Il est vrai que le transfert des pouvoirs à l’intercommunalité pose la question de l’élection au suffrage universel des conseillers communautaires. La loi sur les métropoles instaure déjà, à partir de 2020, l’élection au suffrage universel d’au moins la moitié des conseillers métropolitains.

Rendre obligatoire l’exécution du plan d’urbanisme en pesant sur les propriétaires des terrains

La France se distingue en comparaison avec ses voisins de l’Europe du Nord. En effet, dans ces pays, l’exécution du plan d’urbanisme est systématique ; en France, des terrains sont déclarés constructibles sans déclencher nécessairement de nouvelles constructions dans des délais rapides. Cet urbanisme passif limite les possibilités de construction par des plafonnements de densité et ne stimule pas la construction.

Les exemples étrangers sont riches en enseignements. En Suède, les droits à construire figurant au plan d’urbanisme sont accordés pour une durée limitée qui varie de cinq à quinze ans. La non-utilisation du droit à construire au terme prévu ouvre le droit à l’expropriation. En Allemagne, dès lors que le terrain est déclaré constructible, les travaux d’aménagements commencent immédiatement et sont financés en grande partie par le propriétaire du terrain (jusqu’à 90% du coût total d’équipement). Autrement dit, une fois approuvé, le plan d’urbanisme est bel et bien mis en œuvre.

Ces dispositions doivent être adaptées pour le développement foncier et immobilier en France. L’exécution du PLU doit être rendue plus contraignante en fonction de plusieurs cas de figures :

1. un terrain nu ou susceptible de le devenir suite à une démolition, comme des entrepôts n’ayant plus d’usage économique ;

2. un terrain bâti ;

3. un terrain « partiellement bâti ». Ce dernier cas de figure s’entend de terrains qui pourraient supporter de nouvelles constructions s’ils étaient divisés.

Dans le premier cas de figure, il faut encourager une construction rapide et au maximum du plafond du PLU. Pour cela, le propriétaire serait tenu de construire dans un certain délai après l’achat du terrain (par exemple cinq ans) ou après sa déclaration de constructibilité, faute de quoi il paierait une taxe sur le foncier bâti, taxe calculée avec la constructibilité maximale théorique du PLU. Autre solution plus contraignante : la possibilité pour la collectivité d’exproprier le propriétaire, à la valeur du foncier non constructible. Corrélativement, le propriétaire pourrait exiger que la collectivité lui rachète son terrain – droit de délaissement – toujours à la valeur du foncier non constructible.

Dans le deuxième cas de figure, il n’y a pas de mesure simple pour obliger le propriétaire à compléter sa construction pour la porter au plafond de constructibilité du PLU, sauf, là aussi, à calculer la taxe foncière comme indiqué précédemment. Cette mesure pourrait ne s’appliquer qu’à certains secteurs extrêmement prioritaires, par exemple dans un périmètre autour de gares majeures du réseau de transports en commun.

Le troisième cas de figure est celui, fréquent en banlieue, de terrains manifestement sous-utilisés. L’objectif est d’inciter le propriétaire à vendre une partie de son terrain aux fins de construction de logements. Il faudrait autoriser la collectivité à procéder à une division cadastrale fictive : pour le calcul de la taxe foncière, cela conduirait au cas numéro un pour la partie non construite et au cas numéro deux pour la partie construite.

Ces nouvelles dispositions rendraient l’exécution du PLU beaucoup plus automatique et contraignante qu’il ne l’est aujourd’hui. Elles seront d’autant plus efficaces que le mode d’élaboration du PLU sera lui aussi modifié. En Suède, en Allemagne et aux Pays-Bas, le document d’urbanisme est renouvelé chaque année et fait l’objet d’un consensus entre les différentes parties prenantes. Autrement dit, le processus de décision est beaucoup plus clair. La participation démocratique à l’élaboration du plan est forte, ce qui permet l’acceptation des dispositions contraignantes.

De nouveaux dispositifs dissociant le foncier et le bâti pourraient être couplés à des dispositifs de maîtrise des prix.

Pour les ménages qui seraient autrement exclus du marché immobilier, des outils juridiques permettant une dissociation de l’achat du foncier et du bâti pourraient être mis en place. Ils seraient destinés à favoriser soit la réalisation de logements locatifs à loyers maîtrisés, soit l’accès durable à un logement privé à un prix abordable, le prix étant celui du bâti sans le foncier. La simple dissociation dans le temps de l’achat du foncier et l’achat du bâti est déjà possible, comme cela a pu être fait à travers le Pass-Foncier. Néanmoins, le Pass-Foncier a seulement conduit à un étalement de l’effort financier nécessaire à l’acquisition tout en étant assorti d’un dispositif de sécurisation pour l’accédant. Il s’agit ici d’aller plus loin. Sont ainsi préconisés des dispositifs innovants associant des véhicules pour le portage foncier avec des instruments juridiques permettant, à travers la propriété du foncier, d’avoir une emprise plus grande sur les prix du bâti.

La mise en place d’un nouveau type d’emphytéose logement est une première réponse possible pour les terrains des collectivités publiques.

Les outils juridiques actuels ne donnent pas suffisamment de contrôles au propriétaire foncier. Ainsi, le bail emphytéotique de droit commun ne permet pas de contrôler la destination des immeubles qui seraient édifiés. Le bail à construction ne permet pas de mettre en place des clauses de limitation des prix à la revente et le bail emphytéotique administratif soumet le preneur du droit réel à certaines contraintes (résiliation possible pour des motifs d’intérêt général pendant la durée contractuelle, recours limité à l’hypothèque).

La création d’un nouvel outil juridique permettant aux personnes publiques de consentir sur leurs terrains des baux emphytéotiques de très longue durée (99 ans) et aux investisseurs (propriétaires occupants sous plafond de ressources ou propriétaires bailleurs avec plafonnement de loyer) d’acquérir des logements « hors foncier », et comprenant des clauses de contrôle des prix de vente, constitue une première solution. Ce nouveau type d’emphytéose permettrait aux collectivités publiques qui mettent à disposition le foncier de contrôler les prix à la revente. Elles auraient ainsi l’opportunité de maintenir leur effort initial pour l’accès à un logement à un prix abordable dans la durée tout en restant propriétaires du terrain. Une extension du périmètre d’action des établissements publics fonciers pourrait être mis en place en complément pour aller au-delà de leur activité actuelle de portage foncier en leur permettant de mettre en place ce type d’outil.

Pour aller encore plus loin, un statut juridique de fiducie foncière logement permettant la dissociation définitive du foncier et du bâti pourrait être envisagé.

La fragilisation du dispositif au terme du bail, et l’acceptation de cette notion de propriété temporaire pour des accédants, sont des inconvénients des emphytéoses. Une dissociation définitive du foncier et du bâti pour le logement pourrait donc être envisagée. Cela impliquerait d’introduire dans le droit français un type particulier de fiducie, la fiducie foncière « logement », à l’instar du dispositif des « community land trusts » (CLT) créé aux États-Unis il y 40 ans. Les États-Unis comptent aujourd’hui plus de 250 CLT. Le succès du concept a été couronné en 2008 par les Nations-Unies qui ont décerné au plus grand CLT du pays, le « Champlain Housing Trust » (Burlington, Vermont), le « World Habitat Award », prix du meilleur projet d’habitat à l’échelle mondiale. 2012 a aussi vu la création des deux premiers CLT urbains européens à Londres et à Bruxelles. Ces dispositifs permettent de dissocier la propriété du foncier (land) de celle du bâti en le confiant à une entité qui en est le propriétaire perpétuel (trust) en l’administrant dans l’intérêt du plus grand nombre (community).

Comment fonctionnent les « community land trusts » ?

Le fonctionnement des community land trust, par exemple mis en place par exemple en région bruxelloise, s’appuie sur les mécanismes généraux suivants :

- Le community land trust, personne morale (coopérative, fondation, …) est une structure composée de pouvoirs publics, d’associations de riverains et de candidats acquéreurs. Il acquiert le foncier et en restera propriétaire.

- Le foncier ayant été juridiquement séparé du bâti, celui-ci est acheté par des particuliers aux revenus faibles ou modestes. Ces derniers obtiennent un droit d’usage de ce foncier et ont tous les droits liés à la propriété du bâti (droit de le transformer, droit de le vendre, etc.) avec pour contrainte d’habiter personnellement le bien.

- En cas de revente, seul le community land trust peut racheter le logement, en ne faisant bénéficier le vendeur que d’une partie de la plus-value qu’il serait en droit d’attendre au regard d’une évolution normale du marché immobilier. Concrètement, dans les projets de la région bruxelloise, le vendeur ne reçoit que 25 % de la plus-value.

- Le logement est de nouveau remis en vente quasiment au même prix, 5 % à 10 % de la plus–value étant toutefois conservée par le community land trust pour assurer ses frais de fonctionnement. Ce prix, largement inférieur à celui du marché, permet d’aider une nouvelle famille de condition socio-économique similaire à la première à devenir propriétaire.

A noter qu’il n’y a pas lieu de craindre que la mobilité du propriétaire initial qui a revendu son bien soit entravée : bénéficiant d’un capital qu’il a remboursé au fil des mois augmenté d’une plus-value, il peut acquérir un logement sur le marché immobilier classique (avec foncier) ou un logement mieux adapté à ses besoins dans un community land trust, comme le montre les études faites sur le fonctionnement de community land trusts dans le Vermont aux États-Unis.

Un tel dispositif permettrait la production de logements abordables, en location ou en accession à la propriété, tout en préservant leur accessibilité économique sur le très long terme, au fil des locations ou des reventes. L’apport d’une fiducie foncière logement par rapport à un nouveau type d’emphytéose logement repose sur l’implication possible pour le foncier d’autres investisseurs que les seules collectivités publiques. Ce type de fiducie foncière pourrait faire appel à des investisseurs privés par l’épargne solidaire ou l’épargne classique, partageant ainsi l’effort de la collectivité publique avec le privé pour le portage du foncier.

Ces dispositifs retireraient des possibilités de rétention, voire de spéculation, sur le foncier sans pour autant imposer la propriété publique des terrains telle qu’elle est pratiquée à Londres ou à Amsterdam.

5 – En conclusion, malgré d’inévitables résistances, une politique libérant l’offre permettra une baisse des prix sans effondrement.

Cette note a mis en évidence la hausse des prix immobiliers en France depuis les années 2000. Compte tenu des effets négatifs de l’inflation immobilière sur l’égalité entre les ménages et les générations, et sur la performance économique de l’économie française, il est souhaitable que ces prix baissent.

Il ne faut pas négliger les résistances auxquelles cet objectif se heurtera. Même si la maîtrise locale sur l’urbanisme sera globalement renforcée, certains élus locaux verront leur marge de manœuvre réduite. Les intérêts des rentiers fonciers seront également mis à mal. Surtout, les détenteurs de biens immobiliers, acquis à prix très élevés pour les acheteurs récents, devraient accepter une baisse de leur patrimoine. En cas de baisse de prix brutale, le risque peut exister que des acheteurs récents ayant acquis leurs logements à prix élevés en voient la valeur réduite, en deçà du montant de leur dette immobilière restante. Une telle évolution pourrait être déstabilisante, même si des baisses parisiennes de près de 30% au début des années 90 avaient pu être absorbées par la plupart des ménages propriétaires.

Une analyse des facteurs explicatifs de l’inflation immobilière a mis en évidence que la demande dynamique fait face à une offre rigide. Il s’agit de débloquer l’offre immobilière dans les zones les plus tendues. Il faut donc travailler à libérer l’offre immobilière en transférant l’ensemble des responsabilités en matière de politique urbaine au niveau de l’intercommunalité, en rendant obligatoire l’exécution du Plan Local d’Urbanisme et en donnant aux collectivités territoriales davantage d’incitations financières à promouvoir la construction. De nouveaux dispositifs juridiques permettraient de dissocier le foncier du bâti tout en permettant au propriétaire foncier de continuer à exercer un contrôle sur les prix du bâti.

Ces réformes débloquant le foncier et les rigidités d’urbanisme seraient utilement complétées par une forte production de logements sociaux ou de logements intermédiaires des investisseurs institutionnels. La place accrue de propriétaires bailleurs professionnels, encadrés par un statut juridique et/ou fiscal, rendrait les comportements d’achat plus rationnels, contribuant à des prix plus raisonnables.

Une telle politique de renforcement de l’offre réactiverait la production de logements, répondant ainsi aux besoins des Français et permettant une baisse des prix sans effondrement, précisément du fait d’une demande fondamentalement soutenue.

Sources

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  1. * Anne Crenn est un pseudonyme

  2. Source : Insee Enquête logement 2002 et 2006

  3. Bigot 2009

  4. Cusin 2012

  5. Bugeja et Accardo, 2009

  6. Cusin 2013

  7. INSEE, Le nouveau zonage en aires urbaines de 2010 – Poursuite de la périurbanisation et croissance des grandes aires urbaines, Octobre 2011

  8. Glaeser, Gotlieb et Gyourko

  9. Cusin Francois, 2013, Les prix immobiliers dans les metropolesfrancaises, Revue de l’OFCE, Debats et politiques, 128

  10. Driant 2010

  11. Cusin 2013 et Gobillon, Le Blanc 2005

  12. La loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) prévoit le transfert automatique du PLU aux intercommunalités en mars 2017. Mais ce transfert peut être reporté par une minorité de blocage rassemblant un quart des communes représentant au moins 20% de la population d’une communauté. Une clause de revoyure prévoit que le conseil communautaire et les communes délibèrent sur le transfert de compétence au niveau intercommunal à chaque fois qu’il est renouvelé. Un transfert volontaire entre chaque renouvellement reste également possible.

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