Aller au contenu de la page
Étude

Grand Paris et Aix-Marseille-Provence : pour des métropoles performantes et citoyennes

Le pôle Ville de Terra Nova soutient des métropoles ambitieuses pour Paris et Aix-Marseille. Cette fabrique de la métropole doit s’inscrire dans un processus collectif d’innovation et d’expérimentation qui couvre tous les domaines de la production urbaine à des échelles géographiques élargies. Cette étude explore de nombreux défis qui y sont associés.

Publié le 

Ce que le citoyen est en droit d’attendre des nouvelles métropoles

Parmi les trois premières villes de France, seule Lyon a acquis depuis le 1 er janvier 2015 le statut de Métropole. Les deux autres, Paris et Marseille, attendent 2016 : la loi Modernisation de l’Action Publique Territoriale et d’Affirmation des Métropoles (loi MAPTAM) prévoit au 1 er janvier prochain la création de deux nouvelles intercommunalités : le Grand Paris et Aix-Marseille-Provence (voir encadré 1).

L’enjeu de la construction métropolitaine a déjà été mis en exergue par Terra Nova dans son étude de septembre 2014 sur la nouvelle organisation territoriale [2] . Pour répondre à de multiples défis contemporains, il est devenu essentiel que les grandes villes et leurs périphéries s’appuient sur une architecture institutionnelle resserrée et efficiente d’un point de vue fonctionnel tout en étant large sur le plan territorial. Cependant, cela ne constitue pas une condition suffisante pour assurer leur dynamisme : le projet métropolitain doit aller au-delà de la réforme institutionnelle. Comme le suggèrent Christian Lefèvre, Nathalie Roseau et Tommaso Vitale, la fabrique de la métropole doit s’entendre «  comme un processus collectif qui, dans un contexte de plus en plus marqué par l’incertitude et la complexité, capte les mutations et saisi les opportunités, innove et expérimente, s’impose comme vecteur de configuration des échelles, des pouvoirs et des instruments de la production urbaine  » [3] . La métropole est ainsi un changement d’échelle rendu nécessaire par les dynamiques à l’œuvre au sein et autour des plus grandes villes : concentration démographique, ségrégation socio-spatiale, polarisation économique, diffusion des flux de communications, émergences de centralités périphériques, frottements entre ville et nature, hyperconsommation de ressources, d’énergie, de sols. L’élargissement du périmètre démultiplie le nombre d’acteurs qui y interviennent et engendre une complexité toujours plus grande qui révèle aussi les failles de la gouvernance métropolitaine. Face à la crise des pouvoirs et des territoires, l’échelle métropolitaine est certainement une réponse nécessaire aux enjeux de démocratie et d’efficacité des politiques urbaines, que ce soit en termes économique, social ou environnemental.

Les performances des deux futures métropoles Grand Paris et Aix-Marseille-Provence présentent sur certains plans des retards manifestes, comparées à celles des métropoles de Lyon, Toulouse, Nice, Bordeaux ou Nantes, ainsi que de plusieurs métropoles internationales. Il est donc urgent de cerner toute l’ampleur attendue dans cette réforme ambitieuse sur le plan territorial et de dépasser les conservatismes classiques de la politique française. Le pôle urbain parisien continue certes à voir sa contribution au PIB augmenter mais n’attire plus les habitants : tout comme pour l’ensemble de la Région Ile-de-France, le solde migratoire, c’est-à-dire la différence entre les arrivées et les départs sur le territoire, y est négatif. Quant au territoire d’Aix-Marseille, il est resté jusqu’à récemment attractif en termes résidentiel et en création d’emplois mais sa contribution au PIB national se détériore : il ne parvient pas à profiter de toutes les synergies que représentent ses atouts naturels et compétitifs. Les deux métropoles présentent par ailleurs des niveaux d’inégalités particulièrement importants : les inégalités de revenus sont élevées, les disparités entre territoires sont aussi très fortes [4] . Les aires urbaines d’Aix-Marseille et de Paris figurent ainsi parmi les trois métropoles les plus inégales de France lorsque l’on considère le rapport des revenus des 10 % les plus riches sur les 10 % les plus pauvres [5] . Ces inégalités se lisent à travers de nombreux indicateurs comme l’accès à l’emploi, le décrochage scolaire ou encore la disparité territoriale de l’offre de soins.

Les territoires de l’Ile-de-France et des Bouches-du-Rhône souffrent enfin d’un fractionnement de la décision qui nuit tant à l’activité économique qu’aux services publics et à leur lisibilité pour les citoyens.

La métropole doit se concevoir en priorité comme un projet au service des habitants. Or pour le moment, la communication et les débats autour de ce projet sont monopolisés par deux tendances. La première vante une technostructure permettant de simplifier les échelons du « millefeuille », cet assemblage de structures administratives, mais avec un calendrier de mise en œuvre qui maintient tous les niveaux existants pendant une longue période, voire en crée de nouveaux. La seconde tendance, portée en général par les maires des villes les plus riches, dénonce une captation des ressources locales, un éloignement des pouvoirs de décisions et une destruction du service public. La crainte manifestée ici est celle de voir disparaître une partie des ressources financières qu’ils disent gérer correctement.

L’objectif du projet métropolitain vis-à-vis du citoyen est double : d’une part, améliorer les services aux habitants et s’adapter à des modes de vie qui, n’en déplaise à certains élus communaux, sont rarement limités par les frontières communales. Le lieu de travail, le domicile, ou encore les différents endroits pour faire ses courses, effectuer des activités de loisirs, rendre visite régulièrement à un proche, ne peuvent épouser parfaitement les contours d’une carte administrative. D’autre part, le projet métropolitain a un objectif d’efficacité et d’économie pour les services publics qui sont mutualisés. Aujourd’hui, lorsqu’elle est mise en œuvre à la bonne échelle, l’intercommunalité fait la preuve de sa pertinence notamment dans les transports ou la gestion des déchets pour assurer des services adaptés au territoire et aux différentes formes de mobilité. L’accès de tous les habitants d’un territoire intercommunal à la même tarification pour de nombreux services (piscines, bibliothèques, conservatoires de musique, etc.) constitue une avancée concrète pour nombre de citoyens qui gagnent un accès élargi aux équipements publics ainsi qu’une amélioration et une diversification de l’offre. La mutualisation de services à une plus grande échelle permet également de parvenir à des tailles économiquement viables pour disposer d’une expertise plus élevée, à la hauteur des enjeux métropolitains. C’est le cas notamment pour la transition énergétique qui passera dans les territoires les plus densément peuplés par des réseaux de chauffage et de froid urbain renforcés et faisant appel aux meilleures technologies de production renouvelable.

Les métropoles ont aussi vocation à être les lieux privilégiés de l’innovation et de sa traduction en activités et en emplois compétitifs [6] . Elles sont devenues de fait au cours des dernières décennies, et partout dans le monde, des forces d’entraînement de l’économie et de la croissance. Les enjeux sont avant tout de réduire la fragmentation institutionnelle pour décloisonner de nombreuses politiques sectorielles de libérer la dynamique économique potentielle de ces ensembles.

Pour Aix-Marseille-Provence, l’OCDE cite ainsi le développement portuaire et logistique, la filière aéronautique (Airbus Helicopters notamment) ou encore le tourisme et la culture comme des secteurs à fort potentiel mais fragilisés par une gouvernance illisible et inefficiente. L’échelle métropolitaine apparaît ainsi pour l’OCDE comme le périmètre le plus pertinent pour conduire une stratégie intégrée de développement économique.

En Ile-de-France, la question est aussi de réagir au bouleversement récent du tissu économique. Comme l’a souligné Frédéric Gilli [7] , la région reste dominée par les grands groupes qui y concentrent leurs fonctions stratégiques, mais l’intégration internationale et la recomposition des chaînes d’approvisionnement à l’échelle planétaire ont conduit depuis les années 2000 à rompre les relations privilégiées de ces groupes avec leurs sous-traitants de proximité. Les Petites et Moyennes Entreprises (PME) et Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI) franciliennes doivent se réorganiser pour conquérir directement des clients et des marchés internationaux. Or les acteurs de taille moyenne restent en large partie invisibles en Ile-de-France et leurs liens avec leurs territoires, avec les habitants comme avec les décideurs politiques, restent insuffisants pour participer effectivement au développement territorial.

La construction métropolitaine est par ailleurs un levier majeur pour la réussite de la transition écologique. La lutte contre le changement climatique doit ainsi s’appuyer sur des villes qui maîtrisent leur développement urbain. Comme le recommandent les auteurs du « New Climate Report » [8] , les villes doivent poursuivre trois objectifs majeurs pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Elles doivent être compactes, en favorisant le développement de quartiers plus denses, mixtes socialement mais aussi en termes d’activités, avec un environnement urbain à échelle humaine, c’est-à-dire qui permet de circuler à pied. Elles doivent disposer d’infrastructures connectées, en particulier par des systèmes de transports multimodaux (incluant des transports en site propre, tramway et bus à haut niveau de service, des voies rapides pour vélo, des systèmes d’auto/vélo-partage, des infrastructures pour les véhicules électriques) et également des services publics urbains plus efficients et plus intelligents pour la production d’énergie, la gestion de l’eau et des déchets ou encore pour l’éclairage public. Enfin, leur gouvernance doit être mieux coordonnée : il faut des institutions efficaces et redevables vis-à-vis du citoyen pour réussir une planification qui associe secteur public et privé mais aussi la société civile.

Les communes de Paris ou de Marseille ne peuvent seules répondre à ces enjeux pour réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre associées à leur territoire et à leur développement périphérique. Une gouvernance métropolitaine doit assurer une densification du tissu urbain actuel, en y incluant le territoire périurbain, à travers des projets d’aménagements qui répondent au mieux aux aspirations des habitants présents et à venir. Des métropoles élargies aux espaces naturels et agricoles autour ou à l’intérieur des aires urbaines peuvent par ailleurs contribuer à stopper l’artificialisation des sols et en même temps le mécanisme de paraurbanisation, c’est-à-dire l’urbanisation de territoires d’abord ruraux [9] . Cela permettra d’éviter les effets de concurrence territoriale aux franges notamment, parfaitement néfastes aux espaces agricoles et naturels. Avec un appui fort de l’Etat, il faut des institutions plus fortes pour bloquer l’ouverture à l’urbanisation de terrains naturels. Dans le même temps, l’enjeu est de mobiliser du foncier au cœur des pôles urbains, d’accélérer le renouvellement des friches urbaines, et de mettre ainsi un accent très fort sur leur recyclage urbain pour encourager une économie d’espace.

L’enjeu général de la métropole pour la transition écologique est de renforcer la productivité de l’ensemble de ses ressources : il faut lutter contre tous les gaspillages (eau, énergie, sols, matières…) et générer des bénéfices économiques et sociaux grâce à une organisation urbaine plus efficace et un environnement plus sain.

Les travaux législatifs engagés depuis 2013 pour renforcer les métropoles ont permis de progresser dans la voie d’une gouvernance plus intégrée. Ils ont relancé une dynamique très forte pour faire avancer un processus par nature très lent : la métropole de Lyon est le fruit d’un processus entamé dans les années 1960 ! Les métropoles du Grand Paris et d’Aix-Marseille-Provence qui seront créées au 1 er janvier 2016 ne constituent certainement qu’une étape dans un projet plus ambitieux sur le long terme. Il est d’ailleurs à noter que les choix institutionnels s’affranchissent d’une vision unitaire de la République pour dessiner des métropoles « sur mesure » [10] . Ainsi, alors que le territoire de la métropole du Grand Paris apparaît très réduit et sera certainement amené à évoluer, celui de la métropole d’Aix-Marseille-Provence est déjà très étendu et doit plutôt faire face aux enjeux d’appropriation et de formalisation d’une vision métropolitaine au sein d’un territoire qui a peut-être moins conscience d’appartenir à un ensemble métropolitain tel que cela peut être le cas en Ile-de-France [11] .

Il nous paraît donc nécessaire d’affirmer la nécessité de développer un projet métropolitain ambitieux et désirable qui puisse répondre au mieux aux attentes citoyennes et joue son rôle en faveur du dynamisme économique et de la transition écologique.

Encadré 1 : Les acquis des textes législatifs actuels pour les métropoles du Grand Paris et d’Aix-Marseille-Provence, et les points en suspens dans le projet de loi NOTR

La loi relative à la « Modernisation de l’Action Publique Territoriale et d’Affirmation des Métropoles » (MAPTAM) adoptée le 27 janvier 2014 constitue le texte fondateur des nouvelles métropoles. Elle a ainsi créé 10 Métropoles de droit commun aux compétences renforcées et 3 métropoles à statut particulier : Lyon – effective depuis le 1 er Janvier 2015 -, Grand Paris (MGP) et Aix-Marseille-Provence (AMP), toutes deux au 1 er janvier 2016. Alors que la métropole de Lyon est définie une collectivité territoriale disposant de la clause de compétence générale et aussi des compétences départementales, la MGP et AMP seront des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), disposant seulement des compétences qui leur seront confiées par la loi.

Le périmètre de la MGP est défini dans cette loi : il contiendra a minima la commune de Paris et les communes de la petite couronne, mais aussi certaines communes de grande couronne frontalières qui en ont fait le choix avant fin 2014. Le périmètre de l’AMP est, lui, figé : il regroupe les communes des intercommunalités Marseille Provence Métropole, Pays d’Aix-en-Provence, Salon Etang de Berre Durance, Pays d’Aubagne et de l’Etoile, Ouest Provence et Pays de Martigues.

Pour ces deux métropoles, la loi MAPTAM prévoit un découpage en « territoires » (notion inexistante pour les autres métropoles) avec un conseil de territoire composé des délégués des communes incluses dans leur périmètre. Pour la MGP, les territoires devront être « d’un seul tenant et sans enclave d’au moins 300 000 habitants chacun, ». Sans personnalité juridique dans la loi MAPTAM, ces territoires auront un rôle essentiellement consultatif. Ils auront aussi un rôle opérationnel limité à la politique de la ville et aux compétences que leur déléguera le conseil métropolitain. Cette disposition est remplacée dans le projet de loi NOTRe (cf ci-dessous) pour la MGP mais maintenue pour AMP. La loi MAPTAM a également défini les compétences des nouvelles métropoles (aménagement, développement économique, social et culturel, logement, politique de la ville, environnement et cadre de vie) ainsi que leur gouvernance : conseil métropolitain (340 élus pour la MGP, 240 pour AMP), assemblée des maires, conseil de développement.

La loi MAPTAM met par ailleurs en place la Conférence territoriale de l’Action publique qui devra associer Conseils régionaux et représentants de l’ensemble des exécutifs locaux pour « favoriser un exercice concerté des compétences des collectivités territoriales, de leurs groupements et de leurs établissements publics ». En outre, la loi a confié aux Régions la gestion directe des fonds de la politique européenne de cohésion.

L’apport de la loi « Collectivités territoriales : amélioration du régime de la commune nouvelle » adoptée le 4 mars 2015 mérite également d’être souligné. De l’avis de nombreux élus, elle pourrait enclencher un mouvement de regroupement de communes, y compris à l’intérieur des métropoles, à la fois pour contrer les baisses de la dotation globale de fonctionnement (DGF), mais aussi pour donner plus de poids politique à la commune-nouvelle à l’intérieur des intercommunalités.

Le projet de loi NOTRe qui a été déposé par le Gouvernement fin 2014 approfondit le processus de décentralisation dans de nombreuses directions. Il intervient après une résolution du Conseil des élus du Grand Paris qui a formulé en octobre 2014 plusieurs propositions pour amender les dispositions de la loi MAPTAM sur la MGP. Le texte adopté en première lecture par l’Assemblée nationale prévoit des évolutions profondes pour la MGP. Il a ainsi été choisi de donner une personnalité juridique aux territoires sous forme d’établissement publics territoriaux (EPT). Il est aussi prévu que les EPT disposent de ressources fiscales dès 2016, mais les EPT disparaîtraient en 2020 au bénéfice de la MGP. Le texte prévoit de nombreuses évolutions dans les compétences de la métropole pour redonner des compétences aux EPT. Ceux-ci auront quatre compétences obligatoires (politique de la ville, équipements culturels et sportifs, plan local d’urbanisme, action sociale) et des compétences hors intérêt métropolitain (aménagement, habitat et développement économique). L’architecture financière et fiscale fait également l’objet de débats importants mais complexes. La fiscalité des entreprises devrait être collectée par la MGP qui assurera ensuite des compensations entre les territoires. Néanmoins, les EPT bénéficieraient jusqu’en 2021 du produit de la cotisation foncière des entreprises (CFE). Une commission locale d’évaluation des charges territoriales (CLECT) aura pour mission de déterminer le besoin de financement des compétences de chaque EPT, ce qui servira de clé de répartition pour le fonds de compensation des charges territoriales (FCCT). D’autre part, la MGP pourra instituer une dotation de soutien à l’investissement territorial (DSIT) qui contribuera à la solidarité pour le financement d’infrastructures. Le projet de loi prévoit par ailleurs un élargissement possible aux communes des intercommunalités comprenant des infrastructures aéroportuaires.

Pour les autres collectivités, le projet de loi prévoit le renforcement des régions en matière de développement économique, l’attribution d’un pouvoir réglementaire aux régions dans certaines conditions, la suppression de la clause de compétence générale et le transfert de compétence des transports non urbains et scolaires des départements vers les régions. Le transfert de compétences départementales serait rendu possible par convention ou par délégation. Le projet de loi prévoit par ailleurs, hors Ile-de-France, un relèvement du seuil minimal de constitution des EPCI (20000 habitants) qui touchera la très grande couronne francilienne. De nouvelles compétences seront aussi transférées aux intercommunalités. Enfin, le projet de loi NOTRe prévoit l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires et du Président à l’horizon 2020 – sans en préciser les modalités – mais le renvoie, à l’instar de ce qui est déjà prévu pour les métropoles dans le texte MAPTAM, à une loi qui devra être promulguée d’ici 2017.

Nos propositions pour une gouvernance des métropoles plus efficace

Les deux métropoles devront voir leur périmètre élargi pour gagner en compétences et en légitimité démocratique.

Le projet de Métropole du Grand Paris devra demain se déployer à l’échelle de la Région Ile-de-France. Quant au projet de Métropole Aix-Marseille-Provence, il devra s’étendre au plus tôt à l’échelle des Bouches-du-Rhône et poursuivre la prise en compte des communes du Var et du Vaucluse qui participent à la dynamique métropolitaine.

Trois raisons principales justifient ces recommandations :

La première justification de la création d’une métropole est de réduire la fragmentation institutionnelle. L’inscription des métropoles dans des collectivités existantes est la meilleure solution pour répondre à cet objectif.

Les périmètres actuels, et en particulier celui de la MGP, ne couvrent pas une partie importante des pôles économiques, logistiques et universitaires. Il est pourtant nécessaire d’avoir compétence sur ces pôles pour que la métropole contribue pleinement à soutenir le dynamisme économique du territoire.

L’élargissement du périmètre de la métropole au-delà des frontières du pôle urbain est pertinent pour mener des politiques de lutte contre l’artificialisation des espaces agricoles et naturels. Avec un périmètre plus large, les métropoles peuvent à la fois mener des politiques volontaristes en faveur de la densification des pôles urbains et dans le même temps freiner l’étalement urbain et préserver les espaces naturels et agricoles.

Cette proposition n’est pas sans rappeler le modèle allemand qui compte 3 Villes-Etats ( Stadstaaten ), Berlin, Hambourg et Brême, qui cumulent toutes les compétences territoriales de la ville au Land, et 107 Villes-arrondissements ( kreisfreie Städte ) qui cumulent les compétences de ville et d’arrondissement (celles-ci se rapprochent des compétences de nos départements).

Toutefois, le périmètre métropolitain ne pourra jamais être idéal au regard des nombreux enjeux du processus métropolitain. La capacité à répondre aux évolutions à venir suppose à la fois une certaine souplesse et une progressivité dans la construction institutionnelle.

La gouvernance des deux métropoles doit s’articuler avec leurs aires d’influence respectives pour favoriser les synergies.

La réforme de l’organisation territoriale de l’Etat fondée sur des grandes régions et des métropoles affirmées a pour objectif de favoriser les synergies entre les métropoles et les régions. Celles-ci doivent pouvoir bénéficier des ressources générées par les métropoles pour financer des politiques publiques au service de l’ensemble du territoire régional.

Ainsi, la métropole provençale a vocation à être le premier moteur du développement de la région PACA, et même de l’ensemble de l’arc méditerranéen français. Il faudra pour cela articuler au mieux leurs compétences respectives, que ce soit pour le développement économique (la région ayant notamment compétence sur les aides aux entreprises, la formation technique et professionnelle, le développement des ports et des aérodromes) ou pour les transports interurbains. La Région est aussi chef de file pour de nombreuses politiques qui concourent au développement durable du territoire et doit organiser ces politiques en lien avec la métropole. Ce sera un enjeu fort pour la conférence territoriale de l’action publique que présidera la région PACA.

Compte-tenu de l’histoire française et de ses infrastructures, l’aire d’influence de l’Ile-de-France couvre l’ensemble du territoire français. La Région métropole francilienne ne pourra se construire que dans une perspective de développement concerté avec le reste du pays. Les pouvoirs publics nationaux et les pouvoirs publics régionaux doivent travailler impérativement en bonne intelligence : il ne s’agit pas de mettre la région-métropole sous tutelle du préfet de région, mais de faire bénéficier l’ensemble du territoire français du développement de l’Ile-de-France, et réciproquement. Ainsi le Préfet de l’Ile-de-France pourra avoir pour mission première de s’assurer que les ressources de la région métropole bénéficient au reste du pays. Il devra ainsi veiller à un aménagement équilibré de la métropole avec les territoires de l’aire urbaine parisienne situés en dehors de l’Ile-de-France [12] et plus largement avec l’ensemble du bassin parisien. Il pourra aussi soutenir des coopérations dans tous les domaines entre les acteurs de la région métropolitaine et le reste du territoire français.

Le millefeuille territorial doit être allégé à l’intérieur des deux métropoles tout en maintenant des élus de proximité.

Le processus de regroupement des communes connaît une accélération très récente : d’un côté la carte des intercommunalités a été largement complétée sous l’impulsion des préfets, de l’autre, la commune nouvelle, c’est-à-dire issue de la fusion de communes, apparaît comme une solution aux difficultés rencontrées par de nombreuses communes trop petites pour faire face aux difficultés financières qu’elles rencontrent. L’élargissement des intercommunalités rend aussi pertinent pour certains élus une fusion de manière à ne pas se retrouver dans des intercommunalités trop larges. Un tel mouvement est aussi souhaitable à l’intérieur même des futures métropoles. Cependant l’interdiction prévue par la loi de superposer deux statuts d’Etablissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI) à fiscalité propre interdit qu’une métropole soit composée d’intercommunalités à un niveau infra territorial. Mais alors que la loi MAPTAM avait prévu de dissoudre les EPCI dans les métropoles d’Aix-Marseille-Provence et du Grand Paris, la loi NOTRe les a ressuscités pour la petite couronne parisienne sous forme d’établissements publics territoriaux. La perspective d’un élargissement au département des Bouches-du-Rhône d’un côté et à la région Ile-de-France de l’autre pourrait changer la donne. Réduire le millefeuille territorial sans faire disparaître le rôle indispensable de l’élu de proximité pourrait donc conduire à couvrir l’ensemble des territoires des deux métropoles de collectivités qui s’inspirent du modèle des communes de Paris et de Marseille, c’est-à-dire sur des territoires vastes (105 km² pour Paris et 250 km² pour Marseille), mais avec des élus d’arrondissement disposant de compétences de proximité mais limitées.

L’avenir des départements est un débat avant tout pour la Région Ile-de-France. Certaines compétences départementales peuvent être logiquement remontées au niveau régional, d’autres doivent rester des politiques de proximité (soit la commune, soit l’EPT). Une volonté plus forte pour atteindre un regroupement de communes ambitieux avec une légitimité démocratique nouvelle peut être la condition pour transférer ces dernières compétences au niveau local. Pour la métropole Aix-Marseille-Provence, un élargissement au département [13] est évidemment la solution la plus simple pour confier à la nouvelle métropole toutes les compétences départementales, comme cela a été fait à l’échelle du Grand Lyon.

Engager le processus institutionnel en laissant la porte ouverte à des collectivités métropolitaines ambitieuses

En deuxième lecture du projet de loi NOTRe, les parlementaires désireux de voir se concrétiser des véritables projets métropolitains à la hauteur de ces deux territoires devront s’attacher à ce que les dispositions législatives maintiennent la possibilité d’une réforme institutionnelle plus ambitieuse, voire facilitent sa mise en œuvre. Il faut ainsi penser la distribution des compétences au regard d’une ambition future pour éviter d’éventuels « aller-retour » qui nuiraient à la continuité du service public. Les recommandations qui suivent ciblent quatre grands enjeux institutionnels pour les deux métropoles : la gouvernance du conseil métropolitain, les compétences d’aménagement, le transport et la fiscalité.

Conseil métropolitain : limiter le nombre de conseillers.

Les deux métropoles devront s’appuyer sur une forte légitimité démocratique avec des élus au suffrage universel direct et un leadership politique à l’échelle métropolitaine avec le recours à un mode de scrutin qui permette de dégager des majorités claires tout en s’assurant de la représentation de l’ensemble des territoires de la métropole. Dans cette perspective, le mode de scrutin des élections régionales pourrait être un bon modèle. En effet, les comités pléthoriques prévus par la loi MAPTAM risquent d’entraver le bon fonctionnement des métropoles : le nombre de conseillers métropolitains serait d’environ 330 pour le Grand Paris et 240 pour Aix-Marseille-Provence [14] . L’inscription dans deux collectivités existantes éviterait de démultiplier le nombre d’élus sur ces territoires. A défaut, une limitation à 200 conseillers métropolitains pour la MGP et une centaine pour AMP est souhaitable pour répondre aux attentes d’une plus grande lisibilité, d’un meilleur fonctionnement démocratique et aussi d’une certaine rationalité financière.

Planification et aménagement : maintenir des compétences fortes au niveau de la métropole.

A plusieurs reprises, Terra Nova a recommandé pour tous les EPCI la remontée des Plans locaux d’urbanisme (PLU) et du Permis de Construire (PC) à l’échelon intercommunal. La mise en œuvre d’un PLU ambitieux est indispensable pour accélérer l’effort de construction en priorité autour des pôles de transports collectifs. Il doit permettre aussi d’assurer une meilleure mixité fonctionnelle et de distribuer l’activité économique sur l’ensemble du territoire métropolitain. Dans la perspective de métropoles étendues, le PLU doit aussi être un outil majeur pour réduire la consommation des terres agricoles et naturelles tout en répondant aux besoins de l’accroissement urbain : il doit donner la priorité à la reconversion des friches, à la rénovation et la densification des zones construites tout en constituant des ceintures vertes, espaces naturels de loisirs et terrains agricoles dédiés à l’approvisionnement local [15] .

La loi MAPTAM a d’ores et déjà remonté le PLU au niveau métropolitain pour la métropole Aix-Marseille-Provence. Néanmoins, un pouvoir de véto des maires a été institué dans la loi NOTRe qui ne pourra être contré qu’en cas de majorité aux deux-tiers du conseil métropolitain. Un tel pouvoir doit être aboli dans le temps pour s’assurer qu’il ne paralyse pas la mise en œuvre du PLU. La pratique de la planification est encore récente (près de la moitié des communes des Bouches-du-Rhône n’ont pas encore élaboré de PLU) mais la loi SRU de 2000 commence à porter ses fruits et l’ensemble du département est couvert par six Schémas de cohérence territoriale (SCoT) dont trois sont d’ores et déjà approuvés [16] . Cette dynamique a été facilitée par l’animation de la Préfecture qui a lancé une démarche interSCOT en 2010 favorisant la recherche de cohérences entre les différents schémas. La mission interministérielle pour la métropole AMP prolonge cette démarche, dans une approche plus participative et en vue de l’élaboration d’un SCoT métropolitain d’ici fin 2016 prévu dans le projet de loi NOTRe.

Pour la MGP, la discussion de la loi NOTRe a conduit à redonner aux EPT le PLU. Par contre, la compétence du PC reste entre les mains de communes. Un Schéma de Cohérence territorial (SCOT) métropolitain pourra cependant encadrer les PLU territoriaux. Le projet de loi NOTRe prévoit également que ce SCoT soit élaboré avant le 31 décembre 2016 et soit compatible avec le SDRIF adopté en 2013.

Si les métropoles sont élargies au département des Bouches-du-Rhône et/ou à la région Ile-de-France, ces compétences de planification doivent leur être confiées : le département métropole et la région métropolitaine seraient alors en charge de définir les politiques d’urbanisme, d’aménagement et de logement pour l’ensemble des communes dans la perspective d’un développement ambitieux et raisonné. Dès maintenant, il doit être envisagé de renforcer les compétences de planification à l’échelle des Bouches-du-Rhône d’un côté, et à l’échelle de l’Ile-de-France d’autre part . L’interSCOT des Bouches-du-Rhône et le SDRIF pourront être renforcés, en incluant des objectifs précis de construction de logement (reprenant par exemple pour le Grand Paris les objectifs qui ont été définis dans les contrats de territoires) ou encore des mesures qui mettent un coût d’arrêt à l’artificialisation des sols. Le département des Bouches-du-Rhône comme la région d’Ile-de-France pourront avoir la responsabilité de veiller à ce que les documents d’urbanisme élaborés sur leurs territoires soient conformes à ces documents.

Politiques de transport et de mobilité : rationaliser et assurer les financements nécessaires.

Les infrastructures de transports constituent les principaux défis des deux métropoles. L’unité de la métropole autant que son efficacité économique dépendent étroitement de sa capacité à garantir les mobilités de sa population sur l’ensemble de son périmètre.

En Ile-de-France, un réseau de transport public ferré a structuré l’aménagement régional, d’abord autour d’un réseau reliant le centre à la périphérie, puis de plus en plus au sein des banlieues notamment par le développement de tramways [17] . Le « Nouveau Grand Paris » adopté en 2013 dans la continuité du « Grand Paris » de 2008 est un programme ambitieux de transport pour l’Ile-de-France qui vise à la fois la modernisation du réseau existant sous la responsabilité du STIF (syndicat des transports de l’Ile-de-France), donc de la Région, mais aussi des ambitions de développement du réseau dont la maîtrise d’ouvrage est partagée entre le STIF et la Société du Grand Paris créée en 2010. Celle-ci s’occupe de la construction du Grand Paris Express dont plusieurs lignes déborderont du territoire prévu de la MGP. La mise en place d’une Région Métropole serait l’occasion de remettre de l’ordre dans le paysage. Par ailleurs, le transfert aux EPT des compétences sur la voirie et les plans de déplacement urbains était envisagé dans le projet de loi initial, puis a été supprimé par les sénateurs, suppression sur laquelle ne sont pas revenus les députés. En l’état actuel, les voiries locales, ainsi que la gestion de la circulation et du stationnement restent de la compétence des communes, posant de grandes difficultés pour aménager les nombreuses interfaces entre elles et avec la voirie départementale. Comme pour toutes les autres métropoles, il apparaît nécessaire de confier l’ensemble des compétences de mobilité et de voirie à une seule et unique autorité organisatrice de la mobilité, c’est-à-dire au STIF,, avec possibilité d’un transfert des compétences départementales par convention ou automatiquement à partir de 2017.

Dans les Bouches-du-Rhône, le réseau de transports en commun est encore minimaliste. Le développement des transports est notamment freiné par l’existence de huit autorités organisatrices distinctes qui opèrent sur le territoire. Une rationalisation est nécessaire pour pouvoir mener des politiques coordonnées. Une seule autorité organisatrice de la mobilité à l’échelle des Bouches-du-Rhône devra disposer elle-aussi de l’ensemble des compétences de mobilité et de voire. Le livre blanc élaboré par la mission interministérielle pour le projet métropolitain constitue une première pierre pour un programme d’investissement ambitieux d’infrastructures de transports collectifs. Des financements resteront indispensables pour en accélérer la réalisation et le livre blanc propose une stratégie financière pour y arriver.

Une meilleure gouvernance de l’organisation des transports dans les deux métropoles doit aussi conduire à construire de véritables stratégies logistiques territoriales [18] . Le Grand Paris est au cœur du plus important pôle logistique européen en concentrant les opérateurs nationaux et mondiaux et disposant d’un parc logistique multimodal et moderne. Quant à Aix-Marseille, la métropole se situe à l’extrémité du couloir rhodanien, le second territoire logistique national, dont la performance dépend beaucoup de l’efficacité des opérateurs portuaires des Bouches-du-Rhône. L’élaboration d’un schéma de cohérence logistique en s’inspirant de celui élaboré par la région urbaine de Lyon, pourra chercher à mobiliser tous les leviers d’une logistique performante en favorisant à la fois une plus grande collaboration et mutualisation (notamment en développant les conseils logistiques aux PME ou en organisant des rencontres entre donneurs d’ordre et prestataires logistiques), en assurant un aménagement logistique mieux intégré sur le territoire (modernisation/mutation des espaces logistiques, gestion du trafic et du stationnement, etc.) ou encore en soutenant des actions de formation, de recherche et d’innovation sur l’ensemble de la filière logistique.

Finances et fiscalité : accélérer la péréquation.

La loi MAPTAM et le projet de loi NOTRe prévoient pour les deux métropoles une harmonisation progressive de la fiscalité.

Pour AMP, les ressources proviendront de la part intercommunale de la fiscalité des ménages et de la fiscalité des entreprises. L’harmonisation des taux sur le territoire métropolitain est prévue sur une période de 12 ans, délai qui pourrait être réduit à 6 ans. Un enjeu majeur pour la métropole est de financer un programme d’investissement ambitieux pour les transports publics. Le livre blanc des transports publié en décembre 2014 propose deux scénarios d’investissement tous deux évalués à sept Milliards d’euros sur 15 ans, dont 2,4 Milliards d’euros devraient provenir de recettes budgétaires nouvelles. Le livre blanc propose d’y affecter des ressources issues de contributions des entreprises, d’une taxe de séjour et des amendes de stationnement. Ces propositions doivent être concrétisées rapidement.

Pour la MGP, les ressources proviendront uniquement de la fiscalité des entreprises, et une partie restera directement perçue par les territoires jusqu’en 2020. Un pacte financier et fiscal sera voté à la création de la MGP et révisable chaque année pour définir des critères de péréquation entre les trois niveaux de collectivités. Il est indispensable que le pacte financier et fiscal réalise une véritable péréquation en évitant à tout prix que la métropole ne devienne qu’une simple caisse de réversion. Un fonds de soutien à l’investissement permettra également de favoriser la réduction des inégalités en finançant les projets d’aménagement et d’équipement des territoires. Il risque cependant de souffrir de dotation insuffisante. La Ville de Paris devrait lui octroyer la dotation due par l’Etat de 70 Millions d’euros. Le montant du fonds d’investissement métropolitain devra être renforcé en mobilisant également les dotations des autres communes proportionnelles à la ressource fiscale par habitant.

Enfin, il faut une perspective claire à quelques années pour la répartition de la fiscalité. Ces dernières années, le budget des intercommunalités de projets atteignaient plus de 50 % des budgets de leurs communes réunies. On peut donc par exemple viser une trajectoire menant à 50 % de budget pour la métropole, 25 % pour les territoires et 25 % pour les communes avec les transferts de compétences adaptés. Pour garantir une plus grande transparence démocratique, la commission locale pour l’évaluation des charges territoriales prévue dans la loi NOTRe pour la MGP pourra être modifiée pour prévoir une plus grande transparence et une ouverture des débats aux citoyens : un tel conseil pourrait être également mis en place pour Aix-Marseille-Provence

Au-delà de l’architecture institutionnelle, accélérer le projet métropolitain

Malgré ses défauts, la loi MAPTAM a lancé une dynamique encourageante pour la construction des projets métropolitains.

A Aix-Marseille-Provence, les avancées portées par la Mission interministérielle doivent être mises en exergue [19] . De nombreux chantiers ambitieux ont été lancés et des concertations multiples sont en cours. Pour le Grand Paris, beaucoup avait déjà été fait par le passé, notamment à l’échelle de Paris et de sa première périphérie dans le cadre de Paris Métropole, mais aussi à l’échelle francilienne sous l’impulsion du Conseil Régional à travers le SDRIF et avec une forte implication de l’Etat pour le « Nouveau Grand Paris » dans le domaine des transports.

La mise en œuvre des métropoles au 1er janvier 2016 ne doit pas stopper la dynamique. Il faut la poursuivre en y associant l’ensemble des acteurs, notamment tous les élus des collectivités concernées ainsi que les membres de la société civile à travers les conseils de développement ou conseils de partenaires qui ont été mis en place (cf. encadré 2). Il est nécessaire aussi que la construction du projet métropolitain associe de manière encore plus forte le département des Bouches-du-Rhône d’un côté, et la région Ile-de-France de l’autre.

Encadré 2 : Le rôle des conseils de développement dans le projet métropolitain.

Exemples de Lyon, Londres et New York

La Loi Voynet du 25 juin 1999 prévoit la constitution dans les intercommunalités de Conseils de Développement. Ce dispositif, dont l’organisation est libre, associe la société civile à la constitution du projet métropolitain et permet la création d’une vision commune du territoire et de son bien commun. Ainsi le Conseil de développement lyonnais associe depuis 2001 les acteurs locaux à l’élaboration de la stratégie d’agglomération [20] . Il est constitué de six collèges, réunissant organismes publics, acteurs économiques, organisations syndicales, conseils de quartiers, associations et habitants volontaires. A travers des séances plénières mensuelles, des groupes de travail thématiques en présence d’experts et des forums d’ouverture, il a un rôle actif dans l’évaluation des politiques publiques du territoire, et participe à l’organisation d’un débat public ouvert sur les projets de l’agglomération. Les élus organisent régulièrement des séances de retour sur les contributions, afin d’illustrer leur prise en compte dans les décisions du Conseil Communautaire. La conservation de la dynamique du Conseil de développement et son rôle dans la démocratie locale impliquent en effet un engagement des élus sur le portage politique de ses avis et propositions. La charte de la participation citoyenne constituée au Grand Lyon en 2009 illustre également l’intérêt d’associer la société civile à la réflexion sur certains projets d’aménagement structurants à l’échelle des territoires. Si les entreprises lyonnaises sont particulièrement investies dans la co-production des politiques publiques, la régulation politique reste cependant forte et très encadrante. Ainsi le Grand Lyon garde un véritable contrôle sur la plupart des politiques menées par ses partenaires économiques [21] .

A Londres, de nombreuses structures de partenariat public-privé participent à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques publiques [22] . Le London Plan a ainsi fait l’objet d’une concertation étroite avec les milieux économiques dès les premières étapes. L’Agence de développement de Londres (LDA et plus récemment LEP, London Enterprise Panel) est particulièrement associée à la définition de la stratégie économique de la métropole [23] . C’est une structure de partenariat public-privé dont la majorité du Conseil d’administration provient du monde économique. Elle conçoit les stratégies économiques du Grand Londres et finance une grande partie des projets de développement. Comme le montre Christian Lefevre, ce système favorise l’implication des entreprises dans le développement économique de la Métropole et la mise en œuvre de ses stratégies (pour la création du péage urbain notamment). Les politiques publiques associent aussi le secteur privé à travers l’organisation d’appels à projets, destinés à des structures partenariales public-privé qui assurent la conception et la réalisation des projets subventionnés. La Greater London Authority permet également à ses partenaires privés d’assurer le financement de certains équipements. Néanmoins, ce modèle connaît aussi des dérives : le primat donné aux acteurs économiques se fait au détriment des collectivités locales dans la gestion de l’aménagement, avec comme conséquence une sélectivité accrue du marché immobilier et une ségrégation spatiale renforcée.

La Regional Planning Association (RPA) est également un outil puissant et reconnu dans la dynamique stratégique (développement économique – aménagement – transports – logement – environnement – énergie) de la région métropolitaine de New York [24] . Cette institution fondée en 1922 rappelle la force très active du débat citoyen aux Etats-Unis et permet notamment de rassembler dans une dynamique productive plusieurs responsables économiques de grandes entreprises de Manhattan ou de la Région qui s’étend sur trois Etats, des responsables d’autorités publiques, des chercheurs et des autorités académiques, des responsables syndicaux et des associations environnementales. Ses prises de positions impertinentes parfois ont souvent conduit des idées d’investissements ou de gouvernance qui ont ensuite prouvé leurs effets. Son assemblée générale annuelle est chaque année l’occasion de réunir largement autour de sujets contribuant à résoudre des challenges difficiles, et conduit ainsi les membres à s’interroger sur les moyens que New York doit mobiliser pour rattraper ses pairs mondiaux. En 1996, le RPA avait produit un rapport brutal : « A Region at Risk ? » qui avait déclenché plusieurs grandes décisions publiques sur l’avenir de New-York. Cette expérience gagnerait à être plus examinée en France pour secouer le débat sur le Grand Paris et permettre de faire valoir les préoccupations de citoyens par rapport aux débats politiciens qui anime le traitement de ces sujets majeurs.

Projet social, culturel et citoyen : donner aux métropoles des ambitions sociales et culturelles qui s’appuient sur les nombreux atouts de leurs territoires.

L’implication de la société civile dans les instances de gouvernance des métropoles doit être l’occasion d’un renforcement de l’adhésion citoyenne à la politique. Le projet métropolitain doit répondre à plusieurs enjeux, en particulier pour construire des métropoles inclusives [25] et hautement citoyennes [26] . Elle doit agir pour réduire les inégalités territoriales en ciblant en priorité le logement, l’éducation et la santé.

Le premier enjeu social est d’accélérer la construction de logements abordables et qui répondent aux aspirations des habitants. La métropole doit être à même de lancer des projets d’aménagement urbain ambitieux autour des futures gares de transport ou sur d’anciennes friches urbaines de manière à concevoir des constructions qui assurent une mixité sociale et surtout fonctionnelle. Elle peut aussi appuyer le développement d’une offre de logement participative en accession, et engager un programme de soutien à l’autopromotion immobilière en propriété collective du bâti [27] .

La métropole a un rôle important à jouer pour dynamiser la réflexion urbanistique. La mise en réseau des agences d’urbanisme à une échelle élargie en constitue un levier. La métropole doit aussi favoriser de manière proactive des concours d’urbanisme sur tous les territoires où un gisement foncier est mobilisable, quelle que soit leur échelle. Ces concours doivent être mis au service d’une concertation qui associe les propriétaires fonciers et immobiliers, les collectivités, les habitants et les futurs habitants et également les entreprises déjà installées ou qu’il s’agit d’attirer dans ces nouveaux quartiers.

Cette démarche est aujourd’hui portée pour l’Ile-de-France par l’Atelier international du Grand Paris créé en 2010 pour poursuivre la consultation lancée par le Ministère de la Culture en 2008. L’élargissement de l’initiative de la Ville de Paris pour des projets urbains innovants (« Réinventer Paris ») à l’ensemble du pôle urbain francilien pourrait être soutenu dans ce cadre à condition toutefois d’y prévoir le financement des équipes y concourant. La Mission d’Aix Marseille Provence a également lancé un important travail avec trois équipes pluridisciplinaires de niveau international, pour dessiner la ou les visions territoriales de la métropole.

L’urbanisme constitue un levier majeur pour faire émerger une identité commune métropolitaine, au-delà des clivages désuets entre la ville centre et sa périphérie, mais ce n’est pas le seul. Le rayonnement culturel est également un facteur d’attractivité manifeste pour le Grand Paris comme pour Aix-Marseille-Provence, pour attirer les touristes du monde entier et favoriser le développement des industries créatives et culturelles. A l’instar de Londres [28] , une stratégie culturelle peut être le levier pour construire l’identité d’une métropole mondiale à la fois forte du patrimoine de tous les territoires qui la composent, et reconnaissante des nombreuses diasporas qui s’y sont établies. Reconnaître la diversité culturelle de la métropole, c’est affirmer l’identité particulière de chaque quartier et en même temps les apports de toutes les populations qui la composent.

L’offre culturelle du Grand Paris est la plus dense de toutes les capitales mondiales, comme l’illustre bien le rapport Janicot [29] . Les foyers d’innovation à l’identité forte sont multiples, mais ne travaillent pas en réseau. Les territoires les plus urbanisés sont globalement bien pourvus, mais la concentration sur Paris est très forte notamment pour les industries créatives et le spectacle vivant. La métropole doit veiller à la préservation d’une offre diversifiée sur l’ensemble du territoire, et impulser des projets culturels d’intérêt métropolitain qui renforcent l’impact culturel de la capitale à l’échelle mondiale. La candidature de la France aux Jeux Olympiques 2024 et pour l’exposition universelle de 2025 sont l’occasion d’identifier de nouveaux lieux emblématiques du Grand Paris qui pourront bénéficier d’aménagements dédiés et d’une renommée internationale allant au-delà de l’organisation de ces événements.

Dans les Bouches-du-Rhône, l’opération Marseille-Provence capitale européenne de la culture en 2013 a fait la démonstration qu’une ambition culturelle pouvait participer au rayonnement métropolitain et à sa traduction dans le paysage urbain. La métropole doit chercher à prolonger cette dynamique et l’amplifier en associant les différents territoires métropolitains au-delà de Marseille et Aix-en-Provence. Avec 80 % d’espaces naturels ou agricoles sur la superficie de la métropole, AMP dispose des ingrédients nécessaires pour tirer sa spécificité d’une conjugaison équilibrée entre ville et nature. Les calanques, l’étang de Berre, le massif de la Sainte-Victoire sont autant d’atouts touristiques pour les sports de plein air et les ballades, et qui peuvent s’articuler avec la ville. En outre, l’extension du territoire d’Aix-Marseille-Provence au département permettrait d’inclure le parc naturel de la Camargue dans ces espaces naturels. La richesse des espaces naturels de la métropole AMP doit aussi être intégrée dans l’ambition culturelle de la métropole, comme projet touristique, mais aussi pour y inscrire les potentialités qu’offre l’hybridation ville-nature d’un aménagement qui intègre la nature dans le territoire urbain.

Enfin, ces métropoles devront développer tous les outils de participation citoyenne. Les conseils de développement mis en place dans les agglomérations par la loi Voynet, et dont la création est prévue par la loi MAPTAM, sont des instruments intéressants, car ils permettent à l’exécutif des agglomérations de s’appuyer sur des groupes de réflexion permanents. Ils sont parfois critiqués parce que trop institutionnels et peu représentatifs de la diversité (générationnelle, ethnique, sociale, …). Sur le premier point, il faut absolument éviter une composition qui ne recoure qu’aux représentants d’institutions (il ne faut donc pas reproduire la composition de l’actuel conseil des partenaires de la mission de préfiguration du Grand Paris !). Sur le second point, il est important d’y veiller au moment de la désignation des membres ; l’une des solutions est d’introduire une « dose de tirage au sort », éventuellement sur la base d’un ou deux collèges (femmes/hommes, moins de 35 ans / plus de 35 ans) [30] . Compte tenu de la taille des métropoles du Grand Paris et d’Aix-Marseille-Provence, c’est à l’échelle des territoires (au sens de la loi NOTRe : établissements publics territoriaux) que les conseils de développement devront être actifs, quitte à avoir une représentation légère au niveau métropolitain. D’autres dispositifs de démocratie participative existent, qui pourraient, eux, être mobilisés au niveau de l’ensemble de la métropole (budgets participatifs, droit de pétition, en particulier pétition électronique, conférences de citoyens, sites internet interactifs, réseaux sociaux, …)

Projet économique : construire un dialogue effectif et efficace avec le tissu économique et en y associant encore mieux les structures de formation, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Le dynamisme économique dans une métropole se joue aujourd’hui dans des écosystèmes d’innovation. Ces écosystèmes ont pris le relais des grands projets colbertistes et résultent d’interrelations entre la recherche, la formation et l’industrie, et s’appuie plus uniquement sur des grandes entreprises donneur d’ordres, mais sur une diversité d’entreprises de toutes tailles. Ces écosystèmes s’appuient sur des interactions plus ou moins formalisées, sur des relations d’affaires classiques aux rencontres informelles favorables à la sérendipité, ce qui augmente les potentialités créatrices de ces nouveaux systèmes productifs. La réussite d’un écosystème d’innovation se joue dans la proximité ainsi que dans les facilités de circulation sur le territoire. Elle dépend aussi de la capacité à abattre différentes barrières institutionnelles construites par l’histoire des organisations publiques et privées. Dans cette perspective, les deux métropoles peuvent jouer un rôle de catalyseur en favorisant un dialogue actif avec le tissu d’entreprises en donnant la place qui leur revient aux PME et ETI. Leurs efforts doivent vraisemblablement être menés au-delà des périmètres prévus par les textes actuels. De nombreux secteurs s’appuient sur des « archipels économiques » qui maillent le territoire. C’est ce qu’a montré par exemple la Mission d’Aix-Marseille-Provence pour l’activité portuaire qui doit s’insérer dans un schéma national avec un report multimodal (fluvial, ferroviaire, dernier kilomètre électrique). En élargissant le périmètre des enjeux économiques, la Mission a jeté les bases d’un dialogue avec le tissu économique du territoire ainsi qu’avec les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ces efforts doivent être poursuivis pour développer des activités créatrices d’emplois. En s’impliquant également dans les politiques de formation technique et professionnelle, la métropole pourra contribuer à ce que des compétences se développent sur le territoire en adéquation avec les besoins issus des secteurs économiques en développement.

En Ile-de-France, le projet initial du Grand Paris était lui aussi un projet en « archipel » et voulait mettre en réseau des clusters très spécialisés dont une partie se trouve dans la dernière couronne francilienne. Une mise en réseau par un métro automatique voulu dans le cadre du Grand Paris express ne suffira cependant pas, comme l’a souligné Frédéric Gilli : la logique de spécialisation des clusters est remise en cause par les nouvelles formes d’hybridation de l’économie contemporaine (par exemple les liens de plus en plus forts entre technologie du numérique, des transports et de l’énergie). Les clusters peuvent certes devenir des têtes de réseau capables de dynamiser en profondeur les entreprises franciliennes. L’établissement public de Paris-Saclay devrait y parvenir grâce à un regroupement intelligent des pôles universitaires et de recherche. Ailleurs, les regroupements des structures académiques sont loin d’être satisfaisants. Une approche plus pragmatique est nécessaire en lien avec la réalité de chaque territoire. En particulier, il faut cesser d’ignorer les très nombreux systèmes locaux de taille et nature différentes qui maillent l’ensemble de l’Ile-de-France, y compris en dehors de Paris Centre. Le projet urbain doit donc intégrer tous les systèmes économiques et sociaux pour organiser une dynamique qui mixe les enjeux de développement économique, d’innovation mais aussi de logement et d’aménagement des espaces publics. Le SDRIF de 2013 a déjà permis de réconcilier la logique qui prévalait au Grand Paris express et des dynamiques propres à chaque territoire. Le projet métropolitain doit s’inscrire dans ce schéma et l’approfondir pour accompagner un développement économique qui associe toutes les entreprises franciliennes, quelle que soit leur taille.

Projet écologique : faire des enjeux énergétiques et environnementaux des leviers de l’aménagement métropolitain.

Les métropoles sont compétentes pour réussir la transition énergétique et écologique. Elles doivent s’engager en faveur d’objectifs ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre, tout en répondant aux attentes des citoyens pour un environnement plus sain et plus sûr, à travers l’amélioration de la qualité de l’air, de l’eau et des sols, la réduction du bruit, la protection des espaces naturels ainsi que la gestion des risques naturels, qui pourront voir leur fréquence s’accroître avec les dérèglements climatiques (notamment les crues en Ile-de-France et les feux de forêts dans les Bouches-du-Rhône) .

La transition énergétique dans les deux métropoles pourra être conduite notamment par une mutualisation des réseaux de chaleur et de froid, un renforcement appuyé de ces réseaux et des synergies à construire avec les réseaux d’électricité et de gaz. La réussite de la transition énergétique tient aussi à l’efficacité des politiques de rénovation énergétique des bâtiments et de mutation industrielle. Pour cela, les métropoles doivent mobiliser les filières professionnelles, notamment dans le secteur du BTP. La transition énergétique passe aussi par une mobilité durable: les métropoles doivent devenir multimodales d’abord en rattrapant le retard en investissement dans les transports collectifs mais aussi par un développement de toutes les formes de mobilité. Cet objectif doit non seulement concerner les déplacements individuels mais aussi la logistique urbaine qui doit être rendue plus efficace et dont il faut diminuer l’impact sur l’environnement.

L’économie circulaire est également un levier majeur de la transition écologique. En cartographiant le métabolisme métropolitain [31] , c’est-à-dire l’ensemble des flux de ressources entrantes, sortantes et à l’intérieur du territoire, la métropole pourra identifier toutes les actions possibles qui favoriseront une réduction de l’impact environnemental, en premier lieu par des politiques de prévention de la production de déchets, de réemploi, recyclage et valorisation. La Mission Aix-Marseille-Provence a ainsi lancé plusieurs projets emblématiques de l’économie circulaire et de l’écologie industrielle, notamment le projet PIICTO, porté par des industriels et le port [32] . En Ile-de-France, la Ville de Paris a lancé en mars 2015 les Etats Généraux du Grand Paris et prévoit la publication d’un livre blanc pour les fêtes de l’économie circulaire en septembre 2015.

Les espaces naturels doivent faire l’objet d’une réflexion globale à l’échelle de la métropole, incluant la gestion des risques (inondation, feu, etc.), la gestion des ressources, et doivent se développer par de réels projets (écologique, touristique, agricole) pour éviter d’être considérés comme des espaces de colmatage urbain. La biodiversité doit également être abordée par la place de la nature en ville et son rôle dans l’adaptation des villes au réchauffement climatique (réduction des îlots de chaleur, gestion alternative des eaux de pluie, etc.)

Enfin, une implication de la métropole dans des stratégies alimentaires urbaines peut permettre d’intégrer différents objectifs de la transition écologique. La mission Aix Marseille Provence a ainsi lancé un programme alimentaire métropolitain, en s’appuyant sur les expériences réussies à Vancouver et Portland ; ce projet répond aussi à un enjeu culturel et identitaire des produits locaux. L’élargissement des métropoles à la périphérie environnante est également un levier pour préserver des espaces agricoles importants et des jardins collectifs dans le tissu urbain et périurbain.

Conclusion

L’exemple de Lyon nous enseigne que la construction métropolitaine nécessite du temps : il aura fallu 45 ans pour que les premières initiatives de rapprochement entre communes conduisent à la création d’une métropole disposant de compétences élargies intégrant aussi celles du département. Le temps, l’apprentissage et la progressivité sont les clés de ce processus [33] .

Pour le Grand Paris et Aix Marseille Provence, le choix fait dans la loi d’affirmation des métropoles de 2014 est de couvrir une superficie bien plus importante que celle de la métropole lyonnaise. Ce choix a d’ores et déjà permis, à travers les missions de préfiguration, des progrès notables pour construire des stratégies métropolitaines qui dépassent les égoïsmes locaux. La mise en place au 1er janvier 2016 d’une nouvelle intercommunalité constitue une étape importante dans ce processus. Elle va notamment conduire à d’importants transferts de compétences des communes et des intercommunalités actuelles vers les nouvelles métropoles, avec également des mouvements des personnels administratifs qui leur seront mis à disposition. Au sein des futurs conseils métropolitains, les débats promettent d’être nourris, que ce soit sur les délégations de compétences aux conseils de territoires, sur les documents d’urbanisme et certainement plus encore sur la péréquation financière.

Du point de vue citoyen, nous formulons deux vœux pour que le projet métropolitain ne s’embourbe pas au sein des assemblées communautaires.

Le premier est de faire émerger un véritable leadership pour ces deux métropoles. Des conseils communautaires plus resserrés pourraient dès 2016 le faciliter. Une révision du périmètre à la région Ile-de-France pour la métropole de Paris d’un côté et au département des Bouches-du-Rhône pour la métropole d’Aix-Marseille est vraisemblablement la meilleure solution à terme. L’extension des périmètres est en effet la meilleure façon de réduire le millefeuille territorial et avec elle la fragmentation institutionnelle qui pèse sur les performances de Paris et Aix-Marseille.

Le deuxième est que la construction d’une stratégie métropolitaine, associant tous les acteurs et impliquant au mieux les citoyens, ne soit pas bloquée par les batailles de territoires. De nombreux investissements sont essentiels au plus vite pour les deux métropoles, dans les transports, la transition écologique, le logement et l’aménagement urbain. Plusieurs font aujourd’hui consensus, mais certains sont remis en question au sein de controverses politiques stériles et dépourvues de stratégie. Les clivages locaux doivent être dépassés au profit de débats plus constructifs pour accélérer les investissements les plus pertinents.

Face aux incertitudes qui restent nombreuses quant aux profonds bouleversements que vont rencontrer les collectivités concernées, l’Etat doit rester un garant fort pour poursuivre la construction métropolitaine en demeurant impliqué dans les opérations d’intérêt national qui maillent les deux territoires métropolitains. Lorsque les métropoles auront gagné en compétences, en budgets et en légitimité démocratique, l’Etat conservera un rôle fort pour assurer les synergies entre les métropoles et le reste du territoire. Il reste attendu pour alimenter les débats et veiller à l’application pleine et entière de la réforme qui sera votée au Parlement.

La finalité des institutions métropolitaines est d’assurer un développement plus harmonieux qui garantit une attractivité économique créatrice d’emplois, qui assure des ressources nécessaires à la solidarité, qui promeut un aménagement durable du territoire pour l’accompagner dans la transition écologique et qui promeut des services publics de qualité pour tous. Finalement, il s’agit d’adapter les territoires de la République aux modes de vies contemporains et de donner de nouvelles ressources pour « faire société ».

Remerciements

Nous remercions vivement pour leurs lumières et leur disponibilité ceux qui ont accepté de discuter avec nous de cette note. Leurs contributions ne les engagent en aucune manière sur les conclusions de l’étude.

Laurent Chalard, géographe

Frédéric Gilli, économiste et géographe

Vincent Fouchier, directeur du projet métropolitain Aix-Marseille-Provence

Gérard Lacoste, Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Ile de France

Pierre Mansat, président de l’atelier international du Grand Paris

Jean Viard, sociologue

  1. Ont en particulier contribué à sa rédaction : Céline Cordier, experte en aménagement, Nicolas Douay, Université Paris-Diderot, Jean-Sébastien Milesi, ingénieur-architecte, Pierre Musseau, coordonateur du pôle ville, Alain Weber, coordonateur du pôle logement

  2. Laurent Davezies, Thierry Pech, La nouvelle question territoriale ,  Terra Nova, septembre 2014

  3. Christian Lefèvre, Nathalie Roseau et Tommaso Vitale (dir.), De la ville à la métropole, les défis de la gouvernance , Editions l’œil d’or, 2013

  4. L’OCDE a ainsi pointé les nombreuses inégalités de la Métropole Aix-Marseille-Provence (OCDE, Vers une Croissance plus inclusive de la métropole Aix-Marseille , 2013). Frédéric Gilli énumère également les nombreuses disparités entre territoires et entre individus en Ile-de-France (Grand Paris – L’émergence d’une métropole, Paris : Presses de Sciences Po, 2014)

  5. Selon l’INSEE, le rapport interdécile (revenu fiscal du ménage du dernier décile – 10 % les plus riches – sur celui du ménage du premier décile – 10 % les moins riches) est en 2010 de 8,4 dans l’aire urbaine d’Aix-Marseille et de 7,3 dans l’aire urbaine parisienne. Avec un rapport de 7,5, Lille arrive deuxième sur ce podium, loin devant Lyon (5,4), Toulouse (5,3), Bordeaux (4,9), Nantes (4,6) ou Rennes (4,2)

  6. L’importance du processus métropolitain pour la croissance économique est soulignée par France stratégie (Lajudie B., Réforme régionale : un enjeu pour la croissance ? , juillet 2014) ou encore par l’OCDE, ibid.

  7. Gilli Frédéric, Grand Paris – L’émergence d’une métropole , Presses de Sciences Po, 2014

  8. http://newclimateeconomy.report/cities/

  9. La paraurbanisation est néologisme dû à Gérard-François Dumont qui désigne un processus conduisant au peuplement d’espaces de morphologie rurale situés au-delà des agglomérations et dont une proportion importante de la population active occupée vient exercer quotidiennement ses activités professionnelles dans l’agglomération. Voir aussi l’étude de Terra Nova de janvier 2015 « Quelles politiques pour la France périurbaine » http://www.tnova.fr/note/quelles-politiques-pour-la-france-p-riurbaine-ii

  10. Les métropoles de Lyon, Paris et Aix Marseille sont ainsi créées par la loi MAPTAM comme des métropoles « à statut particulier », par opposition autres métropoles de « droit commun ».

  11. Voir notamment pour le Grand Paris, l’historique et la bibliographie proposée par Frédéric Gilli, ibid. et pour Aix-Marseille-Provence Nicolas Douay, «  Aix–Marseille–Provence : accouchement d’une métropole dans la douleur  », Métropolitiques, 18 décembre 2013.

  12. Selon les définitions de l’INSEE, l’aire urbaine francilienne s’étend à 7 des 8 départements frontaliers à l’Ile-de-France, et notamment une large frange de l’Oise et de l’Eure-et-Loir

  13. Le périmètre prévu par la loi MAPTAM couvre 90 communes des Bouches du Rhône (sur 119) mais aussi deux communes du Var et une commune du Vaucluse (qui appartenaient aux intercommunalités qui ont rejoint la métropole). La création du département métropolitain pourrait alors s’accompagner d’une modification à la marge des frontières départementales.

  14. A titre de comparaison, un député représente qu’un député représente en moyenne 100 000 habitants, et un conseiller régional environ 50 000, chaque conseiller métropolitain du Grand Paris ne représenterait que 20 000 habitants et chacun des élus du conseil de la Métropole AMP 5 000 habitants.

  15. Voir notamment les préconisations de Conseil économique, social et environnemental pour « une bonne gestion des sols agricoles, un enjeu de société », mai 2015

  16. Sont déjà approuvés les SCoT de Marseille Provence Métropole, du Pays d’Aubagne et de l’Etoile Gréasque et d’Agglopole Provence. Le projet de SCoT du Pays d’Aix-en-Provence vient d’être validé et est actuellement soumis à enquête publique

  17. Voir Xavier Desjardins, Nicolas Douay et Vincent Gagnière, «  Évolution des schémas, permanence des tracés : la planification de la région parisienne au prisme des réseaux ferroviaires  », Géocarrefour [En ligne], Vol. 87/2 | 2012,

  18. Voir notamment les recommandations du rapport du comité scientifique de la conférence logistique présidé par Michel Savy, « La logistique en France : Etat des lieux et pistes de progrès », mars 2015 http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/_Conference_logistique_Rapport_du_Comite_scientifique_V9_10032015_vFinale.pdf

  19. Voir les très nombreuses publications et consultations en cours sur le site de la mission interministérielle du projet métropolitain Aix-Marseille-Provence : http://www.mouvement-metropole.fr/

  20. www.cdd.grandlyon.com

  21. Deborah Galimberti , «  Des variétés de régulation de la ville compétitive », EspacesTemps.net, Peer review, 1er juillet 2013

  22. Agence de développement du Val de Marne, « Etude de la gouvernance des métropoles mondiales : Londres, New-York, Tokyo, des références pour la métropole parisienne », novembre 2006

  23. www.lep.london

  24. www.rpa.org

  25. Dans son rapport introductif à la ville inclusive (2011), l’UN-Habitat la définit ainsi : « la ville inclusive est celle qui lutte contre la pauvreté et pour l’intégration de tous ses habitants. (…) Le projet politique de la ville inclusive remet en cause les privilèges de ceux qui en jouissent aux dépens des exclus. »

  26. Le collectif « Démocratie ouverte » a défini en 2014 un Territoire Hautement Citoyen comme « un lieu sur lequel représentants, citoyens et société civile réussissent à collaborer pour mettre en place et faire vivre une démocratie ouverte, transparente et collaborative. »

  27. Les outils de soutien à l’autopromotion ont été renforcés par la loi ALUR. Trois leviers peuvent être ainsi mobilisés par les métropoles : organisme foncier solidaire qui permet d’acquérir du foncier et conclure un bail emphytéotique pour la construction du bâtiment, fonds de garantie pour la construction et fonds de soutien à la maîtrise d’œuvre indispensable pour réussir des projets de qualité. L’enjeu est de soutenir un dispositif émergent qui peut permettre de réels gains sur le coût du logement tout en favorisant une construction dense et de haute qualité environnementale et culturelle.

  28. Voir la stratégie culturelle de Londres, Cultural Metropolis , actualisée par l’autorité du Grand Londres en 2014

  29. Daniel Janicot, La Dimension culturelle du Grand Paris , Rapport au Président de la république, 2013

  30. C’est la solution adoptée pour les conseils citoyens des quartiers de la politique de la ville : ils seront composés pour moitié d’habitants tirés au sort, à parité femmes et hommes, l’autre moitié étant composée de représentants des associations. Le thème du tirage au sort des membres d’assemblées consultatives (Conseil économique, social et environnemental CESE, …), voire délibératives, est repris dans certaines réflexions, par exemple motion C et D du congrès du PS, Mouvement pour une 6 ème République, etc.

  31. Voir par exemple le MOOC de Sabines Barles, Métabolisme des territoires , UVED (2014)

  32. La Plateforme Industrielle et d’Innovation de Caban Tonkin (PIICTO) est un projet visant la pérennisation de la filière chimique et pétrochimique sur le pourtour de l’Etang de Berre en recherchant des synergies entre industriels notamment à travers un réseau de vapeur ou encore par la récupération des flux matières. Voir http://mediterranee.uic.fr/Plateforme-PIICTO/Decouvrir-le-projet-PIICTO

  33. Voir Desjardins Xavier &  Douay Nicolas, (à paraître en 2015), « Le duo « métropole-région » au regard des politiques d’aménagement du territoire depuis les années 1980 : une comparaison entre Paris et Marseille », in Planum, the Journal of Urbanism ,

Site Internet fabriqué avec  et  éco-conçu pour diminuer son empreinte environnementale.
Angle Web, Écoconception de site Internet en Savoie