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Note

Politiques du logement : le temps des intercommunalités

A l’approche des élections municipales, Terra Nova a mené une réflexion sur ce que pourraient être, dans le domaine du logement, les grandes lignes d’une réforme favorisant de nouveaux équilibres et de nouvelles coopérations entre les politiques relevant de l’État et celles menées par les collectivités locales.
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1. La politique du logement : compétence nationale et réalités locales

1.1. Le logement, un domaine de la compétence de l’État…

Les lois de décentralisation de 1982 ont transféré aux régions les compétences relatives à l’aménagement du territoire et aux communes celles relatives à l’urbanisme. Ces dernières sont donc depuis lors en charge de l’élaboration des documents d’urbanisme (plans d’occupations de sols/POS, puis plans locaux d’urbanisme/PLU), dont le rôle est notamment de planifier le développement de l’urbanisation, et de l’application du droit des sols avec l’octroi des permis de construire. Avec l’essor des structures de coopération intercommunale, la compétence urbanisme passe progressivement aux communautés – même si la récente loi « Engagement et proximité » a quelque peu renforcé le rôle des communes et des maires dans les intercommunalités [1] – et les PLU sont de plus en plus souvent intercommunaux (PLUI), de sorte que les politiques d’urbanisme peuvent désormais être mises en œuvre à un niveau correspondant approximativement aux marchés locaux du logement, c’est-à-dire aux périmètres à l’intérieur desquels s’effectuent les choix résidentiels des ménages. L’urbanisme reste toutefois « de compétence partagée » [2] , l’Etat fixant les règles du jeu (les procédures d’élaboration des PLU ou d’octroi du permis de construire) et veillant à ce qu’elles soient appliquées, les intercommunalités ou les communes les utilisant pour définir et mettre en œuvre les politiques locales.

Intercommunalités et marchés locaux de l’habitat Selon l’Agence nationale pour l’habitat (Anah), les marchés de l’habitat s’expriment à une échelle assez large, en général assimilée au bassin d’habitat. Cette échelle est proche de l’aire urbaine définie par l’Insee (Anah, guide méthodologique « Connaître les marchés locaux de l’habitat »).Une aire urbaine ou « grande aire urbaine » est un ensemble de communes, d’un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain (unité urbaine) de plus de 10 000 emplois, et par des communes rurales ou unités urbaines (couronne péri-urbaine) dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci. ( Source : INSEE).Le périmètre des métropoles et communautés urbaines de plus de 250 000 habitants est presque toujours plus restreint que celui de l’aire urbaine. La population de ces EPCI représente entre 57% (Toulouse) et 107% (Aix-Marseille, la seule qui dépasse 100%) de l’aire urbaine. L’aire urbaine de Paris est un cas atypique puisqu’elle est la seule à être partagée entre plusieurs EPCI.

En revanche, le logement reste de la compétence de l’État. Qu’elle porte sur la solvabilisation de la demande ou le soutien de l’offre, la politique du logement et ses modulations locales sont définies au niveau national : les aides personnelles sont financées pour l’essentiel par le budget de l’État, et l’essentiel de la politique de l’offre relève de financements nationaux : dépenses fiscales pour le locatif social, le prêt à taux zéro, les aides à l’investissement locatif privé et les travaux de rénovation énergétique, subventions pour les travaux d’amélioration des logements existants ou la construction de logements très sociaux, mobilisation de la ressource d’Action logement pour le programme de rénovation urbaine. On n’aurait garde d’oublier, enfin, le financement des locaux d’hébergement (destinés aux personnes sans abri ou en très grande précarité) qui occupe une place de plus en plus importante dans l’ensemble des dépenses. L’État consacre à ces actions des moyens considérables : l’ensemble des aides au logement fluctue depuis une quarantaine d’années entre 1,5 et 2% du PIB et leur montant, bien qu’en légère régression au cours de la dernière décennie, était en 2018 proche de 40 milliards d’euros.

Cet effort a porté ses fruits. Les conditions moyennes de logement ont en effet connu depuis le milieu du XX è siècle une très sensible amélioration dont témoignent les enquêtes logement et les recensements de la population [3] . Cela n’empêche pas que la politique du logement soit controversée, du fait de l’accroissement du nombre de laissés pour compte, notamment des personnes qui, pour différentes raisons, n’ont pas accès à un logement. Une évolution dont témoignent les besoins en locaux d’hébergement, jamais satisfaits malgré une capacité sans cesse croissante.

Les limites de l’action de l’État dans la conduite de la politique du logement, notamment dans sa mise en œuvre locale, sont devenues patentes. Ces limites sont à la fois financières, techniques et humaines :

Limites financières : l’État a de plus en plus de mal à financer sa politique, notamment la construction de logements sociaux et les aides personnelles, ce que révèlent les récentes mesures d’économie : la ponction sur la trésorerie des organismes de logement social par le biais de la réduction de loyer de solidarité (RLS) [4] , le « rabotage » des barèmes des aides personnelles, auquel il faut ajouter un expédient budgétaire qui ampute les ressources dévolues au logement : le prélèvement, annoncé en juillet 2019, de 500 millions d’euros sur les ressources d’Action logement. L’aide à l’accession à la propriété a, elle, bénéficié d’un sursis, la réduction, annoncée en 2018, du périmètre d’éligibilité au prêt à taux zéro n’ayant pas eu lieu ;

Limites techniques : la déclinaison locale des politiques repose sur des zonages sommaires mal adaptés aux réalités locales. Le barème des aides personnelles, les paramètres des aides à l’accession à la propriété et à l’investissement locatif se fondent sur un découpage du territoire en trois ou quatre zones qui n’épouse que de façon très approximative la géographie des prix ou des loyers ;

Le zonage des aides à l’accession et à l’investissement locatif [5]

Limites humaines : en raison de la cure d’amaigrissement imposée aux services déconcentrés de l’État, qui a conduit, par le bais des regroupements au niveau des régions et des départements, à d’importantes pertes de moyens et de compétences en matière d’ingénierie dans le domaine du logement.

Il faut également rappeler que le soutien à l’activité et à l’emploi via le secteur du bâtiment fait partie des objectifs assignés par l’État à la politique du logement. Or les mesures conjoncturelles ne sont pas toujours en phase avec les besoins, notamment en raison d’un ciblage géographique souvent déficient. On touche ici à la distinction entre politique de l’habitat et politique du logement. La politique de l’habitat ne se résume pas à l’action en faveur du logement, elle intègre d’autres dimensions comme le cadre de vie ou les équipements urbains ; à l’opposé, le soutien au bâtiment n’est pas directement lié à ses objectifs.

1.2. … dans lequel les collectivités territoriales sont devenues des acteurs incontournables

L’Etat est donc contraint, et le sera probablement de plus en plus, de s’appuyer sur les collectivités territoriales pour mettre en œuvre sa politique. Outre que la définition des règles de constructibilité incombe à ces dernières par le biais de l’élaboration des PLU, la grande majorité d’entre elles [6] doivent élaborer un programme local de l’habitat (PLH), document de programmation de l’ensemble de la politique de l’habitat. A l’origine, c’est-à-dire dans les années 1980, le PLH est un outil d’expérimentation facultatif ; il deviendra dans les années 2000 un outil d’affirmation de la compétence habitat pour les EPCI, de plus en plus complet et précis avec l’élargissement de leurs compétences, sans pour autant que l’on puisse parler de décentralisation, car l’Etat qui définit les domaines d’intervention des communautés et renforce son contrôle.

De surcroît, les intercommunalités jouent un rôle de plus en plus important dans le financement de la politique du logement. Certes, le montant de 808 millions d’euros qui figure dans le compte du logement au titre des aides au logement des collectivités locales pour l’année 2018 paraît modeste, mais il est largement sous-estimé. Il ne comprend pas le coût des exonérations de taxe foncière décidées par l’Etat mais non compensées par lui, de l’ordre de 1,240 milliard d’euros, ni celui des apports en terrains pour la construction de logements sociaux, la garantie des emprunts des organismes de logement social, les interventions des fonds de solidarité logement et le financement des actions d’initiative locale. Au total, la contribution des collectivités territoriales, pour l’essentiel les intercommunalités, pourrait se situer entre 3 et 4 milliards d’euros et il ne fait guère de doute qu’elle est en augmentation.

Depuis une quinzaine d’années, les gouvernements ont tenu compte de ces nouvelles réalités en conférant aux collectivités territoriales un rôle plus déterminant que jamais. A cet égard, l’année 2004 marque une inflexion avec la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales qui contient, entre autres, de nombreuses dispositions relatives au logement. Elle autorise notamment la délégation de la gestion des crédits d’aides à la pierre (destinés notamment aux logements locatifs sociaux) aux EPCI dotés d’un PLH et, de façon subsidiaire, aux départements.

Le champ des compétences pouvant être déléguées aux EPCI a été élargi en 2014 : outre la gestion des aides à la pierre et des attributions de logements sociaux, il comprend aujourd’hui notamment la garantie du droit au logement, la gestion de la veille sociale et de l’hébergement, les agréments pour la vente de logements HLM, l’élaboration et le suivi des conventions d’utilité sociale et la politique de la ville. C’est dire que les intercommunalités qui le souhaitent disposent dorénavant des outils nécessaires à la mise en œuvre d’une politique de l’habitat.

Cette possibilité est utilisée par de nombreuses collectivités : en 2016, 110 délégations étaient en cours, concernant la totalité des métropoles et des communautés urbaines, 61 communautés d’agglomération (sur 196), 3 communautés de communes et 25 conseils départementaux [7] . Selon la Cour des Comptes, « La part des délégataires dans le volume des agréments délivrés qui a été, au total, de 57 % en 2017, a atteint 59 % pour les produits les plus sociaux. Le taux global de subvention dans les plans de financement, en incorporant les aides des collectivités locales, s’est établi, cette année-là, et en moyenne nationale, à 9,83 % dans les territoires en délégation, supérieur à sa valeur de 6,79 % dans les autres territoires. Ces résultats confirment l’engagement des délégataires. Au regard de cet effet positif, une extension du nombre de délégations de compétence serait utile pour les collectivités et établissements territoriaux qui le souhaitent et qui y sont prêtes s’agissant de leurs capacités de gestion » [8] .

Au-delà du succès quantitatif de la délégation des aides à la pierre, le dispositif a été l’occasion pour les intercommunalités de se saisir du pilotage de la programmation des logements sociaux, notamment. En ce sens la délégation a permis aux collectivités de mieux organiser le partenariat entre acteurs privés autour de sa stratégie en matière d’habitat.

1.3. L’exemple des attributions de logements sociaux

Parmi les nouvelles compétences des intercommunalités figurent les attributions de logements sociaux. La gestion des attributions doit en effet s’opérer à l’échelle intercommunale depuis la loi Égalité et Citoyenneté qui, en janvier 2017, a parachevé la réforme amorcée par la loi ALUR et par la loi Lamy de 2014.

Dans chaque EPCI tenu d’élaborer un PLH, une conférence intercommunale du logement élabore, sous l’autorité du préfet et du président de l’EPCI, les orientations en matière d’attributions, formalisées dans un document-cadre. Ces orientations sont déclinées dans une convention intercommunale d’attribution qui précise les engagements des principaux acteurs concernés pour atteindre les objectifs fixés, dans le respect des règles nationales.

Ces avancées ont sans nul doute tiré profit des enseignements issus d’expériences locales. Des dispositifs de mutualisation de la gestion des demandes de logements sociaux avaient en effet été mis en place depuis longtemps dans l’agglomération nantaise (puis en Loire-Atlantique) et en Haute-Savoie, où ils avaient fait la preuve de leur efficacité en simplifiant la procédure pour les demandeurs (la demande n’étant plus, dès lors, limitée au parc d’un organisme ou d’une commune donnée) et en favorisant la transparence des d’attributions. Il s’agissait alors d’initiatives strictement locales, qui avaient suscité des réticences chez certains acteurs nationaux.

L’État a toutefois conservé, et même accentué, son rôle de garant du droit au logement, le Préfet pouvant imposer des attributions pour des ménages prioritaires au sens de la loi sur le Droit au logement opposable (DALO). De plus, la possibilité de déléguer le contingent de logements réservés de l’État aux maires ou aux présidents des EPCI a été supprimée par la loi « Égalité & Citoyenneté ». Enfin, le préfet est devenu membre de droit, avec voix délibérative, des Commissions d’attribution des logements.

Cet exemple illustre les caractéristiques de la démarche visant à accorder plus d’autonomie aux intercommunalités et sa complexité. L’Etat délègue à ces dernières la tâche d’organiser, selon un schéma défini par lui, la procédure d’attribution des logements sociaux, mais il conserve la haute main sur la mise en œuvre du droit au logement opposable. Loin de se contenter de fixer des règles et de définir des objectifs, il s’implique donc directement dans la mise en œuvre locale de certains volets de sa politique. Cette configuration hybride n’est pas sans ambiguïtés, car les deux voies d’accès au parc locatif social ne sont pas exclusives, certains demandeurs tentant d’utiliser le droit au logement opposable comme coupe-file. Toutefois, les réticences observées dans certains territoires à accueillir les plus démunis justifient le maintien du contingent préfectoral.

L’exemple des politiques d’attribution illustre l’usage qui peut être fait des nouvelles compétences en matière de politique de l’habitat. Cet usage diffère d’une collectivité à l’autre, certaines s’étant fortement, et de longue date, impliquées dans la définition et la mise en œuvre de telles politiques, alors que d’autres, moins motivées ou ayant découvert plus récemment les possibilités qui leurs sont offertes, sont encore, en quelque sorte, en phase d’apprentissage.

2. Comment apprécier l’efficacité des politiques locales ?

Pour apprécier les perspectives offertes par un éventuel approfondissement de la décentralisation dans ce domaine, il est indispensable de mettre en évidence cette hétérogénéité entre collectivités et d’apprécier de façon différentielle l’efficacité des politiques locales. Il convenait pour cela de définir un champ et une méthode d’étude. La chose s’est révélée délicate et ce n’est qu’après des essais infructueux que le choix a été fait de travailler sur un échantillon restreint et en privilégiant l’analyse des programmes locaux de l’habitat (PLH).

2.1. Champ de l’étude

La France compte, au premier janvier 2019, 1 258 établissements de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre [9] . Cependant, tous ne disposent pas des mêmes compétences dans le domaine du logement. En particulier, seuls ceux qui ont élaboré un PLH peuvent demander que l’État leur délègue la compétence pour l’attribution des aides à la pierre ; les 21 métropoles peuvent, elles, bénéficier de délégation de compétences élargies ayant trait notamment à la garantie du droit au logement opposable, à la gestion de l’hébergement, aux conventions d’utilité sociale [10] conclues avec les organismes de logement social et la vente de logements sociaux. Quant à la politique de la ville, elle concerne toutes les agglomérations d’une certaine importance. En tout état de cause, la question de l’accès au logement et de la réponse aux besoins ne se pose pas partout de la même façon. Elle revêt une acuité particulière dans les villes où l’expansion démographique induit une pression de la demande sur les marchés du logement et génère des tensions sur les prix et les loyers. Il s’agit surtout, du fait du phénomène de métropolisation, des grandes agglomérations. C’est l’une des raisons pour laquelle il été décidé, dans un premier temps, de restreindre le champ de l’étude aux intercommunalités de plus de 250 000 habitants, la seconde étant qu’une étude comparative ne peut avoir de sens que si elle porte sur des entités comparables, sinon homogènes.

Cela ne signifie évidemment pas que les métropoles soient les seules concernées par la question de l’habitat. D’autres problèmes, comme l’augmentation de la vacance dans les villes en déclin démographique, l’obsolescence des logements dans les centres anciens, la tendance à la fuite vers la périphérie des accédant à la propriété et, bien entendu, l’hébergement des sans-abris, qui nécessitent des interventions publiques, se posent un peu partout.

La répartition des compétences en matière d’habitat Les compétences des collectivités en matière d’habitat sont définies d’une part par le code général des collectivités territoriales (CGCT) et d’autre part par des codes spécifiques, notamment le code de la construction et de l’habitat (CCH) et le code de l’urbanisme (CU). Intercommunalités Ne disposant pas de la clause de compétence générale à la différence des communes, les intercommunalités interviennent sur la base des compétences définies par le législateur dans le CGCT. Elles peuvent également bénéficier de compétences transférées par leurs communes membres (pouvoir de police en matière d’habitat indigne par exemple) ou partagées avec elles.Concernant le champ de l’habitat, toutes les métropoles, les communautés d’agglomération et urbaines sont compétentes de droit en matière de « politique du logement » au travers de l’élaboration obligatoire d’un programme local de l’habitat (PLH). La compétence habitat couvre notamment les actions suivantes : programmation de l’offre nouvelle (parc public et parc privé), aides financières, actions en faveur du logement social et en faveur du logement des personnes défavorisées, amélioration du parc immobilier bâti, réhabilitation et résorption de l’habitat insalubre. Elles peuvent également à leur demande être responsables des attributions de logement sociaux aux personnes bénéficiant du droit au logement opposable (DALO) et de celles relevant du contingent préfectoral. Elles sont, enfin de droit, autorités de rattachement des offices publics de l’habitat.Pour les communautés de communes, l’habitat figure parmi les groupes de compétences optionnelles. A noter que le PLH est obligatoire pour les communautés de communes compétentes en matière d’habitat de plus de 30 000 habitants, comprenant au moins une commune de plus de 10 000 habitants. De ce fait, une très grande majorité de communautés disposent de la compétence habitat. Le contenu des missions qui lui sont rattachées reste toutefois plus sommaire. Les métropoles et les communautés urbaines sont par ailleurs compétentes de droit en matière d‘aménagement et de foncier, avec la possibilité de constitution de réserves foncières notamment. Les communes peuvent également donner à leur communauté d’agglomération ou de communes des compétences en matière de création et réalisation d’opérations d’aménagement qui relèvent de l’intérêt communautaire.Les récentes loi Alur en 2014 et Egalite et citoyenneté en 2017 ont confié aux intercommunalités disposant de la compétence habitat (et donc d’un PLH) des responsabilités importantes en matière d’attribution des logements sociaux, au travers des conférences intercommunales du logement (CIL) et de l’élaboration d’un plan partenarial de gestion des demandes de logement social et d’information des demandeurs.En matière d’urbanisme et du droit des sols, les métropoles et les communautés urbaines sont également obligatoirement compétentes en matière d’élaboration des plans locaux d’urbanisme. La signature des permis de construire est cependant restée à l’échelle des communes, mais fait souvent l’objet d’une instruction conjointe avec l’intercommunalité. Pour les communautés d’agglomération et les communautés de communes existantes avant la loi ALUR, une minorité d’opposition peut cependant refuser le transfert au conseil communautaire de l’élaboration des PLU à l’échelle intercommunale.Enfin, la loi Lamy (2014) a doté les métropoles et les communautés de compétences en matière de renouvellement urbain et de politique de la ville. Elles sont obligatoirement cosignataires des contrats de ville avec leurs communes et chargées à ce titre de la formalisation et de l’animation de de contrat, et responsables de la mise en œuvre des actions de portée intercommunale. Départements et régions En matière d’habitat, le département co-pilote avec l’État le Plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD), incluant la politique dédiée à l’AHI (Accueil, hébergement, insertion). Il est également en charge de la gestion du Fonds de solidarité pour le logement (FSL) (les métropoles peuvent en avoir la délégation) dont l’objectif est d’accorder des aides financières aux personnes qui rencontrent des difficultés pour assurer les dépenses de leur logement (factures, loyers, etc.). La région est plus éloignée de la compétence habitat. Elle intervient sur le volet de la politique de lutte contre la précarité énergétique via la mise en place de plateformes de rénovation de l’habitat a destination des particuliers.

2.2. L’approche statistique est inadaptée

L’idée initiale était de tenter de mettre en évidence, à l’aide d’une analyse statistique, des groupes d’EPCI différenciés et, si possible, homogènes, à partir de l’appréciation des conditions de logement de la population et de leur évolution récente. Les différentes méthodes – calculs de scores ou classification automatique – se sont révélées inopérantes. Cette difficulté tient pour l’essentiel à deux raisons :

l’hétérogénéité des EPCI étudiés. Bien que la métropole du Grand Paris ait, pour des raisons exposées par ailleurs, été exclue du champ observé, les métropoles ou communautés urbaines restantes sont en effet très loin de constituer un ensemble homogène. Elles se distinguent notamment par leur taille (Lyon ou Marseille versus Perpignan), leur dynamisme économique et démographique (Montpellier et Toulouse versus Saint-Etienne, Lille ou Nancy), leur situation géographique (forte attractivité des villes de littoral et du sud), les caractéristiques de leur parc de logements (la part du logement social, forte dans le nord et faible dans le sud, le prix des logements privés) et leur ancienneté (Rennes et Nancy versus Marseille). Ces disparités apparaissent dans les tableaux statistiques de l’annexe 1 ;

l’insuffisance des variables disponibles pour décrire les conditions de logement. Cette difficulté, récurrente dans les études relatives au logement, est ici particulièrement préjudiciable puisqu’il s’agissait d’évaluer ces conditions de façon comparative. Force est à cet égard de constater, une fois de plus, que la qualité des logements se prête mal à une observation objective à travers les dispositifs statistiques de masse comme le recensement de la population, qui est la source principale des données disponibles. Il est vrai qu’il est particulièrement difficile d’apprécier selon des critères objectifs le standing et l’état d’entretien d’un logement ou d’un immeuble ou de qualifier leur environnement. En outre, l’observation devrait intégrer l’effort financier que doivent consentir les ménages pour se loger. Ce n’est évidemment pas le cas du recensement. Enfin, l’appareil statistique national ne permet pas de mettre en relation, au niveau local, l’offre d’hébergement avec les besoins.

Ce constat est toutefois riche d’enseignements. Il permet de prendre conscience des limites d’une politique dont les déclinaisons locales se fondent sur la production de l’appareil statistique national. Nous reviendrons en détail sur ce point.

2.3. Le choix d’étudier les PLH

Faute de disposer d’un matériau statistique adéquat, on a choisi de fonder l’étude sur l’analyse des PLH. Force est en effet de constater qu’il s’agit du seul document facilement accessible qui permette d’apprécier la politique du logement d’une collectivité locale. En outre, les PLH sont structurés par des dispositions législatives et réglementaires, ce qui rend possible une étude comparative.

Le programme local de l’habitat « Initié sous forme d’expérimentation en 1983, le PLH est un instrument privilégié par les communautés pour exprimer et formaliser leur politique de l’habitat. Selon l’article L. 302–1 du Code de la construction et de l’habitation, « le programme local de l’habitat (PLH) définit, pour une durée de six ans, les objectifs et les principes d’une politique visant à répondre aux besoins en logement et en hébergement, à favoriser le renouvellement urbain et la mixité sociale et à améliorer l’accessibilité du cadre bâti aux personnes handicapées en assurant entre les communes et entre les quartiers d’une même commune une répartition équilibrée et diversifiée de l’offre de logements. »D’abord facultatif et communal, le PLH est progressivement devenu obligatoire et principalement intercommunal, dans un contexte plus général de développement des communautés et d’élargissement de leurs compétences. » Modalités d’élaboration (Article L.302–2 du CCH) L’établissement public de coopération intercommunale associe à l’élaboration du programme local de l’habitat l’État, le cas échéant le président du syndicat mixte élaborant le SCoT, les communes et établissements publics compétents en matière de plan local d’urbanisme directement concernés ainsi que toute autre personne morale qu’il juge utile. Une délibération est prise à cet effet.Collectivités concernéesL’élaboration d’un PLH est obligatoire pour les métropoles, les communautés urbaines, les communautés d’agglomération et les communautés de communes compétentes en matière d’habitat de plus de 30 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 10 000 habitants. Objet et contenu du PLH (article L. 302–1 du CCH) Outre les besoins en logement, le PLH doit répondre aux besoins en hébergement et favoriser la mixité sociale et le renouvellement urbain. Il doit être doté d’un dispositif d’observation.À partir d’un diagnostic de la situation existante, le PLH définit les objectifs à atteindre, notamment l’offre nouvelle de logements et de places d’hébergement, en assurant une répartition équilibrée et diversifiée sur les territoires. L’article 302–1 définit ensuite de façon très détaillée les points qui doivent être traités dans le PLH.

Source : « Le PLH, outil de gouvernance et de mise en œuvre des politiques locales de l’habitat : état des lieux et perspectives », étude du cabinet Espacité pour le compte de l’AdCF, l’USH et la Caisse des dépôts et consignations.

Ils se composent de trois parties :

un diagnostic qui, à partir d’une analyse des marchés locaux de l’habitat et du foncier et de l’évaluation des besoins, définit des objectifs, à la lumière notamment du bilan des PLH antérieurs ;

les orientations stratégiques qui doivent structurer la politique de l’habitat ;

un programme d’actions territorialisé à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs fixés.

Le caractère très détaillé des règles qui régissent leur contenu pourrait donner à penser que les PLH se ressemblent et que leur contenu reflète les objectifs fixés par l’État plutôt que les choix de la collectivité et les politiques qu’elle entend mettre en œuvre. Et de fait, il est indispensable d’en faire une lecture distanciée faisant la part de ce qui relève des « figures imposées » et ce qui découle d’orientations politiques réfléchies et argumentées. Il est alors possible de mettre en évidence des différences, parfois considérables, d’un PLH à l’autre.

Ces différences peuvent, dans certains cas, s’expliquer par l’histoire de la coopération intercommunale.

Au-delà du cas extrême du Grand Paris, de création trop récente pour pouvoir disposer d’un PLH et d’une politique de l’habitat, l’ancienneté de la constitution des EPCI et les péripéties qui ont conduit à leur configuration actuelle méritent d’être prises en considération. L’exemple des métropoles d’Aix-Marseille-Provence et de Lyon, qui comptaient respectivement, au recensement de 2016, 1 873 707 et 1 381 249 d’habitants, le montre clairement.

Alors que la communauté urbaine de Lyon (Courly) a vu le jour en 1969, il faut attendre 1992 pour que soit créée une communauté de communes regroupant une vingtaine de communes autour de Marseille [11] . En 2000, sous l’impulsion du maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, une communauté urbaine se substitue à l’ancienne communauté de communes. Cependant, Aix-en-Provence et Aubagne refusent d’y être associées et créent leurs propres structures intercommunales. Ce n’est qu’en 2015 que la métropole d’Aix-Marseille-Provence se substituera à l’ancienne communauté urbaine.

A l’inverse, l’agglomération lyonnaise connaît une forte intégration des politiques publiques depuis la création de la Courly en 1969. Par ailleurs, en 2012, un accord inédit est passé entre le président du Conseil général du Rhône, Michel Mercier, et le maire de Lyon, Gérard Collomb, prévoyant la création, à l’horizon 2014, d’une «  eurométropole  ». Conformément à cet accord, la métropole de Lyon voit le jour le 1 er janvier 2015.

D’autres métropoles bénéficient d’une longue expérience de coopération intercommunale. A Nancy, Montpellier et Rennes la création d’un district (respectivement en 1959, 1965 et 1970) a précédé de loin celle d’une métropole. A Nantes fut créée en 1967 une association intercommunale.

Nancy est la première intercommunalité française à s’être dotée d’un document directeur en matière de politique du logement, en 1973. Le district de Rennes a élaboré sa première politique de l’habitat dès 1983 et son premier PLH en 1995. Aujourd’hui, Rennes en est à sa troisième génération de PLH. A contrario, Marseille a élaboré son premier PLH en 2006 et en est à sa deuxième génération, de même que Clermont-Ferrand ou Toulon.

On verra plus loin que ces facteurs, pour importants qu’ils soient, n’expliquent pas tout. Ils ont cependant conduit à exclure certains EPCI du champ de l’étude : il s’agit de la métropole du Grand Paris (MGP), de celle de Aix-Marseille et des EPCI d’Ile-de-France autres que la MGP. (cf. encadré).

L’Île-de-France, un cas particulier en matière de politique locale de l’habitat : des bassins de vie très imbriqués, une gouvernance en cours de structuration En raison du bouclage récent de la carte intercommunale et de la complexité territorial de l’Ile-de-France, les intercommunalités franciliennes n’ont pas été intégrées aux analyses de ce rapport sur les effets possibles d’une politique locale de l’habitat. Retour sur les spécificités franciliennes. Les politiques « locales » de l’Habitat en Ile-de-France : un jeu d’échelle complexe et une gouvernance en pleine mutation En matière de politique « locale » de l’habitat, la région Île-de-France constitue un territoire d’une grande spécificité, à la fois du fait d’une imbrication d’échelles particulièrement complexe entre bassins de vie et d’emplois, du fait de ses déséquilibres territoriaux très prononcés ou de la densité des connexions internes que permet son réseau de transports… Cette complexité est accentuée par la tension forte et toujours croissante de son marché immobilier qui alimente des processus actifs de spécialisation sociale et territoriale et une extrême pression de la demande sociale.Autant de facteurs qui ont fait de la question de la gouvernance des politiques locales de l’habitat une question épineuse dans la région capitale, et aboutit au paradoxe que cette question soit à la fois le principal moteur poussant à la constitution de nouveaux cadres de gouvernance et de mutualisation (création d’une métropole, enjeu de planification régionale avec le SRHH) et en même temps le sujet sur lequel ces cadres achoppent toujours à l’heure de la mise en œuvre de compromis…Cette complexité urbaine, spatiale et la forte disparité des contextes locaux ont nettement ralenti l’élaboration de la carte intercommunale dans la région qui est longtemps restée en retard et incomplète, comptant un grand nombre d’intercommunalités dites de « club », réunissant des communes aux profils voisins, limitant ainsi les capacités de mutualisation et de rééquilibrage au sein des périmètres intercommunaux constitués. L’Ile-de-France se singularise in fine par la stabilisation encore récente de son paysage intercommunal La mise en œuvre des lois MAPTAM (Loi de modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles du 27 janvier 2014) et NOTRe (Loi portant nouvelle organisation territoriale de la République du 7 août 2015) se sont traduits par l’achèvement de la carte intercommunale au 1er janvier 2016 et l’intégration de l’ensemble des communes franciliennes au sein d’intercommunalités. La restructuration institutionnelle est néanmoins encore partielle et marquée par de fortes disparités tant en termes de transferts de compétences et de fiscalité que de portage politique. Cela découle tout autant des redécoupages de cet échelon de gouvernance, que du caractère relativement récent du fait intercommunal en Île-de-France ainsi que de l’expectative liée à l’annonce d’arbitrages gouvernementaux toujours à venir. Parallèlement à ces réformes de l’organisation territoriale, ces jeunes intercommunalités doivent faire face à une profusion législative d’une rare intensité (loi ville et cohésion urbaine, loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové ALUR, loi Egalité Citoyenneté) dont la mise en œuvre conduit à de nouvelles répartitions des compétences entre échelons territoriaux et requiert une ingénierie renforcée. À la suite de l’entrée en vigueur, au 1er janvier 2016, des Schémas Régionaux de Coopération Intercommunale, les périmètres des intercommunalités franciliennes ont sensiblement évolué, leur nombre ayant été réduit de près de la moitié en 2 ans. Entre 2015 et 2018, le nombre d’intercommunalités de la région est ainsi passé de 113 structures à 64 en comptant la MGP. Entre 2013 et 2018, 37 intercommunalités ont ainsi été créées, tandis que seules 7 des 26 intercommunalités créées avant 2013 n’ont pas connu de modification de périmètre au cours des cinq années suivantes. L’achèvement et la rationalisation de la carte intercommunale ont alors permis à l’Île-de-France de commencer à rattraper son retard en matière de structuration intercommunale.Si l’ensemble du territoire francilien est désormais couvert par des établissements publics de coopération intercommunale et la cartographie des EPCI quasiment stabilisée, leurs degrés de maturité, tant en termes de transferts de compétences et de fiscalité que de portage politique, peuvent sensiblement varier. Des politiques locales qui doivent s’ajuster à ces nouveaux périmètres : une majorité de PLH franciliens en cours d’élaboration ou de révision En octobre 2015, avant la mise en place du nouveau schéma de coopération intercommunal, on comptait près de 90 PLH en Ile-de-France, dont 38 PLH relevant d’un périmètre intercommunal et 15 PLH intercommunaux étaient engagés. La couverture du territoire francilien par des PLH à portée intercommunale restait cependant encore très largement incomplète, notamment en grande couronne.Cette reconfiguration territoriale a conduit à ce que des mesures transitoires soient accordées aux territoires pour actualiser et reprendre leurs Programmes Locaux de l’Habitat à l’échelle des nouveaux périmètres intercommunaux. Ces mesures transitoires prévoient qu’« en cas de modification de périmètre ou de création d’un EPCI, les PLH existants sont exécutoires pendant 2 ans, dans l’attente de l’entrée en vigueur d’un PLH sur le nouveau périmètre ».Ces mesures s’appliquent cependant différemment au sein de l’Ile-de-France :• dans la MGP, les PLH existants restent exécutoires jusqu’à l’approbation du PMHH (la période transitoire de deux ans s’appliquant à compter du 1er janvier 2017)• en grande couronne, la quasi-totalité des collectivités avaient jusqu’au 1er janvier 2018 pour engager l’élaboration de leur nouveau PLH (à l’exception de la CA du Pays de Fontainebleau créée au 1er janvier 2017 et disposant d’un délai supplémentaire d’un an, soit jusqu’en 01/2019)L’Ile-de-France est ainsi encore peu couverte par des PLH intercommunaux élaborés sur les périmètres du SRCI 2016. Mais, conformément au calendrier des mesures prises à la suite du SRCI, une nouvelle séquence d’élaboration de PLH s’est enclenchée en 2018 et devrait se poursuivre par de multiples approbations à partir de 2019 avec la stabilisation des périmètres et la maturation des exécutifs locaux.

2.4. Méthode d’analyse et compléments

Cinq axes d’analyse ont été retenus. Pour chacun d’entre eux, on s’est efforcé de déterminer s’il fait l’objet d’un diagnostic convaincant, si les objectifs qui en découlent sont clairement définis, si les actions prévues paraissent adaptées et si les moyens financiers et opérationnels affectés sont suffisants.

L’analyse des PLH selon ces cinq axes a été effectuée en fonction des critères suivants :

comment sont pris en compte les besoins socio-démographiques ?

lutte contre l’étalement urbain et optimisation du foncier ;

régulation du marché, développement d’une offre de logements abordable ;

lutte contre la ségrégation sociale et la relégation socio-spatiale ;

politiques d’amélioration de la qualité de l’habitat.

3. Enseignements

Conformément à ce qui était attendu, une certaine similitude apparaît dans la structure des PLH des différentes métropoles, du fait des règles précises fixées par la loi. Sont donc évoqués dans chacun d’eux les différents thèmes qu’elle impose, depuis les objectifs en termes de production de logements jusqu’aux réponses à apporter aux besoins des populations spécifiques, en passant par les opérations de renouvellement urbain, le logement des personnes en difficulté, la lutte contre le logement indigne, la prévention et le traitement des copropriétés en difficulté, l’adaptation des logements au vieillissement et du handicap. C’est dire que les PLH balaient l’ensemble du spectre de la politique du logement.

Le transfert des compétences en matière d’aménagement et d’urbanisme s’inscrivait dans le cadre d’une réforme correspondant « à la volonté politique de la gauche, arrivée au pouvoir en 1981, de réaliser une profonde décentralisation de l’administration française » [12] . En matière d’habitat, les objectifs et la méthode diffèrent. La réorganisation des compétences entre l’État et les collectivités territoriales est en cours. Il s’agit d’un processus de longue durée, initié dès les années 1980, marqué par un certain pragmatisme. Il s’est en effet déroulé de façon très progressive, au fil des différentes lois ayant trait à l’habitat et à la politique de la ville et dans un environnement institutionnel qui n’a cessé d’évoluer au cours des dernières décennies avec le développement de l’intercommunalité. Comme nous l’avons vu dans la partie 1, les objectifs des gouvernements qui, toutes tendances politiques confondues, ont contribué à ce processus, sont plutôt terre à terre : il s’agit, certes, de créer les conditions d’une efficacité accrue, mais aussi de transférer aux collectivités locales une part croissante du coût de la politique du logement, qu’il s’agisse du financement des opérations ou des moyens humains que nécessitent l’établissement de diagnostics pertinents, la définition et la mise en œuvre de politiques locales.

Notre objectif n’étant pas de porter un jugement moral sur les motivations des décisions gouvernementales, nous nous intéressons exclusivement à leurs résultats et surtout, s’agissant d’un processus en cours, aux potentialités dont elles sont porteuses. L’analyse qui précède montre qu’elles sont prometteuses.

3.1. Réorganisation progressive des compétences plutôt que redistribution

Il semble en effet préférable de parler de réorganisation plutôt que de redistribution, car les responsabilités de l’État et les collectivités territoriales sont imbriquées et ne peuvent être efficacement exercées que conjointement.

La méthode utilisée a consisté à mettre en œuvre un transfert progressif aux collectivités territoriales de responsabilités exercées précédemment par l’État et ses services extérieurs – désormais dénommés « services déconcentrés ». La délégation de la gestion des aides à la pierre, qui en est un élément majeur, est optionnelle : pour l’obtenir, les EPCI doivent en faire la demande et conclure avec l’État une convention ad hoc. On l’a vu, la totalité des métropoles et des communautés urbaines a saisi cette opportunité, malgré les contraintes imposées, ce qui atteste d’une évolution des mentalités : les élus locaux n’attendent plus de l’État qu’il définisse dans le détail et conduise les actions au niveau local, ils s’estiment désormais légitimes et compétents pour assumer leur part de responsabilités.

L’apprentissage de la coopération intercommunale

Certaines agglomérations, Nancy, Rennes et quelques autres, où la coopération intercommunale est déjà ancienne et qui ont de longue date mis en place une politique locale de l’habitat, ont joué à cet égard un rôle pionnier. Si elles conservent aujourd’hui quelques longueurs d’avance sur les autres intercommunalités, un mouvement général est lancé et les autres métropoles ou communautés urbaines se sont engagées dans le sillon qu’elles ont tracé.

Cela ne va pas sans difficultés. Passer d’une vision communale à une échelle de décision communautaire suppose un apprentissage de la coopération qui ne se fait pas du jour au lendemain, surtout dans le domaine de l’habitat, car l’implantation des logements, selon les publics auxquels ils peuvent être destinés, constitue un enjeu électoral d’importance. En témoignent les oppositions qu’a suscitées l’article 55 de la loi SRU, qui fixe à chaque commune, au-delà d’un certain seuil de population, un objectif minimal en termes de pourcentage de logement sociaux dans l’ensemble des résidences principales. Plus généralement, la construction de nouveaux logements, quelles que soient leurs caractéristiques, peut être vue d’un mauvais œil par les habitants en place : c’est le syndrome bien connu NIMBY ( not in my backyard ). On ne doit donc pas s’étonner de constater que l’élaboration des PLH n’emporte pas toujours une adhésion unanime des élus communaux.

La nécessaire concertation pour l’élaboration des PLH – elle est d’ailleurs prévue par la loi – a heureusement des vertus pédagogiques, en ce qu’elle permet de confronter les points de vue et d’aboutir à des décisions qui, si elles ne sont pas toujours consensuelles, permettent de définir progressivement une politique de l’habitat. L’amélioration de la connaissance des marchés et des conditions de logement et l’évaluation des résultats obtenus tendent toutefois à faciliter la construction de consensus. Force est en effet de constater que les progrès sont nettement visibles entre les différentes générations de PLH : aux déclarations d’intention qui occupent une large place dans les premiers PLH succèdent progressivement des orientations plus affirmées et des actions de plus en plus précisément définies. C’est le cas par exemple de la prévention de la dégradation des copropriétés, qui ne peut être effective qu’en s’appuyant sur une connaissance de la situation qui suppose la mise en place d’un dispositif d’observation ah hoc.

L’État est omniprésent dans ce processus, d’une part parce qu’il en a défini les règles et contrôle leur application, d’autre part parce qu’il demeure un partenaire incontournable des intercommunalités. Partenaire financier d’abord, puisqu’il continue à assumer l’essentiel de la charge des politiques du logement même si, nous l’avons vu, les collectivités territoriales y contribuent pour une part croissante. Partenaire technique aussi, car il fournit l’essentiel de la boîte à outils à leur disposition. Ce dernier point est d’ailleurs à la fois un atout et un sujet de préoccupation, car la panoplie est limitée et ne permet pas d’agir avec efficacité sur toutes les situations. Ce que constatent certaines intercommunalités qui souhaiteraient avoir la possibilité d’expérimenter de nouvelles méthodes sans qu’il soit pour cela nécessaire de modifier la loi.

La démarche partenariale inclut enfin les autres acteurs principaux de l’habitat, qu’ils soient publics ou privés : organismes de logement social, évidemment, mais aussi Action logement, promoteurs privés, aménageurs ou organismes professionnels. Il reste, nous l’avons vu, que la question du pilotage n’est pour l’heure pas clairement résolue. Nous y reviendrons.

3.2. Des acquis cumulatifs

Connaissance et savoir-faire

Le premier acquis est celui de la connaissance des marchés locaux du logement, qui progresse rapidement. L’une des exigences pour la délégation des aides à la pierre est que les collectivités délégataires se dotent d’un observatoire de l’habitat. C’est en effet une condition nécessaire pour établir des diagnostics pertinents sur lesquels fonder une politique locale. Le processus est en cours, et si le dispositif d’observation est encore embryonnaire dans certaines intercommunalités, il va sans aucun doute s’améliorer rapidement avec la capacité de mobiliser et d’analyser, au niveau local, les données existantes, jusqu’ici souvent sous-exploitées, mais aussi avec la création d’outils locaux comme les observatoires des loyers ou les dispositifs de suivi des copropriétés.

Le simple fait d’avoir à énoncer des objectifs en matière, par exemple, de sauvegarde des copropriétés ou d’adaptation des logements existants conduit, dans les PLH des premières générations, à programmer la mise en place de dispositifs d’observation. Cette première étape, indispensable, se traduira dans les PLH suivants dont le but ne sera plus seulement d’observer, mais d’agir en se fondant sur une connaissance des situations qui n’existait pas auparavant.

L’amélioration de la connaissance du fonctionnement des marchés – et de leurs dysfonctionnements – permet en effet d’asseoir des analyses de plus en plus fines et complètes, d’autant qu’elle s’accompagne d’une montée en régime des capacités d’ingénierie. Les services logement des EPCI se sont étoffés et acquièrent progressivement expérience et savoir-faire.

Gestion de proximité

Le périmètre limité des intercommunalités permet de décliner les objectifs selon un maillage géographique fin : la commune ou, pour les plus peuplées d’entre elles, le quartier. C’est un impératif si l’on souhaite promouvoir un développement urbain équilibré. Cette question du maillage est, on le sait, l’un des écueils des politiques d’amélioration de la mixité sociale, car imposer des quotas sur un périmètre étendu peut être inopérant si ce périmètre est un patchwork de quartiers « spécialisés ». En d’autres termes, pour être efficaces ces politiques doivent être chirurgicales : un impératif qui dépasse les possibilités des services de l’État, dont la vision du territoire est forcément télescopique, mais qui est à la portée de collectivités territoriales disposant d’un bon outil d’observation et dont les élus émanent des différentes parties de leur territoire.

Évaluation

Le code de la construction et de l’habitation impose la réalisation périodique de bilans des actions engagées. Le but est d’inciter les collectivités à se doter d’un outil de pilotage leur permettant de suivre régulièrement les réalisations et, le cas échéant, de corriger les dérives ou les insuffisances constatées. L’établissement de bilans est aussi une condition nécessaire pour évaluer l’efficacité des politiques engagées.

Si l’on n’en voit pas encore les effets dans tous les PLH, des éléments de bilans sont présents dans certains diagnostics et ils sont utilisés, dans certains cas, pour corriger ou compléter certaines actions qui n’ont pas eu les résultats attendus. Si cette pratique s’étend, voire se généralise, l’État aura ainsi réussi à obtenir des intercommunalités ce qu’il a toujours beaucoup de mal à s’appliquer à lui-même : l’évaluation des politiques publiques. Le défaut d’évaluation est en effet régulièrement mis en évidence dans les rapports de la Cour des comptes. Pour n’en donner qu’un exemple, dans le domaine de la politique du logement, citons les dispositifs d’aide fiscale à l’investissement locatif, en vigueur sous des formes différentes depuis trente-cinq ans, dont aucune évaluation digne de ce nom n’est possible du fait de l’absence de communication par la DGFiP de données chiffrées et territorialisées.

Coordination avec l’urbanisme et les transports

Selon le ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, « l’intercommunalité est souvent désormais l’échelle la plus pertinente pour coordonner les politiques d’urbanisme, d’habitat et de déplacements » [13] . Les métropoles, communautés urbaines et communautés d’agglomération exercent en effet des compétences dans ces trois domaines et sont encouragées par l’Etat à établir des plans locaux d’urbanisme au niveau intercommunal (PLUI) comportant un volet transports et un volet habitat (PLH).

Les intercommunalités concernées disposent donc aujourd’hui de tous les leviers nécessaires pour maîtriser le développement urbain dans ses différentes dimensions. C’est sans aucun doute un progrès, par rapport à une époque pas si lointaine où des décisions non coordonnées ont pu parfois aboutir à la création de quartiers (notamment de logement social) coupés du reste de la ville car mal desservis par les transports urbains.

3.3. Des progrès à réaliser

Un univers encore très structuré par l’État

Les politiques de l’habitat se déclinent selon une structuration relativement figée, définie par l’État et qui est un décalque des différents volets de la politique nationale. Certes, ces différentes actions correspondent à des objectifs qui n’ont pas été définis ex nihilo, mais (pour la plupart) en réponse à des problématiques identifiées et relativement universelles. L’idée que les mêmes grilles d’analyse et les mêmes recettes s’appliquent avec succès dans la totalité d’un territoire pourtant hétérogène est une caractéristique de la gestion centralisée à la Française, qui n’a pas disparu avec le processus en cours.

De cet état de choses découlent deux caractéristiques qui ont leur traduction dans les PLH.

La première est que les items obligatoires (objectifs détaillés d’offre nouvelle, rénovation du parc existant, politique foncière, réponses aux besoins de populations particulières), explicités dans le code de la construction et de l’habitation, figurent systématiquement dans les PLH, sans qu’ils soient toujours hiérarchisés en fonction de leur importance réelle, laquelle n’est d’ailleurs pas forcément évaluée.

La seconde est qu’à quelques exceptions près, les politiques locales s’appuient sur les outils préconisés par l’État et sur les financements qu’il propose, ce qui peut avoir deux types de conséquences : l’utilisation systématique des dispositifs nationaux dans une logique de guichet et l’insuffisance de moyens d’action dans certains domaines.

Les limites de l’utilisation locale des aides nationales

Le financement des politiques locales par des crédits d’État découle de la logique de la gestion déléguée des crédits. Il peut toutefois conduire à des aberrations si l’accès aux aides nationales ne coûte rien à la collectivité qui en bénéficie.

Ce n’est pas le cas pour ce qui concerne le logement locatif social, puisqu’une aide locale complémentaire de celle de l’État est le plus souvent indispensable pour que les opérations de construction ou de réhabilitation puissent être réalisées. De même, les collectivités délégataires contribuent souvent au financement de l’amélioration du secteur privé, soit pour renforcer les aides de l’État, soit à titre subsidiaire pour faire face à des besoins non pris en compte dans les politiques nationales. Ce faisant, elles n’évitent pas toujours le risque d’une politique de saupoudrage.

Il en va différemment de l’accession à la propriété et de l’investissement locatif privé. Presque tous les PLH étudiés comprennent un volet visant à promouvoir, sous des vocables différents, l’accession sociale à la propriété, même si les effectifs concernés sont faibles. Le prêt à taux zéro, accordé à guichet ouvert, échappant à leur maîtrise, les intercommunalités se tournent vers le prêt social location-accession (PSLA), qui présente l’avantage de véhiculer une aide individuelle très importante, grâce notamment au taux réduit de TVA dont bénéficient les opérations et dont les opérateurs ont réussi à faire un simple produit de financement de l’accession en réduisant à presque rien la durée de la phase locative. Cependant, en raison des contraintes dont il est assorti, notamment la nécessité d’assumer la gestion locative pendant la période initiale, le nombre de PSLA est restreint à quelques milliers par an pour l’ensemble de la France.

A l’inverse, les aides fiscales à l’investissement locatif sont accordées à guichet ouvert, à la condition que les conditions d’éligibilité des opérations soient satisfaites. Parmi ces conditions figure leur localisation : seuls les logements construits dans des communes situées en zones A, Abis et B1 (censées correspondre aux marchés tendus) peuvent en bénéficier (cf. carte des zonages supra). Il en découle un double problème : les collectivités locales « éligibles » n’ont en principe aucun contrôle sur la production, qui obéit exclusivement à des décisions d’acteurs privés, et les autres (en zone B2) réclament d’être « surclassées » (en zone B1), au motif que les promoteurs font de la possibilité de produire des logements éligibles à l’aide une condition de leur implication dans les projets de construction. Certaines collectivités suggèrent que des quotas de « Pinel » leur soient accordés dans le cadre des conventions de délégation. Une solution qui, selon la loi de finances 2020, devrait faire l’objet d’une expérimentation en Bretagne.

Une boîte à outils incomplète

De l’étude des PLH, il ressort également qu’à l’exception des actions portant sur le parc locatif social, notamment les opérations de renouvellement urbain, dotées de financement importants, les moyens d’intervention sur le parc existant ne sont pas toujours à hauteur des enjeux. C’est vrai notamment de la rénovation énergétique du parc privé, qui figure partout parmi les enjeux identifiés, mais dont les bilans de réalisation sont très en deçà des objectifs, malgré l’implication des collectivités locales pour informer et accompagner les propriétaires dans la réalisation des travaux. L’objectif du projet de stratégie nationale bas carbone implique en effet d’atteindre, à terme, 700 000 rénovations lourdes par an contre à peine 200 000 actuellement. La question du financement et de l’insuffisante rentabilité individuelle des opérations reste un problème non résolu, et il serait vain d’attendre des collectivités locales qu’elles pallient les carences de l’État.

Dans d’autres domaines, ce sont moins les moyens financiers que les méthodes d’action qui posent problème. C’est le cas de l’éradication des logements insalubres ou indignes, de la prévention des difficultés dans les copropriétés ou de la lutte contre la précarité énergétique. La difficulté est d’abord de repérer les logements et/ou les ménages concernés par ces problèmes, puis de mettre au point des méthodes d’intervention. Si l’on en juge par le contenu des PLH, c’est ce à quoi s’attachent dorénavant les intercommunalités.

On retrouve la même difficulté pour traiter un problème qui est récemment apparu comme concernant de nombreuses agglomérations : la dévitalisation des centres anciens, qui se manifeste par l’augmentation de la vacance résidentielle et par la disparition des commerces de proximité Si le phénomène concerne au premier chef les villes petites ou moyennes, les plus grandes n’y échappent pas toujours. Les dispositifs Action cœur de ville et les opérations de revitalisation du territoire (ORT) mobilisent pour une large part des outils déjà existants, notamment les aides de l’Anah, qui n’ont jusqu’à présent pas suffi à empêcher la dévitalisation. Agir efficacement sur le parc privé est en effet compliqué, car les décisions en la matière sont pour une large part du ressort des propriétaires. Plus que de moyens financiers, ce sont les modes d’action qui, pour l’heure, font défaut pour contrecarrer une dérive dont on peut estimer qu’elle a été favorisée par le laxisme des autorités à l’égard du développement des grandes surfaces commerciales, mais qui traduit aussi l’aspiration au mode de vie pavillonnaire, une évolution sur laquelle il sera sans doute difficile de revenir.

Quels rapports avec le voisinage ?

La création d’intercommunalités de grande taille dont le périmètre englobe l’agglomération centrale est évidemment une condition sine qua non pour élaborer et mettre en œuvre une politique du logement. Cependant, même en supposant que la coopération entre communes se déroule de façon idyllique et que chaque maire fasse passer l’intérêt global avant celui de sa commune, la maîtrise de l’intercommunalité sur les localisations résidentielles est limitée. Plusieurs d’entre elles font état, dans leur diagnostic, d’une tendance à la « fuite vers la périphérie » des accédant à la propriété, du fait de l’attrait de la maison individuelle et des coûts fonciers moins élevés. Ce phénomène s’observe à l’intérieur du périmètre des métropoles, vers les communes les plus éloignées de la ville centre, mais aussi vers l’extérieur.

Les métropoles tentent de lutter contre cette tendance, au nom de l’équilibre du peuplement des différentes zones, mais aussi de la lutte contre l’étalement urbain et la consommation d’espace. Cette lutte suppose, pour être efficace, une coopération entre les EPCI voisins, coopération qui, semble-t-il, n’est encore qu’embryonnaire mais dont certains PLH soulignent la nécessité. Ainsi, la contention de l’étalement, que l’État n’a pas été en mesure d’assurer, pourrait être, à terme, l’un des bienfaits d’une autonomie accrue des politiques locales du logement.

4. Vers une autonomie accrue des EPCI

4.1. Clarifier les responsabilités : un enjeu démocratique

Le constat est donc celui d’un paysage en pleine évolution, dans lequel les grandes intercommunalités prennent progressivement possession de responsabilités nouvelles, qu’elles exercent de façon encore inégale. La dynamique qui s’est engagée laisse espérer que les résultats obtenus par celles qui bénéficient de la plus grande expérience rendra possible, à un horizon relativement proche, un nouvel équilibre et une compréhension nouvelle des rapports entre État et collectivités locales, dans laquelle ces dernières jouiront d’une plus grande autonomie tout en collaborant étroitement avec l’État, celui-ci continuant par ailleurs à définir les règles du jeu et les grands objectifs.

La situation actuelle ne peut être que provisoire. La succession de réformes et l’imbrication des compétences ont en effet pour conséquence de rendre peu lisible la répartition des responsabilités. Les intercommunalités ne sont pas identifiées comme les pilotes des politiques de logement, de sorte que celles-ci sont quasiment absentes des débats précédant les élections municipales. L’État est toujours vu comme le maître d’œuvre de ces politiques, et c’est à lui que l’on s’adresse lorsqu’il faut faire face à des difficultés.

L’expérimentation semble aujourd’hui assez avancée et suffisamment concluante pour que le gouvernement puisse afficher des objectifs et un calendrier. Rien ne justifierait de prolonger indéfiniment la phase transitoire qui doit logiquement mener vers un nouvel équilibre des responsabilités dans lequel les intercommunalités seront clairement désignées comme les autorités organisatrices des politiques locales de l’habitat. C’est bien ainsi, au demeurant, que l’entend le gouvernement qui, dans le cadre de l’élaboration de la loi Décentralisation, différenciation et déconcentration, dite loi « 3D », poursuit cette démarche pragmatique en organisant une concertation avec les collectivités locales.

4.2. Achever le transfert des leviers

Pour être en mesure de conduire la politique locale de l’habitat, les intercommunalités doivent pouvoir disposer de l’ensemble des outils qui leur sont nécessaires. Sur le plan juridique, bien qu’un nombre croissant d’intercommunalités disposent de la compétence PLUI, cela implique de leur conférer l’entièreté des compétences en matière de droit des sols, notamment d’octroi du permis de construire. Sur le plan financier, cela signifie qu’elles doivent avoir les moyens de maîtriser l’utilisation des aides publiques sur leur territoire. Ce n’est pas le cas, actuellement, pour ce qui concerne les aides fiscales, qui sont distribuées à guichet ouvert lorsque les conditions d’éligibilité sont remplies. Il suffirait, pour cela, que l’accès à l’aide fiscale soit conditionné par une aide complémentaire locale. Un tel principe aurait l’avantage de rendre inutile le découpage du territoire en zones qui, on l’a vu, ne reflètent que de façon très sommaire la réalité des marchés et le coût qu’il induirait pour les intercommunalités garantirait que les aides ne seraient utilisées que là où elles sont indispensables. De façon plus large, la délégation des aides nationales devrait évoluer vers une fongibilité des enveloppes qui permettrait aux intercommunalités de décider de l’affectation la plus efficace des crédits au regard des problématiques locales, dans le respect des grands objectifs fixés par l’État. Dans le même esprit, la possibilité d’adapter les modalités d’application de certaines directives nationales pourrait leur être offerte : c’est le cas notamment des objectifs de rattrapage fixés par l’article 55 de la loi solidarité et renouvellement urbain aux communes carencées en logement social, dont le maillage géographique gagnerait sans doute à être appliqué de façon moins automatique. Cela supposerait que s’instaure un dialogue équilibré avec l’État permettant de garantir le respect des équilibres sociaux et spatiaux entre les communes.

Enfin, la délégation (ou le transfert, selon le vocabulaire adopté) de compétences devrait être étendue aux autres volets de la politique de l’habitat, c’est-à-dire à la mise en œuvre du droit au logement opposable et à l’hébergement.

4.3. Quelle répartition des rôles ?

Dans ce nouveau schéma de répartition des compétences, l’État conserverait la définition des règles – le code de la construction et de l’habitation – et celles des grands objectifs : faire face aux besoins en logement des plus démunis, mixité sociale, régulation des marchés du logement. Il supporterait et distribuerait la plus large part du financement des actions mises en œuvre localement pour poursuivre ces objectifs. Enfin, il assurerait l’encadrement des grands opérateurs que sont les organismes de logement social et Action logement.

Les intercommunalités seraient chargées de définir et de mettre en œuvre sur leur territoire les actions nécessaires pour atteindre les objectifs fixés. Le choix des moyens leur incomberait. A cet égard, il serait bon de faciliter le recours à l’expérimentation pour mettre au point des outils complétant la panoplie de ceux proposés par l’État. Cette répartition exige une coopération étroite entre les intercommunalités et les services déconcentrés de l’État. Pour pouvoir fonctionner de façon harmonieuse, cette coopération doit nécessairement s’appuyer sur une connaissance partagée des marchés locaux et sur la négociation. Le schéma esquissé ne doit pas être trop rigide, car les pouvoirs locaux peuvent légitimement avoir des priorités au regard de leur stratégie d’accueil et d’aménagement du territoire, mais aussi en réponse à des situations qui diffèrent d’un territoire à l’autre et qui influent sur les choix opérés : cœur de ville ou périphérie, maison individuelle ou collectif, accession ou locatif.

C’est dire que des deux côtés, des compétences sont nécessaires pour qu’il soit possible d’appliquer avec souplesse et discernement les directives nationales. Or, si les capacités en ingénierie se sont considérablement renforcées du côté des intercommunalités, la tendance est à la réduction d’effectifs du côté de l’État. Le risque, si elle se prolongeait, serait dans une application rigide de ces directives qui imposerait aux intercommunalités un carcan incompatible avec une décentralisation bien comprise.

4.4. Le problème de l’égalité des territoires

Reste toutefois à imaginer quel pourrait être le rôle attribué aux intercommunalités les moins peuplées, qui ne pourront pas se doter des moyens nécessaires à l’élaboration et à la mise en œuvre d’une politique du logement. Deux solutions, non exclusives, sont envisageables : la collaboration avec un EPCI voisin de plus grande taille et l’appui des services de l’Etat.

La collaboration d’EPCI de plus petite taille avec une métropole ou une communauté urbaine voisine existe déjà dans quelque cas. La plus petite peut recourir aux services de la plus grande pour assurer des missions de type administratif, comme l’instruction des permis de construire, voire pour lui fournir un appui technique dans l’élaboration de la planification urbaine.

Ce schéma, qui a en outre l’avantage de favoriser la concertation entre intercommunalités voisines, pourrait être étendu, mais il ne peut pas être systématique, ne serait-ce que parce qu’il suppose la proximité géographique. Pour les EPCI qui ne peuvent pas s’y inscrire, l’appui de services de l’État restera indispensable. Reste à savoir de quels services il pourra s’agir : les services déconcentrés départementaux, dont les moyens en ingénierie ont beaucoup diminué et dont la cure d’amaigrissement n’est pas sans doute pas achevée, ne seront plus en mesure de fournir cet appui. Ce rôle pourrait être dévolu à l’Agence nationale de la cohésion des territoires, créée en 2019, dont l’objet est notamment d’« apporte[r] un concours humain et financier aux communautés territoriales et à leurs groupements » et dont le logement constitue l’un des champs d’action. [14]

Annexe : Données statistiques sur les EPCI de plus de 250 000 habitants

EPCI

Population

Répartition des logements par usage 2016

Logts vacants

Nom de la ville centre

Population 2016

Évolution annuelle 2011–2016

Part 75 ans et +

Rés. principales

Rés. secondaires

Logts vacants

Évolution 2006–2016

Aix-Marseille

1 873 707

+ 0,4%

9,5%

88,6%

4,2%

7,2%

+ 1,3%

Lyon

1 381 249

+ 1,1%

8,1%

89,8%

2,8%

7,4%

+ 0,9%

Lille

1 143 572

+ 0,4%

6,8%

91,8%

1,0%

7,2%

+ 2,0%

Bordeaux

783 081

+ 1,5%

8,0%

91,9%

2,6%

5,5%

+ 0,4%

Toulouse

762 956

+ 1,3%

7,1%

90,2%

2,7%

7,1%

+ 2,2%

Nantes

638 931

+ 1,5%

7,9%

91,8%

2,8%

5,3%

+ 1,1%

Nice

538 769

+ 0,0%

12,3%

71,6%

17,3%

11,2%

+ 2,1%

Strasbourg

491 409

+ 0,6%

7,8%

89,9%

2,8%

7,3%

+ 1,6%

Rouen

490 001

+ 0,1%

8,9%

90,4%

1,2%

8,3%

+ 2,5%

Montpellier

465 070

+ 1,7%

7,6%

89,5%

3,5%

7,0%

– 0,2%

Rennes

443 192

+ 1,4%

7,1%

91,9%

2,1%

6,0%

+ 1,7%

Grenoble

443 123

+ 0,3%

8,8%

89,1%

2,7%

8,2%

+ 3,4%

Toulon

433 221

+ 0,5%

12,6%

81,2%

12,4%

6,4%

+ 0,1%

Saint-Étienne

404 048

+ 0,2%

10,9%

87,7%

2,0%

10,3%

+ 2,1%

Bayonne

306 306

+ 1,0%

12,4%

72,9%

21,2%

5,9%

+ 2,0%

Reims

294 674

+ 0,4%

7,8%

90,4%

1,9%

7,7%

+ 1,8%

Angers

293 701

+ 0,7%

8,8%

91,8%

2,0%

6,2%

+ 2,3%

Tours

293 123

+ 0,3%

10,2%

89,4%

2,1%

8,5%

+ 3,0%

Clermont-Ferrand

288 435

+ 0,5%

9,6%

88,4%

3,1%

8,5%

+ 1,5%

Orléans

282 828

+ 0,6%

8,2%

90,0%

1,9%

8,1%

+ 1,8%

Béthune

277 812

+ 0,0%

8,4%

91,6%

0,5%

7,9%

+ 2,4%

Mulhouse

272 712

+ 0,2%

8,7%

88,2%

1,0%

10,8%

+ 2,9%

Le Havre

269 321

– 0,2%

9,1%

88,9%

2,3%

8,7%

+ 3,7%

Perpignan

268 581

+ 1,0%

11,5%

72,9%

17,7%

9,4%

+ 1,9%

Caen

265 466

+ 0,4%

8,8%

89,1%

3,9%

7,0%

+ 2,6%

Nîmes

257 788

+ 0,8%

9,5%

88,7%

3,9%

7,4%

– 0,3%

Nancy

256 610

+ 0,0%

8,5%

88,5%

2,0%

9,5%

+ 2,6%

Dijon

251 897

+ 0,5%

9,3%

91,0%

2,2%

6,7%

+ 0,3%

EPCI

Répartition des logements par type de construction

Répartition des résidences principales par statut d’occupation

Taux de suroccupation (2015)

Nb moyen de pièces (2016)

Nom de la ville centre

Maisons

Appar-tements

Propriétaires occupants

Locataires secteur libre

Locataires secteur social

Autre statuts

Aix-Marseille

35,5%

64,5%

50,5%

31,4%

15,4%

2,7%

13,3%

3,5

Lyon

17,5%

82,5%

43,0%

35,0%

19,9%

2,0%

14,6%

3,4

Lille

52,9%

47,1%

49,3%

26,3%

23,0%

1,4%

11,3%

4,0

Bordeaux

40,9%

59,1%

43,3%

36,8%

18,0%

1,8%

14,3%

3,5

Toulouse

31,1%

68,9%

41,9%

43,1%

12,8%

2,1%

15,0%

3,4

Nantes

40,9%

59,1%

51,5%

31,0%

16,3%

1,3%

11,7%

3,7

Nice

18,0%

82,0%

52,2%

34,2%

10,0%

3,6%

21,8%

3,0

Strasbourg

19,3%

80,7%

38,6%

39,8%

19,7%

1,9%

15,4%

3,5

Rouen

42,7%

57,3%

44,1%

26,8%

27,7%

1,3%

10,5%

3,7

Montpellier

31,6%

68,4%

42,4%

42,2%

13,3%

2,1%

19,1%

3,3

Rennes

35,5%

64,5%

48,0%

32,5%

18,2%

1,3%

11,9%

3,8

Grenoble

21,3%

78,7%

50,7%

31,4%

15,8%

2,1%

13,3%

3,5

Toulon

33,0%

67,0%

52,2%

34,3%

10,7%

2,7%

12,1%

3,4

Saint-Étienne

31,5%

68,5%

50,4%

26,8%

21,2%

1,7%

7,5%

3,8

Bayonne

41,7%

58,3%

58,5%

28,3%

10,5%

2,8%

6,5%

4,0

Reims

42,0%

58,0%

41,9%

25,2%

31,2%

1,7%

10,4%

3,9

Angers

45,6%

54,4%

46,6%

27,5%

24,8%

1,0%

11,1%

3,9

Tours

38,8%

61,2%

46,5%

29,6%

22,3%

1,6%

13,0%

3,7

Clermont-Ferrand

37,3%

62,7%

46,7%

33,0%

18,3%

2,0%

11,6%

3,6

Orléans

46,5%

53,5%

51,5%

28,4%

18,5%

1,6%

11,7%

3,8

Béthune

86,8%

13,2%

58,1%

20,1%

19,8%

2,0%

4,0%

4,5

Mulhouse

39,6%

60,4%

54,1%

27,6%

16,4%

1,9%

8,7%

3,9

Le Havre

42,1%

57,9%

49,4%

22,3%

27,0%

1,3%

0,0%

3,8

Perpignan

50,8%

49,2%

55,3%

32,0%

10,2%

2,4%

8,7%

3,8

Caen

44,4%

55,6%

45,0%

30,7%

22,9%

1,4%

12,7%

3,7

Nîmes

50,6%

49,4%

51,2%

33,3%

13,2%

2,2%

10,7%

3,8

Nancy

26,5%

73,5%

40,8%

38,0%

19,6%

1,7%

14,8%

3,5

Dijon

26,3%

73,7%

47,7%

33,2%

17,0%

2,1%

13,5%

3,5

EPCI

Taux de concentration des HLM dans la ville centre 2016

Nombre de demandes de HLM pour une attribution 2018

Part de la population vivant en QPV

Prix au m2 d’un trois pièces

Part de la population qui a déménagé depuis moins d’un an (2016)

Nb de logements mis en chantier pour 1000 habitants (2015)

Évolution de l’emploi annuel moyen

Distance médiane domicile-travail (km)

Nom de la ville centre

2006–2011

2011–2016

Aix-Marseille

1,1

7,6

16,3%

2 465 €

13,3%

6,8

+ 0,8%

+ 0,3%

21,4

Lyon

0,8

5,8

11,8%

2 761 €

16,5%

8,3

+ 1,1%

+ 0,6%

17,7

Lille

0,9

4,6

18,3%

2 302 €

15,4%

6,2

+ 0,5%

+ 0,2%

17,0

Bordeaux

0,7

4,9

9,0%

3 158 €

18,6%

12,5

+ 0,9%

+ 1,0%

20,6

Toulouse

1,0

3,8

8,5%

2 490 €

21,1%

13,2

+ 1,4%

+ 1,4%

17,6

Nantes

1,2

5,3

8,8%

2 518 €

18,3%

12,0

+ 1,3%

+ 1,3%

19,5

Nice

1,2

10,7

8,0%

3 448 €

12,6%

6,2

– 0,0%

– 0,3%

17,5

Strasbourg

1,1

5,7

16,4%

n.d.

16,3%

9,6

+ 0,1%

+ 0,1%

16,0

Rouen

0,7

2,3

9,8%

1 688 €

16,5%

6,8

+ 0,2%

– 0,3%

19,3

Montpellier

1,2

7,3

11,9%

2 679 €

20,7%

13,7

+ 1,9%

+ 1,0%

20,0

Rennes

1,2

3,6

7,7%

2 260 €

20,5%

10,7

+ 0,8%

+ 0,7%

20,4

Grenoble

1,0

4,1

9,0%

2 085 €

17,3%

6,0

+ 0,5%

– 0,1%

14,4

Toulon

1,1

8,1

9,9%

2 375 €

13,0%

6,6

+ 0,2%

+ 0,2%

17,8

Saint-Étienne

0,9

2,1

11,0%

778 €

14,0%

4,1

– 0,5%

– 0,4%

19,3

Bayonne

2,0

6,4

1,8%

3 060 €

13,8%

12,7

+ 1,2%

+ 0,6%

26,4

Reims

1,3

2,3

12,0%

1 886 €

17,0%

6,7

– 0,2%

– 0,4%

18,3

Angers

1,2

2,6

11,3%

1 800 €

18,8%

6,6

+ 0,2%

+ 0,1%

21,2

Tours

1,2

2,9

12,2%

1 986 €

17,3%

7,1

+ 0,2%

– 0,0%

21,4

Clermont-Ferrand

1,2

3,9

6,7%

1 657 €

17,9%

6,5

+ 0,3%

+ 0,2%

14,6

Orléans

1,2

3,5

11,4%

n.d.

15,9%

7,0

– 0,2%

– 0,1%

17,6

Béthune

1,4

2,1

12,6%

n.d.

10,8%

3,8

– 0,8%

– 0,6%

22,5

Mulhouse

1,5

3,4

19,9%

n.d.

12,5%

3,5

– 0,4%

– 0,9%

17,0

Le Havre

1,2

0,0

15,9%

1 536 €

13,3%

4,5

– 0,3%

– 0,8%

16,2

Perpignan

1,3

4,1

12,4%

1 312 €

15,4%

7,0

+ 1,0%

+ 0,1%

17,9

Caen

1,0

3,7

9,9%

1 831 €

17,7%

8,9

+ 0,3%

– 0,0%

18,6

Nîmes

1,4

5,6

16,1%

1 441 €

14,3%

5,3

+ 0,7%

+ 0,2%

22,0

Nancy

0,8

2,4

13,4%

1 646 €

19,9%

5,3

+ 0,2%

– 0,5%

18,8

Dijon

0,8

3,2

8,2%

1 919 €

19,1%

7,8

+ 0,4%

– 0,6%

17,2

  1. Voir par exemple le site vie-publique.fr ( https://www.vie-publique.fr/loi/268675-loi-du-27-decembre-2019-engagement-dans-la-vie-locale-loi-sur-les-maires )

  2. Yves Jégouzo, « Les compétences “aménagement du territoire et urbanisme » : quelle décentralisation ? », Revue française d’administration publique n° 156, 2015, p. 1049–1054

  3. Voir par exemple Alain Jacquot, « Cinquante ans d’évolution des conditions de logement », in Données sociales : la société française, INSEE, édition 2006.

  4. La RLS contraint les bailleurs sociaux à réduire les loyers des locataires dont les ressources sont inférieures à un plafond, soit une baisse en masse de 1,3 milliards d’euros par an. Simultanément l’aide personnelle est diminuée d’un montant équivalent.

  5. https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/zonage-b-c#e2

  6. Sont soumises à cette obligation les métropoles, les communautés urbaines, les communautés d’agglomération et les communautés de communes compétentes en matière d’habitat de plus de 30 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 10 000 habitants.

  7. Source : http://www.financement-logement-social.logement.gouv.fr/liste-des-delegations-de-competences-2016-a1422.html

  8. Cour des comptes, référé n°S2019–1252 du 22 mai 2019.

  9. Source DGCL

  10. La Convention d’utilité sociale (CUS) s’impose depuis 2009 à tous les organismes de logement social, pour une période de six ans. Elle se situe dans le prolongement historique du conventionnement pour l’aide personnalisée au logement, des démarches de « gestion urbaine de proximité », puis de qualité de service et prend la suite du conventionnement global de patrimoine lancé en 2004.

  11. En 1966, Gaston Defferre a refusé la création d’une communauté urbaine autour de Marseille, au motif qu’il craignait que les communes communistes ou de droite y deviennent majoritaires.

  12. https://www.vie-publique.fr/fiches/19608-lacte-i-de-la-decentralisation-1982–1984

  13. Ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/demarche-et-outils-pour-elaborer-un-plan-local-durbanisme-plu-et-un-plui#e2

  14. Source : Commissariat général à l’égalité des territoires.

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