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Étude

Propositions pour une relance durable de la construction de logements

Le déficit de logements en France ne pénalise pas seulement ceux qui souffrent de la hausse des prix ou des loyers. Il fragilise toute la filière du bâtiment, avec des effets négatifs sur l’emploi. Terra Nova propose des mesures structurelles pour relancer la construction de logements.

Publié le 

INtroduction

Le rythme de la construction de logements neufs ne cesse de ralentir depuis trois ans [1]  :

Logements mis en chantier (constructions sur bâtiments existants inclus

2011

2012

2013

2014

Nombre en rythme annuel

392 000

384 000

342 000

298 000

Le décalage se creuse avec l’objectif de 500 000 logements par an, fixé pendant la campagne présidentielle de 2012 par François Hollande.

Les Français en sont frustrés, comme en témoigne un sondage d’août 2014 : 71 % estiment qu’il est difficile de trouver un logement et 80 % pensent que le marché ne s’améliorera pas dans les années qui viennent [2] . La hausse des prix des logements anciens est en partie l’une des conséquences de cette relative faible construction : + 156 % entre 1996 et 2012 (contre 27 % pour l’indice des prix à la consommation). Malgré la solvabilité limitée des acheteurs en période de stagnation du pouvoir d’achat et l’incertitude de leurs perspectives personnelles, ces prix exceptionnellement élevés « résistent » en n’enregistrant qu’une baisse moyenne de 4 % en 3 ans (cf. la note de Terra Nova sur la cherté de l’immobilier français qui a approfondi ce point en avril 2014).

Le ralentissement de la construction pèse également sur l’emploi et les entreprises. Par rapport à un rythme de 500 000 logements, la construction constatée fin 2014 réduirait théoriquement l’emploi en France de 360 000 postes [3] . Depuis début 2013, le seul secteur du bâtiment a effectivement perdu environ 130 000 postes, soit 10 % de ses effectifs. La construction supplémentaire de 200 000 logements par rapport au rythme de fin 2014 générerait 40 milliards d’euros de chiffre d’affaires supplémentaires par an, dont environ 20 milliards de valeur ajoutée, soit 1 % de PIB supplémentaire [4] . Le rythme des défaillances d’entreprises du bâtiment reste modéré fin 2014 dans l’espoir d’une reprise proche permettant de faire l’économie humaine et financière de faillites.

Les mesures annoncées par le Premier ministre le 29 août 2014 avec d’autres dispositions de la loi de finances pour 2015 démontrent la volonté d’éviter que la crise ne perdure et de renforcer la résistance des entrepreneurs du secteur. Afin de mobiliser davantage le foncier, elles encouragent la vente rapide de terrains constructibles avec une baisse temporaire de l’impôt sur les plus-values. Pour augmenter l’offre de logements, elles visent à attirer les investisseurs particuliers en diversifiant les durées d’engagement de bail à 6, 9 et 12 ans avec la nouvelle possibilité envisagée de louer le logement aux ascendants et descendants, et à permettre un programme de 30 000 logements intermédiaires financés par l’État et la Caisse des Dépôts. Elles remanient le prêt à taux zéro (PTZ) pour un coût budgétaire qui passe de 800 millions à 1 milliard d’euros afin de favoriser l’accession à la propriété. Un crédit d’impôt de 30 % sur les travaux d’économies d’énergie et la simplification des normes de construction doivent favoriser l’activité dans le secteur du bâtiment. Enfin, au congrès des maires de France fin novembre, une enveloppe de 100 millions d’euros a également été annoncée au bénéfice des communes construisant des logements en zone tendue.

Même si elles apparaissent nécessaires pour soutenir l’activité immédiate, de telles mesures restent conjoncturelles. Une politique de relance doit aussi s’accompagner de mesures structurelles pour produire des effets durables. Les mesures fiscales de mobilisation du foncier sont supposées créer un « choc d’offre » et les aides à l’accession à la propriété peuvent avoir des effets rapides sur la production. Mais elles n’apportent pas de réponse aux blocages qui existent aujourd’hui pour satisfaire les besoins prioritaires : le manque de logements locatifs sociaux et intermédiaires dans les zones où le marché du logement est tendu.

Les mesures engagées par le gouvernement sont centrées sur la solvabilisation des acquéreurs et sont coûteuses pour les finances publiques dans un contexte budgétaire par ailleurs très contraint, tout en ayant une efficacité socio-économique incertaine : la promesse du « choc d’offre » a déjà été faite à plusieurs reprises depuis 2011, et l’augmentation des aides aux ménages mises en œuvre par le passé a été parfois jugée inflationniste. Tout en revoyant la politique de financement, elles doivent être complétées par des mesures, à sens politique fort, libérant l’offre et levant les blocages les plus importants à la construction. Or ceux-ci se situent essentiellement à trois niveaux :

La répartition des compétences au niveau local dans les domaines de l’urbanisme et du logement avec, de surcroît, une charge budgétaire élevée pour les maires bâtisseurs. Il faut ici avoir la volonté de convaincre les « Girondins » qui ne jurent que par la démocratie municipale.

La difficile mobilisation du foncier constructible, les propriétaires ayant intérêt à en retarder la vente pour en augmenter le prix. Ici, c’est Tocqueville [5] et les défenseurs les plus radicaux du droit de propriété, qu’il faut convaincre.

L’absence de mécanismes financiers efficaces d’orientation de l’épargne privée vers l’immobilier locatif intermédiaire. C’est là qu’il faut convaincre les « pères Grandet » du XXIe siècle d’utiliser une partie de leur épargne au service du logement.

1 – Encourager les maires bâtisseurs : le PLU intercommunal et un supplément de dotation d’Etat financé par l’ISF

1.1 – Pour une nouvelle répartition des compétences locales

La dispersion des pouvoirs et des moyens en matière d’urbanisme et de logement entre 36 000 communes et de nombreuses intercommunalités aux compétences variables est une des causes fondamentales de la crise du logement que connaît le pays.

Comme nous l’avions montré dans un précédent rapport [6] , le refus de mixité sociale, la limitation des permis de construire, l’inégalité des moyens financiers des différentes collectivités, l’absence de régulation de l’urbanisme au niveau des agglomérations et des zones rurales génèrent ségrégation sociale, pénurie de logements abordables, spéculation foncière, mitage du territoire.

Afin de remédier à cette situation, la réforme des institutions locales, déjà engagée, devrait être plus complète :

Les compétences structurantes en matière d’urbanisme et de logement, mais aussi de transport et de développement économique devraient être toutes transférées aux agglomérations et, en zone rurale, à des intercommunalités généralisées et rationalisées ;

En matière d’urbanisme et de logement, ces transferts de compétences devraient concerner le PLU, le permis de construire et de démolir, le droit de préemption et d’expropriation, les zones d’aménagement, la résorption de l’habitat insalubre, les opérations programmées d’amélioration de l’habitat, la réquisition de logements, le contrôle des offices publics de logement social et des SEM d’aménagement, l’attribution des garanties et des aides à la pierre locale ainsi que les droits de désignation pour les logements qui y sont attachés.

La loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (dite loi ALUR) a fait un premier pas dans cette direction : elle prévoit en effet le transfert automatique du PLU aux intercommunalités en mars 2017. Mais elle est restée au milieu du gué, car ce transfert peut être reporté par une minorité de blocage rassemblant un quart des communes représentant au moins 20 % de la population d’une communauté. Une clause de revoyure prévoit, en outre, que le conseil communautaire et les communes délibèrent sur le transfert de compétence au niveau intercommunal à chaque fois qu’il est renouvelé. Un transfert volontaire entre chaque renouvellement reste également possible. Si l’on veut aller plus loin, la clause de la minorité de blocage pourrait être tout simplement supprimée.

1.2 – Pour des aides adaptées aux collectivités qui construisent des logements

Parmi les blocages à lever pour relancer la construction, les réticences des maires et des intercommunalités compétentes en matière d’urbanisme comptent fortement.

Ces réticences s’expliquent par différents facteurs. Les habitants affichent souvent leur inquiétude face aux désagréments engendrés par les chantiers, expriment généralement une préférence pour la création ou la préservation des espaces verts, manifestent presque toujours leur opposition face à la construction de logements sociaux par crainte d’une cohabitation difficile, notamment au niveau des écoles, et d’une dévalorisation de leur patrimoine. Les élus sont très sensibles à ces réticences.

Mais ils sont également sensibles aux conséquences de la construction des logements pour les budgets locaux. Les terrains consacrés à la fonction habitat pourraient être affectés à l’accueil d’activités tertiaires ou industrielles qui génèrent des emplois et des recettes fiscales. De plus, l’arrivée de nouveaux habitants est de nature à engendrer des dépenses directes et indirectes non négligeables telles que voies et réseaux accompagnant la construction de logements, création de crèches, dépenses scolaires, équipements sportifs et culturels, aides sociales. Ces blocages sont aggravés par la grande inégalité des ressources fiscales locales.

Tout cela se traduit par une forte inertie en matière d’aménagement, des mesures malthusiennes dans le PLU, et des refus de permis de construction.

Récemment, l’AORIF (l’Union sociale pour l’habitat d’Ile-de-France) dénonçait le blocage de projets portant sur 5 000 logements en région Ile-de-France, consécutif aux seuls changements de majorités après les élections d’avril 2014.

Les réformes institutionnelles proposées ci-dessus sont de nature à lever une partie de ces réticences en permettant notamment une meilleure maîtrise des consommations foncières, une ingénierie de bon niveau en matière de droit des sols et plus largement d’aménagement, et une résistance plus affirmée aux pressions foncières et aux comportements spéculatifs. Néanmoins, elles doivent être complétées par des mécanismes financiers adaptés pour accompagner budgétairement les collectivités locales des zones tendues et leur faciliter la construction de logements :

Parmi les critères retenus pour répartir la Dotation globale de fonctionnement, une DGF « Construction » en fonction des logements mis en chantier l’année précédente. Le Premier ministre a annoncé une telle prime pour 100 millions d’euros par an, concentrée sur 50 000 logements à construire dans les zones tendues, soit 2 000 d’euros/ par logement. Si le principe doit être salué, le montant semble manifestement insuffisant : le besoin dans les zones tendues apparaît très supérieur à 50 000 logements par an, certainement proche de la moitié de l’objectif global de 500 000, ce qui conduit à une enveloppe de 500 millions d’euros ;

Un mécanisme qui avait très bien fonctionné dans les Villes Nouvelles, le différé de remboursement des emprunts liés aux équipements induits par la construction de logements et l’arrivée d’une population nouvelle. L’Etat et la Caisse des Dépôts pourraient prendre en charge le coût de ce différé.

1.3 – Pour un financement de la DGF « Construction » par accroissement de la contribution financière des propriétaires

Pour être neutre budgétairement, la mesure de soutien de la DGF doit être « gagée » par une recette supplémentaire. Les propriétaires de leur résidence principale, qui bénéficient d’un avantage à travers la non-taxation de la valeur locative de leur bien (non-taxation du « loyer fictif »), pourraient être mis à contribution. La mesure pourrait, pour des raisons de justice sociale, être ciblée sur les 300 000 plus riches d’entre eux par l’imposition à l’ISF de la résidence principale sur 100 % de sa valeur (aujourd’hui, la résidence principale bénéficie d’un abattement de 30 %). Elle représente 490 millions d’euros [7] et permettrait ainsi d’accompagner la construction de 250 000 logements en zone tendue. Elle rééquilibre partiellement la fiscalité entre l’investissement dans la résidence principale et les autres types d’investissement (cf. par exemple l’investissement dans des valeurs mobilières dont les revenus sont lourdement taxés avec un assujettissement des dividendes à 55 %). Ainsi, même si habituellement l’OCDE souligne le taux d’imposition élevé en France, elle recommande pour améliorer le fonctionnement du marché du logement, de se rapprocher de la neutralité fiscale entre l’immobilier et les autres formes d’investissement.

Autant l’accélération du PLU intercommunal, en contournant la résistance des élus minoritaires, que le financement de la DGF « construction » par l’ISF, en réduisant l’un des derniers avantages fiscaux des ménages aisés, marqueraient un engagement politique déterminé en faveur du logement en impliquant les acteurs qui en ont les moyens au bénéfice de tous et non en solvabilisant certains bénéficiaires par la participation de tous les contribuables.

2 – Libérer les terrains constructibles par une taxe foncière assise sur la valeur vénale du terrain.

La question de l’offre foncière est récurrente et lancinante dès qu’on parle de politique du logement. Les terrains restent rares, donc chers et parfois la difficulté d’acquisition retarde tellement la construction que celle-ci est abandonnée. Les rapports succèdent aux rapports, les mesures s’accumulent, les résultats restent faibles.

2.1 – Une mobilisation du foncier public est insuffisante pour répondre aux enjeux.

Ainsi, la loi du 18 janvier 2013 a organisé la cession de terrains publics au bénéfice d’opérations d’habitat avec des réductions de prix. Un rapport parlementaire de fin 2014 [8] constate toutefois qu’après deux ans, alors que 930 terrains étaient visés dans le programme de mobilisation portant sur la période 2012–2016 [9] , seuls huit ont fait l’objet d’une vente et huit autres ventes seraient en cours de signature.

Si la question du recensement des terrains et de leur disponibilité effective reste posée et ce depuis plusieurs années [10] , la mobilisation du foncier public envisagée visait la construction de 110 000 logements jusqu’en 2017 sur les 930 sites identifiés, c’est-à-dire une contribution annuelle à l’offre de nouveaux logements de 4,4 % [11] . Ce n’est pas négligeable mais c’est loin de la mobilisation du foncier qu’il faut mettre en œuvre pour atteindre l’objectif des 500 000 logements.

2.2 – Une réforme de l’imposition de la plus-value foncière qui n’apporte pas de solution satisfaisante.

Depuis 2012, le gouvernement a tenté à plusieurs reprises de différencier l’imposition des plus-values foncières en fonction de la durée de détention. Parmi les mesures annoncées le 29 août 2014 figure une baisse temporaire de l’imposition des plus-values sur la vente de terrains constructibles dans l’espoir d’accélérer des cessions. Alors même que la construction ralentit et que la demande de terrains constructibles faiblit, le prix de vente des terrains a pourtant encore augmenté de 8 % en 2013.

Cette mesure, mise en place pour favoriser un « choc d’offre », ne répond toutefois pas de manière durable à la question de la rétention des terrains favorisée par la logique générale du système d’imposition des plus-values basée sur une taxation décroissante de celles-ci au fil du temps.

2.3 – Pour une taxation des terrains constructibles à la valeur vénale.

Pourquoi certains pays fonctionnent-ils mieux dans la lutte contre la rétention foncière ? Il semble qu’il y ait un chaînon manquant dans les politiques suivies en France, celui de l’articulation entre les politiques réglementaires, en particulier la planification urbaine, et les mesures financières et fiscales concernant le foncier.

L’impact des règles d’urbanisme sur le prix des biens, en particulier par la constructibilité, n’est pas traité de manière satisfaisante. Un terrain « à bâtir » au sens des règles d’urbanisme est taxé au titre de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) selon une valeur locative cadastrale qui prend en compte sa constructibilité à compter de l’année qui suit le changement. Pour autant, l’impôt reste faible, la valeur locative cadastrale actuelle basée sur une valeur de référence établie en 1960 et revalorisée annuellement sur la base d’un coefficient national ne reflétant pas la réalité du marché foncier.

Les réformes engagées sur ce point depuis quelques années apparaissent insuffisantes.

Dans les zones tendues, une majoration forfaitaire de l’assiette de la taxe sur les propriétés non bâties (TFPNB) pour les terrains à bâtir situés a été instituée dans les zones d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants. Cette majoration est de 5 euros par m2 les deux premières années de son application, puis de 10 euros par m2. Elle s’applique de plein droit dans les seules communes où la taxe sur les logements vacants (TLV) et celle sur les micro-logements sont applicables et sur délibération de l’autorité en charge du PLU qui peut exonérer certains terrains ou moduler à la baisse la majoration en fonction des priorités d’urbanisation définies par le PLU et les politiques locales de l’habitat dans les autres communes. A cette majoration forfaitaire définie en 2012, est venue s’ajouter en 2013 une majoration de 25 % de la valeur locative cadastrale des terrains constructibles. L’application de ces majorations prévue initialement à compter de l’imposition au titre de 2014 a été différée d’une année.

La majoration de TFPNB peut effectivement favoriser la libération de foncier non bâti car elle accroît le coût du portage du terrain de manière substantielle. Toutefois, comme les taxes foncières sont toujours calculées sur des valeurs locatives cadastrales souvent obsolètes, la portée de la majoration de 25 % est limitée. La majoration forfaitaire apparaît en revanche importante [12] mais, par sa déconnexion des prix de marché, elle peut aussi être disproportionnée et inéquitable.

Dans ces conditions une double mesure simple est proposée :

Articuler la fiscalité foncière annuelle sur les règles d’urbanisme, en particulier la constructibilité : la TFPNB doit être assise sur la valeur vénale du terrain. Cette « articulation » exige préalablement la refonte du système d’évaluation de la valeur locative des terrains avec l’évaluation de celle relative à la catégorie « terrain à bâtir » au prix du marché. Il faut préciser que l’expérimentation de la révision des valeurs locatives des taxes locales engagée en 2013 ne concerne pas la TFPNB.

C’est pourtant au prix de cette révision que l’articulation entre le classement en terrain constructible et l’évolution de la fiscalité foncière cessera d’apparaître au propriétaire comme inexistante, l’incitant à la passivité, la rétention apparaissant alors comme un comportement économiquement rationnel.

En sens inverse, mettre en place une véritable planification active, où un classement en terrain constructible devrait conduire à la construction effective du terrain. Le plan local d’urbanisme, désormais intercommunal, serait ainsi transformé en programme de développement urbain.

3 – Amplifier le financement du logement intermédiaire par les investisseurs institutionnels privés

Les différences entre les niveaux de loyers dans le parc privé et dans le parc social sont très fortes en zone tendue, ce qui rend difficile l’accès au logement pour des ménages à revenus moyens, en les contraignant, soit à se loger à un coût inadapté pour leurs revenus, soit à rester dans le logement social, ce qui ne permet pas de desserrer la pression sur ce parc qui connaît un niveau de taux de rotation très bas (6 % par an en Île-de-France, 4,5 % à Paris et moins de 10 % sur tout le territoire national).

Le développement du logement dit « intermédiaire », avec un niveau de loyers pour des ménages ayant des revenus proches des plafonds de ressources HLM ou légèrement supérieurs, répondrait au besoin des ménages à revenus moyens. En étant le vecteur du retour des investisseurs institutionnels dans le logement, ce développement contribuerait à relancer la construction, à coût budgétaire public limité.

3.1 – Pour un retour des investisseurs institutionnels privés dans le logement intermédiaire

Si des mesures ont déjà été prises par le Gouvernement en ce sens [13] , le retour des investisseurs institutionnels dans le logement intermédiaire doit devenir une priorité.

Un équilibre entre l’investissement locatif direct par les particuliers et l’investissement locatif par les investisseurs institutionnels permettrait un investissement locatif résidentiel plus efficace.

Sous l’effet notamment des différentes mesures fiscales en faveur de l’investissement locatif qui se sont succédé à partir de 1984 (dispositif Quilès en 1984, puis Méhaignerie et Quilès-Méhaignerie, dispositif Périssol en 1996, dispositif Besson en 1999, dispositif Robien de 2003 à 2006, prolongé avec certaines modifications jusqu’en 2008, dispositif Scellier de 2008 à 2012, dispositif Duflot voté en loi de finances pour 2013 en cours de remplacement par le dispositif Pinel dans le cadre de la loi de finances pour 2015…), le patrimoine issu de l’investissement immobilier direct représente la moitié du patrimoine immobilier d’investissement.

L’intermédiation des investisseurs professionnels gérant l’épargne collective (pierre-papier, assurance, etc.) présente plusieurs avantages. Tout d‘abord, la gestion de l’investissement locatif est faite par des acteurs professionnels intervenant de façon rationnelle de manière à obtenir le meilleur rendement : les institutionnels sont en position de négocier avec les promoteurs-constructeurs un prix correspondant au rendement locatif effectif et donc de limiter l’effet inflationniste lié à la demande. L’investissement locatif intermédié conduit à une mutualisation du risque tant du revenu locatif (gestion du niveau du paiement des loyers incluant le risque de vacance et d’impayés) que de la valeur patrimoniale (diversification du portefeuille d’actifs par l’acquisition de différents logements). Enfin, l’investissement locatif est rendu plus facile, notamment pour le particulier, puisque le ticket d’entrée est limité par rapport à un investissement direct dans un logement locatif et qu’il a la possibilité de calibrer le montant de l’investissement.

Le coût fiscal du soutien à l’investissement des particuliers est passé de 345 millions d’euros en 1989 à 1 700 millions d’euros en 2015 [14] . Si, en temps de crise, une intervention ponctuelle à ce niveau peut s’avérer nécessaire pour relancer la construction, sur le long terme la dépense fiscale devrait se concentrer sur des investissements d’un niveau moindre ou qui ne peuvent pas être pris en charge par le secteur privé.

3.2 – Pour organiser le réinvestissement des institutionnels dans le logement intermédiaire.

Sur la base des mesures déjà prises en faveur de l’investissement dans le logement intermédiaire par les institutionnels, de premières initiatives de création de fonds d’investissement pour produire du logement intermédiaire ont déjà vu le jour [15] .

Mais une production de 15 000 logements intermédiaires supplémentaires par an nécessite environ 1,1 milliards d’euros de fonds propres apportés par des investisseurs institutionnels. Aussi, de nouvelles mesures peuvent diriger une partie de l’épargne qu’ils gèrent vers la production de logements locatifs intermédiaires à travers deux mécanismes :

La mobilisation d’une partie de l’épargne salariale :

A l’instar de ce qui existe déjà dans le cadre de l’épargne salariale (plan d’épargne d’entreprise, plan d’épargne groupe, plan d’épargne interentreprises, plan d’épargne pour la retraite collectif) pour l’économie sociale et solidaire, pourrait être créée une obligation de proposer au salarié une possibilité de placement de la participation ou de l’intéressement dans un fonds commun de placement d’entreprise (FCPE) « logement intermédiaire » [16] . La décision d’affecter ou non une partie des avoirs dans le fonds « logement intermédiaire » proposé n’appartiendrait qu’au salarié adhérent du plan. Une part de l’actif de ces fonds de 10 % [17] serait composée d’investissements dans le logement locatif intermédiaire, soit directement, soit à travers des fonds ou entreprises spécialisés. Ces FCPE « logement intermédiaire » bénéficieraient du régime social et fiscal incitatif applicable à l’épargne salariale.

Une contribution annuelle pour le logement intermédiaire de 100 millions d’euros par an à terme paraît envisageable [18] .

Le renforcement de l’obligation relative au logement intermédiaire dans l’assurance vie.

Dans le cadre de la réforme de l’assurance-vie (mesures préconisées par Terra Nova [19] ), les nouveaux contrats « vie génération » bénéficient déjà d’un régime fiscal spécifique dès lors qu’ils investissent 33 % en actions de PME et d’ETI, dans le logement intermédiaire et social et dans les entreprises de l’économie sociale et solidaire [20] .

De manière à concentrer la part de ces contrats bénéficiant au logement locatif intermédiaire, il pourrait être imposé un compartiment d’au moins 10 % des investissements bénéficiant à ce secteur.

Une disponibilité de 1 milliard d’euros par an pourrait ainsi être dégagée [21] .

Conclusion

Si les maires reprennent la voie du permis de construire et le foncier constructible celui de la construction, les premiers bénéficiaires seront les organismes de logement social. Depuis plusieurs années, ils construisent environ 100 000 logements par an [22] . Par une convention entre l’USH et l’Etat, de septembre 2014, ils se sont engagés à en réaliser 120 000 par an auquel s’ajoutent 30 000 logements à construire chaque année par les SEM, les associations et les organismes maîtres d’ouvrage d’insertion.

Les trois mesures simples proposées ici auront un effet très important sur la durée, rapprochant la production des fameux 500 000. Elles sont financièrement neutres pour les finances locales.

Surtout, elles traduisent une volonté politique déterminée en faveur du logement : le choix du niveau d’intervention pertinent tout en aidant financièrement les communes bâtissant ; l’implication des propriétaires aisés en supprimant une niche fiscale préservée, l’abattement de 30 % sur la résidence principale ; la responsabilisation des propriétaires fonciers par la taxation d’un capital inemployé ; l’affectation de l’épargne longue pour le logement intermédiaire sur l’exemple du circuit du livret A affecté au logement social.

  1. Chiffres du Commissariat général au développement durable, ministère chargé du logement – données en date de prise en compte.

  2. Sondage Ipsos pour Nexity réalisé les 29 et 30 août 2014 selon la méthode des quotas auprès de 957 personnes

  3. Selon la Fédération française du bâtiment, la construction d’un logement assure 1,8 emploi direct et indirect.

  4. A raison de 200 000 euros par logement. En faisant une hypothèse d’un taux de valeur ajoutée de 50 % pour un secteur à très forte part de main d’œuvre.

  5. Tocqueville pensait que la propriété était un droit naturel, et que tout Etat qui attenterait à la propriété mettrait en péril l’ensemble des libertés

  6. Terra Nova, « Des logements trop chers en France : une stratégie pour la baisse des prix », avril 2014 http://www.tnova.fr/note/des-logements-trop-chers-en-france-une-strat-gie-pour-la-baisse-des-prix

  7. PLF 2015, voies et moyens

  8. Rapport d’information déposé le 26 novembre 2014 par la commission des affaires économiques sur la mise en application de la loi n° 2013–61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.

  9. Étude d’impact du projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production du logement social – septembre 2012.

  10. Les mesures de la loi du 18 janvier 2013 pour mobiliser le foncier public ne constituaient pas une nouveauté puisque la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale et ses textes d’application rendaient déjà possible d’avoir une décote de 25 % de la valeur vénale lorsqu’il était destiné à la construction de logements sociaux et jusqu’à 35 % si le terrain était situé dans une zone où le marché est tendu.

  11. Programme de 110 000 logements à mettre en chantier sur 5 ans sur la base d’un objectif annuel de production de 500 000 logements par an.

  12. La valeur locative d’un terrain constructible de 10 000 m2, est actuellement de 2 000 euros. En 2015 et 2016, elle sera majorée de 25 % + 5 euros par m² et passera donc à 52 500. En 2017, elle sera toujours majorée de 25 % + 10 euros par m², soit une valeur locative de 102 500 euros. Le taux de taxe foncière non bâtie étant en moyenne de 40 %, la taxe foncière d’un montant de 800 euros en 2014, passera donc à 21 000 euros en 2015 et 2016 et à 41 000 euros à partir de 2017.

  13. Ainsi la loi de finance pour 2014 a prévu la baisse du taux de TVA sur la construction de logements intermédiaires de 20 % à 10 % en zones tendues et une exonération d’une durée maximale de 20 ans de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pour ce type de logements. De même, l’ordonnance n° 2014–159 du 20 février 2014 relative au logement intermédiaire définit le régime du logement intermédiaire, ce qui permettra aux collectivités de l’inscrire dans les documents d’urbanisme, crée un nouveau contrat de bail réel immobilier pour le logement permettant d’assurer, sur une durée suffisamment longue (pouvant aller jusqu’à 99 ans), l’occupation des logements par des ménages à revenus moyens, et offre la possibilité aux opérateurs du logement social de créer sous conditions des filiales dédiées au développement du logement intermédiaire.

  14. Lois de finances sur la période.

  15. Sous l’impulsion de l’État, la Société nationale immobilière (SNI), filiale immobilière de la Caisse des Dépôts, a lancé au printemps 2014 un véhicule de placement, le Fonds de logement intermédiaire (FLI), déjà doté de 515 millions d’euros en partenariat avec plusieurs grands investisseurs institutionnels français, qu’elle espère porter à 700 millions d’euros d’ici mars 2015. Ce fonds a une capacité d’intervention de 1,2 milliard d’euros permettant d’acheter 5 000 logements neufs loués 10 % à 15 % sous le prix du marché.

    En parallèle, la fédération des promoteurs immobiliers a entrepris à son tour avec une filiale du groupe BCPE de créer un véhicule d’investissement attractif pour attirer les capitaux des investisseurs institutionnels. En août 2014, l’État et la Caisse des Dépôts se sont engagés à financer la construction de 30 000 logements à loyers intermédiaires en zone tendue au cours des 5 prochaines années, l’État utilisant pour ce faire le produit des cessions d’entreprises dont il est actionnaire pour investir un milliard et la Caisse des Dépôts apportant pour sa part 900 millions d’euros.

  16. Modification législative du Code du travail.

  17. Contrainte imposée par les règles de division des risques des produits de gestion d’épargne collective et déjà appliquée aux FCPE solidaires.

  18. En se basant sur le rythme annuel de collecte des FCPE solidaires depuis 2011 de l’ordre de 1 milliard d’euros par an appliqué aux FPCE « Logement intermédiaire » avec une part de l’actif de 5 à 10 % consacrée à des investissements en logements intermédiaires.

  19. Terra Nova, « Politique du logement : et les investisseurs institutionnels ? », mai 2013

  20. La réforme de l’assurance-vie issue de la loi de finances rectificative pour 2013 a créé un nouveau contrat d’assurance vie (article 990 I du CGI), dont les contours ont été précisés par l’ordonnance n° 2014–696 du 26 juin 2014 et les décrets n° 2014–1008 du 4 septembre 2014 et n° 2014–1011 du 5 septembre 2014 : le contrat euro-croissance et sa déclinaison en contrat vie-génération.

    Le contrat euro-croissance est intermédiaire entre les contrats existants jusque lors basés sur des fonds en euros, dont le capital et les intérêts accumulés sont garantis à tout moment et gérés globalement dans le bilan de l’assureur, et les contrats en unité de compte, gérés dans des outils juridiques spécifiques de type OPCVM et ne procurant pas la garantie en capital. Ils garantit le capital mais uniquement pour les retraits au-delà de la huitième année (minimum), laissant à l’assureur des marges de manœuvre pour aller chercher du rendement dans la durée en prenant plus de risque. Une sous-catégorie, les contrats « vie-génération », procure un avantage fiscal supplémentaire (décote supplémentaire de 20 % de l’assiette fiscale) à condition que 33 % de l’actif soit investi directement ou indirectement dans les PME, ETI, dans le logement intermédiaire ou dans l’économie sociale et solidaire. Cet avantage permet dans certains cas d’annuler l’augmentation de fiscalité sur les gros contrats ci-dessus.

  21. La profession estime la collecte annuelle pour les nouveaux contrats vie génération pourrait atteindre idéalement 10 milliards d’euros. Avec une mesure obligeant à un compartiment de 10 % du contrat pour le logement intermédiaire, 1 milliards d’euros pourraient annuellement y être consacrés.

  22. 117 065 logements sociaux financés en 2013 (métropole, hors DOM et hors ANRU, 102 728 en 2012 et 116 106 en 2011 (ministère chargé du logement).

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