Chômage, pauvreté, exclusion : les oubliés du quinquennat
Dans un entretien sur France 2 hier soir, Nicolas Sarkozy a présenté plusieurs mesures sur l’emploi, les salaires et l’insertion. Ces propositions ne peuvent faire oublier le bilan du chef de l’État en la matière : la défense du pouvoir d’achat, la lutte contre le chômage, la pauvreté et l’exclusion ont été, malgré les promesses faites, les grandes oubliées du quinquennat. Dans le cadre du dépôt de bilan de Nicolas Sarkozy, Terra Nova propose d’examiner son bilan complet sur le chômage, l’emploi, le pouvoir d’achat et la lutte contre la pauvreté.
Des promesses de plein emploi au retour du chômage de masse
6 mai 2007, Place de la Concorde, Nicolas Sarkozy s’engage avec ferveur devant le peuple français : « Je vous ai promis le plein emploi, je vais me battre pour le plein emploi ! ». Avec un million de demandeurs d’emploi supplémentaires et un taux de chômage qui frôle les 10 %, il a non seulement perdu son combat mais a conduit la France vers le retour du chômage de masse.
Les causes de cet échec sont nombreuses. La principale reste l’absence totale d’ambition de la politique de l’emploi menée depuis 2007, qui s’explique par la suspicion de la droite sarkoziste vis-à-vis d’une politique jugée laxiste à l’égard des chômeurs et qui favoriserait l’assistanat, « cancer de la société » selon l’ex-secrétaire d’Etat à l’Emploi, Laurent Wauquiez. La vieille rengaine du « chômage choisi » ayant fait sa réapparition, les deux mesures phares du Président Sarkozy pour lutter contre le chômage (accroissement de la différence entre revenus du travail et revenus de l’assistance et renforcement des obligations pesant sur les chômeurs) ne visaient en rien le développement de l’emploi. La politique de l’emploi, dont l’objectif est de mettre en place les conditions permettant de « travailler tous », s’est alors vue réduite au rang d’outil de l’accroissement du pouvoir d’achat vendu sous le slogan du « travailler plus pour gagner plus ». La crise économique a douloureusement rappelé la nécessité d’une politique de l’emploi ambitieuse, que la droite, engluée dans des choix idéologiques en décalage avec la conjoncture et les attentes des Français, n’a pas su reconstruire. Confrontée à ses propres erreurs elle a été contrainte de se désavouer par les actes (retour des contrats aidés, augmentation du chômage partiel, accroissement de la durée de l’indemnisation chômage) sans jamais clarifier son discours, et avec une mollesse coupable illustrée par une chute des budgets à mesure que le chômage augmentait. Cette politique sans cap, à contre-courant, faite de gesticulations idéologiques ne pouvait qu’échouer. La tourmente de la crise en a fait un naufrage.
Pouvoir d’achat : beaucoup de bruit pour rien
Axe de campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, l’amélioration du pouvoir d’achat n’aura été finalement traitée que par la défiscalisation des heures supplémentaires, dont l’évaluation en juin 2011 a révélé le coût très élevé, un impact très limité en termes de stimulation du pouvoir d’achat, et les conséquences négatives sur l’emploi : beaucoup d’entreprises ont préféré avoir recours à cette solution, plutôt que de recruter. Alors que la France s’installe dans la récession, l’Etat, en dépit de toute logique, s’apprête à subventionner conjointement heures supplémentaires et chômage partiel. L’annonce en 2009 d’un grand chantier sur le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise n’a été suivie jusqu’en 2011 d’aucune réalisation. Le versement obligatoire d’une prime de 1 000 euros par salarié dans les entreprises ayant augmenté leurs dividendes s’est limité à une obligation de négocier sur le versement d’une prime, dont le montant n’est pas imposé par la loi. Les incitations à la négociation collective sur les salaires, choisies par le gouvernement comme contrepartie à l’absence assumée de revalorisation du SMIC, ont été très modestes. Le projet de loi prévoyant la diminution automatique des allègements de cotisations quand le minimum salarial d’une branche est inférieur au SMIC n’a toujours pas été appliqué. Outre la modération salariale, l’autre facteur d’atonie du pouvoir d’achat, la progression des dépenses contraintes, de logement et d’énergie, n’a pas été traité. Le gouvernement a conduit une politique de laissez-faire en matière de logement, laissant les prix de l’immobilier flamber. Les aides fiscales à la rénovation thermique destinées à réduire la facture énergétique des ménages se sont révélées limitées. Enfin, aucune action n’a été entreprise pour encadrer les hautes rémunérations.
Lutte contre la pauvreté : la coupable négligence
Après des années de stabilisation, la pauvreté est repartie à la hausse sous le coup de l’explosion du chômage. Entre 2008 et 2009, le taux de pauvreté a connu l’augmentation la plus brutale de son histoire, de 0,5 point, soit 300 000 personnes supplémentaires vivant sous le seuil de pauvreté. Ces chiffres devraient du encore s’aggraver dans les mois qui viennent avec la hausse du chômage de longue durée. Face à cet appauvrissement des Français, Nicolas Sarkozy s’est focalisé sur un parti pris idéologique : la pauvreté serait une situation « volontaire ». Le gouvernement n’a donc cessé de marteler que sortir du chômage n’était qu’une question de volonté et d’exiger une contrepartie pour les bénéficiaires des minimas sociaux. L’objectif du Revenu de solidarité active (RSA) était de faire en sorte que le retour au travail soit toujours financièrement plus intéressant que l’inactivité, ambition légitime qui s’est soldée par un échec car la seule incitation financière ne peut permettre aux personnes sans emploi d’en retrouver un. A peine 400 000 personnes touchent aujourd’hui le « RSA activité », contre 2 millions de personnes attendues. A côté de cette « carotte », le gouvernement a aussi manié le bâton : Laurent Wauquiez a ainsi proposé en mai 2011 d’instaurer un service social obligatoire d’une journée par semaine pour les bénéficiaires des minimas sociaux. Nicolas Sarkozy avait pourtant à sa disposition trois outils efficaces pour lutter contre la pauvreté. Aucun n’a été utilisé. Le gouvernement n’a pas mené de politique active pour empêcher l’emballement des prix du logement, principal facteur d’appauvrissement des Français. La réduction des effectifs et les réformes dans l’éducation nationale ont de leur côté fait augmenter le nombre de sorties du système scolaire sans diplôme, qui équivaut pourtant à une condamnation au chômage tout au long de la vie. Les politiques d’insertion destinées aux plus défavorisés n’ont en outre pas été développées. Les départements qui gèrent le RMI depuis 2003 connaissent un écart très important entre la dépense qu’ils doivent supporter au titre du RSA et les transferts budgétaires assurés par l’Etat. Faute d’une hausse de ces ressources, les conseils généraux ont dû diminuer leurs dépenses en faveur de l’insertion.