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Note

Lutte contre le dopage : une urgence politique

La tribune de Yannick Noah publiée dans Le Monde du 20 novembre dernier a rouvert le débat sur le dopage et sa légalisation. Dans cette note, Arnaud Flanquart montre que la légalisation ne peut être une réponse à l’institutionnalisation du dopage dans certaines disciplines, certains clubs et certains pays : elle entre en contradiction avec les valeurs du sport, elle serait une atteinte majeure à la santé publique, elle encourage le culte de la performance pour la performance, dont le prix humain est lourd à payer. Au contraire, la lutte contre le dopage est une urgence politique, et nécessite notamment davantage de moyens et d’indépendance donnés à l’Agence française de lutte contre le dopage, le développement des moyens de prévention auprès des sportifs amateurs, des règles qui s’appliquent à tous, défendues avec fermeté par les instances internationales, qui doivent sanctionner s’il y a lieu les contrevenants et leurs fédérations.

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Synthèse

  La tribune de Yannick Noah publiée dans Le Monde, évoquant les soupçons de dopage à l’encontre des sportifs espagnols et prônant la légalisation du dopage, a le mérite de briser un tabou et d’alerter l’opinion publique sur une dérive connue de tous. Oui, les soupçons de dopage sont généralisés dans de nombreux pays, dans de nombreux sports. Oui, le dopage, selon toute vraisemblance, est un fléau qui gangrène activement le sport.   On voit bien la logique de légalisation du dopage : mettre tous les sportifs « à égalité », pour que le meilleur gagne et non le plus « chargé ». Garantir l’équité sportive est un objectif mais pas à n’importe quel prix : la règle du jeu doit être la même pour tous, mais la règle doit être saine. Le dopage légal ne l’est certainement pas.   La légalisation du dopage entrerait en contradiction avec les valeurs du sport. Elle détournerait une grande partie de la population du sport. Par-dessus tout, elle mettrait gravement en danger la santé des sportifs. Selon une étude menée dans les années 1990, l’espérance de vie d’un joueur de football américain, où le dopage est très répandu, est de 55 ans : une vingtaine d’années de perte d’espérance de vie. Selon le docteur Jean-Pierre de Mondenard, qui a étudié les dossiers médicaux des participants du tour de France depuis 1947, le risque de décès cardiaque avant 45 ans est cinq fois supérieur à la moyenne. Le culte de la performance pour la performance est une erreur majeure dont le prix humain est lourd à payer.   La lutte contre le dopage est une urgence politique. La France est plutôt une bonne élève de la classe internationale, avec l’Agence Française de Lutte contre le Dopage (AFLD). Mais l’AFLD n’est pas pleinement indépendante, elle manque encore de moyens et elle n’a pas la compétence pour intervenir sur certaines grandes compétitions internationales qui se déroulent en France. Le dopage commence de plus en plus tôt, c’est pourquoi une plus grande prévention chez les sportifs amateurs est nécessaire.   Au-delà de la France, le dopage est une nouvelle manifestation de cette « concurrence par le bas » que se livrent les Etats dans le contexte de la mondialisation : difficile d’être très rigoureux contre le dopage quand les autres Etats ne le sont pas, sous peine de dégrader les résultats sportifs nationaux dans la compétition internationale. C’est pourquoi il faut des règles internationales qui s’appliquent à tous. C’est aux instances internationales (CIO…) de prendre enfin leurs responsabilités, avec des sanctions renforcées contre les athlètes convaincus de dopage et leurs fédérations, seul moyen de responsabiliser les dirigeants sportifs.   La sonnette d’alarme tirée par Yannick Noah appelle une réponse politique. Il est aujourd’hui crucial d’engager une lutte contre le dopage aux plans européen et international. La règle du jeu doit être la même pour tous.  

Note intégrale

1 – Yannick Noah a le mérite de briser un tabou et d’alerter l’opinion publique sur une dérive connue de tous

  La tribune de Yannick Noah publiée dans Le Monde du 20 novembre 2011 a le mérite d’ouvrir un débat trop souvent escamoté par les dirigeants politiques, sportifs et les medias.   Les soupçons de dopage contre les sportifs espagnols se sont multipliés ces dernières années. L’affaire Puerto en est l’illustration par excellence. Dans cette affaire, le docteur Fuentes a été suspecté d’avoir mis en place un système de dopage par transfusion sanguine au profit notamment de cyclistes (Alberto Contador, vainqueur du Tour de France en 2007, 2009 et 2010) ou d’équipes de football. Les soupçons de Yannick Noah ne sont donc pas totalement infondés.   Ce qui dérange, c’est qu’il brise ici l’omerta qui règne dans le sport. Ceux qui le critiquent ne peuvent pas ne pas avoir de doutes lorsque l’on voit les résultats de certaines nations, le rythme effréné des compétitions dans certains sports ou les progressions fulgurantes de certains athlètes.   Le dopage est une activité pénalement condamnée. Comme toute activité illégale, le dopage n’opère pas au grand jour. Il est donc difficile pour les commentateurs d’apporter la preuve des doutes dont ils font part. Pour autant, faut-il se taire ? La tribune de Yannick Noah a le mérite de poser la question.   Même si les soupçons de dopage sont forts, même si dans certains clubs, certains pays, certaines disciplines, le dopage semble être institutionnalisé, il ne faut pas pour autant baisser les bras.    

2 – La légalisation du dopage n’est évidemment pas la solution

  On voit bien l’objectif d’une légalisation : mettre tous les sportifs « à égalité », pour que le meilleur gagne et non le plus « chargé ». Garantir l’équité sportive est un objectif mais pas à n’importe quel prix : la règle du jeu doit être la même pour tous, mais la règle doit être saine. Le dopage légal ne l’est certainement pas.   Premièrement, le sport est un lieu de transmission de valeurs, d’apprentissage des règles et est souvent loué pour son exemplarité. Le dopage est une drogue, il est en opposition totale avec les valeurs et l’hygiène de vie promues par le sport.   Quelles valeurs le sport transmettrait alors ? La recherche du gain à tout prix ? Que tous les moyens sont bons pour arriver à ses fins ?   Deuxièmement, la légalisation du dopage constituerait une terrible erreur du point de vue de la santé publique. Les sportifs, même s’ils tirent profit du dopage, en sont aussi les premières victimes. C’est sur eux que pèsent le soupçon, ce sont eux qui sont montrés du doigt lorsqu’ils sont contrôlés positifs. Surtout, ce sont eux qui mettent leur vie en danger en absorbant des produits nocifs. Combien de sportifs de haut-niveau sont décédés prématurément, combien de cas de cancers suspects, combien de forces de la nature aujourd’hui en fauteuil roulant ?   Selon une étude menée dans les années 1990, l’espérance de vie d’un joueur de football américain, où le dopage est très répandu, est de 55 ans. Selon le docteur Jean-Pierre de Mondenard, qui a étudié les dossiers médicaux des participants du tour de France depuis 1947, le risque de décès cardiaque avant 45 ans est cinq fois supérieur à la moyenne.   Troisièmement, la légalisation du dopage pose la question de la place de l’humain dans le sport. Le culte de la performance pour la performance est une erreur dont le prix humain est lourd à payer. Ce qui intéresse dans la performance sportive, c’est son côté vraisemblable. Ce qui plaît dans les performances d’un Christophe Lemaître, c’est l’histoire d’un garçon « normal », qui par des prédispositions et un gros travail arrive à produire des performances extraordinaires. Qui s’intéressera à un 100 mètres couru en 4 secondes ? Les performances surréalistes n’intéressent guère. Tout le monde aime voir des hommes et des femmes sur un stade. Pas des robots.    

3 – La lutte contre le dopage est une urgence politique

  La noblesse du sport et la protection des sportifs passe par un renforcement de la prévention et de la lutte contre le dopage. En la matière, la France est plutôt un bon élève. Depuis près de 15 ans, elle est le fer de lance en la matière au niveau international. Toutefois, on peut regretter le manque de moyens de l’Agence Française de Lutte contre le Dopage (AFLD).   Tout d’abord, pour être plus efficace, celle-ci doit voir son indépendance renforcée, ses moyens développés et ses compétences étendues pour pouvoir intervenir sur toutes les compétitions internationales organisées en France, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.   Ensuite, la lutte contre le dopage passe également par un développement des moyens de prévention auprès des sportifs amateurs et par une lutte renforcée contre les réseaux criminels qui organisent ce dopage.   Enfin, les instances internationales (fédérations internationales, CIO…), sous l’impulsion de la France, doivent, dès les JO de Londres en 2012, afficher une fermeté sans faille face aux dopés en systématisant l’ensemble des contrôles sanguins sur tous les athlètes, en sanctionnant les contrevenants et leurs fédérations, seul moyen pour responsabiliser les dirigeants sportifs.   Au cours de ces prochaines années, la lutte contre le dopage devra faire face à un immense défi : le développement du dopage génétique. Dès à présent, la recherche en matière de lutte contre le dopage doit anticiper cette évolution, être prête à détecter cette nouvelle forme de tricherie et éviter que ne s’installe un dopage des riches indétectable et un dopage des pauvres qui seront contrôlés positifs.       En conclusion, la provocation de Yannick Noah est fondée.   La réponse politique, bien évidemment, est de comprendre que derrière cette sonnette d’alarme, il est aujourd’hui crucial d’engager une lutte contre le dopage aux plans européen et international. La règle du jeu doit être la même pour tous. Nul doute que notre ministre des Sports le sait très bien, espérons qu’il en comprenne l’urgence et engage dès à présent tous les moyens nécessaires sur ce terrain.

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