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Rapport

Politique familiale : d’une stratégie de réparation à une stratégie d’investissement social

La famille fait l’objet d’une politique publique importante en France. Les résultats existent, mais ils ne sont pas à la hauteur des sommes engagées : plus de 100 milliards d’euros par an. Dans son rapport « Politique familiale : d’une stratégie de réparation à une stratégie d’investissement social », Terra Nova propose un changement majeur : passer d’une logique de réparation, dominée par un soutien financier aux familles pour compenser le coût de l’enfant, à une stratégie d’investissement social, centrée sur des prestations de services au profit de l’enfant et de son développement. Cette stratégie se veut égalitaire, pour mettre fin à l’injustice actuelle, où tous les enfants n’ont pas la même valeur pour la République.

Publié le 

La politique familiale est au service d’objectifs multiples : des objectifs « traditionnels » – soutenir la natalité, compenser le coût de l’enfant, lutter contre la pauvreté – et des préoccupations apparues plus récemment – permettre l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle, promouvoir le développement de l’enfant -. La France consacre aujourd’hui environ 5 % du PIB à la politique familiale, soit à peu près 100 Md€, en tenant compte de ses différentes composantes : prestations familiales, fiscalité, aides au logement, etc.
En dépit de certaines réussites, cette politique peine aujourd’hui à atteindre de manière satisfaisante l’ensemble des objectifs.

Tout d’abord, l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle demeure difficile, faute de solution d’accueil adaptée pour de nombreux enfants en bas âge (jusqu’à 3 ans). Cela conduit de nombreuses mères à se retirer durablement du marché du travail, et ce plus particulièrement dans les familles à bas revenus.
Par ailleurs, le système de transferts organisé par la politique familiale est porteur d’effets peu équitables :
-    le quotient familial est une exception française, qui bénéficie avant tout aux seules familles imposables, et offre un avantage par enfant bien plus que proportionnel au revenu ;
-    le quotient conjugal bénéficie massivement à des couples sans enfants et à des couples aux revenus élevés ; il favorise en outre les couples dont les revenus sont inégalement répartis ;
-    les majorations de pensions de retraite soutiennent les parents alors qu’ils ne supportent plus le coût de l’enfant ; elles constituent un avantage d’autant plus grand que leurs bénéficiaires sont aisés.

Le changement proposé est majeur : il s’agit de passer d’une politique encore dominée par un soutien monétaire aux familles, visant, sous des formes parfois très injustes, à compenser un enfant vu comme un coût, à une politique privilégiant les aides concrètes aux familles, sous forme de prestations de services (accueil, aide à la parentalité), de façon à aider les familles selon leurs besoins et au moment où elles en ont besoin, pour promouvoir l’égalité entre parents et le développement de l’enfant.
Les propositions du rapport s’organisent autour de trois axes :
-    promouvoir l’activité des mères par la mise en place d’un service public de la petite enfance (SPPE) et par une réforme des congés parentaux ;
-    accroître l’équité des transferts de la politique familiale ;
-    soutenir les choix conjugaux et la parentalité.
        
1 -  Les gains attendus de la mise en œuvre d’un SPPE et d’une réforme du congé parental sont multiples : promotion de l’égalité entre femmes et hommes ; amélioration du taux d’emploi notamment au sein des familles les plus défavorisées ; réduction de la pauvreté des familles ; amélioration des perspectives de développement des enfants issus des classes populaires et réduction des inégalités scolaires et sanitaires.

L’objectif assigné au SPPE est à terme de permettre d’accueillir les deux-tiers des enfants jusqu’à 3 ans, soit 850 000 enfants en plus, ce qui constituerait un renversement par rapport à la situation actuelle. Il ne s’agit toutefois pas de créer 850 000 places d’accueil supplémentaires, mais 300 000, le rôle dévolu à l’accueil dès 2 ans en école maternelle étant central dans le dispositif imaginé. En effet, environ les deux-tiers de cette cible pourraient être atteints par une reconquête de la scolarisation pré-élémentaire des 2–3 ans, réduite de moitié depuis dix ans, en rendant obligatoire la scolarisation dès la rentrée de l’année civile des 3 ans et en développant, en fonction des besoins des enfants, des classes passerelles alliant personnels de la petite enfance et personnel enseignant.

Le SPPE reposerait donc sur une diversité des modes d’accueil (école, établissements d’accueil et assistants parentaux ), à articuler dans le cadre d’une planification et d’une régulation territoriales. L’inscription de ces derniers dans le service public serait assurée par un conventionnement comportant des engagements réciproques (soutien public à la prise en charge, appui public à l’exercice du métier, tarifs réglementés, rôle du service public dans l’appariement entre offre et demande et règles de priorités…). Si les règles du SPPE devront être définies au niveau national, sa régulation au niveau territorial devra s’appuyer sur les collectivités et la branche famille.

Le rapport propose également de réformer les prestations en espèces servies après la naissance aux parents (indemnités de congé maternité post-natal et de congé paternité, complément de libre choix d’activité-CLCA) et de les remplacer par une prestation unifiée, limitée au premier anniversaire de l’enfant et partagée entre les deux parents, chacun pouvant prendre jusqu’à 6 mois de congé. Le niveau de la prestation serait plus élevé que celui du CLCA et tiendrait compte du revenu antérieur. Le partage de ce congé serait garanti par la limitation de durée du congé pour chaque parent, le caractère dégressif dans le temps, une modulation du niveau selon qu’il y a ou non partage effectif et l’instauration d’une obligation minimale de prise de congé par le père, de deux semaines, dans un premier temps.


2 – S’agissant des transferts, le rapport propose tout d’abord une réforme de l’impôt sur le revenu. Le constat des inégalités manifestes de la politique familiale actuelle, qui aide plus les familles aisées que les familles modestes et subventionne l’inégalité des revenus au sein du couple, amène à proposer des évolutions fortes mais justes et justifiées en matière fiscale. Au sein des différentes pistes de transformation du quotient familial et du quotient conjugal, le rapport privilégie :
-    une individualisation de l’impôt, chaque membre du couple déclarant et payant séparément son impôt sur le revenu ; les personnes ayant un conjoint à ressources nulles ou faibles pourraient cependant bénéficier d’une réduction d’impôt ;
-    le remplacement du quotient familial par un crédit d’impôt ou une réduction d’impôt forfaitaire par enfant. L’avantage fiscal par enfant serait identique quel que soit le revenu des parents. En revanche, un avantage plus important pourrait être maintenu à partir du 3e enfant.
Est également recommandée la fiscalisation et l’extinction progressive des majorations de pensions pour les parents de trois enfants et plus, dispositif anti-redistributif (le montant est proportionnel aux pensions et donc aux revenus passés) et qui compense le coût de l’enfant bien après que les ménages ont eu à le supporter : l’objectif du rapport est au contraire d’aider les familles lorsqu’elles en ont besoin.
Il est enfin proposé d’améliorer l’indexation des prestations les plus ciblées, de créer une prestation complémentaire pour les enfants de plus de 14 ans, et, dans l’hypothèse où le quotient familial serait remplacé par une réduction d’impôt, l’extension du complément familial aux familles avec un ou deux enfants.

3 – S’agissant de l’accompagnement des choix conjugaux, le rapport préconise un maintien temporaire du RSA parent isolé et de l’allocation de soutien familial pour accompagner la remise en couple, de limiter les conflits relatifs au versement de la pension alimentaire en mettant en place un barème et enfin de renforcer les dispositifs de soutien à la parentalité, par une meilleure articulation et une amélioration de la formation aux métiers de soutien à la parentalité.
 

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L’ensemble de ces mesures est proposé sans accroissement des charges publiques. Il dégage même des économies, si on prend en compte la suppression progressive des majorations de pensions de retraite pour trois enfants et plus.
La politique familiale ainsi redessinée conserverait sa dimension universelle – pas de mise sous condition de ressources des allocations familiales – et la spécificité française du « bonus » au 3e enfant.

Mettre l’enfant et son intérêt au cœur de la politique familiale en facilitant l’accès dès le plus jeune âge à un accueil de qualité favorable à l’égalité des chances, favoriser un meilleur partage des tâches éducatives entre hommes et femmes par une refonte du congé maternité et du congé parental, accroître l’équité des transferts pour lutter contre la pauvreté des enfants, tels devraient être les objectifs d’une politique familiale forte et rénovée.

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