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Revue de presse

Pour le chèque vert

La crise écologique exige de repenser nos choix de consommation en étant attentifs à la situation des classes populaires, écrivent Daniel Cohen, Philippe Martin, Thierry Pech et Madeleine Péron. Dans ce contexte, un chèque valable pour une période limitée permettant d’acheter exclusivement des biens et services jugés respectueux de l’environnement serait une mesure pertinente.
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Par Daniel Cohen (directeur du département d’économie de l’Ecole normale supérieure), Philippe Martin (professeur à Sciences Po et président délégué du Conseil d’analyse économique), Madeleine Péron (économiste au Conseil d’analyse économique), Thierry Pech (directeur général de Terra Nova)

La France traverse une triple crise : sanitaire, économique et écologique. La tentation est grande de les traiter chacune séparément. La réalité est plus complexe, car ces crises sont intimement liées. La crise sanitaire a montré les limites d’une mondialisation mettant en péril notre capacité d’action. La crise économique oblige à trouver un équilibre satisfaisant entre les mesures générales susceptibles de relancer l’activité et celles qui ciblent les entreprises et les populations les plus à risque. La crise écologique, enfin, exige de repenser nos choix de consommation, en étant attentifs à la situation des classes populaires.

A la confluence de ces contraintes, la mise en place d’un chèque vert nous paraît particulièrement pertinente. Il s’agit d’un chèque valable pour une période limitée permettant d’acheter exclusivement des biens et services jugés respectueux de l’environnement. Bien ciblé, il permettrait à la fois de relancer la demande pour soutenir l’emploi, d’orienter la consommation vers les biens et services les plus écologiques et de participer au soutien des ménages les plus modestes.

La Convention citoyenne pour le climat a prévu la mise en place d’un tel chèque (en matière alimentaire), et la CFDT ainsi que le Medef l’ont également soutenue. Le plan de relance est une opportunité pour le faire rapidement.

Labels environnementaux

Le chèque vert serait utilisé sur une large gamme de biens et services. En effet, plus longue en sera la liste, plus faible sera le risque que cette subvention ne fasse augmenter le prix des biens ciblés. Les labels existants (NF Environnement, Ecolabel, AB, labels circuits courts…) pourraient servir de base pour construire cette liste. Les collectivités locales pourraient être mises à contribution pour définir des gammes de produits compatibles avec l’émergence de circuits courts moins émetteurs de CO2.

Plutôt que de décréter, depuis Paris, les dépenses souhaitables, le chèque vert permettrait au citoyen de s’approprier la transition écologique, que ce soit pour contribuer au financement d’une rénovation thermique, s’équiper de panneaux solaires ou acquérir un vélo.

Complexe, la mise en oeuvre de cette certification sera certainement imparfaite. Elle aura toutefois le mérite de créer une dynamique sur laquelle des initiatives ultérieures pourront s’appuyer. La mesure réduirait en outre la défiance que l’augmentation de la taxe carbone a créée dans les classes populaires à l’égard de la transition écologique. En termes techniques, plusieurs solutions sont possibles, telles qu’une carte à puce nominative pouvant être complétée par des titres papier, ou encore une plateforme digitale afin de faciliter le paiement.

Soutenir le pouvoir d’achat

De plus, un chèque vert soutiendrait le pouvoir d’achat et favoriserait la consommation des plus modestes, dont l’épargne a peu augmenté durant le confinement. C’est vers eux qu’il doit être ciblé, par exemple vers les ménages non redevables de l’impôt sur le revenu et les salariés bénéficiant de la prime d’activité, sans cependant concerner uniquement les très pauvres pour lesquels des aides plus ciblées seraient plus efficaces.

Si la conscience environnementale grandit dans la population, le revenu reste un frein.

Le chèque vert permettrait enfin de sensibiliser davantage les bénéficiaires aux labels environnementaux, encore trop peu connus du grand public. Si la conscience environnementale grandit dans la population, le revenu reste un frein : les consommateurs modestes sont beaucoup moins disposés que les plus aisés à payer plus cher des produits respectueux de l’environnement. Le chèque vert rendrait les labels plus saillants et montrerait que les ménages, même modestes, peuvent être acteurs de la transition environnementale.

En somme, le chèque vert permettrait d’atteindre simultanément trois objectifs : soutenir les plus modestes, oeuvrer à une reprise économique en soutenant la consommation, et engager la transformation de nos habitudes de consommation.

Daniel Cohen est directeur du département d’économie de l’Ecole normale supérieure. Philippe Martin est professeur à Sciences Po et président délégué du Conseil d’analyse économique. Thierry Pech est directeur général du think tank Terra Nova. Madeleine Péron est économiste au Conseil d’analyse économique.

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