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Note

Séparations conjugales et reconfigurations familiales : un angle mort de l’État providence

Plus fréquentes et mieux acceptées socialement, les séparations demeurent des étapes éprouvantes dans les parcours de vie. Les inégalités de genre, souvent exacerbées dans ces moments de tension, restent insuffisamment prises en compte par les politiques publiques. Entre responsabilités parentales et impact économique, les femmes supportent des charges disproportionnées. Nos propositions pour une politique familiale mieux adaptée aux réalités de millions de foyers et à la diversité des modèles familiaux.

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Aujourd’hui, près d’un mariage sur deux se termine par une séparation[1], et un quart des foyers sont monoparentaux. Les familles recomposées, où coexistent des fratries complexes et des liens variés entre parents biologiques et beaux-parents, suivent, elles aussi, une tendance à la hausse, représentant 11% des familles depuis 2023.[2]

Cette liberté nouvelle de choisir, de défaire et de réinventer les liens conjugaux et familiaux est le fruit de transformations sociétales profondes : quête d’épanouissement personnel, émancipation croissante des femmes, libéralisation des lois sur le divorce et assouplissement des normes sociales autour du couple et de la parentalité. Ces tendances ont fait émerger une diversité d’unions et de configurations familiales encore impensable il y a quelques décennies.

Pour autant, si ces évolutions sont le reflet d’une plus grande liberté individuelle, elles comportent aussi des coûts non négligeables. Elles ouvrent des périodes de transition, synonymes de réorganisation profonde de la vie personnelle et familiale et s’accompagnent souvent de phases de grande vulnérabilité. Sur le plan financier d’abord, la vie en solo élimine les économies d’échelle rendues possibles par la vie en couple, augmentant ainsi la charge économique supportée par chaque parent. Socialement, la rupture entraîne souvent un rétrécissement des cercles amicaux, familiaux et sociaux qui accompagnaient la vie de couple, accentuant l’isolement et le besoin de reconstruire des réseaux de soutien et d’entraide. Professionnellement, les conséquences peuvent être tout aussi importantes : assumer seul(e) la prise en charge des enfants tout en subvenant aux besoins du foyer peut limiter les opportunités professionnelles et accroître la précarité. Enfin, les conflits potentiels concernant la garde des enfants entre les ex-conjoints et les responsabilités partagées peuvent ajouter des tensions supplémentaires, exposant certains individus à des périodes de fragilité accrue et affectant possiblement les enfants.

Ces coûts, toutefois, sont souvent inégalement répartis, les femmes étant souvent plus exposées à différentes formes de vulnérabilité après une séparation. L’évolution des structures familiales débouche alors sur un paradoxe : si la séparation peut être un vecteur de libération individuelle, elle tend aussi à accentuer des inégalités de genre préexistantes, en renforçant des stéréotypes traditionnels. En effet, là où l’on pouvait s’attendre à ce que la diversification des modèles familiaux contribue à redistribuer équitablement les rôles parentaux, il apparaît au contraire que cette évolution des normes familiales laisse perdurer les inégalités : les femmes continuent de porter une part disproportionnée des responsabilités parentales, souvent au détriment de leur émancipation économique et professionnelle. En particulier, dans le cas des familles monoparentales, qui ont à 85% une femme à leur tête, ce déséquilibre, encore plus marqué, crée un véritable cercle vicieux : après une rupture, les mères assument majoritairement les responsabilités familiales, ce qui accentue leur vulnérabilité économique et psychologique et réduit leurs possibilités de progression professionnelle. En retour, cette précarité relative limite leur marge de manœuvre, rendant d’autant plus difficile l’amélioration de leur situation. Les conséquences de cette précarité touchent directement les enfants : 41 % des enfants vivant dans des familles monoparentales se trouvent sous le seuil de pauvreté, soulignant l’impact durable de ces inégalités sur la prochaine génération[3].

Post-séparation, l’impact des changements de la structure familiale sur les enfants soulève, lui aussi, des questions importantes. La gestion de l’autorité parentale devient plus complexe, lors de la séparation elle-même ou dans le contexte de recompositions familiales ultérieures, où la répartition des rôles entre parents et beaux-parents peut devenir un sujet délicat. La stabilité des enfants est alors un enjeu essentiel à préserver.

Il est indispensable que le législateur prenne davantage en compte ces évolutions sociétales. En effet, dès lors que les manières de “faire famille” changent, il est essentiel que puissent être apportées des réponses adaptées. Celles-ci doivent pouvoir combiner des réponses d’urgence, indispensables pour soutenir les personnes dans les périodes de grande fragilité qu’ouvrent parfois les ruptures – choisies pour certains et subies pour d’autres – et des réponses plus structurelles visant à soutenir ces nouvelles dynamiques familiales. En effet, les séparations et recompositions familiales ne sont pas des phénomènes marginaux, mais bien le reflet d’évolutions sociétales massives et profondes. En cela, les politiques publiques doivent intégrer la question du fait familial non seulement pour atténuer les effets de la précarité, mais aussi pour accompagner ces reconfigurations. L’Etat a su l’amorcer, en renforçant notamment la lutte contre les impayés de pension alimentaires pour limiter la précarisation des parents isolés. Mais bien que les réponses d’urgence soient indiscutables et doivent être amplifiées, le caractère durable de ces transformations interroge aussi sa capacité à accompagner des transformations structurelles de notre société. Assurer le soutien aux familles, quels que soient leurs parcours, est un enjeu fondamental pour garantir un cadre sécurisant et équitable aux enfants et aux adultes.

 

  1. 1. L’instabilité croissante des unions : une liberté nouvelle aux coûts inégalement répartis

Depuis le début des années 2010, la France enregistre en moyenne 425 000 séparations conjugales par an, incluant divorces, ruptures de PACS et d’unions libres. Environ 380 000 enfants mineurs sont directement concernés, vivant la séparation des adultes qui en ont la charge.[4] Cette instabilité croissante des couples témoigne d’une transformation profonde des trajectoires conjugales et des formes familiales.

La forte augmentation des divorces, déjà amorcée dans les années 1970 sous l’effet de l’évolution de normes sociétales (émancipation économique croissante des femmes, levée des tabous autour de la séparation, évolution des normes autour du couple et de la parentalité) a été soutenue par la libéralisation des lois sur le divorce. Celle-ci s’est traduite par l’introduction du divorce par consentement mutuel en 1975 et la simplification des procédures en 2004. Après un pic en 2005, le nombre de divorces s’est stabilisé en 2016 autour de 120 000 par an en moyenne. Si le chiffre a nettement baissé depuis, pour s’établir à 57 437 en 2020 selon les chiffres de l’INED, cette baisse doit être contextualisée pour deux raisons : 1) depuis la loi du 18 novembre 2016[5], les procédures de divorce peuvent être enregistrées par un notaire, ces dernières ne figurant pas dans les statistiques disponibles ; 2) durant la même période, le nombre de mariages a connu un déclin au profit d’unions plus souples, comme le Pacte Civil de Solidarité (PACS) ou l’union libre. En 2018, près de 209 000 PACS ont été conclus contre 22 000 en 2000[6]. En 2017, on compte 550 000 couples en “union libre” toujours selon l’INSEE, une proportion multipliée par 10 depuis les années 1960. Ces couples en union libre représentent plus de la moitié du million de couples qui se forment chaque année.[7] Ces unions, par nature non formalisées, tendent à être plus fragiles et plus volatiles et affichent des taux de séparation plus élevés que le mariage et le PACS (265 000 couples en union libre se séparent chaque année). Elles sont également moins fécondes que les PACS et les mariages, ce qui peut contribuer à leur plus grande fragilité.

Du reste, à mesure que se développent des formes d’union plus souples, l’association entre couple et cohabitation est interrogée : la non-cohabitation conjugale, que les anglo-saxons désignent par l’acronyme LAT (Living Apart Together) concernait, en 2019, 8% des couples français selon les chiffres de l’INED[8]. Cette modalité concerne principalement deux groupes d’âges distincts : les jeunes couples étudiants ou débutants dans la vie active et les individus de plus de 50 ans. Comme l’indique l’étude de l’INED, chez les plus jeunes, la non-cohabitation correspond généralement aux premières étapes de la vie en couple. Cette phase transitoire débouche soit sur un emménagement commun, soit sur une rupture. En revanche, après 50 ans, elle est davantage associée à des situations post-séparation, s’inscrivant dans une logique de recomposition familiale et d’adaptation aux contraintes personnelles. Ce mode de vie, qui permet de “ne partager que le meilleur” pour reprendre la formule du sociologue Christophe Giraud[9], suppose néanmoins des moyens financiers suffisants pour conserver deux logements, ce qui en fait une pratique plus fréquente dans les classes aisées.

L’ensemble de ces chiffres illustre une tendance croissante à la discontinuité des parcours amoureux marqués par des séparations et des remises en couple plus fréquentes. Ces ruptures, parfois suivies de recompositions, entraînent une plus grande diversité dans les structures familiales dans lesquelles évoluent les enfants : chaque année, environ 380 000 enfants vivent une rupture d’union, que celle-ci soit contractualisée ou non.[10] Ce phénomène est particulièrement lié aux divorces : en 2020, 68 % des divorces concernent des ménages avec enfants, contre 44 % des ruptures d’union libre et 41 % des ruptures de PACS. En 2018, 68 % des enfants vivaient avec leurs deux parents, 21 % dans une famille monoparentale et 11 % dans une famille recomposée.[11] Les données récentes montrent que l’autorité parentale partagée est très largement appliquée dans les cas de séparation (dans 98% des divorces et 93% des séparations de parents non mariés[12]), que ce soit pour les parents mariés ou pour les autres. En termes de garde des enfants toutefois, en 2020, environ 85 % des enfants de parents séparés vivent principalement chez leur mère, contre moins de 3 % chez leur père.[13] La résidence alternée, où les enfants partagent leur temps de manière égale entre les deux parents, concerne 12 % des enfants, une proportion qui a doublé entre 2010 et 2016, et qui continue de croître légèrement. Mais ce mode de garde, qui permet davantage d’aménagements des temps professionnel, parental et personnel pour chacun des parents, est nettement plus répandu parmi les populations les plus diplômées et les plus favorisées. Il concerne principalement les ex-couples bi-actifs des classes supérieures.[14]

Ainsi, quel que soit le type d’union, la propension à se séparer a augmenté de manière significative au fil des décennies, témoignant d’une instabilité croissante des parcours conjugaux. Mais en même temps qu’elle matérialise une liberté chèrement acquise, la séparation ouvre pour beaucoup des phases de grande fragilité. En effet, le droit pour chacun de mener une vie personnelle plus libre et de s’émanciper des canons de la vie familiale traditionnelle engendre inévitablement des coûts pour les personnes concernées : d’abord matériels, mais aussi sur le plan socio-professionnel.

D’un point de vue économique, bien que le risque de précarisation soit, on le verra, plus grand pour les femmes, l’impact de la séparation affecte les deux parents. En effet, vivre en couple permet de réaliser des économies substantielles en mutualisant les ressources et en partageant les charges, notamment toutes les dépenses pré-engagées. Le partage d’un logement d’abord, permet de diviser les coûts liés au loyer et aux charges (eau, électricité, chauffage, assurances), réduisant ainsi les dépenses par personne par rapport à la vie en solo. Les frais liés à des abonnements comme l’internet, le téléphone ou les télévisions par câble sont également partagés entre les deux membres du couple là où après une séparation, chacun devra prendre à sa charge un abonnement complet, augmentant ainsi ses dépenses. En matière de transport, certains couples peuvent partager un seul véhicule ainsi que les frais associés (carburant, entretien, assurance). D’autres frais comme l’eau ou encore l’entretien des lieux de vie (réparations, achat de meubles ou équipements communs) sont également plus facilement répartis dans un ménage. En cas de séparation, chacun doit supporter l’intégralité de ces charges, en plus de la gestion d’un nouveau logement. Une étude de l’INSEE de 2024 portant sur les revenus et le patrimoine des ménages[15] confirme le point. D’abord, parmi les très bas revenus, seulement 21% sont en couple. Ensuite, la séparation conjugale a un très fort effet sur l’entrée dans les bas revenus puisque 7 % des personnes se retrouvant en situation de bas revenus sur la période 2004–2024 se retrouvent déclassées après une rupture, contre seulement 2 % au sein de la population générale. Ces chiffres expliquent pourquoi la rupture peut entraîner les ex-conjoints, ou l’un d’entre eux, ainsi que leurs enfants, dans une situation de précarité, même si celle-ci est temporaire (elle l’est en pratique très inégalement).

Les travaux d’Arnaud Régnier-Loilier montrent que l’impact économique de la séparation est toutefois plus important pour les femmes. En effet, dans l’année qui suit la séparation, si la baisse du niveau de vie se chiffre à 10% pour les hommes, elle s’élève au double pour les femmes (20%), la rupture représentant un manque à gagner plus grand pour ces dernières, en raison des inégalités salariales préexistantes. Rappelons ici que les différences de rémunération entre hommes et femmes perdurent, principalement sous l’effet de trajectoires professionnelles différenciées[16] qui se conjuguent souvent avec une spécialisation des rôles au sein des couples.

Évolution du niveau de vie médian selon le sexe et le type de séparation

Dans Le couple et l’argent[17], la journaliste et essayiste Titiou Lecoq démontre comment les dynamiques financières genrées dans les couples conduisent à une précarisation économique des femmes, particulièrement après une séparation ou au moment de la retraite. Elle met en lumière un schéma fréquent : tandis que les femmes prennent en charge les dépenses du quotidien (courses alimentaires, vêtements, fournitures scolaires, santé, cadeaux) les hommes se concentrent sur les investissements durables (achats immobiliers, placements financiers, décisions concernant l’épargne et la retraite). Cette répartition découle de rôles différenciés traditionnellement assignés aux femmes (celui de gestionnaire domestique ou de “Ministre de l’intérieur” pour reprendre le trait d’humour de l’autrice) et aux hommes celui de pourvoyeur économique. Les investissements gérés par les hommes, comme l’immobilier ou les placements financiers, leur permettent d’accumuler des actifs qui leur confèrent un avantage économique à long terme. En revanche, les dépenses des femmes n’offrent pas de retour sur investissement, ce qui appauvrit proportionnellement leur capacité d’épargne. Résultat : en cas de séparation, les femmes se retrouvent souvent avec peu de patrimoine, tandis que les hommes conservent les actifs à forte valeur ajoutée.

En outre, si la diminution des ressources pour les deux ex-conjoints s’atténue progressivement dans les années qui suivent, c’est plus vrai pour les hommes que pour les femmes, sous l’effet de remises en couple et d’évolutions professionnelles, la situation financière des hommes ayant tendance à s’améliorer plus fréquemment et plus rapidement après une séparation. A contrario, pour les femmes, cette amélioration est plutôt due à leur entrée ou retour sur le marché du travail, ou à l’augmentation de leur temps de travail, les remises en couple étant moins fréquentes et souvent plus tardives pour elles que pour les hommes. En effet, ces dernières se voient majoritairement confier la garde des enfants, ce qui limite les opportunités de sorties et de rencontres.

Du reste, si les mères de familles monoparentales d’enfants âgés de 6 ans et plus travaillent autant que celles qui sont en couple, les écarts se creusent lorsqu’elles ont de jeunes enfants, en particulier âgés de moins de 3 ans.[18] En 2020, c’est à peine la moitié des mères de familles monoparentales d’un enfant de moins de trois ans qui ont un emploi et moins de trois sur dix quand elles ont plusieurs enfants. Celles qui rencontrent des difficultés d’insertion professionnelle parce que tenues d’assurer seules et sans relai la garde de leurs enfants sont donc bien celles qui sont les plus exposées à des formes de vulnérabilité socio-économiques. Ainsi, les familles monoparentales sont plus nombreuses que la moyenne à vivre sous le seuil de pauvreté monétaire : elles sont 35% à vivre avec des revenus inférieurs à ce seuil (calculé à 60% du revenu médian, soit environ 1 216 € par mois pour une personne seule[19]). Ce taux monte à 42% pour les familles avec deux enfants et plus.

Sans surprise, les conditions de logement sont également plus difficiles pour ces familles : dégradation des conditions d’habitation à l’issue de la séparation (en matière de taille du logement[20], 25 % des enfants vivant chez leur mère occupent un nouveau logement qui a perdu plus de 37m2), passage par des solutions transitoires (hébergement chez un proche, périodes plus ou moins longues sans logement), trajectoires résidentielles bloquées (37 % des familles monoparentales sont dans le parc social contre 15 % des couples, et 45 % des bénéficiaires d’aides au logement sont des familles monoparentales), les conditions de logement se dégradant d’autant plus si la séparation est violente.[21] Il ne faut pas sous-estimer ici l’impact des conditions de logement sur la santé et le développement des enfants. Selon un rapport de Santé Publique France publié en 2016 et actualisé en 2019, le mal-logement peut entraîner des maladies chroniques, des retards de croissance scolaires et psychomoteurs, ainsi qu’un stress accru pour les familles. Le rapport cite également une étude de l’OFCE, basée sur des données de l’INSEE, qui montre que le surpeuplement aggrave de 40 % le risque pour un enfant âgé de 11 à 15 ans de subir une année de retard scolaire, toutes choses égales par ailleurs.[22]

Notons également que les hommes conservent plus fréquemment le logement conjugal à l’issue d’une séparation, principalement en raison de leur capacité à en assumer les charges financières. Dans 75% des unions rompues, l’un des conjoints conserve le domicile conjugal, mais la répartition se fait en faveur des hommes. Un an après la séparation, 43% continuent d’occuper le domicile conjugal contre 32% des femmes. Bien que l’écart diminue avec le temps, il reste assez significatif : quatre ans après la rupture, 27% des hommes résident encore dans l’ancien logement conjugal contre 22% des femmes. La contribution de chacun aux revenus du couple joue un rôle clé dans ce déséquilibre. Lorsque les hommes contribuent à hauteur de plus de 60% des revenus totaux du couple, ils conservent le logement dans 47% des cas, contre 28% pour les femmes. Lorsqu’on observe peu de différences de revenus entre les ex-conjoints, l’écart se resserre (38% des hommes conservent le logement contre 31% des femmes). Dans les cas où ce sont les femmes qui ont des revenus supérieurs, elles gardent le logement dans 42% des cas. Les modalités de garde des enfants influencent aussi bien sûr la dynamique. Le parent ayant la garde exclusive des enfants conserve plus fréquemment le logement conjugal. Dans les séparations où la femme a la garde exclusive, elle reste dans le logement dans 41 % des cas, contre 32 % pour l’homme. En revanche, lorsque c’est le père qui a la garde exclusive, il garde le logement dans 56 % des cas, un taux nettement supérieur. Lorsque la garde des enfants est alternée, les hommes conservent également plus souvent le logement, confirmant que, même si les femmes obtiennent plus fréquemment la garde exclusive des enfants, l’écart global reste plus favorable aux hommes.[23]

Composition du niveau de vie des couples ayant des enfants avant la séparation, et de leur niveau de vie individuel après la séparation en présence ou non d’enfant(s) [24]

Part des personnes en situation de pauvreté selon le type de ménage[25]

A côté des difficultés financières stricto sensu, les travaux d’Arnaud Régnier-Loilier[26] soulignent également que parmi les mères qui ne sont pas “pauvres” au sens monétaire du terme, certaines se trouvent tout de même en difficulté financière et craignent de basculer dans la pauvreté. C’est ce que le démographe appelle la “précarité ressentie”. Selon une étude de la DREES, les familles monoparentales sont plus souvent touchées par l’insécurité financière par rapport aux autres ménages, et une part importante exprime un pessimisme quant à l’avenir, avec 50 % se déclarant préoccupées par leur situation future.[27]

Ajoutons à cela que les parents isolés ne perçoivent pas toujours de pension alimentaire, une situation encore plus fréquente chez ceux qui se sont séparés hors mariage. En effet, les personnes divorcées touchent plus fréquemment une pension alimentaire en raison du cadre juridique qui entoure le divorce. Dans une procédure de divorce, même à l’amiable, lorsqu’il y a des enfants, l’intermédiation d’un juge inclut généralement la fixation et le versement d’une pension alimentaire au parent gardien. Cette disposition vise à garantir que les besoins financiers des enfants soient pris en compte et leur bien-être assuré après la séparation. Dans le cas de la séparation d’un couple non marié (union libre ou PACS), le recours au juge pour fixer une pension alimentaire est moins systématique. La pension alimentaire peut être fixée d’un commun accord mais elle n’est pas automatique. Les couples non mariés doivent souvent initier une procédure pour obtenir ce soutien, ce qui n’est pas non plus systématique, les arrangements amiables primant en général sur les procédures formalisées devant le juge aux affaires familiales.[28]

Selon les données disponibles (2016), parmi les familles pour lesquelles une pension alimentaire a été fixée, près de 30 à 40% font face à des impayés, recevant partiellement ou ne percevant pas du tout la somme due.[29] Les motifs de ces manquements sont variés : simple négligence, difficultés financières, invocation par certains débiteurs d’un potentiel usage inapproprié de l’argent par l’ex conjoint, ou encore refus d’une décision de justice. Or le versement régulier et effectif des pensions alimentaires est crucial pour prévenir la précarité des familles monoparentales et de leurs enfants[30], ce soutien représentant en moyenne 18% des revenus de ces familles[31]. Par ailleurs, au-delà des impayés, il existe des tensions, parfois difficiles à quantifier, liées au paiement de la pension. Ces conflits peuvent instaurer un déséquilibre au détriment du parent créancier et impacter négativement les enfants.

Le gouvernement précédent avait déjà abordé cette question au cours du dernier quinquennat dans la continuité des réformes engagées sous la précédente mandature par Najat Vallaud-Belkacem et Laurence Rossignol. Un système d’intermédiation et de recouvrement des pensions alimentaires, aux prérogatives progressivement étendues, a été mis en place afin de lutter contre les absences ou les irrégularités de paiement. L’ARIPA (Agence de recouvrement et d’intermédiation des pensions alimentaires), organisme relevant de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), a été créée en 2017. Ce dispositif a connu plusieurs évolutions depuis sa création pour renforcer le soutien aux parents séparés[32]. A sa création, en 2018, la CAF et la Mutualité Sociale Agricole (MSA)[33] sont autorisées à délivrer un titre exécutoire aux parents séparés non mariés sans avoir à recourir à un magistrat pour fixer le montant de la pension alimentaire. Ce document détermine le montant de la pension sur la base d’un barème national et ouvre le droit au recouvrement par l’ARIPA en cas de non-paiement. En 2021, le service est étendu à tous les parents séparés qui en font la demande, même s’ils sont séparés depuis longtemps. En 2022, et conformément aux propositions formulées dès 2019 par Terra Nova[34], l’intermédiation devient systématique, sans demande, pour tous les parents qui se séparent, dès lors qu’une pension alimentaire est fixée par un magistrat sauf si les deux parents s’y opposent conjointement.

Ce dispositif a en partie fait ses preuves puisqu’entre 2017 et 2023, le taux de recouvrement des pensions alimentaires impayées par l’ARIPA a fortement progressé passant de 62,5 % à 70 % fin 2023. Depuis 2019, le taux de recours à l’ARIPA a augmenté, compte tenu de la forte augmentation du nombre de procédures de recouvrement (procédures actives), passant de 40 000 en 2019 à 86 894 en 2021, soit une augmentation de 215 %, l’amélioration du recouvrement se retrouvant dans les deux types de procédures : amiables – la majorité des cas – ou forcées avec saisie sur salaire du débiteur – trés peu utilisée (dans moins de 100 procédures en cours). Le taux de recours à l’ARIPA est un indicateur clé pour évaluer l’efficacité et l’usage du dispositif de recouvrement des pensions alimentaires impayées. Il correspond au pourcentage de parents créanciers qui font appel à l’ARIPA pour récupérer les sommes dues par le parent débiteur, rapporté au nombre total de pensions alimentaires impayées, qui s’élèvent, en France à 30 à 40% sur un total de 900 000 à 1 million de bénéficiaires, ce qui représente entre 270 000 et 400 000 pensions alimentaires impayées chaque année. En 2021, 86 894 procédures ont été initiées auprès de l’ARIPA pour le recouvrement des pensions alimentaires impayées. C’est donc entre 21 % et 32 % des pensions alimentaires impayées qui ont donné lieu à un recours formel auprès de l’ARIPA pour leur recouvrement contre 13 à 15% en 2019 (40 000 recours au total). Cela suggère que, bien que le dispositif soit de plus en plus utilisé, une proportion importante de parents créanciers n’ont pas encore recours à l’ARIPA, pour des raisons variées (manque d’information, crainte de l’escalade des conflits, gestion amiable des impayés). Ce taux de recours montre aussi que malgré l’augmentation significative du nombre de procédures activées par l’ARIPA, un nombre considérable de parents continuent à faire face à des impayés sans recourir à l’agence, ce qui pourrait signaler un besoin de sensibilisation accrue et d’amélioration de l’accès à ce service. Par ailleurs, lorsqu’une pension alimentaire est fixée par le juge, elle inclut une clause précisant une indexation sur l’indice des prix à la consommation de l’INSEE, avec une revalorisation annuelle au 1er janvier, ce qui n’est pas systématiquement appliqué, notamment lorsque la communication entre ex-conjoints est rompue ou faute d’information sur le coefficient de l’augmentation due. L’intervention d’un tiers pour rappeler cette obligation au débiteur et notifier le montant de l’augmentation annuelle ou ses modalités de calcul précises, serait alors particulièrement utile.

De plus, la généralisation automatique ne s’applique pas aux parents séparés avant 2022. Pour lutter contre les impayés qui concerneraient les individus ne bénéficiant pas automatiquement du service, il serait judicieux que l’administration fiscale identifie de part et d’autre les contribuables percevant ou versant une pension alimentaire afin de pouvoir activer automatiquement le service. Pour ce faire, la DGFIP pourrait exploiter les déclarations fiscales existantes, qui indiquent les pensions perçues ou déduites, et croiser ces données avec celles des CAF. Le système d’intermédiation pourrait alors être automatiquement activé en cas d’impayé détecté, après un délai à définir. Par exemple, une activation pourrait être envisagée après deux mois consécutifs d’impayés. Ce délai s’appuierait sur le cadre légal existant : en effet, le non-paiement de la pension alimentaire, lorsqu’il se prolonge au-delà de deux mois consécutifs, peut être considéré comme un abandon de famille, une situation encadrée par la loi[35]. Fixer ce délai permettrait donc d’offrir une solution adaptée et préventive, tout en garantissant une approche conforme aux règles en vigueur et en évitant des impayés prolongés qui pourraient fragiliser le parent bénéficiaire.

Dans le cas des familles qui perçoivent une pension, son montant reste relativement faible (en moyenne 170 euros par mois et par enfant, dorénavant complétée par l’ASF pour atteindre 195,85 euros par mois et par enfant)[36]. Ce montant peut bien sûr représenter une charge significative pour le parent débiteur, suivant le nombre d’enfants (les familles monoparentales comptent en moyenne 1,8 enfant contre 1,9 pour les familles dites traditionnelles)[37] mais reste souvent insuffisant pour le parent gardien, généralement la mère, qui doit assumer la majorité des dépenses du foyer, y compris le reste des frais liés à l’éducation et à l’entretien des enfants. La faiblesse de la pension alimentaire, combinée à des revenus modestes, laisse les parents gardiens assumer une part disproportionnée des coûts liés aux enfants, ce qui aggrave souvent leur précarité financière.

Une étude récente réalisée en 2024 par Ipsos pour l’Observatoire Leclerc sur les nouvelles consommations[38] fournit une base intéressante pour évaluer le coût d’un enfant. Elle se concentre sur l’arrivée de l’enfant, une période marquée par de nombreuses nouvelles dépenses, avec un coût mensuel moyen estimé à 490 euros par mois et par enfant, décomposé comme suit :

  • 252 euros pour la garde du bébé
  • 83 euros pour l’alimentation,
  • 54 euros pour l’équipement (comme la poussette, le lit, etc.)
  • 51 euros pour l’habillement
  • 51 euros pour les produits d’hygiène et de bien-être

Si ces données se concentrent sur les coûts liés à l’arrivée d’un bébé, elles offrent néanmoins une base indicative intéressante pour estimer les coûts à plus long terme. On peut faire l’hypothèse que si certains coûts comme ceux liés à la garde durant la journée (crèche publique ou privée, assistante maternelle) ou à l’équipement initial, disparaissent au fil des années, d’autres, comme les frais de garde périscolaire, les frais de cantine scolaire lorsque les deux parents travaillent, ou encore les activités extrascolaires, apparaissent progressivement. Il est donc raisonnable d’estimer que les dépenses moyennes se maintiennent à des niveaux voisins au fil des années, même si leur nature évolue avec l’âge de l’enfant.

En comparaison, une étude de 2015 menée par la DREES[39] avait estimé le coût moyen mensuel d’un enfant de moins de 20 ans à environ 1 500 euros, en incluant à la fois les dépenses des ménages et celles des institutions publiques (éducation, santé, prestations sociales, subventions pour les structures d’accueil, aide sociale à l’enfance, etc.). Parmi ces 1 500 euros, les familles assument directement 37 % du coût, soit environ 555 euros par mois, ce qui correspond au montant des dépenses moyennes établies par l’étude Ipsos 2024.

Ainsi, ce sont les femmes qui vont, à l’issue de ces ruptures d’union, assumer la majorité des responsabilités parentales et domestiques, la séparation venant souvent aggraver le déséquilibre préexistant dans la répartition de ces tâches, déjà largement documenté. Les précédents travaux de Terra Nova avaient rappelé le poids de l’inégale répartition des charges domestiques et parentales qui continue de peser sur les mères. Pour les femmes en couple, plus le nombre d’enfants augmente, plus les mères assument davantage de responsabilités, tandis que l’implication des pères diminue.[40]

Dans une étude réalisée par la Fondation des femmes en 2022 intitulée “Le coût d’être mère”[41], on apprend qu’alors que la logique voudrait que le temps consacré aux tâches domestiques et parentales augmente pour les deux parents proportionnellement avec le nombre d’enfants, c’est vrai uniquement pour les mères. Alors que l’arrivée d’un enfant ajoute 5 heures de travail domestique et parental à une femme, un homme “économise” au contraire 2 heures de travail domestique et parental. Et à mesure que le nombre d’enfants augmente, l’investissement des pères dans les tâches domestiques se réduit, tandis qu’il augmente au contraire pour les mères.

Source : “Le coût d’être mère”, Fondation des Femmes, 2022. Données utilisées :  DREES, Emilie Raynaud, « L’enquête modes de garde et d’accueil des jeunes enfants », 2016, ; Cécile Brousse, « La répartition du travail domestique entre conjoints reste très largement spécialisée et inégale », INSEE, France, portrait social, 1999–2000, p. 135–151.

Non seulement celles-ci continuent, après la séparation, de porter la charge mentale liée à l’éducation des enfants et à l’entretien du foyer, mais elles doivent également affronter des défis accrus en matière de gestion du temps, d’organisation et de responsabilités financières. L’inégale répartition des tâches domestiques, qui est déjà un fardeau pour les femmes en couple, devient un poids encore plus lourd à porter pour celles qui élèvent seules leurs enfants. Celles-ci, a fortiori lorsqu’elles ne bénéficient ni d’un soutien de l’autre conjoint ni d’un réseau familial ou amical solide, se retrouvent contraintes de jongler avec une multitude de responsabilités sans relais possible : éducation, gestion du quotidien et suivi scolaire des enfants, tâches ménagères et administratives, le tout en maintenant une activité professionnelle. Cette accumulation ininterrompue de responsabilités, qui s’intensifie en fonction du nombre d’enfants (notamment en bas âge) a plusieurs conséquences : surcharge, fatigue physique et mentale, solitude éducative en l’absence d’un soutien effectif des pères, et isolement notamment parce que la monoparentalité s’accompagne souvent d’une sortie des réseaux amicaux et sociaux dans lesquels le couple avait pu être investi, et ce pour plusieurs raisons : déménagement (et souvent, difficultés à se loger, problèmes de mobilité), manque de temps devant le poids de toutes les charges (financières, éducatives, administratives, affectives), ou encore difficultés de modes de garde (85% des Centres d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles[42] indiquent la garde d’enfants comme une problématique majeure rencontrée par les femmes en situation de monoparentalité).

En outre, cette sur-responsabilisation des mères, devenues les seules figures parentales de référence, renforce leur auto-injonction à être une « bonne mère », celle-ci pouvant d’ailleurs être alimentée par la peur de la stigmatisation sociale. Être mère célibataire, avec un ou plusieurs enfants, s’éloigne de l’image stéréotypée de la famille nucléaire hétérosexuelle, souvent érigée en modèle idéal, voire en unique schéma familial viable. Ces femmes se retrouvent ainsi en décalage avec les normes traditionnelles, ce qui peut entraîner un stigmate social négatif. De plus, les mères isolées sont souvent victimes de stéréotypes tenaces, les présentant comme « assistées », ou accusant leurs enfants d’être « mal élevés » et « en manque d’autorité paternelle », renforçant un sentiment d’injustice face à ces préjugés. Depuis les années 1990, ce sont principalement des responsables politiques de droite qui ont associé la reconfiguration des familles et la montée de la délinquance juvénile, parlant de « démission parentale » pour expliquer certains comportements. On se souvient des propos d’Éric Zemmour qui avait critiqué à plusieurs reprises les familles monoparentales, les qualifiant de « plaie » pour la société. Lors d’une intervention en 2010 sur I-Télé, il avait alors affirmé que les familles monoparentales contribuaient à “la désintégration du modèle familial”. En 2015, il avait suggéré de limiter les allocations pour les mères célibataires, arguant que cela encouragerait la « reconjugalité », en prenant exemple sur la politique de George W. Bush aux Etats-Unis. Les récentes émeutes autour de la mort de Nahel en juin 2023 ont ravivé cette rhétorique avec des critiques explicites envers les familles monoparentales, jugées incapables de « gérer leurs adolescents », et le retour du débat sur la suppression des allocations familiales, soutenu par une partie de la droite. Il est d’ailleurs surprenant que la rhétorique conservatrice blâme une supposée désintégration des familles tout en éludant soigneusement le fréquent désengagement des pères, qui a pourtant des conséquences significatives. Le non-paiement des pensions alimentaires par exemple, contribue à limiter l’accès des enfants à des ressources précieuses telles que des activités extra-scolaires ou culturelles, renforçant ainsi les inégalités socio-économiques. Lorsque les pères se désengagent, on peut aisément imaginer les répercussions de la surcharge mentale supportée par les mères. En assumant seules la gestion du foyer, l’éducation et les responsabilités financières, cette charge peut peser lourdement sur leur patience, leur disponibilité émotionnelle et leur capacité à répondre pleinement aux besoins de leurs enfants. Cette situation risque de créer un cercle vicieux, où le stress maternel influe négativement sur le bien-être des enfants, renforçant ainsi les tensions familiales. Par ailleurs, les travaux de Louise Protar et de Marianne Modak sur les pères séparés[43] relèvent que ceux-ci sont souvent aidés par leur ex-compagne dans le maintien du lien avec leur enfant. Les autrices soulignent le travail important réalisé par les mères pour impliquer le père dans la vie de l’enfant, “parfois au détriment de leur vie personnelle” notamment dans les situations de conflictualité. Du reste, la séparation est dans de nombreuses situations une période marquée par des difficultés relationnelles, tensions et conflits, voire violences au sein du couple, qui ne sont bien sûr pas sans effets sur les enfants. Dans les cas de violences avérées, la protection et la mise à l’abri des victimes deviennent des enjeux prioritaires. Terra Nova a déjà formulé plusieurs propositions à ce sujet dans un précédent rapport dédié à une meilleure prise en charge des violences conjugales.[44]

Autre preuve du désengagement fréquent des pères à l’issue d’une séparation : lorsqu’un père dispose d’un droit de visite et d’hébergement, il arrive fréquemment qu’il ne l’exerce pas pleinement, ce qui a des répercussions considérables sur les mères. Cela complique leur organisation quotidienne, personnelle et professionnelle, comme en témoignaient en mars 2019 les participantes à la conférence organisée par Marlène Schiappa alors Secrétaire d’État : « Il prend les enfants à la carte », « C’est difficile de refaire sa vie », « Je n’ai jamais de temps pour moi ».[45] Ce désinvestissement instaure un rapport inégalitaire, notamment lorsqu’ils ne respectent pas les horaires de visite ou demandent à la mère d’adapter son emploi du temps en fonction de leur disponibilité. Ces comportements, en plus de maintenir les mères dans une situation de dépendance, compliquent considérablement la gestion de leurs responsabilités parentales et professionnelles, “rendant quasiment impossible tout équilibre de vie”.[46]

Dès lors, bien que l’augmentation des séparations conjugales puisse offrir à chacun l’occasion de s’épanouir en dehors d’une relation devenue insatisfaisante, et reflète en partie une émancipation croissante des femmes, la séparation accentue aussi, dans de nombreux cas de figure, un déséquilibre déjà existant, plongeant les femmes dans une dynamique où les inégalités de genre persistent, et rendant leur cheminement encore plus ardu, tant au plan personnel que professionnel.

À mesure que la condition des familles monoparentales est mieux comprise et mieux documentée, les propositions législatives des dernières années ainsi que la mise en place d’un système d’intermédiation des pensions alimentaires reflètent une prise de conscience croissante de leurs difficultés. Parmi les initiatives plus récentes, la création d’une carte “parent solo”, inspirée de la carte “famille nombreuse”, proposition de la députée Renaissance Fanta Berete[47], offrirait des avantages tels que des places en crèche réservées et des réductions sur les factures d’électricité et les transports, afin d’alléger le fardeau financier des familles monoparentales et de faciliter leur insertion professionnelle. D’autres mesures envisagées comme l’allongement du congé maternité pour les mères monoparentales, le versement des allocations familiales dès le premier enfant ou encore l’assouplissement des critères d’attribution de l’APL, facilitant ainsi leur accès au logement, sont autant d’initiatives[48] qui – bien que non abouties –[49] vont dans la bonne direction. Le maintien de l’aide d’Etat à la garde d’enfants jusqu’à 12 ans pour les familles monoparentales à compter de 2025 sera également bienvenu pour faciliter et alléger le quotidien des mères isolées.

 

Ces mesures, qui visent à faciliter le quotidien des parents isolés témoignent, on l’a dit, d’une meilleure appréhension de leurs difficultés. Pour autant, s’il est fondamental de répondre à ces urgences pour atténuer les situations de précarité qu’elles rencontrent, il faut également comprendre que ces recompositions familiales marquent de profondes évolutions dans notre société. Ainsi, comme l’affirme Catherine Colombet dans un ouvrage intitulé Idées reçues sur les familles monoparentales, publié en 2024, elles ne sont pas totalement réductibles aux problématiques de précarité ou de vulnérabilité. En effet, la famille traditionnelle, basée sur le modèle du couple marié avec enfants ne correspond plus, aujourd’hui, à la réalité de millions de familles. Les séparations conjugales et recompositions familiales, que l’on observe de plus en plus fréquemment, traduisent des évolutions sociétales profondes, qui, loin d’être marginales, posent la question de l’intégration du fait familial en soi dans les politiques publiques, non pas seulement pour traiter les symptômes de la précarité, mais pour accompagner de nouvelles manières de faire famille. En d‘autres termes, au-delà des aides ponctuelles, tout à fait essentielles pour atténuer les difficultés du quotidien, il sera sans doute crucial pour l’Etat de penser une politique familiale nouvelle, capable de prendre en compte l’évolution de ces modèles familiaux, dans l’intérêt des familles et notamment des enfants. Cela signifie adopter une approche qui permette d’accompagner les familles tout au long de leur parcours : lors de transitions familiales, de recompositions ou encore de la gestion de la parentalité en solo. Il faudra donc bien tenir ensemble différentes temporalités : les réponses d’urgence dans les moments de fragilisation pour que l’Etat puisse assumer un rôle d’amortisseur social, tout en adaptant ses mécanismes à de nouvelles manières de vivre en famille et promouvoir des dynamiques de parentalité plus équilibrées.

  1. 2. Quelques propositions :

1. Repenser en profondeur le modèle des pensions alimentaires pour promouvoir une parentalité plus équilibrée :

Emilie Biland-Couturier et Isabelle Sayn, qui ont bien étudié le fonctionnement du système des pensions alimentaires en France rapportent qu’aujourd’hui quatre familles monoparentales sur cinq sont constituées d’une mère qui élève seule son ou ses enfants au quotidien, le plus souvent après sa séparation d’avec leur père. Or, cette prise en charge quotidienne a un coût pour les mères : “un coût direct en termes d’entretien des enfants (y compris le logement), un coût indirect du fait de la pénalisation de la “maternité solo” sur le marché du travail, et un coût en termes de qualité de vie (peu de temps pour soi).”[50]

Il est pertinent de se demander, comme le soulignent les autrices, dans quelle mesure l’autre parent, le plus souvent le père, contribue aux coûts liés à l’entretien et à l’éducation des enfants, surtout lorsqu’il ne partage pas le travail parental au quotidien. Elles invitent à réfléchir aux normes juridiques encadrant la fixation de la pension alimentaire, en mettant en évidence que ce système, basé sur un transfert monétaire généralement du père vers la mère, renforce les inégalités de genre. En effet, la nature de cette contribution, dans sa forme même, tend à renforcer la division genrée du travail, les mères étant en charge du travail du “care” mais pénalisées économiquement et professionnellement par celui-ci, et les pères, désignés comme “pourvoyeurs” sans pouvoir toujours assumer ce rôle.[51] Ce mode de contribution présente, comme le soulignent ces travaux, plusieurs écueils, au-delà de la problématique déjà complexe des impayés. Pourtant, il faut bien reconnaître au préalable que la mise en place automatique du système d’intermédiation a permis de résoudre une difficulté importante : en effet, bien que la loi impose aux parents l’obligation de contribuer à l’entretien et à l’éducation de leurs enfants, les débiteurs (le plus souvent les pères) n’étaient pas tenus de s’acquitter de cette obligation de leur propre initiative. La pension alimentaire devait auparavant être demandée par le créancier (généralement la mère), ce qui lui imposait de prendre l’initiative des démarches et d’assumer une charge mentale supplémentaire. Comme le soulignent justement les autrices, cette position de demandeur jouait un rôle significatif dans les phénomènes de non-recours, de nombreuses mères renonçant à réclamer cette contribution.

Ensuite, le mode de calcul de la pension alimentaire en France repose essentiellement sur une conception monétaire du coût de l’enfant, négligeant ainsi d’autres aspects fondamentaux, notamment le coût d’opportunité supporté par le parent gardien. Celui-ci se traduit souvent par une mise entre parenthèses de la carrière professionnelle pouvant engendrer une diminution des revenus d’activité, la vie professionnelle devenant souvent la variable d’ajustement afin d’assurer les responsabilités familiales. Ce faisant, ce système “laisse perdurer l’idée que le travail domestique, historiquement pris en charge par les femmes, demeure invisible et non valorisé dans ce type de raisonnement.” Bien que partiellement intégré dans le barème (encore facultatif à ce jour) créé en 2010 par le Ministère de la Justice, la variable du temps que l’enfant passe avec chacun de ses parents n’est pas formellement reconnue par la loi dans l’évaluation du montant de la pension alimentaire. Comme le soulignent Isabelle Sayn et Emilie Biland-Couturier, en l’état actuel du droit, “les modalités de calcul de la pension alimentaire n’intègrent pas, de façon explicite, le temps et l’attention consacrés par chacun des parents séparés à leurs enfants communs”. Cette inégalité pénalise les femmes, entravant le développement de leur carrière, leur capacité à concilier vie familiale et professionnelle et, par conséquent, leur épanouissement personnel.

Autre problème, tous les pères ne sont pas tenus de verser une pension alimentaire. Les pères issus des milieux les plus précaires sont souvent exemptés du versement d’une pension. Il y aurait, d’après les autrices, une réticence des juges à imposer aux pềres aux revenus modestes de contribuer financièrement à l’éducation des enfants, renvoyant plutôt tendanciellement les mères vers l’aide sociale. Les observations du Collectif des Onze[52], un groupe de chercheurs en sociologie, droit et anthropologie qui a étudié en profondeur le fonctionnement de la justice familiale en France dans quatre tribunaux entre 2009 et 2010[53], montrent que les juges aux affaires familiales estiment que lorsque les pères frôlent l’impécuniosité, ceux-ci doivent pouvoir conserver les fruits de leur travail, même si cela signifie qu’ils ne contribuent pas financièrement à l’éducation de leurs enfants. Ainsi, un père sur cinq en France n’est pas tenu de verser de pension alimentaire alors que la mère assume la charge des enfants, les juges étant d’autant plus enclins à exempter les pères du versement de la pension que l’allocation de soutien familial peut s’y substituer. D’ailleurs, en 2007, seulement 7 % des pensions alimentaires étaient inférieures au montant de l’ASF, alors fixé à 90 euros par mois et par enfant. Depuis, l’ASF a augmenté, atteignant 195,85 euros en 2024, et les pensions de faible montant sont plus courantes, l’ASF complémentaire venant combler la différence. Il est donc raisonnable de supposer, à l’instar des autrices, que les juges se sont ajustés aux évolutions de la redistribution publique, même si l’ASF complémentaire était très peu sollicitée à l’époque (seulement 4 700 bénéficiaires en 2016).[54]

En d’autres termes, lorsque les pères disposent de ressources limitées, les juges incitent souvent les mères à se tourner vers les services sociaux, les poussant ainsi à effectuer des démarches supplémentaires. Or les mères qui se sont remises en couple n’y ont pas droit, l’ASF étant réservée aux parents isolés. Par ailleurs, les Caisses d’Allocations Familiales (CAF) peuvent également déclarer les parents non-gardiens comme étant « hors d’état » de verser une pension alimentaire. De cette manière, le système français des pensions alimentaires, tant au niveau judiciaire qu’au sein de la branche Famille, privilégie la redistribution publique aux dépens des contributions privées, allégeant les obligations financières des pères précaires et contraignant les mères à multiplier les démarches pour subvenir aux besoins de leur foyer.

Tout cela, en plus de renforcer considérablement la division genrée du travail, aboutit à un paradoxe saisissant : les mères célibataires sont souvent perçues comme des “assistées” alors que c’est le système lui-même qui privilégie les transferts publics aux dépens des contributions privées. Ce sont elles qui se retrouvent en réalité contraintes de multiplier les démarches administratives pour compenser le désengagement financier des pères. Ce mécanisme les place dans une situation de dépendance aux aides publiques, tout en les stigmatisant, alors que ce sont elles qui assument l’essentiel des responsabilités parentales et domestiques, les pères en étant souvent exemptés.

En ce sens, il pourrait être judicieux d’instaurer un principe universel : tous les pères ayant des revenus, même modestes, doivent en allouer une part, aussi minime soit-elle, à l’entretien de leurs enfants. Même un faible montant, par exemple une contribution de 20 euros par mois en cas de revenus très faibles, symboliserait la reconnaissance de ce lien de responsabilité et d’engagement envers les enfants. Une clause de revoyure pourrait être prévue pour permettre une réévaluation ultérieure du montant à verser par le débiteur en cas d’augmentation de ses ressources. Ce principe, en plus de responsabiliser les parents, réaffirmerait l’idée que l’éducation et l’entretien des enfants sont une responsabilité partagée, indépendamment de la situation financière.

Actuellement, les démarches administratives nécessaires pour compenser l’absence de pension alimentaire (comme la demande d’ASF) retombent majoritairement sur les mères, leur imposant une charge mentale et logistique supplémentaire. Cette responsabilité pourrait être transférée aux pères dans les cas où ils ne peuvent pas payer eux-mêmes la pension. Il serait ainsi possible d’exiger qu’ils entreprennent les démarches nécessaires pour demander l’ASF complémentaire auprès des organismes compétents, comme la CAF. Cela enverrait un message clair : « Vous ne pouvez pas payer directement, mais vous avez l’obligation d’agir pour subvenir aux besoins de vos enfants. » Si le père ne réalise pas ces démarches, il pourrait être passible d’une amende, renforçant l’idée que la non-contribution, même indirecte, n’est pas acceptable.

Une telle réforme présenterait plusieurs bénéfices. Elle permettrait de répartir de manière plus équitable la charge administrative et mentale, soulageant ainsi les mères qui assument déjà une grande partie des responsabilités parentales. Elle porterait également une symbolique forte, car le principe d’une contribution, même symbolique, rappelle que chaque parent a une obligation morale et légale envers ses enfants. Enfin, en responsabilisant les pères, soit par l’accomplissement de démarches, soit par des sanctions en cas d’inaction, elle limiterait les comportements de désengagement qui renforcent les inégalités entre parents. Cette approche ne se contente pas de corriger des inégalités existantes, elle envoie un message clair : la parentalité est un engagement durable et partagé, quel que soit le contexte économique ou familial.    

En complément, une piste d’amélioration des modes de calcul de la pension alimentaire pourrait résider dans l’intégration, en complément du revenu de chaque parent, d’un coefficient relatif à la proportion du temps passé avec l’enfant et le nombre d’enfants concernés, afin de répartir les charges entre les parents tout en s’assurant que les besoins essentiels des enfants soient couverts, indépendamment du niveau de vie post-séparation. L’exemple québécois étudié par Emilie Biland-Couturier dans un ouvrage intitulé Family Law in Action: Divorce and Inequality in Quebec and France (2023) peut nous apporter quelques pistes de réflexion : au Québec, la pension alimentaire est fixée selon un barème précis, encadré par la Loi sur le divorce et le Code civil du Québec qui cherche à équilibrer plus équitablement la contribution de chacun des deux parents. Ce barème tient compte du revenu brut de chaque parent, du nombre d’enfants et du temps que l’enfant passe avec chacun des parents, alors qu’en France, bien que le temps de garde puisse être considéré, il compte peu dans le calcul. De plus, en matière de recouvrement, bien que le non-paiement de la pension constitue, en théorie, une infraction, les sanctions sont de fait rarement appliquées. A contrario, au Québec, l’exécution plus rigoureuse des décisions judiciaires permet une meilleure protection économique des femmes.

 

2. Gérer l’urgence : expérimenter la “solidarité à la source” en direction des familles monoparentales :

L’expérimentation de la “solidarité à la source”, promesse de campagne d’Emmanuel Macron, dont le déploiement est prévu à titre expérimental dans cinq départements (Alpes-Maritimes, Aude, Hérault, Pyrénées-Atlantiques et Vendée) pourrait cibler en priorité les familles monoparentales afin de simplifier leur accès aux droits sociaux et lutter contre le non-recours, tout en atténuant leur charge matérielle et mentale.

Ce versement “à la source” des aides pourrait ainsi inclure :

  • Le versement automatique des aides sociales (prime d’activité, prestations familiales, aides au logement) : celles-ci seraient versées directement aux bénéficiaires sans qu’ils aient à fournir une multitude de documents ou à passer par des démarches complexes.
  • Le paiement direct des pensions alimentaires par l’intermédiaire de l’Agence de recouvrement des impayés de pension alimentaire (ARIPA) aux parents créanciers (charge à elle de la recouvrer auprès du débiteur) afin de garantir que les familles monoparentales perçoivent cette contribution y compris pour les couples séparés avant 2022 et ne bénéficiant à ce titre pas automatiquement du service.

L’automatisation de ces versements permettrait en effet de garantir aux parents isolés une plus grande sécurité financière, en particulier pour celles qui sont en situation de précarité. C’est possible en exploitant les données disponibles de l’administration fiscale (revenus, composition du foyer, statut marital et de parent isolé) qui pourraient être ensuite croisées avec les critères d’éligibilité aux aides sociales (CAF, prime d’activité, APL), et en synchronisant automatiquement les déclarations annuelles avec le calcul des prestations, éliminant ainsi la nécessité pour les familles de renouveler leurs demandes. Cela nécessite en amont de relier les bases de données fiscales avec celles de la CAF et de l’ARIPA. Cela pourrait faire l’objet d’une infrastructure de partage de données publiques. Le récent rapport coordonné par Laura Létourneau et publié par Digital New Deal et Terra Nova, Plaidoyer pour les grandes oubliées : les infrastructures publiques de partage de données est à ce titre particulièrement éclairant.[55] Un tel système allègerait considérablement les démarches administratives, souvent lourdes et complexes, pour les parents isolés. Par ailleurs, il serait essentiel de renforcer l’accès à l’information et d’accompagner les familles dans la transition vers ce dispositif. Des campagnes de sensibilisation joueraient un rôle clé pour informer les familles monoparentales de leurs droits et des nouveaux mécanismes instaurés pour les soutenir. Ces actions combinées permettraient d’assurer une solution plus stable et équitable, garantissant aux familles monoparentales un socle minimal de ressources financières.

 

3. Lutter contre le désinvestissement trop fréquent des pères

Une autre question complexe et propre aux séparations conjugales et aux situations de monoparentalité réside, on l’a vu, dans le désinvestissement trop fréquent des pères dans l’éducation des enfants à l’issue des ruptures d’union. Ce phénomène, influencé par différents facteurs sociaux, économiques et culturels, perdure, notamment sous l’effet d’un système qui contribue à renforcer la division genrée du travail. Au sein des couples, les normes de genre assignent souvent aux femmes le rôle principal de « care giver » et aux hommes celui de pourvoyeur économique, même si, comme on l’a observé, ces derniers ne sont pas toujours en mesure de remplir pleinement ce rôle. Après une séparation, ces dynamiques tendent à se renforcer : les mères se retrouvent à assumer la quasi-totalité des responsabilités liées aux enfants, tandis que les pères ont tendance à se désengager du quotidien, certains hommes pouvant percevoir leur rôle parental comme secondaire après une séparation, notamment en présence de jeunes enfants. Cette image traditionnelle du père comme pourvoyeur économique persiste et conduit beaucoup de pères à considérer que leur contribution devrait se limiter à un soutien financier plutôt qu’à une implication active dans l’éducation et le soin portés aux enfants. Ce désengagement est d’autant plus fréquent en cas de tensions persistantes entre les ex-partenaires. Par ailleurs, les politiques familiales ont longtemps privilégié un soutien orienté en priorité vers les mères, laissant peu de place à une reconnaissance et à une valorisation du rôle des pères dans la vie quotidienne de leurs enfants.

En mai 2024, le Président de la République avait proposé d’organiser un débat sur l’instauration d’un “devoir de visite” pour les pères ne vivant pas avec leurs enfants, transformant ainsi l’actuel “droit de visite” en une obligation légale. « Je veux qu’on puisse ouvrir ce débat, qui est au fond à la fois un débat sur la parentalité et un débat sur l’égalité entre les femmes et les hommes, qui est celui d’instaurer un devoir de visite, un devoir d’accompagnement, jusqu’à l’âge adulte, des enfants. Quand il y a un père, il faut qu’il exerce tous ses devoirs. (…) Être père, ça ne s’arrête pas au moment de la séparation du couple »[56].

Cette proposition, qui visait à renforcer la responsabilité des pères dans l’éducation des enfants dans les familles où la mère en assume seule la charge, avait alors suscité des doutes et des inquiétudes de la part des associations féministes. Celles-ci avaient alerté sur la difficile mise en œuvre de cette obligation dans le cas de situations de séparations conflictuelles avec violences. Ces associations craignaient d’ailleurs que cette mesure ne mette les familles en danger en forçant des relations pas toujours dans l’intérêt des enfants ou des mères. Il est vrai qu’en droit français, le droit de visite et d’hébergement est un droit pour le parent non gardien, mais il ne constitue pas une obligation. Il permet au parent de maintenir un lien avec l’enfant, mais il n’est pas légalement tenu de l’exercer, contrairement à l’obligation alimentaire qui, elle, est imposée par la loi. À ce jour, il n’existe aucune procédure pour contraindre un parent à exercer son droit de visite et d’hébergement, alors que le parent gardien peut être sanctionné s’il empêche l’autre parent d’exercer ce droit. Priver le parent non gardien de son droit de visite et d’hébergement, quand bien même celui-ci ne l’exerce pas assidûment est passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.[57]

Si l’on peut comprendre les réticences formulées par les associations féministes, on peut déplorer l’asymétrie entre les droits et les devoirs des parents en matière de garde. Comme le soulignait Véronique Obé, administratrice de la Fédération Syndicale des Familles Monoparentales (FSFM) lors de son audition au Sénat dans le cadre de la rédaction du rapport “Familles monoparentales, pour un changement des représentations sociétales”[58] : “actuellement, le droit de visite et d’hébergement est uniquement un droit pour le parent non-gardien et non un devoir, l’autorisant donc à ne pas s’occuper de son enfant, tandis que la mère a le devoir de présenter l’enfant au père. » Or, en dehors bien sûr des cas de violences, l’investissement du père est non seulement important pour l’enfant, mais constitue aussi un enjeu d’égalité entre les femmes et les hommes.

Dès lors, si l’idée d’un devoir strict soulève des résistances, il pourrait être utile d’envisager une approche par paliers, dans laquelle un parent non-gardien qui se désengage recevrait d’abord un soutien, puis des incitations et enfin des obligations légales plus fortes si le désinvestissement persiste. Un premier palier pourrait consister en des actions de sensibilisation et d’accompagnement pour encourager le parent non-gardien à s’engager activement, sans contrainte immédiate. Celles-ci pourraient prendre la forme d’une médiation familiale obligatoire à l’issue de la séparation afin d’envisager précisément les responsabilités de chaque parent (modalités de garde, répartition des tâches liées à l’éducation des enfants, rappel des obligations de chaque parent…) et le cas échéant, des sessions d’éducation à la co-parentalité, voire des groupes de soutien. Cette mission pourrait être confiée à un tiers qui pourrait prendre différentes formes. Il pourrait s’agir d’un élargissement des missions de l’ARIPA ou des CAF, qui assurent déjà des fonctions liées au recouvrement des pensions alimentaires. Alternativement, un service rattaché au ministère de la Justice, dédié au suivi des responsabilités parentales après séparation, pourrait être instauré pour renforcer le rôle des juges aux affaires familiales. Une autre possibilité pourrait reposer sur la Protection Maternelle et Infantile (PMI) placée sous l’autorité des conseils départementaux dans le cadre des compétences décentralisées prévues par le Code de la santé publique. La PMI pourrait voir ses missions élargies pour inclure le suivi des responsabilités parentales après une séparation.

L’introduction d’un tiers dans le processus permettrait d’éviter les arrangements informels entre ex-conjoints, qui pénalisent souvent les femmes en leur faisant supporter une part disproportionnée des responsabilités parentales et financières. Cela enverrait, dès la séparation, un signal clair : les deux parents ont une responsabilité envers leurs enfants, et celles-ci ne sont pas uniquement féminines. Dans un second temps, et en cas de désengagement avéré, un suivi assorti d’obligations légères pourrait être instauré afin d’augmenter l’implication du parent non-gardien si son engagement initial est insuffisant ou absent. Un suivi plus formel par un médiateur familial ou un professionnel de l’enfance pourrait être mis en œuvre pour s’assurer que les accords de co-parentalité sont respectés et éventuellement identifier les obstacles à l’implication du parent. En cas de persistance du désengagement, une réévaluation des droits parentaux par un juge pourrait être envisagée, incluant des ajustements concernant les modalités de garde et de visite (par exemple, par la mise en place d’un devoir de visite encadré par des professionnels dans un lieu dédié), ainsi qu’une révision à la hausse des contributions financières pour compenser le préjudice subi par le parent gardien. La perte des droits parentaux pourra être envisagée en dernier recours.

 

4. Faire de la santé mentale un axe prioritaire de soutien aux familles monoparentales

À l’occasion de la Journée mondiale de la santé mentale, et lors de sa visite au centre hospitalier Henri-Laborit de Poitiers le 10 octobre 2024, l’ex-Premier ministre Michel Barnier avait annoncé vouloir faire de la santé mentale la grande cause nationale de l’année 2025. Cette décision s’appuyait notamment sur des chiffres alarmants issus du rapport du Haut Commissariat au Plan sur la santé mentale[59] publié en juillet 2024. Le constat est édifiant : un Français sur trois souffrira d’un trouble psychique au cours de sa vie, tandis que deux millions de personnes sont prises en charge en psychiatrie chaque année. De plus, 25 % de la population consomme régulièrement des anxiolytiques, antidépresseurs, somnifères ou autres psychotropes, avec une incidence particulièrement élevée chez les personnes isolées. Le suicide, quant à lui, se révèle être la première cause de décès maternel entre la conception et la première année après l’accouchement. Enfin, la santé mentale représente un coût colossal pour le système de santé, avec une dépense annuelle de 25 milliards d’euros, faisant de cette prise en charge le premier poste de dépenses pour l’Assurance maladie[60]. Plusieurs priorités ont été mises en avant pour améliorer la prise en charge de la santé mentale en France : déstigmatisation de la maladie mentale, amélioration du dépistage et de la prévention des troubles, renforcement de la coordination territoriale à travers des contrats locaux de santé mentale pour mieux organiser les parcours de soin, et enfin, développement de solutions numériques pour améliorer l’accompagnement des patients (équipements connectés, télémédecine).

Bien que la question n’ait pas été explicitement soulevée, la reconnaissance des parents isolés comme populations particulièrement vulnérables et exposées aux troubles mentaux (anxiété, dépression, burn-out) apparaît comme une évidence. Cumulant, comme on l’a vu, des difficultés d’ordre économique, sociale et psychologique, ces parents isolés, le plus souvent des mères, sont exposés à une pression considérable dans la gestion de leur vie quotidienne ainsi que celle de leurs enfants. Dans ce cadre, il est possible d’imaginer des dispositifs spécifiques en direction des parents isolés : facilitation de leur accès aux soins par le développement de la télémédecine adapté à leur emploi du temps contraint et par un rehaussement des plafonds de prise en charge de l’assurance maladie, développement de programmes de soutien locaux pour créer des espaces de dialogue et d’entraide entre parents isolés afin de réduire l’isolement social et la stigmatisation qu’elles subissent. En complément, la généralisation de dispositifs innovants sur l’ensemble du territoire semble particulièrement pertinente, comme le recommande le rapport du Sénat sur la monoparentalité déjà évoqué. Parmi ces dispositifs figurent les “Maisons de répit”, espaces d’accueil de jour où des professionnels de la petite enfance supervisent des activités dédiées aux enfants. Ces maisons offrent aux parents isolés des moments de répit ainsi que des espaces de partage, de convivialité et des ateliers sur la parentalité. Une autre initiative exemplaire, qui s’attaque à deux enjeux majeurs des parents célibataires – la difficulté à se loger et l’isolement affectif et éducatif – est la résidence Commune à Poissy. Inaugurée en décembre 2023, cette première mondiale de coliving pour familles monoparentales se compose de treize unités d’habitation. Le modèle repose sur un habitat partagé avec des espaces communs (salon, salle à manger, cuisine, salle de jeux, espace de coworking, jardin), tout en offrant des logements privés (chambres, kitchenette, salle de bain). Actuellement, huit familles monoparentales y résident. Ce projet vise à atténuer l’isolement souvent ressenti après une séparation, en apportant un soutien matériel et social aux parents, tout en les aidant à mieux gérer les conséquences financières et sociales de leur situation. Les résidents bénéficient également de services inclus tels que le ménage des parties communes, l’accès à internet et même du soutien scolaire. La résidence accueille les familles pour des séjours allant de un à trois ans, leur offrant ainsi une transition stable et adaptée à leurs besoins.

 

5. Accompagner les recompositions familiales : quels droits pour les beaux parents ?

Accompagner l’évolution de la morphologie des familles soulève une autre question, débattue en France de longue date : celle des droits et devoirs à octroyer ou non, aux beaux-parents dans le cadre d’une nouvelle union. Actuellement, en France, le beau-parent n’a, en principe, aucun droit ni obligation formelle envers les enfants de son conjoint, car aucun lien de filiation juridique n’est établi. Cependant, avec des dynamiques familiales qui évoluent, la figure du beau-parent devient de plus en plus courante, légitimant ainsi que soit à nouveau portée au débat la question des prérogatives qu’il pourrait avoir vis-à-vis des enfants dont il partage le quotidien. L’adoption simple pourrait, à première vue, sembler une solution adaptée pour reconnaître juridiquement le rôle du beau-parent dans la mesure où elle permet de conserver les liens avec la famille biologique tout en créant un cadre légal avec le beau-parent. Toutefois, elle apparaît lourde, à la fois pratiquement et symboliquement, ce pour plusieurs raisons : d’abord, la procédure exige le consentement des deux parents, ce qui peut poser problème en cas de désaccord lorsque le parent non-gardien reste investi auprès de l’enfant. Elle implique un engagement symbolique important (par exemple, le nom de l’adoptant s’ajoute ou remplace celui de l’adopté). Enfin, l’adoption simple entraîne des conséquences successorales significatives : l’enfant devient héritier de l’adoptant en plus de ses deux parents biologiques, ce qui peut être source d’inégalités, en particulier dans le cas des familles recomposées ou les équilibres relationnels sont parfois délicats.

Alternativement, la question de la création d’un statut juridique à part entière pour le beau-parent a souvent été abordée en France, suscitant de vifs débats. Pour ses partisans, l’adoption de ce statut viendrait adapter la législation à la réalité des familles recomposées en donnant une base légale au rôle que les beaux-parents exercent déjà en pratique dans le quotidien des enfants sans avoir à obtenir systématiquement l’accord de l’autre parent. Un tel statut permettrait également de sécuriser la relation entre le beau-parent et l’enfant en cas de séparation si ceux-ci ont noué des liens forts (droit de visite et d’hébergement par exemple). A contrario, les opposants à ce statut mettent en avant à la fois la grande diversité des situations familiales, rendant difficile l’établissement d’un cadre unique. Mais ils craignent aussi qu’une telle mesure ne vienne fragiliser l’autorité parentale du parent non gardien ou susciter des tensions entre les adultes et devienne source de confusions pour l’enfant. Toutefois, et de façon presque paradoxale, alors que le beau-parent n’a pas de statut juridique en droit civil, il est déjà reconnu dans notre système socio-fiscal : l’enfant, le parent et le beau-parent lorsqu’ils sont cohabitants, sont inclus dans le même foyer fiscal et ces unions recomposées ont un impact sur le calcul des prestations sociales (par exemple, l’allocation de soutien familial destinée aux mères isolées est supprimée lors de sa remise en couple). Ce point est d’ailleurs particulièrement discutable compte tenu de l’absence d’obligation du beau-parent en matière de contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant et, comme on l’a vu, du nombre encore important de pensions alimentaires impayées.

En 2023, la secrétaire d’État chargée de l’enfance, Charlotte Caubel, avait relancé le débat en proposant d’étendre la « responsabilité parentale » aux beaux-parents, en créant un statut pour ces adultes qui jouent un rôle croissant auprès des enfants. Cette proposition visait à faciliter l’intervention des beaux-parents dans les décisions quotidiennes concernant les enfants, notamment pour leur scolarité et leurs soins médicaux. Cependant, bien qu’elle ait été débattue, cette mesure n’a pas, pour l’heure, abouti.

A ce jour, le débat sur la création d’un statut spécifique pour le beau-parent reste polarisé. Une option alternative pourrait consister à créer un cadre contractuel souple, dans lequel les parents et les beaux-parents établiraient un accord définissant les droits et devoirs du beau-parent envers l’enfant. Cela permettrait d’éviter une rigidité légale tout en respectant la diversité des configurations familiales. Une autre option consisterait à s’inspirer du modèle suédois, plus progressiste en la matière : un beau-parent peut obtenir un statut légal s’il vit en concubinage durable avec le parent. Dans certains cas, le beau-parent peut même partager l’autorité parentale avec le parent. Ce cadre flexible permet de protéger les relations entre l’enfant et le beau-parent après une séparation, tout en veillant à respecter l’intérêt supérieur de l’enfant. Ce modèle pourrait offrir des pistes de réflexion pour la France dans l’adaptation de sa législation sur les familles recomposées.


[1] INSEE – Nuptialité et divortialité dans l’UE : Données annuelles de 1960 à 2022

[2] INSEE – France, Portrait social, édition 2023

[3] INSEE – Les familles en 2020

[4] Les ruptures familiales, les séparations et les familles séparées – Etude de la DREES, 2020

[5] Loi n° 2016–1547 du 18 novembre 2016, dite « loi de modernisation de la justice du XXIᵉ siècle »

[6] INSEE – Tableaux de l’économie française, édition 2020

[7] https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/11/21/les-couples-en-union-libre-plus-jeunes-moins-riches-mais-plus-egalitaires-que-les-couples-maries_5218277_4355770.html

[8] https://www.lepoint.fr/societe/pourquoi-certains-couples-choisissent-ils-de-ne-pas-habiter-ensemble-29–01–2024–2551001_23.php#11

[9] Idem

[10] Arnaud Régnier-Loilier, « Séparations conjugales : transitions privées, dispositifs publics », Informations sociales, 2022/3, n° 207.

[11] « Les ruptures de couples avec enfants mineurs », Rapport du Haut Conseil de la famille adopté le 21 janvier 2020

[12] Arnaud Régnier-Loilier, art. cité.

[13] Sources : Ministère de La Justice et INSEE https://www.justice.gouv.fr/documentation/etudes-et-statistiques/decisions-juges-concernant-enfants-parents-separes-ont-fortement-evolue & https://www.insee.fr/fr/statistiques/5227614

[14] Arnaud Régnier-Loilier, art. cité.

[15] INSEE – Les revenus et le patrimoine des ménages Édition 2024

[16] Kenza Tahri, « Mixité des métiers : une condition de l’égalité femmes-hommes », note publiée le 30 août 2021

[17] Titiou Lecoq, Le couple et l’argent : Pourquoi les hommes sont plus riches que les femmes, L’Iconoclaste, 2022.

[18] Marie-Clémence Le Pape, Clémence Helfter, Les familles monoparentales : Conditions de vie, vécu et action publique. Un état des savoirs, CNAF, 2023.

[19] https://www.inegalites.fr/A-quels-niveaux-se-situent-les-seuils-de-pauvrete-en-France

[20] Arnaud Régnier-Loilier, art. cité.

[21] Idem

[22] Le Mal logement, déterminant sous-estimé de la santé.  Domergue Manuel, Taoussi Lisa La Santé en action, 2016, n°. 437, p. 18–21

[23] INSEE – Après une rupture d’union, l’homme reste plus souvent dans le logement conjugal, 2017

[24] https://www.insee.fr/fr/statistiques/5058757

[25] Ruptures conjugales : un choc financier pour les femmes, INSEE, 2021

[26] Arnaud Régnier-Loilier, art. cité

[27] https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2021–04/ER%201190.pdf

[28] Selon une étude du ministère de la Justice, pour 63 % des enfants concernés, les parents s’accordent à l’amiable sur la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant (CEEE) et sur la résidence, sans intervention judiciaire.

[29] https://evaluation.securite-sociale.fr/home/famille/24-ameliorer-le-recouvrement-des.html

[30] https://evaluation.securite-sociale.fr/home/famille/24-ameliorer-le-recouvrement-des.html

[31] ibidem

[32] Caisse d’allocations familiales (CAF), Le service public des pensions alimentaires pour tous les parents séparés et leurs enfants, dossier de presse, janvier 2023.

[33] La Mutualité sociale agricole est le régime de protection sociale obligatoire des personnes salariées et non salariées des professions agricoles.

[34] Daniel Lenoir, « Pensions alimentaires : en finir avec les impayés », Terra Nova, 6 mars 2019

[35] La loi relative à l’abandon de famille est encadrée par l’article 227–3 du Code pénal

[36] Marie-Clémence Le Pape, Clémence Helfter, op. cit.

[37] INSEE – Les familles en 2020 :  25% de familles monoparentales, 21% de familles nombreuses, 2020

[38] https://www.ipsos.com/fr-fr/larrivee-dun-enfant-greve-le-pouvoir-dachat-des-francais-un-budget-estime-pres-de-500-euros-par

[39] https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2020–07/dss62.pdf

[40] https://www.lagrandeconversation.com/societe/faire-des-enfants-une-question-politique/

[41] https://fondationdesfemmes.org/fdf-content/uploads/2023/06/FDF-note-observatoire-le-cout-detre-mere.pdf

[42] https://www.aube.gouv.fr/Actions-de-l-Etat/Droits-des-femmes-et-egalite-entre-les-femmes-et-les-hommes/Associations/CIDFF-Centre-d-Information-sur-les-Droits-des-Femmes-et-des-Familles

[43] Marie-Clémence Le Pape, Clémence Helfter, op. cit..

[44] Kenza Tahri, « Lutte contre les violences conjugales, un modèle à consolider », Terra Nova, mars 2023.

[45] Travaux des CIDFF: https://www.prefectures-regions.gouv.fr/ile-de-france/Region-et-institutions/L-action-de-l-Etat/Egalite-Femmes-Hommes/Les-relations-avec-les-Partenaires/Les-Centres-d-Information-sur-les-Droits-des-Femmes-et-des-Familles-C.I.D.F.F.

[46] Marie-Clémence Le Pape, Clémence Helfter, op. cit.

[47] https://www.fantaberete.fr/vers-une-carte-parent-solo-inspiree-de-la-carte-famille-nombreuse/

[48] Il s’agit ici des principales mesures de la proposition de loi pour venir en aide aux familles monoparentales, déposée en 2022 puis renvoyée en Commission des Affaires sociales, non débattue encore à ce jour : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0161_proposition-loi

[49] Cette situation s’explique par leur renvoi en Commission des affaires sociales, sans qu’un calendrier de discussion de la loi n’ait été établi. Par ailleurs, la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin 2024 a interrompu de nombreux travaux parlementaires, laissant ces propositions en suspens et retardant leur possible adoption.

[50] Marie-Clémence Le Pape, Clémence Helfter, op. cit.

[51] Ibid.

[52] Leur travail est principalement centré sur la façon dont les affaires familiales sont traitées dans les tribunaux, notamment en matière de divorce et de garde d’enfants. Ils ont publié un ouvrage intitulé Au tribunal des couples (Odile Jacob, 2013) qui analyse comment les décisions concernant la résidence des enfants, les droits de visite et les pensions alimentaires influencent les dynamiques familiales après une séparation. Cette recherche met en évidence les inégalités persistantes dans le traitement des affaires de séparation, souvent au détriment des mères, en dépit de l’idéal de coparentalité affiché par la loi.

[53] Le collectif Onze, Au tribunal des couples. Enquête sur des affaires familiales, Paris, Odile Jacob, 2013.

[54] Marie-Clémence Le Pape, Clémence Helfter, op. cit.

[55] https://tnova.fr/site/assets/files/66685/infrastructures_donnees_rapport_complet_print_vdef.pdf?1krss0

[56] Le Président de la République s’était exprimé dans une vidéo pour le magazine Elle datant du 7 mai 2024

[57] https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F18786

[58] https://www.senat.fr/rap/r23–485–1/r23–485–1_mono.html#toc145

[59] https://www.info.gouv.fr/actualite/la-prise-en-charge-des-troubles-psychiques-et-psychologiques-un-enjeu-majeur-pour-notre-societe

[60] Idem

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