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Note

Vers un service public de l’insertion

En annonçant la mise en place d’un « service public de l’insertion », le président de la République a consacré le mouvement d’ensemble qui touche l’action sociale depuis les années 1990 : moins d’intervention purement indemnitaire, d’action verticale/sectorielle, d’enfermement dans des statuts réparateurs spécialisés ; et davantage d’inclusion, de coopération et d’investissement social. Si le vieux modèle réparateur se maintient malgré les appels répétés à sa réorientation depuis trente ans, ce n’est pourtant pas sans raison : ayant affaire à des publics qui se trouvent souvent dans un processus de dégradation de leur situation, il doit absolument les prendre en charge avec ses transferts et prestations. La conjoncture ayant été longtemps défavorable, on a ainsi consacré toujours plus de moyens à des interventions que l’on savait pourtant relativement limitées, tout en réduisant d’autant la capacité de les dépasser.
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Introduction

Présenté par le président de la République en septembre 2018, le Plan pauvreté comprend, parmi les orientations définies pour sa mise en œuvre, l’idée de constituer un « service public de l’insertion » que certains voudraient plutôt baptiser « service public de l’accompagnement ». Compte tenu des orientations novatrices de ce plan, à savoir sa logique préventive et globale orientée vers la notion d’investissement social, il faut s’interroger sur les montages institutionnels qui seraient à même de garantir au mieux son succès. Or, en considérant ses objectifs et ses grands axes de réalisation, on aperçoit combien la logique organisationnelle sous-jacente, nécessairement multisectorielle, à la fois centrée sur les territoires et orientée vers les personnes, leurs droits, leur milieu et leur parcours de vie, oblige à reconsidérer les arrangements des politiques publiques tels qu’ils ont été façonnés et demeurent encore largement.

D’où l’idée d’un service public de nouvelle facture. Mais encore faut-il en définir les formes et les principes d’action, qui, par hypothèse doivent emprunter des voies nouvelles par rapport aux cadres organisationnels actuels de l’action sociale bien sûr, mais aussi de celles de l’emploi, du logement, de la santé, de l’éducation, etc.

Naturellement, invoquer la nécessité d’un tel service public et par là même l’obligation de réorganiser l’action publique établie ne dit pas grand-chose sur la façon d’y procéder, ni sur les modèles organisationnels et institutionnels qui conviendraient pour une telle transformation.

Pour ce faire, il convient sans doute de s’interroger sur les constructions organisationnelles actuelles pour en évaluer les logiques d’action : il s’agit, par là, de prendre la mesure de leur nécessaire évolution et d’y repérer les ressources qui y sont déjà à l’œuvre du point de vue de ce service public à établir. Il va de soi que, compte tenu des considérables moyens déjà mobilisés par l’action sociale, qui représentent aujourd’hui des dépenses annuelles de plus de 37 milliards d’euros (dont 10 milliards pour le seul RSA), sans parler des politiques sectorielles qui lui sont complémentaires. C’est au sein même de ces ensembles qu’il convient d’aller chercher les moyens d’un nouveau service public. Ce bilan étant établi, on pourra ensuite esquisser les principes et les formes que pourrait revêtir ce nouveau service public de l’insertion/accompagnement.

1. LE CONSTAT : UN CADRE ORGANISATIONNEL GLOBALEMENT INADAPTÉ

Parler de la mise en place d’un nouveau service public de l’insertion revient implicitement à considérer que l’actuel service public d’action sociale n’est pas conforme aux attentes du nouveau Plan pauvreté. De façon à clarifier ce sentiment et à l’étayer, on peut s’essayer à mettre en évidence le référentiel qui sous-tend la nouvelle conception de la lutte contre la pauvreté et les exclusions.

1.1. Le référentiel d’un service public de l’insertion : un nouveau paradigme

Le Plan pauvreté s’inscrit très clairement dans un mouvement d’ensemble qui touche l’action sociale depuis les années 1990 et qui a connu une accélération à compter des années 2000. Si l’on s’en tient à ses dimensions langagières, cela commence avec l’apparition de la notion d’ « insertion » liée au RMI [1] et apparue en 1988, puis de celle d’« accès aux droits » qui fonde la loi du juillet 1998 relative à la lutte contre la pauvreté et l’exclusion ; enfin, l’idée d’« inclusion », désormais consacrée dans la rhétorique en cours, trouve une première consécration dans la loi du 11 février 2005 relative aux personnes en situation de handicap.

Ces nouvelles notions – « insertion », « accès aux droits », « inclusion » – tracent un chemin qui allie deux éléments :

● d’une part, l’idée que l’intervention sociale doit s’appuyer sur la personne concernée, conforter ses ressources, l’engager dans une dynamique construite avec elle et suscitant son adhésion, et donc concevoir les prestations et appuis divers en moyens à rebours des logiques réparatrices et indemnitaires ;

● d’autre part, l’idée que tout cela suppose des partenariats, à savoir un mode de construction des politiques publiques qui organise et intensifie des interactions positives entre les opérateurs, essentiellement au niveau du territoire, en rompant avec le modèle vertical/sectoriel caractéristique de système administratif français. À ce socle, l’idée d’inclusion, importée en France depuis les pays d’Europe du Nord et le Canada et promue par les organisations internationales et l’UE, ajoute une autre dimension : l’intervention auprès des personnes en difficulté doit avoir pour objectif de les ramener au droit commun dans tous les domaines (les politiques de « mainstream ») et non plus de les intégrer dans des statuts réparateurs spécialisés considérés dorénavant comme discriminatoires.

Le Plan pauvreté ajoute à cet ensemble une nouvelle dimension qui tient à sa cible principale, les enfants et les jeunes en situation de pauvreté : il s’agit d’intervenir en amont, selon des logiques préventives qui se préoccupent davantage d’éviter que les situations ne se dégradent plutôt que de les réparer ultérieurement. Sa cible le conduit à s’inscrire dans la logique de l’investissement social, qui déporte l’effort de la collectivité en matière de socialisation de ses membres le plus en amont possible, cela en mobilisant prioritairement les dispositifs collectifs de droit commun et en intervenant précocement sur le cadre et les conditions de vie.

Il faut dire nettement qu’il s’agit là, même s’il est en gestation depuis la fin des années 1980, d’un nouveau paradigme, qui prend à rebours tout l’héritage sur lequel a été établi le modèle assistanciel français, tant celui qui est issu à l’origine des lois républicaines d’assistance que les institutions forgées après la Libération autour de la notion d’inadaptation.

Il revient à invalider l’essentiel des représentations et principes qui avaient fondé l’établissement du modèle réparateur d’action sociale né dans l’après-guerre et développé massivement jusqu’aux années 1980. On aperçoit bien pourquoi : alors même que les acteurs de l’action sociale sont confrontés à ce changement de conception depuis maintenant trente ans, on constate qu’on est très loin d’en voir la mise en œuvre dans les structures en place. Le vieux modèle subsiste encore, c’est le moins que l’on puisse dire, et la nouvelle représentation peine à s’imposer. S’affirme là une dépendance forte au « sentier » emprunté dans les années 1950 et on aurait certainement grand tort de sous-estimer cette dimension cognitive, qui construit les représentations des acteurs et oriente notamment les cultures professionnelles. Construire un service public de l’insertion ne peut se passer d’une forme de lucidité à cet égard : tout a été pensé et construit pour faire exactement ce que désormais il ne faut justement plus faire.

1.2. Le cadre organisationnel : le poids du modèle hérité

C’est la raison pour laquelle il convient, à un second niveau, de prendre la mesure des caractéristiques du système organisationnel en place. Et, logiquement, ce système ayant été fortement arrimé aux représentations et conceptions de l’action sanitaire et sociale réparatrice, on ne peut globalement que constater l’écart important qu’il manifeste avec les visées de  l’inclusion et de l’accompagnement ou encore de l’investissement social qui sont posées en finalités des montages institutionnels sur lesquels le Plan pauvreté voudrait assoir sa mise en œuvre.

On peut en faire le constat à deux niveaux : d’une part, si l’on considère le cadre institutionnel général, à savoir le système d’acteurs qui a en charge les populations concernées (ici, pour l’essentiel, les personnes et ménages dits « en difficulté » car se trouvant en situation de pauvreté et d’exclusion) ; d’autre part, si l’on se tourne vers les modalités de prise en charge de ces personnes. Autrement dit, pour reprendre les termes mêmes du projet de service public de l’insertion, il s’agit de s’attacher à une analyse critique, d’un côté, du « service public » et de ses logiques de structuration, et, de l’autre, des activités « d’insertion/accompagnement », de leur conception et de leurs modalités d’organisation.

1.2.1. Le service public d’action sociale : segmentation, cloisonnements et logiques réparatrices

En s’en tenant au seul public visé par le Plan pauvreté, on peut mettre en avant deux éléments critiques : d’une part, leur extrême segmentation et, d’autre part, leur centrage massif sur des logiques curatives/réparatrices.

a) Pour ce qui concerne le premier aspect, l’action sociale est, par héritage, du fait de sa logique catégorielle juxtaposant des organisations distinctes et spécialisées par publics types, un conglomérat d’acteurs cloisonnés. C’est aussi un ensemble qui, partie prenante du système administratif global, s’est construit à distance des autres politiques publiques, se constituant en un secteur distinct de l’éducation, de la justice, du logement, de la santé, de l’emploi, etc. Il émerge dans la décennie 1950 en s’appropriant des activités antérieurement dispersées, ce qui lui confère d’ailleurs une dimension très peu cohérente dès l’origine, pour se stabiliser sous la dénomination d’« action sanitaire et sociale » avec la création des Ddass (Direction départementale de l’action sanitaire et sociale) en 1964.

– Pour ce qui est des grands opérateurs publics, s’y inscrivent l’État, les départements, les communes et leurs centres communaux, chacune des branches de la Sécurité sociale ainsi que les mutuelles, organismes et associations gestionnaires de la protection complémentaire pour ce qui concerne leurs ressortissants, à quoi s’ajoutent la multitude des associations de solidarité et leurs regroupements régionaux et nationaux.

– Tout cela s’est encore complexifié, sous la poussée d’ailleurs des logiques d’insertion. Loin de conduire à un réaménagement des structures en place pour faire face aux nouvelles requêtes du modèle qui tend à s’implanter dans la décennie 1990, le nouveau paradigme en gestation a, au contraire, conduit d’autres acteurs à se doter de services ou de dispositifs divers et variés censés répondre à la nouvelle situation. Ainsi, et à titre d’exemples, les opérateurs du logement social ont créé des services de prévention des impayés de loyer ; les acteurs engagés dans la lutte contre le surendettement ont été contraints par la loi de constituer eux aussi des structures dédiées à ces questions ; les mutuelles et organismes assimilables ont mis en place des services destinés à soutenir les parcours de vie de leurs ressortissants ; et le service public de l’emploi a dû accueillir des publics d’« exclus » en spécialisant certains de ses opérateurs ou en déléguant ces activités à des prestataires. Au final, aux opérateurs installés de longue date dans le champ de l’action sociale avec ses cloisonnements et ses différenciations anciennes, se sont ajoutés un grand nombre d’intervenants nouveaux, certes pour incorporer le nouveau paradigme, mais dans une logique de segmentation accrue du fait de la spécialisation de chacun sur l’un ou l’autre aspect de l’exclusion et de la pauvreté. Les divers épisodes de la décentralisation manifestent clairement la forme d’impasse dans laquelle se trouve le service public en général et l’action sociale en particulier : prétendant tout à la fois clarifier en enfermant chaque acteur dans un domaine qu’il est censé maîtriser, mais constatant en même temps que cela est impossible, on voit se développer une dialectique entre la constitution de blocs, d’un côté, avec des « chefs de file » et, de l’autre, la recherche éperdue de la coordination et du partenariat. En réalité, on n’a ni l’un ni l’autre, la pente négative s’imposant logiquement : complexité, doublons, approches segmentées des problèmes, logiques non-coopératives et stabilisation sur le plus petit dénominateur commun, irresponsabilité des acteurs, etc.

La réponse à la complexification des situations sociales a donc consisté dans l’accroissement du nombre des acteurs et dans un éclatement accru des logiques et formes d’intervention. Pour les exclus, les entrées dans les services publics se sont multipliées à mesure que s’enchevêtraient les facteurs d’exclusion : surendettement, problèmes et dysfonctionnements familiaux, décrochages scolaires, absence de ressources, troubles addictifs, conflits et violences relationnelles, exclusion du logement ou risque d’expulsion, problèmes de santé, etc.

b) Seconde question critique, la pente réparatrice du modèle n’a que très marginalement été amendée. L’action sociale consiste toujours essentiellement dans le versement de prestations directes ou indirectes. Les premières interviennent pour compenser un manque de ressources pour faire face à une situation dégradée ou insatisfaisante, les critères d’attribution étant logiquement fondés sur le constat du problème ; les secondes viennent rémunérer des prises en charge de nature diverse, des prestations en nature d’hébergement, de rééducation, de soins, qui évidemment sont ordonnées au constat d’un état ou d’une situation problématique qu’il convient de réparer. Pour le dire rapidement, c’est le symptôme qui commande l’aide.

Les efforts financiers mobilisés par les allocations versées aux personnes ou finançant les prestations des établissements et services représentent de 80 % à 90 % des dépenses, le reste pouvant passer pour financer de la prévention :

– insertion pour le RSA, dont on estime que les dépenses directement consacrées par les départements à l’insertion avoisinent aujourd’hui 670 millions d’euros (soit 7 % du montant total versé pour l’allocation du RSA) ;

– soutien à domicile et à la famille pour la protection de l’enfance ;

– prévention de la dépendance pour les personnes âgées et handicapées, encore que pour cette dernière population, un effort sensible ait été accompli dans le sens de leur inclusion, mais en s’orientant vers une nouvelle organisation de l’offre de services [2] .

Évidemment, le gouffre s’accroît si l’on se tourne vers les organismes de Sécurité sociale, où les fonds d’action sociale sont treize fois inférieurs aux volumes des prestations monétaires distribuées.

Tout cela a sa logique mais est aussi le résultat d’une forme d’impuissance à prévenir et anticiper les dysfonctionnements sociaux, voire même à ne pas prendre en compte préventivement les conséquences sociales des politiques de droit commun (éducation, logement), ce qui logiquement appelle une augmentation continue des mécanismes de réparation qui tentent de traiter les symptômes sans grande prise sur les facteurs à l’œuvre dans les processus d’exclusion sociale. Ces derniers sont évidemment ancrés dans des processus collectifs complexes et en tout état de cause bien en amont de la survenance des problèmes. Les représentations commandant le vieux modèle d’assistance ont perduré : c’est à défaut d’accès aux biens matériels et symboliques de droit commun et au constat de l’écart avec les normes sociales que survient l’aide de la collectivité. Les modes « normaux » de socialisation et d’établissement des rapports entre l’individu et la collectivité ne sont pas pris en compte, censés qu’ils sont de produire spontanément leurs effets pour le plus grand nombre. Telle est encore la loi d’airain qui commande le dispositif organisationnel.

Tant du point de vue des structures organisationnelles que des logiques prestataires qui y sont inscrites, l’action sociale ne peut donc logiquement que répondre marginalement au nouvel impératif de l’inclusion et de l’investissement social.

1.2.2. Les modalités d’intervention : la prégnance de la relation d’aide individuelle et de la prestation de service

Si l’on se place du côté des modalités d’intervention, le poids du modèle réparateur se fait tout autant sentir. D’une part, les activités de gestion des prestations sont nombreuses et enserrées dans des cadres réglementaires diversifiés et spécifiques à chaque prestation, cela au sein de filières organisationnelles dédiées à chacun des publics ou des besoins à couvrir. D’autre part, du côté des professions en contact avec les publics, le modèle hérité se maintient majoritairement : les professions y sont engagées dans des relations d’aide individualisée orientées vers le rétablissement de situations personnelles problématiques ainsi que dans des prestations de soins dans le champ médico-social, dont les codes organisationnels rejoignent de plus en plus l’économie des services. Sur un total estimé par l’Igas à 531 000 ETP (équivalent temps plein) de travailleurs sociaux, l’accompagnement social généralisé représenterait 1,6 % de cet effectif [3] .

Tout cela se fait selon des cloisonnements professionnels qui sont structurés soit de façon hiérarchique en répartissant les activités selon les niveaux de qualification, soit par distinctions fonctionnelles horizontales qui parcellisent l’intervention en fonction de métiers distincts.

Certains segments de l’action sociale ont fait émerger des formes de soutien et d’appui des personnes dans leur milieu de vie et avec une logique de suivi à moyen ou long terme : protection de l’enfance avec l’AEMO (Action éducative en milieu ouvert) ou l’AED (Aide éducative à domicile), suivi des jeunes au titre de divers dispositifs d’insertion dédiés, des bénéficiaires du RSA, d’accompagnement vers le logement, soutien aux étrangers ou aux MNA (mineurs non accompagnés). Tout cela reste cependant marginal du point de vue des moyens engagés.

Bien que souvent évoquée, l’intervention collective est le parent pauvre et marginalisé de l’action sociale : prévention spécialisée, centres sociaux, développement des quartiers et politique de la ville. La vision du «  case-work  » s’est irrésistiblement imposée et elle domine : les difficultés sociales y sont conçues comme principalement individuelles et, en conséquence, comme requérant une intervention sur la personne, au plus large sur sa parentèle ou son entourage immédiat.

Enfin, si l’on se situe au niveau d’une appréhension globale des problèmes qui devrait être à la source même de la construction des politiques, on aperçoit les limites considérables des instruments qui devraient y concourir : les schémas et autres programmes. Conçus pour chacune des grandes populations héritées de l’ancien modèle, ils prolongent l’approche symptomatique et éclatée des problèmes et raisonnent presque exclusivement en termes d’évolution de l’offre de structures d’accueil en n’abordant que très peu ou pas du tout les facteurs d’exclusion. Centrés sur les moyens existants confrontés à des besoins à satisfaire, leur capacité à intégrer le référentiel préventif est en réalité très faible.

L’action sociale reste donc largement prise dans les logiques adoptées lors de la forte expansion qu’elle a connue dans les décennies 1950–1960 : sectorisée, elle est établie à distance des autres secteurs d’action publique, logement, santé, emploi, éducation, qui concourent à fournir un socle de socialisation et de protection pour le plus grand nombre. Elle peine à s’y ouvrir [4] du fait de la conception même de son fonctionnement. Cloisonnée par catégories et sous-catégories de publics qu’elle réfère à des filières institutionnelles spécialisées, elle souffre dorénavant à la fois de la complexification des problèmes sociaux qui débordent les assignations catégorielles, d’un côté, et, de l’autre, des effets de stigmatisation et de reproduction des problèmes que produit inexorablement ce modèle. Raisonnant selon des logiques de cas individuels dans lesquelles c’est le constat des difficultés qui déclenche la prise en charge, elle reste enfermée dans des visées réparatrices ou curatives. Tout cela enclenche une logique inflationniste du côté des besoins, qui met en péril les budgets publics parce que cela génère une demande par définition infinie. À traiter les symptômes, la collectivité s’épuise face à leur récurrence. Le modèle d’assistance et plus largement d’action publique, pensé dans le cadre d’une société assez fortement intégrée et normalisée, ne peut faire face à l’éclatement et à la segmentation sociale, qui requièrent des individus des aptitudes bien plus fortes à la fois d’identification personnelle et de coopération collective.

1.3. Les impacts des politiques insertion / inclusion sur le modèle d’action sociale

Prise dans le modèle réparateur et l’organisation sectorielle/cloisonnée, l’action sociale a cependant dû acclimater les injonctions de plus en plus pressantes liées au paradigme de l’insertion et dorénavant de l’inclusion. Mais cela s’est opéré selon deux logiques distinctes, qui ont recoupé pratiquement la distinction entre le social et le médico-social.

D’un côté, le social composé de la protection de l’enfance, d’une part, et, d’autre part, du conglomérat très peu structuré qui, partant de l’aide sociale à l’hébergement, a constitué progressivement l’archipel des politiques dites « de lutte contre la pauvreté et les exclusions ». Se concevant à partir de problématiques différentes, errance et problèmes d’hébergement, fragilités en matière de logement, distance par rapport au marché du travail, surendettement, faiblesse en matière de formation, problèmes de santé notamment mentale, isolement…, cet ensemble s’est donc établi par juxtaposition et superposition d’acteurs animés de préoccupations divergentes. Dans ce dispositif, la norme d’insertion est un objectif constamment affirmé, mais sa poursuite est hypothéquée par la dispersion des acteurs et l’obligation de gérer des urgences, d’ailleurs en constante augmentation. C’est là que règnent les dispositifs nés de la créativité des acteurs, dont cependant l’efficacité est constamment affectée par la fragilité des montages, la précarité des financements, les concurrences ou les doublons entre acteurs. Dans la protection de l’enfance, politique elle aussi cloisonnée qui fait face en permanence à ses obligations curatives (protéger l’enfant), la visée préventive et promotionnelle est de fait marginalisée et ne représente en tout état de cause qu’une part minime des moyens engagés. Dans le social, pourtant la cible évidente des politiques d’insertion, les efforts dans ce sens, pour n’être pas négligeables, sont donc obérés par la contrainte des besoins et l’obligation d’y faire prioritairement face. C’est dans ce champ que le Plan pauvreté entend intervenir et c’est donc pour ces segments de l’action sociale dénommés « social » que le service public de l’insertion doit se structurer.

De l’autre, le médico-social, construit par filières spécialisées de placement dans des établissements et des services. Les grandes populations-cibles sont les personnes en situation de handicap ou âgées et dépendantes. Dans ce sous-secteur, en lieu et place de l’établissement, structure de prise en charge totale, a émergé en force une logique de services : l’action publique consiste à organiser des services (aide à domicile, soins, établissements d’accueil, services au domicile, formes adaptées de logement, appuis et soutiens divers) et à verser des allocations de ressources ou de compensation des situations problématiques. Dans ce cadre, la logique inclusive oblige à reconsidérer le modèle de l’établissement fermé du passé pour lui substituer des interventions de professionnels successives ou superposées, cela pour faire droit à l’impératif du projet de vie et du parcours lié à la réévaluation de la place de la personne et de ses droits dans la conception de sa prise en charge. L’inclusion comprend aussi l’idée de retour au droit commun, mais ce retour s’opère au travers de nouveaux services qu’il convient de prester dans le logement, au travail ou à l’école. Le médico-social s’infléchit, sous la pression des nouvelles représentations, vers une économie de services, certes sur fonds publics, mais qui procède d’un recodage du modèle réparateur et non de sa mise à l’écart. Les regroupements de structures et d’opérateurs, la rationalisation des modes de financement et de régulation de l’offre, tout concourt à l’organisation d’un marché des services de maintien à domicile, d’appui pour l’accès au droit commun, de prise en charge des situations les plus lourdes. Par définition, ici, les visées préventives ne peuvent qu’être modestes, l’idée étant plutôt d’intervenir précocement sur des situations que l’on veut ou que l’on ne peut le plus souvent que stabiliser.

Dans un but de clarification des notions, il convient de bien noter que cette évolution de l’action sociale en deux ensembles distincts, certes soumis au même paradigme mais avec des effets très différents, doit conduire à distinguer les logiques d’accompagnement que l’on voit se développer dans le champ du médico-social, des logiques d’insertion propres au social.

L’accompagnement consiste, si on le constitue en un modèle d’intervention, à construire rationnellement avec les personnes concernées et ensuite à coordonner l’accès à des services successifs ou simultanés. Certes, il requiert pour une part, et au-delà de sa dimension purement fonctionnelle, l’engagement de l’accompagnateur dans une relation singulière avec la personne, justement pour que la dimension d’objectivation inhérente à un système de services ne détruise pas l’impératif de prise en compte de la subjectivité de cette dernière. Mais cela constitue davantage un recodage de la traditionnelle relation d’aide que sa mise à l’écart.

Tout autres sont les logiques d’insertion à développer dans le champ du social. Il ne s’agit pas là principalement de fournir des services mais de s’engager dans une démarche de socialisation de personnes ou de groupes de façon à les constituer comme des acteurs sociaux efficients et reconnus. On est là dans une sorte d’extension du modèle pédagogique, à nouveaux frais compte tenu des rapports nouveaux qui s’établissent entre les individus et les institutions. Un intervenant social, situé entre une sorte de magistrat social et de pédagogue, tente d’établir un modus vivendi entre des personnes et des groupes d’un côté et de l’autre des normes sociales (tenir un emploi, suivre positivement une formation, occuper de façon normale un logement, établir des relations éducatives satisfaisantes avec ses enfants, maîtriser diverses conduites addictives, assumer une responsabilité dans les relations sociales, etc.). Dans ce type d’intervention, les expériences sont pour l’heure éclatées, et aucun modèle ne semble s’être constitué : tiraillée entre l’action sur des collectifs et la prise en charge individualisée, entre le préventif et le curatif, démultipliée en des formes différentes selon qu’il s’agit de l’accès à l’emploi, au logement, à l’éducation ou à la santé, l’insertion a derrière elle une trentaine d’années d’expériences, nombreuses certes, mais peu intégrées en une conception globale et partagée. C’est avec l’insertion d’ailleurs que l’écart entre le souhaitable et le réel du modèle hérité d’action sociale est le plus manifeste.

2. LES PERSPECTIVES POUR UN SERVICE PUBLIC DE L’INSERTION : LE POSSIBLE DÉPASSEMENT DU CADRE HÉRITÉ

Dans une forme de société idéale, l’action sociale, selon le nouveau paradigme qui voudrait la mettre en forme, devrait être promise à se dissoudre largement dans les politiques publiques de droit commun en ne conservant que les activités d’insertion et d’accompagnement vers ce droit commun.

Le premier point, duquel il convient de partir, est que le modèle réparateur d’action sociale, qui certes a bougé quelque peu, reste étonnamment résilient et perdure dans ses grandes lignes d’organisation. Il ne faut pas y voir, explication habituelle, une quelconque « résistance au changement », qui pourrait se résoudre par des méthodes managériales que l’on pourrait implanter pour circonvenir les réticences. Il semble plutôt que ce qui fait tenir le modèle réparateur, c’est sa logique propre : traitant des publics qui se trouvent le plus souvent au terme d’un processus de dégradation de leur situation, il doit absolument les prendre en charge avec ses transferts et ses prestations de services pour tenter d’arraisonner leurs difficultés. Dans la conjoncture de dégradation de la situation sociale qui fait gonfler les besoins et qui complexifie les situations, on ne peut qu’accroître et sophistiquer les interventions réparatrices, ce qui obère les possibilités de se réorienter vers la prévention, l’inclusion et l’investissement social. Il y a donc, dans la situation présente, une contrainte paradoxale qui pousse à consacrer toujours plus de moyens à des prises en charge que l’on sait pourtant relativement inefficaces et auxquelles on souhaiterait substituer un autre modèle. Bref, la relative situation d’impasse dans laquelle on se trouve tient au fait que l’on doit maintenir et même étendre les logiques réparatrices, ce qui en retour réduit d’autant les capacités de les dépasser [5] .

Toute la question est donc d’enclencher une dynamique de transfert progressif des ressources et moyens affectés actuellement à la réparation (prestations monétaires et prestations en nature) vers des activités de maintien ou de retour du maximum de personnes dans le droit commun et dans les standards de vie du plus grand nombre. Le processus ne peut être que graduel, les capacités à enrayer les dynamiques de dégradation collectives et individuelles ne pouvant délester les services réparateurs que très lentement. On pourrait peut-être ramener l’action sociale réparatrice à un étiage bien plus bas si, à côté des besoins qui s’accroissent structurellement tels le vieillissement et la dépendance, on parvenait à combattre efficacement la grande exclusion, les dysfonctionnements familiaux et éducatifs qui affectent la socialisation d’un nombre croissant de jeunes, les diverses fragilités et vulnérabilités qui affectent l’insertion sociale et professionnelle, toutes choses qui ont évidemment des racines collectives.

Si on souhaite ainsi se situer dans un cadre d’évolution progressive de la situation actuelle, il convient tout d’abord d’envisager les divers éléments constitutifs d’un service public de l’insertion. Cela requiert de tenter d’esquisser les grandes lignes organisationnelles d’un tel service ainsi que ses missions. La démarche doit partir de l’existant, qu’il s’agit justement de recomposer progressivement.

2.1. Les services mobilisables

Il existe dans l’actuelle action sociale des moyens qui sont déjà orientés dans un sens préventif et engagés vers des finalités de resocialisation des personnes ou de groupes mis en difficulté par le fonctionnement et les normes sociales. Certes, ces moyens sont très faibles au regard des ressources considérables engagés dans les logiques prestataires consistant à distribuer des allocations ou à offrir des services selon les logiques indemnitaires et réparatrices. De plus, nous l’avons souligné, la part allant au social par rapport au médico-social est elle-même relativement réduite et les expériences en la matière y sont très hétérogènes et peu intégrées.

Il convient tout d’abord de repérer dans l’existant les services ordonnés à des finalités d’accompagnement dans un but, sinon préventif, tout au moins de resocialisation et de requalification puisque les acteurs traditionnels du social, poussés déjà par les politiques d’insertion, ont mis en place des services répondant à ce type de préoccupation.

Les départements ont développé des services d’accompagnement des bénéficiaires du RMI/RSA ; en protection de l’enfance, ils disposent de moyens propres ou financent des opérateurs en charge de l’aide éducative ; ils organisent aussi la PMI (Protection maternelle infantile) qui contrôle des segments importants de la socialisation de la petite enfance ; ils disposent d’un service social départemental, polyvalent certes, pour l’instant plutôt engagé dans des interventions d’accès aux systèmes prestataires ; dans le même sens, ils ont dû établir des services en charge de l’accompagnement social personnalisé dans le champ de la protection des majeurs ; ils financent la prévention spécialisée ; ils sont responsables des FAJ (Fonds d’aide aux jeunes) et codirigent le FSL (Fonds de solidarité pour le logement) avec l’État. Tous ces instruments et services comportent une forte orientation de prévention et d’insertion, même si, à l’évocation de cette liste, on aperçoit à nouveau le caractère segmenté de ces structures.

L’État gère une multitude de dispositifs nés dans le sillage de l’aide sociale à l’hébergement dont il a la charge, auquel on doit adjoindre le segment désormais distinct de l’insertion des immigrés : égalité femmes/hommes, insertion par l’activité économique, accès au logement, accès aux soins, éducation populaire et vie associative. Surtout, il a en responsabilité le vaste ensemble des services de socialisation des jeunes (éducation, formation), les politiques de l’emploi, du logement et contrôle par d’étroites tutelles le vaste conglomérat des organismes de protection sociale.

Les communes et les intercommunalités, outre les CCAS (Centres communaux d’action sociale) et CIAS (Centre intercommunaux d’action sociale), maîtrisent un ensemble d’équipements collectifs (centres sociaux, centres d’animation et de loisir, etc.), développent des politiques en direction des jeunes et plus largement de l’ensemble de la population en matière de loisirs, de culture, de sport ; elles interviennent en force dans le développement des quartiers et la politique de la ville.

Les caisses de Sécurité sociale, dont principalement les CAF (Caisse d’allocations familiales), ont développé de longue date une action sociale d’insertion qui passe par l’appui au développement social et l’aide à la création d’équipements pour la petite enfance, les jeunes et les familles. Une part significative de leurs personnels d’action sociale sont engagés dans ces activités.

On a donc, avec en première ligne les grands acteurs publics et parapublics, un ensemble conséquent de services orientés vers des activités de socialisation ou de resocialisation de personnes ou de publics qui « décrochent », et engagés dans des logiques d’insertion, de prévention, de requalification de milieux et d’espaces collectifs ; et, à un second niveau, un tissu important, notamment associatif, relaie leur action ou développe des activités du même type.

Par ailleurs, en dehors des organismes intervenant dans le champ de l’action sociale, divers acteurs publics ou parapublics ont développé des activités concourant à l’insertion de publics qu’ils ont à connaître : c’est le cas des opérateurs publics du logement qui, d’une part, participent notamment au FSL, mais aussi, de l’autre, développent des interventions de prévention des difficultés qui peuvent survenir avec certains ménages.

Ce tour d’horizon n’est naturellement pas exhaustif. Il indique cependant que, certes à bas bruit et avec des moyens généralement réduits, souvent dans des cadres organisationnels précaires, la complexification des difficultés sociales et leur accroissement quantitatif ont suscité un grand nombre d’initiatives qui vont toutes dans le même sens : prévenir la dégradation des situations, mobiliser les personnes concernées pour la résolution de leurs problèmes, susciter des décloisonnements pour tenter d’impulser une cohérence des intervention en fonction de la situation singulière traitée, viser finalement une intégration des personnes dans le mode de vie du plus grand nombre.

La difficulté à surmonter est que ces initiatives, services et personnels orientés vers l’insertion et le développement social, ont été engagées de façon éclatée et selon des logiques autocentrées, chaque opérateur agissant selon des finalités propres et en tout état de cause non intégrées dans une vision globale qui les ordonnerait. L’éclatement est patent puisque tout cela s’est construit à partir d’acteurs singuliers, sans souci de cohérence d’ensemble. Chaque acteur s’est investi à partir de ses attributions propres et de ses logiques singulières, ce qui aboutit à ce que l’insertion recherchée n’y est aperçue que du point de vue des missions de chacun. Tout cela a donc configuré un kaléidoscope d’acteurs, les logiques intégratrices étant très rares et toujours circonscrites à un objet déterminé comme le montre le cas du FSL, qui pourrait pourtant passer pour un modèle en la matière.

2.2. L’objectif : activer les moyens existants de l’insertion

Tout le problème, si l’on vise la mise en place d’une action cohérente en matière d’insertion des enfants, familles et publics en difficulté, est de passer d’une situation de juxtaposition et d’empilement des activités existantes à un cadre structuré qui opère comme un multiplicateur des capacités et moyens investis. Pour le dire autrement, ne pourrait-on faire beaucoup mieux en utilisant mieux les ressources déjà consacrées à l’insertion et à l’accompagnement de publics défavorisés ? Car il se pourrait qu’au final le continent enfoui de l’insertion se révèle beaucoup plus vaste qu’on le croit communément, et que sa mise en cohérence multiplie son efficacité. Une telle perspective suppose de régler trois séries de questions. Cela requiert tout d’abord de passer à une logique de territoire, ensuite de constituer un cadre institutionnel commun et enfin d’affronter la question délicate du pilotage d’un tel système.

Sur ce dernier point, on se heurte à la question des équilibres de pouvoir au sein du système politico-administratif local, ce que les diverses réformes dites de « décentralisation » n’ont réussi ni à poser clairement, ni en conséquence à trancher : doit-on procéder à une recentralisation des politiques d’insertion en remettant les clés dans les mains de l’État ? À leur véritable décentralisation mais alors au profit de quel acteur territorial ? Ou doit-on recourir à l’échappatoire habituelle en pariant sur le développement de structures de partenariat et de coopération entre acteurs ? Dans une perspective réaliste qui parie, non sur les possibilités de changer l’état présent, mais davantage sur son évolution progressive, on proposera une institutionnalisation minimale du service public d’insertion sous la forme d’un GIP structuré dans l’espace départemental.

2.2.1. Penser « territoire »

Les divers dispositifs d’insertion progressivement mis en place ne constituent pas un ensemble cohérent car ils procèdent d’initiatives désordonnées et ils sont centrés sur des logiques organisationnelles différentes. En tout état de cause, ils sont encore largement marqués par les partages fonctionnels des activités ainsi que par les découpages sectoriels et intra-sectoriels. Nous l’avons vu, ils sont en réalité immergés dans les logiques verticales/fonctionnelles de l’administration publique classique.

S’ils existent cependant, c’est que des contraintes ont poussé à leur création : la complexification des problèmes sociaux qui ne peuvent plus être référés à des facteurs homogènes et appréhendables par le système catégoriel du passé, le débordement des organisations sociales mais aussi des institutions de droit commun (éducation, logement, santé, emploi, consommation) par des problématiques sociales qui invalident pour une part leur fonctionnement traditionnel, l’émergence de nouveaux problèmes non couverts par les opérateurs antérieurs et qui supposent des recompositions fortes des interventions (addictions, fragilités psychologiques et maladies mentales, déviances, vulnérabilités économiques, violences, errances). On le sent bien, c’est aux frontières des anciens découpages que tout se joue, les problèmes sociaux contemporains n’y étant plus rapportables. Cela invalide les formes organisationnelles antérieures ou les met en difficulté, et notamment met à bas le modèle fonctionnel et sectoriel d’action publique. Apparaissent des nécessités à la fois de connexion des opérateurs, de construction de visions communes des questions à traiter, d’intervention décloisonnées ordonnées à la situation singulière des personnes et à ses propres capacités Voilà qui constitue une base commune de travail aux services d’insertion en place qui, certes encore de façon éclatée, se rejoignent au moins sur ce plan.

Ce qui manque, c’est une cohérence qui permette d’instituer de façon globale ces acteurs de l’insertion. Naturellement, c’est la notion de « territoire » qui devrait constituer la référence pour les mobiliser en organisant leurs interventions de façon coordonnée et surtout adaptée aux problèmes à traiter. La question ici n’est pas de savoir quel est le bon territoire du point de vue de sa délimitation, ce qui est une question vaine. Il s’agit de définir les espaces d’interdépendance des problèmes, soit du point de vue de leurs causes, soit a minima du point de vue de leur prise en charge précoce et efficace. Ainsi conçu, le territoire est l’espace où se jouent la socialisation ou la resocialisation des personnes en ayant la possibilité d’y mettre en connexion les acteurs qui peuvent y concourir. Les définitions concrètes des territoires sont plurielles : on peut s’appuyer sur les intercommunalités, utiliser les découpages opérés par les départements, se référer aux « territoires de santé » existants, se fonder sur les « bassins de vie » de l’Insee. En tout état de cause, il convient de trouver un compromis entre les découpages politico-administratifs en place et les réalités vécues par les personnes, à savoir ce qui détermine leur mode de vie, leur travail, leur formation, leur insertion sociale, etc. Le principe du territoire ainsi qu’on doit l’entendre, c’est qu’il doit permettre la compréhension collective des facteurs d’exclusion, le repérage des logiques qui les constituent et, en regard, connecter les réponses qui sont certes déjà plus ou moins disponibles, mais dans des logiques segmentées, disparates et non intégrées.

Le service public de l’insertion doit penser son action en référence à un territoire ainsi conçu : il doit permettre une appréhension globale des difficultés tout à la fois collectives et individuelles, et susciter une articulation rationnelle des réponses. Cela n’empêchera pas que les acteurs puissent connaître des rattachements sectoriels ou sous-sectoriels différents, mais il faudra qu’une part significative de leur activité puisse se concevoir en cohérence avec celle des autres acteurs dans un espace social partagé.

2.2.2. Un cadre institutionnel commun : un GIP au niveau départemental

Pour agir de concert sur un territoire et y organiser l’insertion et l’accompagnement se pose la question du cadre institutionnel. Jusqu’alors, les multiples acteurs ont entendu s’engager dans du partenariat. Mais force est de constater que la notion est d’autant plus invoquée que ses applications concrètes sont réduites et, en tout état de cause, très difficiles à stabiliser. Les divergences entre les missions et attributions, les concurrences entre organisations, les conflits de territoires, tout cela constitue un fond de tableau peu propice à la coopération véritable. Le « chef de filât » que la Constitution et la loi ont institué, remis au département en matière d’action sociale, n’a pas produit les effets de mise en ordre dans le champ, et nous restons englués dans un système polyarchique pas ou peu intégré.

L’objectif devrait donc être de donner une consistance à cet ensemble d’acteurs : se référant à un territoire dont ils partagent a minima la compréhension tant du point de vue des logiques sociales qui y sont à l’œuvre qu’en ce qui concerne les personnes et ménages qu’il convient d’appréhender préventivement, et à défaut qu’il faut accompagner par des soutiens divers mais convergents, ces acteurs doivent parvenir autant que possible à organiser leurs activités pour qu’elles s’ordonnent relativement.

Deux logiques d’institutionnalisation de ce cadre sont envisageables et elles se distinguent selon le degré d’intégration qu’elles comportent.

Au plus bas niveau d’intégration, il est possible d’envisager la mise en place de coopérations multilatérales fondées sur des instruments contractuels. Les acteurs organisent, horizontalement, des mises en commun portant sur la définition d’un cadre cognitif (diagnostics partagés et définitions de finalités) et la mise à disposition de moyens. On reste là dans la logique, expérimentée depuis longtemps, des dispositifs dont on sait qu’ils comportent des limites importantes : ententes a minima préservant les intérêts de chacun, instabilité chronique de ces montages, problèmes pour identifier les responsables, écarts entre les attendus et les réalisations, lourdeur et complexité, dispositifs à géométrie variable redoublant la segmentation que l’on voudrait pourtant réduire. On ne pallie que très peu la juxtaposition des acteurs, la substance de l’action collective restant difractée entre les partenaires dont les logiques propres sont très largement préservées. À l’expérience, d’ailleurs, même lorsque ces coopérations contractuelles sont imposées par la loi, cette contrainte n’atténue pas leurs limites, et paradoxalement cela peut même les renforcer. Cette option est néanmoins privilégiée par exemple dans le rapport remis par Frédéric Bierry (président du conseil départemental du Bas-Rhin) à la ministre du Travail et à la secrétaire d’État auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé en février 2019.

Avec un plus fort degré d’intégration, on peut recourir à la mise en commun de moyens et à l’élaboration d’un cadre cognitif commun, cette mise en commun portant sur quelques domaines précisément identifiés et considérés comme stratégiques pour impulser et stabiliser dans les pratiques un modèle d’insertion et d’investissement social beaucoup plus homogène.

2.2.2.1. Cette perspective impose la mise en place d’une structure institutionnelle dédiée à la mise en œuvre de ces missions.

Or l’établissement public n’étant pas une voie ouverte légalement et souhaitable car il surajoute un nouvel acteur dans un système qui en comporte déjà trop, c’est le modèle du « groupement d’intérêt public » (GIP) qui semble le plus adapté.

L’intérêt du GIP est qu’il s’efforce de trouver un équilibre entre le maintien de la pluralité des acteurs, d’un côté, et, de l’autre, l’intégration de certaines de leurs activités. Sur son versant intégrateur, un tel GIP pourrait servir de levier pour impulser dans l’ensemble de l’action sociale et aussi du côté des structures en charge de politiques publiques de droit commun leur engagement progressif dans les logiques inclusives et préventives.

Cela dépendra de la capacité de la structure de coopération à pénétrer ces structures et à y impulser progressivement cette nouvelle culture, ce qui, au départ, suppose une volonté politique partagée. L’insertion et l’inclusion ne sont pas une activité distincte à superposer ou juxtaposer par rapport aux services prestataires. Mais c’est un nouveau paradigme d’action qui doit irriguer l’ensemble institutionnel, y compris les services publics de droit commun, pour affronter les problèmes sociaux tels qu’ils se constituent, et qui peut ouvrir une voie de dépassement de la crise structurelle de l’action sociale.

2.2.2. 2. Dans cette perspective, où situer un tel GIP ? Deux solutions sont envisageables : un GIP pour chacun des territoires où vont s’organiser les activités d’insertion et accompagnement ; un GIP au niveau départemental.

La première solution a l’avantage de la cohérence : un GIP territorial serait en prise directe avec les acteurs immédiatement impliqués et les populations à prendre en compte. Mais il y aurait une multiplication de ces structures d’intégration d’attributions, les organismes de niveau plus large que les territoires concernés devant s’engager dans autant de structures. Un tel émiettement serait sans doute préjudiciable et, de surcroît, engendrerait des disparités dommageables. Cette hypothèse n’acquerrait une crédibilité que si les intercommunalités montaient en légitimité et pouvaient s’approprier les politiques d’insertion et de développement social local ; on en est encore loin pour la grande majorité d’entre elles.

La seconde option conduit à créer un GIP au niveau du département. Elle a l’avantage d’embrasser plus logiquement les territoires des divers acteurs et de fournir un espace suffisamment large pour mutualiser des moyens à bon niveau. Elle opère aussi dans une logique de péréquation entre les territoires qui sont en réalité inégalement dotés en moyens. Entre des intercommunalités très différenciées et encore peu légitimes et le niveau trop large de la région, il semble que l’espace départemental puisse, au moins dans la situation actuelle du système politico-administratif, être le plus adapté.

Les membres du GIP devraient être les grands opérateurs publics des politiques de socialisation et d’insertion des personnes en difficulté : l’État qui couvre un spectre large de services, le département, la CAF. Une structure interne de conception opérationnelle devrait élargir le dispositif à d’autres acteurs impliqués dans la prévention et l’insertion.

2.2.2.3 . Se pose aussi la question des attributions du GIP. Deux types de missions peuvent lui revenir.

Tout d’abord, il s’agit de construire un cadre cognitif commun pour un ensemble d’acteurs de l’insertion actuellement pris dans des logiques centripètes liées à des rattachements organisationnels très différenciés. Cela procède de l’établissement de principes d’action partagés, de la capacité à produire des diagnostics cohérents et partagés quant aux situations collectives et individuelles constitutives des processus d’exclusion et d’élaborer des perspectives d’intervention : quels problèmes ou publics doivent être ciblés ? où et comment intervenir ? selon quelles modalités ? en mobilisant quels types d’acteurs ? Cela revient à dire qu’il faut instituer ce service public, une institution reposant obligatoirement sur l’objectivation de ses finalités et sur la détermination de structures et d’activités pertinentes. Il convient donc de passer de l’informe, du particulier, du disparate, à un programme institutionnel qui fédère et engage. C’est là que joue la dimension de projet qui ne peut procéder d’une simple juxtaposition et qui doit sortir a minima de l’implicite. Le GIP doit être en mesure, pour les territoires où il sera conduit à organiser diverses activités d’insertion et d’accompagnement, de définir un cadre de conceptions, de finalités, d’objectifs et de moyens auquel adhèrent ses membres.

Ensuite, le GIP devrait se voir confier l’organisation de missions découlant de ses domaines d’activités en matière d’insertion, d’accompagnement et, si possible, d’orientation des activités des acteurs concernés et/ou impliqués. A minima , il devait contrôler directement ou par mise à disposition de personnels et de services, les activités d’accompagnement des publics en difficulté et disposer ainsi d’un pool de professionnels, soit intervenant eux-mêmes directement, soit en charge d’organiser et de superviser des activités d’insertion/accompagnement. À ce sujet, le rapport Klein-Pitollat remis en septembre 2018 au Premier ministre préconise de fonder l’accompagnement non plus sur une évaluation des freins au retour à l’emploi mais sur les ressources et les potentialités des personnes. On aperçoit que, dans un système polyarchique tel qu’il est, l’action commune doit se configurer sous la forme de projets qui sont choisis en fonction du diagnostic général posé sur les phénomènes d’exclusion et qui doivent être hiérarchisés et programmés. Du fait du paradigme qui commande l’insertion, de tels projets ne peuvent que transcender les découpages institutionnels en place : ce peut être par exemple un programme d’intervention sur la petite enfance avec des perspectives de socialisation des familles, mais aussi de promotion de leurs milieux ; ce peut être un programme de développement de la formation à destination de certains publics ou encore un programme coordonné d’accès au logement… Les acteurs du GIP doivent chercher, d’une part, à construire un cadre cognitif commun et, d’autre part, à en faire dériver des axes stratégiques mobilisateurs pour des collectifs d’acteurs sociaux mais aussi pour ceux qui sont en charge des politiques de droit commun.

Si l’on tente de résumer les missions d’un tel GIP, elles pourraient être les suivantes : missions de diagnostic et de construction d’un projet global d’insertion dans l’espace départemental pour une période donnée (puisque naturellement tout cela va engager des dynamiques qui réorienteront les perspectives au fil du temps) ; mission de définition de projets ou programmes répondant aux éléments de diagnostics qu’il convient de hiérarchiser en établissant des priorités tenant compte aussi des capacités de mobilisation des acteurs ; mission d’intégration des divers services concernés dans les administrations concourant à l’insertion de façon à les mobiliser dans une logique coopérative pour les projets ou programmes qui auront été arrêtés ; constitution d’un pool d’ingénieurs sociaux, de développeurs ou d’animateurs de projets en charge de fournir les appuis logistiques et techniques ; mission d’évaluation des projets et programmes.

2.2.2.4 . Les moyens du GIP doivent lui venir des membres qui doivent pouvoir lui déléguer à la fois des moyens techniques et des personnels.

L’ampleur des besoins peut être variable selon la conception que l’on peut se faire de la structure. Soit on la conçoit comme une structure de mission qui mobilise des ressources pour élaborer la conception des interventions collectives et/ou individuelles d’insertion et orienter l’action des acteurs organisationnels divers selon les orientations qui seront arrêtées ; on s’oriente alors vers une structure relativement légère qui intervient non pas directement sur les publics concernés mais en direction des opérateurs pour cadrer leur action à partir des conceptions arrêtées en commun et fournir des appuis techniques à leurs services (le profil des intervenants serait celui d’ingénieurs sociaux ou de concepteurs de projets). Soit, ce qui peut survenir à terme, on ajoute à ces fonctions support des attributions directes d’intervention, le GIP pouvant alors disposer d’intervenants sociaux prenant en charge des actions collectives ou individuelles d’insertion, ces professionnels pouvant être mis à disposition par les organisations de l’État, les départements ou les CAF.

2.2.2.5. Il convient d’envisager aussi la question du pilotage du GIP. Pour un tel service public d’insertion qui, on l’aura compris, doit affronter et dépasser progressivement le modèle vertical/sectoriel, de logique réparatrice et curative, c’est une question absolument centrale. Un tel service doit bénéficier d’un portage politique très puissant pour amener nombre d’acteurs à s’engager dans cette logique alors que, par bien des aspects, ils sont structurellement enclins à ne pas le faire, ou à ne le faire que de façon défensive.

Il y a, à cette fonction, deux candidats plausibles : soit l’État dans l’espace départemental, soit le département assis depuis 2004 sur sa mission de « chef de file ».

Le département, enfermé dans ses compétences d’action sociale auxquelles l’a encore plus assigné la loi NOTRe, est affecté de cette limite fondamentale qu’il n’est pas légitime à s’engager dans les domaines qui deviennent centraux dans le nouveau paradigme de l’inclusion et de l’investissement social, à savoir les autres politiques publiques que sont l’emploi, le développement économique, l’éducation, le logement, la santé, etc. À l’égard de ces acteurs, il ne dispose certainement pas du poids nécessaire pour piloter un montage qui devra les concerner et les impliquer véritablement. Le département est la victime, consentante, d’une inflexion massive de son action vers les politiques réparatrices, ces dernières consommant l’essentiel de ses forces, d’autant plus que les moyens à y engager augmentent sans qu’il puisse les contrôler et que ses ressources stagnent.

Sur ce critère de relative maîtrise de l’ensemble des domaines concernés par l’inclusion, c’est évidemment l’État qui devrait s’investir dans le pilotage des institutions de coopération. Naturellement, il est à cet égard dans une situation assez critique car ses propres services en charge de la cohésion sociale ont été fortement déstabilisés par les réformes de l’administration déconcentrée et, de surcroît, réduits comme peau de chagrin. Mais il faut insister sur ce point : le service public de l’insertion ne doit absolument pas se constituer comme un service de plus, mais comme un levier pour activer et réorienter les services existants. Il pourrait par exemple actionner plus efficacement des outils tels que ceux développés dans le cadre du Fapi (Fonds d’appui aux politiques d’insertion) mis en place en 2017, qui mobilise annuellement 50 millions d’euros et dont 90 départements sont actuellement parties prenantes [6] .

Il reste que, en nouvelle ligne d’horizon pour les services déconcentrés de l’État, les politiques d’insertion et de prévention sociale pourraient utilement mettre en cohérence la myriade de dispositifs dispersés qu’ils gèrent les uns à côté des autres et constituer pour eux une perspective mobilisatrice. Leur confier un rôle d’impulsion, de leadership et d’évaluation du GIP serait sans doute la meilleure solution.

Le service public d’insertion qu’appelle la mise en œuvre du Plan pauvreté constitue à n’en pas douter une gageure. Prenant à contre-pied les services publics tels qu’ils sont configurés, notamment l’action sociale, il doit affronter une première difficulté : développer et faire partager le nouveau paradigme de l’insertion et de l’inclusion, qui n’est certes pas contesté dans son principe car il recueille une approbation de façade unanime mais qui suppose de renverser les logiques héritées de la réparation et du curatif, d’autant mieux établies que la situation sociale ne fait que les renforcer ; mobiliser et activer les opérateurs qui sont affectés déjà à des tâches d’insertion mais qui le font à la marge des organisations en place et de façon dispersée ; construire avec elles, dans un cadre territorialisé, une conception partagée des problèmes et la traduire en programmes d’action précis et évaluables.

C’est pourquoi, sauf à rêver d’une improbable conversion soudaine du système en place ou d’une mobilisation de moyens nouveaux qui viendraient se surajouter aux financements actuels de l’action sociale, une démarche réaliste et progressive s’impose : constituer un cadre de travail pour les acteurs déjà en charge de l’insertion, développer des capacités d’ingénierie de ce type de politiques, les mettre à disposition des acteurs pour intensifier leurs capacités et surtout les mettre en cohérence. Ce n’est qu’à terme, si ces logiques de prévention et d’investissement dans les politiques de socialisation de droit commun produisent des effets, qu’on peut espérer voir baisser la pression liée à l’urgence des situations à traiter, à leur dégradation que l’on ne parvient pas à enrayer, bref atteindre un étiage beaucoup plus bas du nombre de personnes ou ménages exclus ou encore en difficulté.

  1. D’ailleurs le RMI avait suscité l’invention d’un « service public d’insertion » à savoir des commissions départementales et locales d’insertion. Mais ces montages étaient liés à la cogestion du dispositif par l’État et les départements et avaient davantage joué un rôle de traitement individualisé des dossier ; l’idée sous-jacente au départ de structures en capacité de mobiliser la pluralité des acteurs locaux (services publics de l’emploi, du logement, de la santé, entreprises, secteur associatif, etc.) pour développer une réponse globale et territorialisée et qui était investie dans le Conseil départemental d’insertion n’a guère abouti. Quoi qu’il en soit, tout est rentré dans le sillon traditionnel d’un partage fonctionnel des tâches avec le transfert intégral du RMI vers le département avec de fait l’abandon de cette visée d’intégration de l’ensemble des acteurs locaux.

  2. Dress, Enquête aide sociale, 2014 ; ODAS, Assises nationales de la protection de l’enfance, 2017 ; Igas, Rapport n° 2017/105 K, mai 2017.

  3. Igas, L’accompagnement social, septembre 2018.

  4. En notant d’ailleurs que les autres politiques sectorielles se montrent aussi logiquement fermées à l’inclusion. Si l’on prend, à titre d’exemple, le cas du système éducatif, qui du fait de sa logique extrêmement normative, a mis à l’écart les enfants « inadaptés » et conduit à l’invention de l’éducation spécialisée, on mesure la révolution que constitue l’idée de réintégrer ces enfants dans les cursus de droit commun. Tous les secteurs, logement, emploi, etc…, ont été conçus sur un cadre normatif qui a justement suscité le déport vers l’assistance de ceux qui ne pouvaient s’y inscrire. L’inclusion suppose un recodage d’ensemble des politiques publiques.

  5. Nous n’entrerons pas ici dans le dossier du financement de l’action sociale et notamment du partage des charges entre l’État et les départements ; si l’on maintient en place le système réparateur et curatif, sa crise financière sera durable car structurelle, et la question de savoir comment on en gère les conséquences en déportant les difficultés vers tel ou tel financeur n’est qu’un problème secondaire, même si naturellement il n’est pas sans revêtir une grande importance pour les protagonistes de ce débat.

  6. ONPES, « Première évaluation des conventions d’appui aux politiques d’insertion », octobre 2018.

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