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Note

Agir pour la réussite des jeunes en difficulté, dans leurs territoires

Les difficultés vécues par les jeunes en formation durant le confinement ont accru les risques de décrochage. Perte de contact en raison du distanciel, mauvaises connexions et manque de familiarité avec les outils numériques, limitation des perspectives de stage et de places en alternance, découragement… La pandémie est ainsi venue renforcer des difficultés déjà sensibles : 13,5 % des jeunes âgés de 15 à 29 ans ne sont ni en études, ni en emploi, ni en formation en 2021. Trouver des stratégies pour les remettre sur une voie de formation est un des défis essentiels de la sortie de crise. Or, des solutions nouvelles sont en train d’émerger comme le présentent dans cette note pour Terra Nova, Olivier Faron, administrateur général du Conservatoire national des Arts et Métiers et Marc-François Mignot Mahon, Président de Galileo Global Education.
Publié le 

« Ôter tout prétexte à l’ignorance… et faire en sorte que rien ne soit à meilleur compte que la science et la vertu »

Abbé Grégoire, Rapport sur l’établissement d’un Conservatoire des arts et métiers , septembre 1794, p. 6–7

La notion de « décrochage » scolaire recouvre une réalité disparate. Le décrochage procède souvent d’un éloignement progressif du projet de formation, voire d’un refus de le poursuivre, par méconnaissance ou découragement plus souvent que par choix raisonné. L’environnement du jeune pèse lourdement quand les obstacles à l’inclusion se cumulent et font boule de neige : milieu social, capital culturel, situation géographique défavorable… Rappelons le constat qui peut être porté en profondeur sur ce phénomène : « Le décrochage mène presque mécaniquement à la marginalisation. Cela nourrit mal-être et rancœur, au prix, en prime, d’un système social lourd, coûteux et d’une efficacité très relative quant à sa capacité à remettre [les jeunes] dans le circuit. On ne peut plus se satisfaire d’un système inefficace où l’échec un jour est un échec pour toujours [1] . » On ne peut que constater que c’est bien la maîtrise de l’information, sur les formations comme sur leurs débouchés, qui prime sur toute autre réalité. C’est un enjeu pour les parents d’abord, ce qui explique que souvent les enfants d’enseignants ont une meilleure appréhension des défis de la réussite scolaire. C’est surtout une obligation pour des jeunes confrontés non seulement à la difficulté de connaître le champ des possibles, de se projeter à l’adolescence dans leur futur destin d’adultes et, en définitive, de se forger une ambition à même de les porter vers le haut [2] . Une orientation ciblée devrait être complétée par une mobilisation de tous les acteurs, à toutes les étapes.

Alors que les clivages sociaux étaient au cœur de différentes politiques publiques, les inégalités territoriales étaient plus difficilement prises en considération. L’une des explications en est probablement la survivance d’une grille assez réductrice qui, de Paris et le désert français de Jean-François Gravier (1947) aux travaux récents tels que La France périphérique de Christophe Guilluy (2014), renvoyait à un revival des « deux nations » de Disraeli [3] . Il y aurait des riches concentrés à Paris ou dans les métropoles, et des « sans grade », devenus gilets jaunes, un peu partout sur le reste du territoire. Or la question territoriale est non seulement plus complexe mais surtout plus névralgique dans la mise en place de nouveaux dispositifs publics. Cela suppose, en termes de formation, de rappeler que Paris et les métropoles ont certes une offre riche, voire foisonnante, mais que cette profusion nuit aux éventuels effets-levier : comment articuler au plus près formation et besoin économique ? Comment repérer les innombrables personnes en difficulté et surtout personnaliser la réponse à leur proposer ? Le nombre est plutôt synonyme de difficulté pour une nécessaire adaptabilité. Alors que la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel », publiée au Journal officiel du 6 septembre 2018, implique pour la formation professionnelle une réduction drastique du rôle des régions au profit des branches, un nouvel acteur commence à jouer un rôle important : les villes petites et moyennes, désormais fédérées par les programmes publics « Action Cœur de Ville » et « Petites villes de demain », qui bénéficient d’un fort soutien de la Banque des territoires. Pour les décideurs de ces collectivités, la formation post-bac est devenue le différentiel principal avec les métropoles. Or les villes petites et moyennes irriguent des zones territoriales ayant un potentiel économique de niveau national ou international, à l’image de Cherbourg pour la construction navale ou de Niort pour les assurances, ou au contraire frappées par une crise économique lourde, à l’exemple des espaces désindustrialisés des Hauts-de-France ou de la région Grand Est. Le renforcement du potentiel des premières comme la survie démographique des secondes passent par une réponse articulée sur la formation : pour transmettre les bonnes compétences ou pour sortir de la fragilisation soit par l’installation de secteurs émergents à l’instar du numérique, soit par une revitalisation fine reposant sur certains secteurs plus traditionnels tels que l’artisanat.

Les chiffres du décrochage scolaire [4] au niveau national se sont certes sensiblement améliorés ces dix dernières années. À la fin des années 2000, 122 000 jeunes en moyenne sortaient du système éducatif sans diplôme ou avec, au plus, le brevet des collèges. En 2015, 2016 et 2017, ce chiffre était tombé à 90 000 (- 26 %), soit environ 12 % des sortants [5] . Moins nombreux, ces jeunes « décrocheurs » se retrouvent cependant durablement marginalisés sur le marché du travail et sont surreprésentés parmi les jeunes NEET ( Not in Employment, Education or Training ). En effet, selon une étude récente [6] , 13,5 % des jeunes âgés de 15 à 29 ans ne sont ni en études, ni en emploi, ni en formation, soit 1,1 % de plus qu’en 2019. Près de la moitié d’entre eux sont sans emploi ni formation depuis un an ou plus, c’est-à-dire NEET de longue durée. Un cinquième des 25–29 ans sont dans ce cas : un chiffre supérieur à la moyenne européenne. Les travaux du Céreq le montrent avec force : les « moins qualifié.e.s » ont les « parcours les plus heurtés » et, au fil des dernières années, le temps passé en emploi diminue [7] . Prenons les « recalés du supérieur [8]  » : en 2018, 30 000 bacheliers ont quitté l’application ParcourSup sans proposition, soit 6 % de tous les candidats mais 14 % des bacheliers professionnels, et un quart de ces recalés deviennent des NEET. Parfois, certains d’entre eux bénéficient d’une reprise d’étude, mais là encore le déterminisme social joue, à l’image de la résidence en Quartier prioritaire de la ville, qui est fortement pénalisante. C’est d’autant plus préoccupant qu’une vraie prise en charge de la jeunesse reste un peu un angle mort des politiques publiques. Au mieux, l’État privilégie plutôt l’insertion économique au sens large que l’accompagnement social. Ainsi, le plan « Un jeune, une solution » essaie de réaliser une adéquation optimisée entre un parcours individuel et une réponse ciblée : une entrée en formation ou une proposition d’activité. En revanche, les moins de 25 ans ne sont par exemple pas éligibles aux minima sociaux du type RSA. C’est le premier emploi qui est générateur de futurs accompagnements sociaux.

On aurait donc tort de se satisfaire des évolutions positives des statistiques : le décrochage reste une urgence majeure, du point de vue social comme économique. Bien sûr, les filières scolaires professionnelle et technologique, qui offrent moins de perspectives, sont beaucoup plus touchées que des filières générales constituant autant d’opportunités d’accès vers un large spectre de formations. Cette situation est d’autant plus préoccupante que la crise sanitaire risque de gonfler à nouveau ces chiffres. Lors du premier confinement en particulier, de nombreux élèves et étudiants ont perdu le contact avec leur établissement de formation et ont disparu des écrans-radars de leurs enseignants. Selon le ministère de l’Éducation nationale, ils représentaient 4 % à 5 % des effectifs à la fin du printemps 2020. Si beaucoup d’entre eux sont revenus en classe depuis, ils ont été sensiblement fragilisés par cette interruption et risquent de venir grossir les flux de l’échec ou de l’abandon dans les mois et les années à venir. Le parcours le plus problématique est bien celui qui démarre au printemps 2020 avec toutes les étapes correspondantes : premier confinement en mars avec ses corollaires d’éloignement du lycée et de premiers cours à distance ; baccalauréat aménagé ; entrée dans l’enseignement supérieur moins accompagné ; passage au distanciel imposé par les circonstances ; aucun effet de groupe ou d’échanges directs avec les enseignants et/ou les tuteurs ; nouvelle rentrée semestrielle début 2021 en distanciel. « Comprendre à 17 ans qu’on a beaucoup de retard, ça peut donner envie d’abandonner », notait récemment un enseignant en lycée professionnel de Seine-Saint-Denis [9] . L’insertion future de ces élèves et jeunes étudiants sur le marché du travail en sera d’autant plus périlleuse.

À cette situation s’ajouteront de probables phénomènes d’hystérèse. Ayant été fragilisés par ces circonstances ou étant arrivés sur le marché du travail au moment où la crise détruisait de nombreuses opportunités d’emploi, pérennes ou temporaires, destinées aux nouveaux entrants (contrats courts, possibilités de formation en alternance, etc.), de nombreux jeunes en subiront longtemps les conséquences dans leur parcours professionnel et priveront les entreprises et plus largement l’économie d’une main-d’œuvre motivée et productive. Les effets de discrimination cumulés se verront renforcés : géographiques, sociaux, culturels… Le paradoxe de la pandémie est que les jeunes auront été à la fois physiologiquement les plus protégés contre le virus et socialement les plus exposés aux ravages économiques qu’il a engendrés. Le spectre d’une « génération Covid » est bien présent.

Tout ceci plaide pour un effort accru de formation à leur intention. Nous avons maintenant, avec la digitalisation des contenus, les instruments pour cela mais il faut pouvoir les mobiliser dans la durée et augmenter leur puissance de feu, alors même que notre système de formation n’a pas été prévu pour faire face à de telles crises. Partons de deux postulats. Le premier est social : il s’agit de repositionner des centaines de milliers de jeunes, « sortis » de tout système, en leur offrant un accès fructueux à une socialisation professionnelle. Le second est économique : redevenus employables, ces jeunes peuvent permettre à de très nombreuses entreprises, y compris à celles qui sont implantées en dehors des métropoles, de retrouver la voie de la croissance. Deux problématiques convergent en effet : celle d’un besoin de ressources humaines pour des entrepreneurs « excentrés », dont la croissance risque d’être freinée, et surtout un manque plus aigu pour des niveaux de techniciens, pour lesquels des jeunes motivés constituent la bonne réponse, surtout s’ils y ont été préparés lors d’une phase d’apprentissage.

Les facteurs de rÉussite

Mettre des jeunes ayant connu des échecs au cours de leur formation initiale en situation de réussite dans une entreprise, c’est non seulement possible mais souhaitable car les leviers facilitateurs existent. Le premier d’entre eux est bien sûr l’apprentissage, dont les marges de développement sont encore nombreuses. En 2017, H. Lachmann et J.-P. Boisivon notaient qu’« à formation et diplôme équivalents, l’insertion de ceux qui ont suivi leur formation par la voie de l’apprentissage est 10 à 15 points supérieure à celle de ceux qui ont été formés par une voie strictement scolaire [10]  ». Ainsi, 70 % des apprentis sont aujourd’hui recrutés sept mois après leur diplôme. Mais il existe aussi de nouveaux outils. La reconnaissance récente par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation d’un diplôme de bac + 1, baptisé Formation supérieure de spécialisation (FSS), est en effet la démonstration qu’une entrée réussie dans l’enseignement supérieur peut être effective pour des jeunes au profil scolaire un peu chaotique, en leur proposant une proximité prometteuse avec des besoins économiques : en clair, la réponse à une antienne, celle d’entrepreneurs ou d’élus déplorant un manque cruel d’actifs à proposer en face de gisements de croissance. La question qui se pose alors est de savoir comment ces outils, dont certains existent depuis longtemps à l’image de l’apprentissage, sont susceptibles d’avoir un impact profond sur un système qui dysfonctionne en grande partie. Et surtout de mieux comprendre quelles évolutions peuvent rendre ce système plus performant.

Quelles sont donc les priorités ? La première est d’ordre politique. Le gouvernement a fait le pari de la montée en compétences, notamment à travers la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel ». Le nouveau système est articulé autour de France Compétences, institution nationale publique créée le 1 er janvier 2019 pour la régulation et le financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage. La loi de 2018 est un texte fondateur pour la formation professionnelle dans son ensemble, à travers par exemple le renforcement du Compte personnel de formation (CPF), créé dès 2014, mais aussi pour l’apprentissage. Rappelons-en quelques-unes des principales dimensions : une déclaration à la préfecture et une certification qualité suffisent désormais pour ouvrir un Centre de formation des apprentis (CFA), ce qui signifie la fin du pouvoir de régulation des régions – et notamment de leur accord préalable –, donc une simplification et un assouplissement considérables. Le financement des CFA se fait à présent selon le mécanisme du coût-contrat, à savoir en fonction du nombre d’apprentis accueillis en formation. Le cœur de ce marché libéralisé de l’apprentissage est complété par d’autres dispositifs. Le recrutement est désormais possible à tout moment de l’année scolaire et l’apprentissage accessible jusqu’à 30 ans, au lieu de 25 ans précédemment. Les CFA devront en outre publier les taux de réussite aux diplômes et d’insertion dans l’emploi.

L’apprentissage progresse aussi car il est plus accessible et plus lisible. Un gros effort est fait en direction des jeunes et des parents. Les offres de formation en apprentissage sont désormais disponibles sur AFFELNET (Affectation des élèves par le Net) à la fin du collège ou sur ParcourSup, pour l’entrée dans le supérieur. Il est possible de choisir entre une formation déployée de manière « classique » ou par apprentissage. Si un jeune ou sa famille font ce dernier choix, une information est envoyée directement au CFA, charge à ce dernier de les contacter. L’apprentissage ouvre désormais droit aux 500 euros attribués pour chaque Compte personnel de formation… sans compter les 500 euros supplémentaires accordés pour passer le permis de conduire. Le 1 er janvier 2020 a coïncidé avec la pleine application de la loi. Les CFA sont désormais financés au contrat par les nouveaux acteurs que sont les Opérateurs de compétences (OPCO) [11] , selon les niveaux de prise en charge fixés par les branches professionnelles. La prise en charge comprend la gestion administrative ainsi que la réalisation et l’évaluation des compétences. C’est en dernier ressort le conseil d’administration de France Compétences qui fixe nationalement les recommandations pour les niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage, afin de favoriser leur convergence.

Face à la crise, le gouvernement a choisi de défendre l’apprentissage de manière volontariste. La loi de finances rectificative de juillet 2020 permet le début d’un cycle de formation en apprentissage de six mois (au lieu de trois mois), en l’absence d’engagement par un employeur. Chacun converge vers une mobilisation pour accompagner les futurs apprentis dans leur recherche de contrats. Pour certains alternants qui resteraient hors entreprise, une pédagogie de l’alternance particulière passe par une formation ad hoc à l’action en entreprise. La montée en compétences des jeunes adultes est désormais déployée dans un nouveau cadre, avec en particulier la première année d’application de l’obligation de formation des 16–18 ans. C’est bien tout le sens de l’aide financière qui vient d’être décidée le 4 juin 2020 en faveur des entreprises embauchant des alternants inscrits dans une licence professionnelle, sans aucune condition pour les plus petites d’entre elles. Une prime à l’embauche des jeunes a été décidée : 5 000 euros pour un mineur ; 8 000 euros pour un majeur. Le 24 novembre dernier, le Premier ministre vient en outre d’annoncer qu’aucune décision ne se ferait au détriment de l’apprentissage alors que cette piste avait été évoquée dans le contexte de difficultés financières de France Compétences. Les barèmes de prise en charge des diplômes des jeunes seront identiques à la rentrée 2021 et un redimensionnement éventuel ne serait appliqué qu’en 2022.

Cette mobilisation générale, historique serait-on tenté de dire, a permis de démontrer haut et fort que l’apprentissage est un outil de sécurisation des parcours, surtout en période de crise. Les énergies ont été libérées car les entreprises et les professionnels de la formation peuvent maintenant s’organiser librement pour réaliser ces classes d’apprentis, où et quand c’est nécessaire et/ou utile.

Une deuxième réponse est d’ordre technologique, et surtout numérique. Le digital est venu en effet radicalement changer la donne. Pendant la crise, l’apprentissage a profondément évolué. Beaucoup de CFA sont passés de 0 % à 100 % de distanciel, démontrant par là même une extraordinaire capacité d’adaptation : pour les cours mais aussi pour le contrôle des connaissances. La digitalisation des formations permet aujourd’hui de créer des classes partout, au plus près des besoins des entreprises et du domicile des apprenants. Couplé aux méthodologies des boot camps ou classes intensives, le système hybride (présentiel + distanciel) encadré par des jurys professionnels de fin d’études et bien évidemment coordonné par des tuteurs, eux-mêmes préparés à cette mission, est une formidable innovation pour réaliser ces formations au plus près des besoins, alors que c’était impossible auparavant.

Quelle est la portée de l’innovation des méthodologies dites de classes intensives ? Le principe en est simple. Inspiré des techniques des camps d’entraînement militaires nord-américains, il s’agit de déployer des sessions d’apprentissage intensives concentrées dans le temps et verticalisées par sujet. Innovation assez radicale à mettre en perspective avec les cursus traditionnels que l’on connaît, dont les plannings pédagogiques sont étagés sur une année, avec parfois plusieurs thèmes abordés par jour tout au long de la semaine. Depuis deux décennies, importées d’abord des États-Unis, les techniques d’apprentissage intensifs se développent partout sur la planète et à une vitesse inédite dans le monde de l’apprentissage. Encore inconnues du grand public il y a trois ans, des sociétés américaines spécialisées en boot camp ont atteint des tailles exceptionnelles en peu de temps (en 2019, 2U a acquis le leader Trilogy pour 750 M$ et Addeco vient d’acquérir General Assembly pour 421,5 M$…). En France, les leaders se nomment Le Wagon ou Webforce 3. Ils conquièrent chaque jour des milliers d’apprenants. Les personnes formées selon ces méthodologies se comptent désormais en millions dans le monde entier. D’abord concentrés sur les sujets informatiques (surtout l’apprentissage du code), ces formations, qui vont de quelques jours à quelques mois, ont très récemment mais très rapidement débordé sur de nombreux secteurs de formation (management/compatibilité/finance mais aussi créativité/ soft skills ou encore cuisine). Bref, aucun secteur n’y échappe.

Les méthodologies d’apprentissage intensif permettent aux apprenants d’assimiler leur formation suivant un découpage en blocs de compétence, sujet par sujet, session par session, et ensuite de mettre en œuvre dans leur entreprise ce qu’ils ont appris, sujet assimilé par sujet assimilé donc. C’est évidemment une avancée utile dans le cas des décrocheurs car elle répond à une problématique critique. Les décrocheurs sont assez loin du monde de l’entreprise en attitude et en compétences : c’est un frein considérable à l’embauche par les entreprises de jeunes alternants. Les boot camps permettent de remettre des sessions d’apprentissage intensif en démarrage du cycle de formation aidant ainsi le jeune à retrouver un savoir-être plus en phase avec les contraintes du monde professionnel, tout en le dotant des compétences utiles dès son entrée dans l’entreprise.

On comprend dès lors que le couplage formation traditionnelle/méthodologies boot camp associé à l’hybridation des cursus entre présentiel et digital va permettre de créer des opportunités de formations partout sur le territoire, au plus près des besoins des entreprises et de la localisation des jeunes, permettant ainsi, par une profonde innovation, de desserrer enfin des contraintes-clés qui rendaient les politiques d’accompagnement des jeunes en difficulté extrêmement complexes et onéreuses à mettre en place. De manière générale, le filon de l’hybridation est en train de considérablement s’enrichir. Pensons aux travaux pratiques virtuels, qui vont permettre d’apprendre un geste technique de façon presque infinie. Des projets, parfois soutenus par les régions, vont permettre de combler le retard français vis-à-vis de pays très en pointe sur ces questions tels que la Corée du Sud.

2. La rÉvolution copernicienne des politiques publiques d’insertion ?

Toutes les politiques d’inclusion sociale par l’emploi, d’aide à la formation, butent cependant sur quelques écueils majeurs qui sont rarement pris en compte dans le débat public au sujet des décrocheurs et plus largement des jeunes en difficulté : un faible appétit pour la formation, peu de dispositions à la mobilité et de lourdes contraintes matérielles. Si l’on veut réussir une politique nationale ambitieuse, il est décisif de surmonter ces difficultés.

Premier écueil, les décrocheurs manifestent peu d’appétit pour la formation ou plutôt n’ont pas été assez accompagnés pour bâtir leur propre projet de formation, celui qui permettra de donner du sens à leur vie professionnelle. Ils ont intégré un sentiment de dévalorisation en partie insufflé par l’institution scolaire. Une orientation efficace est donc névralgique. Elle doit être engagée le plus tôt possible, s’appuyer sur une réelle perméabilité au monde des métiers et être inscrite dans la durée. En ce sens, certains outils du monde de la formation professionnelle pourraient être utilement déclinés, de façon bien sûr très progressive, au sein de l’environnement scolaire : du conseil en évolution professionnelle au bilan de compétences. L’orientation doit s’appuyer sur une cible à atteindre. Beaucoup d’échecs surviennent faute d’ambition de la part de l’élève, relayée par l’institution. Se projeter vers le haut suppose que le monde enseignant, le jeune et sa famille partagent une perspective de réussite. Cela passe par une capacité à gérer et à dépasser les phases, somme toute normales, de doute, voire de découragement.

Comme en témoignent bon nombre de romans récents [12] , une partie de la jeunesse est ainsi dans une position de grande fragilité, vulnérabilité, marginalité sociale. Cette photographie en noir et blanc montre en creux toute l’importance d’être formé pour trouver un métier et se construire un avenir. C’est essentiel à la fois socialement pour les jeunes et économiquement pour les entreprises qui les emploient et cherchent une main-d’œuvre capable et bien formée. Mais, par définition, un décrocheur, c’est quelqu’un qui est sorti du système, qui a cessé d’y croire pour lui-même ou n’y a jamais vraiment cru. Ce jeune-là a passé plus de dix ans dans le système scolaire, la plupart du temps en échec. En effet, le décrochage scolaire, dans l’immense majorité des cas, ne survient pas brusquement entre 15 et 18 ans à la fin du cycle de formation secondaire : il est le résultat d’une dégradation lente et continue, parfois un véritable chemin de croix. Dans son Portrait social de 2013, l’Insee notait que les décrocheurs présentaient des fragilités de compétences dès l’entrée en sixième. Pour ces jeunes, la formation est donc de longue date associée à l’échec, voire à une forme d’humiliation [13] . Beaucoup d’entre eux en ont tiré le sentiment d’être inaptes au développement de nouvelles capacités, sinon définitivement incasables, pour reprendre le titre d’un ouvrage récent [14] . Ils ne croient plus en rien et ont plutôt tendance à rejeter une future formation, synonyme à leurs yeux de nouvel échec. Ils sont souvent marqués, du même coup, par un progressif dépérissement de leur volonté de s’en sortir. Selon la DARES, en 2018, entre 4 % et 5 % seulement des jeunes NEET inactifs et souhaitant travailler recherchaient effectivement un emploi [15] . Bref, ils sont découragés.

Les jeunes en difficulté sont peu mobiles. Les NEET vivent ainsi plus souvent chez leurs parents et ont plus de mal à « décohabiter ». Faute de ressources et d’opportunités, ils évoluent dans un huis clos social et territorial. Une étude de la DARES relevait en février 2020 que « parmi les jeunes sortis de formation initiale, 30 % de ceux qui vivent avec leurs deux parents sont NEET, et 39 % de ceux qui vivent avec un seul parent, contre 21 % pour ceux qui n’habitent avec aucun parent [16]  ». Pour les mêmes raisons, quand ils cherchent une formation, les jeunes les moins favorisés prospectent d’abord au plus près de l’endroit où ils habitent et ont grandi, c’est-à-dire dans l’université de proximité. Et même dans ce périmètre, ils ne peuvent souvent franchir ce premier pas que si l’accompagnement social correspondant, à l’image des bourses, souvent complétées de « petits boulots », est suffisant. Cela implique que c’est plutôt à l’offre d’aller vers eux que le contraire. Offre de formation mieux déconcentrée, couplée à une offre d’emploi contextualisée au bassin de vie. La mobilité peut, en dernier ressort, pénaliser celui qui n’a pas les moyens culturels, économiques ou sociaux pour en tirer profit : « Les chômeurs les moins qualifiés qui sont mobiles ont deux fois moins de chances de retrouver un emploi que ceux qui n’ont pas bougé [17] . »

La contrainte matérielle pèse évidemment très lourd sur les choix de formation et de mobilité des jeunes en difficulté. Le coût des études elles-mêmes n’est d’ailleurs pas le principal paramètre de cette équation : le montant complet des études est souvent peu corrélé avec la gratuité ou non des programmes suivis. Quand une formation payante représente moins du tiers de l’investissement d’un étudiant, le coût de la vie pèse lui le double (voire le triple à Paris) dans la somme totale. Ce qui permet au jeune décrocheur de s’engager dans une formation, c’est souvent moins la gratuité du programme que le financement de sa vie étudiante et, par analogie, de ses mobilités pour formation. Selon l’UNEF, le coût de la vie étudiante oscillait ainsi en 2020 entre 1 318 euros par mois à Paris (dont 885 euros de loyer) et 791 euros à Limoges (dont 355 euros de loyer), soit entre 0,6 et 1,1 fois le Smic net à temps plein. La part incombant aux familles est loin d’être négligeable, et les inégalités de ce point de vue sont très sensibles : en 2015, un jeune adulte représentait selon l’INSEE en moyenne 8 % du total des revenus de ses parents, mais 13 % chez les 10 % les plus modestes et 15 % quand le jeune est étudiant « décohabitant [18]  ». En valeur absolue, le montant de l’aide est cinq fois moins élevé chez les 10 % les plus modestes que chez les 10 % les plus aisés en raison des différents avantages fiscaux dans un modèle en définitif peu redistributif ou, mieux, insuffisamment efficient pour amortir les différences concrètes de situation. L’aide est plus basse encore pour les étudiants dont les parents sont séparés…

Compte tenu du fait que les décrocheurs et les NEET se recrutent surtout dans les milieux modestes et qu’ils cumulent souvent les handicaps d’origine et de contexte, ils se trouvent dans la pire des situations pour assumer les frais quotidiens d’une mobilité pour formation ou reprise d’études, surtout s’ils doivent quitter une petite ville ou un village, où le coût de la vie réel est relativement bas, pour se rendre dans une métropole comme Paris, Lyon ou Bordeaux. C’est pourquoi, pour une grande partie des jeunes d’origine modeste, l’offre de formation de proximité influence fortement leurs choix. En milieu rural, en particulier, le choix est limité par la faiblesse de cette offre. Dans ce cas, la contrainte de mobilité devient un critère discriminant de la poursuite des études ou de la formation [19] … Le choix peut alors dépendre très étroitement de l’existence de structures d’hébergement et d’internats liés aux établissements susceptibles de recevoir le jeune. Un arbitrage d’autant plus contraignant que notre pays connaît dans l’ensemble une pénurie de logements étudiants. Pour n’en donner qu’un exemple, mais peut-être le plus critique, on recensait, en 2015, 330 000 étudiants en Ile-de-France, dont 52 000 boursiers, pour seulement 20 000 logements disponibles dans le parc collectif étudiant [20] . Autrement dit, le logement collectif étudiant francilien ne pouvait pas accueillir plus de deux boursiers sur cinq.

On assiste ainsi à un contraste saisissant : autant un cadre supérieur se définit par sa capacité à s’expatrier à l’autre bout du monde, le plus souvent très volontiers, autant un jeune en difficulté ne peut pas changer de territoire facilement, l’assignation à résidence étant une clé de lecture de son environnement familial et social. L’autocensure fragilise viscéralement les « invisibles [21]  ». Le jeune en difficulté n’a en effet ni les moyens ni la motivation pour bâtir une mobilité, gage de réussite. Le gap est d’autant plus pénalisant quand les « nomades » triomphent de plus en plus des « sédentaires » tant « les emplois nomades restants sont de plus en plus qualifiés et de mieux en mieux payés [22]  ».

La combinaison de ces facteurs sous-représentés dans les analyses apparaît néfaste, voire létale, pour les politiques publiques, souvent très coûteuses, surtout au regard des modestes résultats obtenus.

3. À la recherche de la juste motivation

La clé pour ré-inclure un jeune dans le monde du travail, c’est bien la formation. Et celle pour motiver un jeune à s’engager dans une formation et assumer les coûts correspondants, c’est un contrat qui le rémunère, lui donne des moyens en échange de devoirs. Imaginé par l’armée en Outre-mer, le Service militaire adapté (SMA) traduit bien ce juste équilibre : des droits, notamment à la formation, en échange du devoir, notamment du strict respect des valeurs républicaines. Créé en 1961, le SMA repose sur un équilibre entre 70 % de formation professionnelle, conduisant à une gamme de plus de cinquante métiers, et une formation « citoyenne et comportementale ». Cette dernière part de cinq règles d’or, dont le fait d’être en tenue et le respect de son chef, à travers l’appréhension des droits et devoirs du citoyen.

L’apprentissage répond à ces impératifs. C’est d’abord et avant tout un contrat de travail couplé à une formation : je reviens dans le système avec de l’argent versé en contrepartie de mon engagement. Cet engagement est clairement formalisé. Le contrat précise bien qu’« en tant qu’apprenti, je m’engage à :

– m’investir dans les missions confiées par mon employeur ;

– m’investir tout au long de ma formation au CFA ;

– être présent(e) et assidu(e) aux cours (temps de travail) et dans l’entreprise ;

– respecter les règlements intérieur du CFA et de l’entreprise ;

– me présenter à l’examen prévu au contrat [23] . »

Sans cette discipline professionnelle, sans cette discipline tout court, exigée en face d’une rémunération, il n’y a aura pas de transformation durable. La formation n’est ainsi pas une activité « en attendant un travail » mais c’est plutôt un travail qui sert aussi de formation, à côté, bien sûr, de modalités plus classiques de transmission des connaissances.

L’apprentissage, c’est le médicament efficace sans effets secondaires. Il offre une perspective, un contrat aux jeunes. Il améliore leur professionnalisation et les prépare efficacement à l’entreprise. Il remet la discipline professionnelle au centre de la pratique des jeunes. Indispensable pour les décrocheurs, l’apprentissage est donc très utile pour tous les autres. Il finance les études et le coût de la vie. Il permet aux entreprises d’agir sur la formation pour coller à leurs besoins mais aussi afin d’identifier graduellement les nouveaux talents.

Si nous nous engageons dans le développement massif de classes d’apprentissage au plus près des impératifs des entreprises, là où se trouvent les jeunes, en faisant pour y arriver levier de l’innovation radicale du digital et des méthodologies type boot camp , nous pouvons rapidement, à des coûts abordables, permettre à des dizaines de milliers de jeunes, à commencer par tous les décrocheurs avant et après le bac, de revenir dans le système et d’apporter leur énergie à des milliers d’entreprises qui ont un besoin critique de ces compétences, et cela tout en redynamisant le développement économique de nos territoires. Une dynamique qui peut par exemple s’appuyer sur la nouvelle réalité représentée par les diplomations de bac + 1. Récemment labellisées, les FSS associent fructueusement des soft skills (conduite de projet, travail en équipe, prise d’initiative, adaptabilité, codes de l’entreprise et du monde du travail, etc.), des compétences professionnelles et un passage par l’entreprise. C’est le meilleur moyen pour permettre à un jeune un peu désemparé à son entrée dans l’enseignement supérieur de mettre le pied à l’étrier. À l’issue de cette première année, il peut soit aller vers l’emploi, soit poursuivre son parcours de formation. Dans le premier cas, une validation des acquis de l’expérience pourra être opportune dans cinq, dix ans ou plus, pour suivre un parcours de formation plus complet.

Créée par une loi de janvier 2002, la VAE (validation des acquis de l’expérience) est bien le meilleur moyen de « mieux diplômer l’expérience [24]  ». Beaucoup a été fait pour faire connaître et développer ce dispositif, comme sa prise en compte par le CPF, mais il reste encore des marges de progression qui supposent un certain nombre d’avancées : l’élargissement de l’accompagnement ; l’accélération des recevabilités, à savoir la nécessité de rendre beaucoup plus facile l’ouverture d’un dossier, en la « débureaucratisant » ; la généralisation des VAE collectives, accueillant un noyau d’actifs ayant une situation proche, en termes aussi bien de niveau de compétences que de reconnaissance souhaitée… Dans ce dernier cas, l’effet de groupe comme facteur de succès prime largement sur la motivation liée à un parcours individuel, souvent freiné par des imprévus ou des remises en question. Les reconversions, liées à la crise économique actuelle, vont rendre les VAE incontournables pour les actifs contraints à une transition professionnelle.

C’est donc un enjeu colossal qui pourrait être réalisé en coûtant moins cher que le mille-feuille d’aides et d’accompagnements actuel qui ne fait pas ses preuves, pour les individus comme pour les écosystèmes. Des progrès ont été accomplis pour aller dans cette direction mais il subsiste des obstacles bloquants, aujourd’hui ou à terme.

4. Lever les freins

Le financement de l’apprentissage sera pleinement assuré si nous parvenons à le développer au bon niveau, pour réaliser une transformation nationale d’envergure. L’obligation d’équilibre financier, à laquelle est soumise France Compétences, pose à terme une vraie question de droit public, la péréquation dans le portage de ses missions n’étant qu’une réponse circonstancielle. Le système de financement est aujourd’hui pro-cyclique : plus de cotisations et moins de besoins lorsque la croissance est au rendez-vous et que les opportunités d’emplois sont plus nombreuses ; moins de cotisations et plus de besoins lorsque la crise est là. Or, c’est en période de crise, lorsque les ressources viennent à manquer, qu’il est le plus nécessaire d’investir dans la formation, unique véritable pilule anti-chômage. En définitive, le système favorise l’historique alors qu’il faudrait privilégier l’innovation. Il faut en effet digitaliser, faire du sur-mesure avec les entreprises, parfois localement, et s’adapter aux changements incessants des compétences demandées par le marché du travail.

La crise a révélé toute la pertinence du statut de stagiaire de la formation professionnelle sans contrat en entreprise, à savoir celui du futur apprenti à la recherche de son employeur : un jeune qui a donc choisi l’apprentissage et à qui l’État fait confiance pendant six mois pour identifier le cadre professionnel idoine. Beaucoup de voix s’élèvent pour en souhaiter le maintien mais également la poursuite au-delà du seuil prévu de six mois. Il faut donc aujourd’hui le pérenniser, voire l’amplifier, en permettant le recours beaucoup plus systématique aux groupements d’entreprises [25] lorsque le tissu local ne permet pas d’offrir assez de contrats classiques et en multipliant le recours aux missions d’intérêt général et d’utilité collective. Les missions locales font, par exemple, un travail tout à fait remarquable pour identifier et accompagner beaucoup de jeunes en difficulté.

L’adéquation de l’offre de formation aux enjeux des territoires est un défi majeur. Il est aujourd’hui névralgique de concevoir et de déployer la bonne offre de formation et de services. Elle doit répondre aux besoins de l’emploi local, aux caractéristiques des publics ciblés, à la disponibilité de formateurs qualifiés, aux partenariats possibles… Un modèle pédagogique et de soutenabilité financière résulte en ce sens de l’accès aux bonnes informations sur le bassin d’emploi concerné et en particulier à la juste appréhension à la fois des domaines saturés et des secteurs d’avenir. Les défis nouveaux liés à des emplois à créer sont inséparables d’une action en faveur de l’entrepreneuriat ; tout cela étant corrélé en amont à une orientation ciblée, qui permettrait aux jeunes de se projeter dans leur future insertion professionnelle. Sinon, le risque existe de voir un entrepreneur chercher des solutions alternatives type délocalisation ou remplacement du capital humain par un recours contraint à des solutions technologiques [26] .

La constitution et le recours systématique au groupement d’entreprises représentent une piste fructueuse. L’assouplissement du contrat d’alternance pour coller à la réalité des groupements représente en ce sens un élément décisif dans la réussite d’une politique nationale ambitieuse d’accompagnement des jeunes en difficulté dans les territoires. Le Covid-19 engendre une crise sans précédent. Perte de repères et surtout de confiance en soi se conjugue avec une fragilisation du lien social. L’avenir économique semble circonscrit à des difficultés qui s’accumulent : pour suivre une formation, connaître des moments de passage par l’entreprise, se projeter dans un avenir professionnel digne de ce nom… Il faut aller vite pour former les individus aux métiers en tension non pourvus qui pénalisent gravement le développement de nombreuses activités, pendant que d’autres secteurs débauchent massivement. Aller vite, c’est débloquer les freins administratifs à la reconnaissance des nouvelles formations mais aussi pouvoir faire évoluer, parfois en profondeur, tous les référentiels qui en constituent le socle, permettre partout et sans attendre la digitalisation des cursus. Nous devons faire, faire, faire. Évidemment, il y aura des erreurs et des contresens qu’aucun contrepoids administratif ne pourra empêcher. Mais la situation sociale de notre pays et la crise du Covid-19 nous imposent des ruptures d’innovation.

Nous sommes bien face à un défi historique. La technologie et la volonté politique ont rendu possible la mise en œuvre d’une campagne de professionnalisation, de resocialisation et de formation extrêmement ambitieuse à l’échelle nationale, dans tous nos territoires. La situation l’exige sans délai. Soit nous risquons l’immobilisme, et cette opportunité ne se présentera plus, soit nous innovons, et nous passons à la vitesse supérieure au-delà des clivages et des résistances traditionnelles. C’est alors que nous réaliserons collectivement une politique d’inclusion massive et pérenne. Vu l’intensité des difficultés actuelles, les acteurs de la formation, et tout l’écosystème qui l’accompagne, seront comptables dans les années qui viennent d’avoir réussi ou non à relever cet immense défi. C’est en définitive la justice sociale par les capabilités, par l’ empowerment . Une ambition exaltante !

  1. Olivier Faron, Thibaut Duchêne, Former , préface de Jean Arthuis, Paris, Editions de l’aube, 2019, p. 54–55.

  2. Martin Andler, Daniel Bloch, Jules Donzelot, Constance Hammond, Guillaume Miquelard-Garnier, Martin Richer et Arnaud Thauvron, « Viser plus haut » : de nouvelles ambitions pour démocratiser l’enseignement supérieur », Terra nova, 2 octobre 2019.

  3. Benjamin Disraeli, Sybil, or The Two Nations , 1845.

  4. Un « décrocheur » est un jeune qui quitte un cursus de formation sans obtenir la certification ou le diplôme visé par cette formation.

  5. Dares Analyses , « Contrat aidé et formation : quels profils de décrocheurs scolaires sont privilégiés par les recruteurs ? », octobre 2020, n° 33 (travail-emploi.gouv.fr) .

  6. Insee, Insee Focus , n° 229, mars 2021.

  7. Céreq, « Des débuts de carrière plus chaotiques pour une génération plus diplômée », BREF , n° 382, 2019.

  8. Céreq, « Une insertion plus difficile pour les jeunes « recalés » à l’entrée du supérieur », BREF , n° 399, 2020.

  9. « Que sont devenus les décrocheurs du confinement ? », Le Monde , 10 octobre 2020.

  10. Henri Lachmann et Jean-Pierre Boisivon, « Développer l’apprentissage : un enjeu pour la compétitivité, pour l’emploi et pour la justice sociale », Terra Nova et Institut Montaigne, mars 2017 (tnova.fr) .

  11. Les OPCO remplacent les OPCA : les Organismes paritaires collecteurs agréés.

  12. Il est frappant de constater la multiplication récente de romans, souvent d’excellente facture, racontant cette jeunesse en situation d’abandon social et de révolte larvée ou non. À titre d’exemple : Marin Fouqué, 77 , Arles, Actes Sud, 2018 ; Rebecca Lighieri, Il est des hommes qui se perdront toujours , Paris, P.O.L., 2020 ; David Lopez, Fief , Paris, Seuil, 2017 ; Nicolas Mathieu, Leurs enfants après eux , Arles, Actes Sud, 2018.

  13. Agathe Dardier, Nadine Laïb et Isabelle Robert-Bobée, « Les décrocheurs du système éducatif : de qui parle-t-on ? », France, portrait social , Insee, 2013.

  14. Rachid Zerrouki, Les Incasables , Paris, Robert Laffont, 2020.

  15. Dares, « Les jeunes ni en études, ni en emploi, ni en formation (NEET) : quels profils et quels parcours ? », Analyses , n° 6, février 2020.

  16. Ibid .

  17. Thomas Sigaud, « La mobilité géographique : ressource ou fragilité pour l’emploi ? », Connaissance de l’emploi , novembre 2015.

  18. Insee, « Combien coûte un jeune adulte à ses parents ? », Références , 6 juin 2018.

  19. T. Berthet, S. Dechezelles, R. Gouin, V. Simon, « La place des dynamiques territoriales dans l’orientation scolaire », Formation Emploi , n° 109, 2010/1, p. 37–52.

  20. Voir M. Andler, A. Weber, E. Farnoux, A. Crenn, J.-Y. Mano, X. Ousset et M. Prévot, « Faire du logement une stratégie universitaire », Terra Nova, 30 septembre 2015. En 2015, notre pays comptait 2,4 millions d’étudiants dont un tiers vivant chez leurs parents (contre la moitié à la fin des années 1990). Sur les 1,6 million d’étudiants devant trouver une solution de logement, deux tiers se tournaient vers l’offre locative privée. Restaient plus de 500 000 étudiants se disputant des places trop rares en résidences universitaires ou dans le logement social…

  21. Salomé Berlioux et Erkki Maillard, Les Invisibles de la République , Paris, Robert Laffont, 2019.

  22. David Djaïz, Slow démocratie. Comment maîtriser la mondialisation et reprendre votre destin en main , Paris, Allary éditions, 2019, p. 142.

  23. Ces informations sont tirées du Guide pour l’apprentissage, réalisé par les Chambres des métiers et de l’artisanat, en l’occurrence celle de Haute-Garonne.

  24. Danielle Kaisergruber, Abdoul Karim Komi et David Rivoire, « Libérer la VAE. Comment mieux diplômer l’expérience », Terra nova, février 2018.

  25. Le groupement d’entreprises ou co-traitance renvoie à l’union de différents prestataires indépendants, décidant d’intervenir de manière conjointe, notamment en vue de la présentation d’une offre commune.

  26. Cf . Olivier Faron, Thibaut Duchêne, op. cit. , p. 21.

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