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Revue de presse

Attractivité : le numérique, bouée de secours des zones rurales ?

Dans un rapport dévoilé ce mercredi 11 janvier, le think tank Terra Nova et Google publient sept propositions pour renforcer l’attractivité économique et démographique des territoires les plus isolés grâce au numérique. Quelque 3.576 communes, représentant 1,2 million d’habitants, sont particulièrement victimes de la fracture numérique.
Publié le 

Par Sylvain Rolland

Sorèze, petite ville du Tarn située à 27 kilomètres de Castres, 2700 habitants. La quincaillerie TomPress, créé par la famille Louberssac en 1921, ferme en 1995 pour raisons économiques. Un exemple parmi tant d’autres de la difficulté de survivre en milieu rural, sur un territoire isolé, trop éloigné de la ville pour attirer la clientèle. Pourtant, la famille ne renonce pas. Convaincue qu’il existe un public pour ses outils de cuisine de qualité artisanale, les Louberssac se convertissent en 2000 au numérique et décident de vendre en ligne, à destination des particuliers et des professionnels. Le pari est payant. Aujourd’hui, le site TomPress.com propose plus de 2.000 références. L’entreprise a même créé un « showroom » de 200 mètres carrés, toujours à Sorèze. Grâce à l’e-commerce, la structure familiale s’est offert une deuxième vie et fait travailler la quatrième génération de Louberssac.

Les territoires isolés trop éloignés du « monde qui change »

Hélas, cette belle reconversion par le numérique est une exception. C’est le constat dressé par le cercle de réflexion Terra Nova, dans une étude menée conjointement avec Google. Pendant cinq ans, le think tank classé à gauche a rencontré des dirigeants de TPE-PME et des élus locaux dans toute la France. Ils se sont concentrés sur les territoires les plus isolés, c’est-à-dire ceux où moins de 25% de la population active travaille dans une aire urbaine. Soit 3576 communes (10% du total) représentant 1,2 million d’habitants.

« Le numérique permet fondamentalement à n’importe quelle activité économique, si modeste soit-elle, d’accéder à une visibilité sans frontière, explique Thierry Pech, le directeur général de la fondation Terra Nova. Certains le comprennent rapidement et font de véritables merveilles, comme TomPress ou encore Pêcheur.com, une entreprise de Gannat, en Auvergne, devenue le site de référence pour la vente en ligne d’objets de pêche », ajoute-t-il.

Mais en général, les territoires isolés ont tendance à se replier sur eux-mêmes. La fuite des jeunes attirés par les villes, la fermeture des petits commerces, la raréfaction des services publics de proximité, la crise des finances publiques ainsi que le déclin agricole et industriel ont entraîné un « fort sentiment d’abandon, l’impression d’être les oubliés de l’histoire, de ne pas profiter du monde qui change », note le rapport.

Manque d’outils pour s’adapter à la nouvelle économie

Sur la base d’exemples de réussites locales, Terra Nova fait au contraire le pari que la transition numérique, qui représente une mutation structurelle de l’ensemble du tissu productif, social et politique, n’est pas une menace pour ces territoires. « Les nouveaux usages et outils permettent d’envisager un désenclavement, un développement économique différent, plus déconcentré, une qualité de services publics et de santé réellement égalitaires sur l’ensemble du territoire national », écrit l’étude.

Problème : les pouvoirs publics et les syndicats ne sont clairement pas au rendez-vous. Et les populations manquent d’outils. Pour John Billard, vice-président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) et maire de Le Favril, un village 350 habitants dans l’Eure-et-Loir, il est « urgent d’identifier les freins et de proposer des solutions ».

Télétravail, télémédecine, économie collaborative, rôle des Régions

Terra Nova livre donc sept propositions. La première serait créer un Office régional numérique dans chacune des régions. Ce serait le « point d’entrée unique pour les entreprises », chargé d’aiguiller les entreprises dans leur transformation digitale, notamment pour les conseiller et les mettre en contact avec des organismes ou acteurs pouvant les aider.

Terra Nova préconise également de développer la formation des compétences numériques de base (code informatique pour créer un site, maîtrise des réseaux sociaux…) dans les formations professionnelles et continues, par exemple en créant des modules complémentaires dans les programmes existants. Les maires, qui impulsent la dynamique des territoires, doivent aussi être accompagnés, estime le rapport.

Le développement de la télémédecine (téléconsultation, actes de télé-suivi, création de maisons de santé…) est aussi perçu comme un moyen efficace d’améliorer l’attractivité des territoires isolés, tout comme les pratiques d’économie collaborative. Airbnb, par exemple, est déjà présent dans 30% des communes situées dans les territoires isolés, et permet ainsi, dans deux tiers des cas, de palier à l’absence d’hôtels. « L’économie collaborative valorise un capital souvent peu utilisé (logements, véhicules, matériel agricole…) », estime Thierry Pech.

Enfin, lever les freins à l’adoption du télétravail apparaît essentiel, à la fois pour pousser à la création de startups du numérique en pleine campagne, mais aussi pour permettre à des cadres de revenir dans des zones rurales plutôt que de déménager dans les centres urbains. Pour cela, une négociation interprofessionnelle est souhaitable, « pour faire évoluer le cadre légal ». Mais il faudra aussi faire évoluer les mentalités sur le télé-travail, celui-ci étant toujours snobé par une grande majorité d’entreprises.

La question cruciale des réseaux

Reste une question cruciale, celle de la connectivité. Car les territoires les plus isolés sont aussi ceux où la qualité de la connexion à internet est la plus mauvaise. « Les trois quarts des bâtiments de ces zones ont un débit trop faible pour permettre le télétravail ou la télémédecine », regrette John Billard. D’après l’étude, seuls 22% de ces territoires ont accès au très haut débit, et à peine 0,5% à la fibre.

Le Plan France Très Haut Débit, qui vise à couvrir l’ensemble du territoire d’ici à 2022, est donc attendu de pied ferme par les maires ruraux. En attendant, 3.800 communes situées en zone blanche recevront la 2G et la 3G en 2017, d’après le gouvernement. Un progrès, mais toujours insuffisant pour une connexion vidéo de bonne qualité.

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