Le nouveau rôle international des villes (et pourquoi il faut l’encourager)
La voix des maires, sur un nombre croissant de sujets, porte désormais loin au-delà de leurs communes. Les maires prennent la parole sur des enjeux globaux : réchauffement climatique, politiques de développement, migrations, droits fondamentaux… Ils se donnent pour cela des outils de coopération et d’échange de bonnes pratiques. Ils sont devenus des acteurs diplomatiques développant leur propre agenda politique, parfois en opposition avec leurs autorités nationales. Ces actions ne sont pas réservées aux métropoles mais concernent aussi des villes petites et moyennes. Au-delà des enjeux institutionnels des réseaux de ville (Eurocities, C40 etc.), cette note étudie l’ampleur de ce mouvement et identifie des obstacles au déploiement de nouvelles initiatives.
Plusieurs raisons expliquent cette montée en puissance des villes à l’échelle internationale. La première vient de leur poids démographique et économique qui en font des acteurs de premier plan. La deuxième raison est la prise de conscience que les villes représentent, sur beaucoup de sujets, l’échelle pertinente pour répondre à certains défis émergents comme le réchauffement climatique, les mobilités ou l’intégration. La troisième raison vient du constat des limites de la diplomatie traditionnelle, réservée aux Etats et aux institutions internationales. En engageant le dialogue entre elles, les villes montrent la pertinence de leur échelle d’action et leur faculté à contourner les blocages des politiques nationales.
L’intérêt actuel pour l’action internationale des villes s’inscrit dans la suite du mouvement de dialogues transnationaux initié par les villes dès le début du XXe siècle. Au fil du temps, l’intention idéaliste initiale, tournée d’abord vers la paix et la fraternité internationaliste, a laissé la place à des politiques d’aide au développement puis, plus récemment, à une action dynamisant le développement économique local, les maires développant le « marketing » de leur ville. Il apparaît aussi que l’action internationale présente un potentiel intégrateur pour les villes, à condition que les actions mobilisent les habitants et soient un instrument de participation. Mais pour développer ces actions, des obstacles restent à lever. Car, malgré la présence d’un cadre juridique parmi les plus favorables au monde, les villes françaises sont, dans l’ensemble, moins actives que celles d’autres pays.
Ainsi, la nouvelle organisation en intercommunalité crée un trouble dans la gestion des projets : à qui revient l’animation de l’action internationale ? Et qui en maîtrise le budget ? Le risque d’un ralentissement des initiatives a poussé l’Etat français à renforcer son soutien financier et son accompagnement de l’action des villes. Mais l’obstacle le plus fréquent reste le manque d’implication locale, quand les projets internationaux sont vus comme un choix personnel du maire, ou comme un projet avant tout institutionnel, sans lien avec les priorités des habitants. C’est pourquoi, les équipes municipales doivent privilégier la co-construction de leurs projets internationaux, afin que l’action diplomatique des villes puisse bénéficier des énergies et de la créativité de tout l’écosystème local et devienne un élément renforçant la participation des habitants aux grands choix de leur ville.
1 . L’action internationale des villes 5
Introduction
Au cours des dernières décennies, un nombre croissant de villes, à travers le monde entier, ont mis en place des actions qui dépassent leurs frontières nationales et qui les amènent à interagir directement avec de nombreux autres acteurs du reste du monde.
Cette pratique, initiée dès la première moitié du XX e siècle comme une forme de coopération technique entre villes de différents pays, s’enrichit, après la Seconde Guerre mondiale, d’une forte ambition politique. Dans une Europe ravagée par la guerre, les gouvernements centraux des anciennes puissances belligérantes encouragent leurs villes à tisser des liens à travers des accords de coopération, qui prennent souvent la forme du jumelage. C’est ainsi que naît la « coopération décentralisée », terme encore diffusé aujourd’hui mais qui ne couvre pas l’entièreté de l’action internationale des villes.
D’instrument au service de la réconciliation, les villes découvrent en effet dans ce geste international une vocation aux contours toujours plus vastes. Au fil des décennies, elles s’approprient des outils et des compétences divers nécessaires pour dessiner leur propre stratégie d’action internationale, en choisissant, de manière le plus souvent autonome, leurs propres objectifs, partenaires et méthodologies.
Cette dynamique, en évolution continue, n’a pas manqué de susciter, du moins au début, les réserves des gouvernements centraux, soucieux d’une appropriation des compétences régaliennes. Si certaines actions, en effet, rappellent l’action diplomatique des États (positionnement à l’international, aide au développement, échange de bonnes pratiques), les villes ont su montrer leur capacité à développer une voie autonome, et inédite, pour leur action. Un geste qui repose sur la conviction de nombreuses municipalités que l’échelle locale est la mieux placée pour faire face aux grands défis transnationaux que sont le développement durable, le changement climatique, la diversité culturelle, les migrations, la sécurité, la place de la technologie dans l’espace public, etc. Une conviction de plus en plus partagée par divers acteurs locaux (ONG, entreprises privées, centres de formation et recherche, musées, etc.) et internationaux (réseaux de villes, organisations internationales) et même, comme dans le cas de la France, par des gouvernements centraux.
La France offre pourtant un exemple représentatif de l’écart qui peut se former entre les opportunités qu’offre l’international, d’un côté, et la volonté et la capacité de les saisir, de l’autre. Les villes françaises souhaitant s’engager à l’international peuvent bénéficier d’un cadre juridique et d’appuis financiers et techniques parmi les plus favorables au monde. Si cela a permis à un nombre d’administrations municipales de différentes taille et couleur politique d’intégrer l’international dans leur politique urbaine, pour la majorité d’entre elles le potentiel de cette action reste largement à explorer. Pour des raisons diverses, qui seront présentées dans les pages suivantes, la stratégie internationale de ces villes est inexistante ou se limite à des actions isolées ou à des jumelages peu actifs, dont les habitants ne sont, pour la plupart, pas au courant [1] . Pourtant, les exemples vertueux dans ce sens ne manquent pas. Là où l’on assiste à la mise en pratique d’une stratégie internationale bien définie et inclusive, capable de mobiliser les énergies locales, l’investissement des administrations municipales ne manque pas d’être récompensé par de nombreuses externalités positives impactant la ville, ce qui est généralement apprécié par la population.
Cet écart entre les outils mis à disposition et leur utilisation concrète de la part des villes françaises constitue ainsi la première question de ce rapport qui, à l’aube des élections municipales, souhaite animer le débat politique autour de l’action internationale de la ville pour les années à venir et en encourager l’adoption. Après une présentation de l’évolution de l’action internationale des villes en France et à l’international, le rapport en analysera les principaux freins et obstacles, en proposant des outils pour les contourner et des indications concrètes pour faire des prochains scrutins municipaux l’occasion de développer cette politique publique encore peu connue.
1. L’action internationale des villes
1.1. Les origines : réseaux de villes et jumelages
Initiée il y a seulement un siècle, l’action internationale représente un volet relativement récent de la politique municipale. On s’accorde généralement à dire que son origine se trouve dans l’Exposition universelle de Gand en 1913. Émile Braun, alors maire de la ville flamande, convia à cette occasion les maires du monde entier pour fonder le premier réseau international de villes, l’Union internationale des villes, ré-intitulée, à partir de 1928, International United Local Authorities (IULA) suite à un virage anglophone. Ce réseau global s’était fixé pour objectif d’initier une véritable coopération internationale dans l’administration, la construction et l’aménagement des villes. Interrompue par deux fois lors des deux Guerres Mondiales, cette volonté de collaboration se renforce et se diffuse dans le second après-guerre. En même temps que des instances multilatérales telles que le Conseil des communes d’Europe créé en 1951 (qui deviendra plus tard le Conseil des communes et régions d’Europe, CCRE), les relations bilatérales entre villes se multiplient. À ce titre, le développement des « jumelages » soutenus conjointement par les villes et les gouvernements reflète une forte ambition politique : récréer un lien d’amitié entre les citoyens, y compris entre anciens pays ennemis. En ce sens, le jumelage le plus symbolique est probablement celui signé en 1959 entre Coventry en Angleterre et Dresde en Allemagne, deux villes presque complètement détruites par les bombes de la Seconde Guerre mondiale et désormais réunies dans un jumelage, dont émane une évidente volonté de paix et de réconciliation.
Depuis son origine, l’engagement municipal pour la paix internationale est une constante de la géopolitique contemporaine et pousse parfois les villes à se positionner contre l’escalade militaire menée par leurs gouvernements centraux respectifs. En 1955, le maire de Florence, Giorgio La Pira, convoque dans sa ville le « Congrès des maires des villes capitales » : 59 villes du monde entier – parmi lesquelles celles d’Union soviétique et même de la République populaire de Chine pas encore reconnue officiellement par les gouvernements occidentaux – réaffirment leur volonté de nouer des relations pacifiques tout en dénonçant la guerre. La déclaration de La Pira à cette occasion constitue l’une des premières définitions de la diplomatie des villes : « Nous donnerons vie, pour ainsi dire, à un nouvel instrument diplomatique : un instrument qui exprime la volonté de paix des villes du monde entier et qui tisse un pacte de fraternité à la base même de la vie des Nations » (La Pira, 2015). Le nom de La Pira est également associé à celui de la Fédération mondiale des cités unies (FMCU), qu’il présida de 1965 à sa mort, en 1977.
Créée le 27 avril 1957 à Aix-les-Bains par l’ancien résistant Jean-Marie Bressand, sous le nom de Fédération mondiale des villes jumelées, la FMCU portait la volonté de fédérer les villes du monde en complémentarité avec l’IULA mentionnée ci-dessus. Suite à un processus de rapprochement débuté en 1995 ayant pour but de rationaliser leurs actions, les deux organisations décident en 2004 de fusionner. De cette fusion, à laquelle participe également Metropolis, le réseau des grandes villes du monde, naît Cités et gouvernements locaux unis (CGLU), le réseau de villes le plus vaste et le plus représentatif. Basé à Barcelone, le CGLU représente, à travers ses membres directs et indirects, 70 % de la population mondiale et se considère le porte-parole des villes auprès des grandes instances internationales dans tous les volets de l’action municipale [2] .
Sur le plan européen, au CCRE s’ajoute en 1986 Eurocités, réseau lancé par les « villes secondaires » de Lyon, Milan, Francfort, Birmingham et Rotterdam. Siégeant à Bruxelles, Eurocités compte aujourd’hui plus de 140 grandes villes européennes et a su s’imposer comme partenaire privilégié de l’Union européenne dans la politique urbaine.
Au-delà de ces grands réseaux internationaux de villes, on notera qu’il existe également plus de 200 autres réseaux, à des échelles géographiques variées. Au niveau mondial, on peut citer les deux principaux réseaux de lutte contre le changement climatique, ICLEI (Bonn) et C40 (Londres) ou encore le World Cities Culture Forum (également basé à Londres). À l’échelle régionale, on retrouve entre autres Mercociudades (pour les villes des pays membres et associés du Mercosur, qui siège à Montevideo) ou encore CityNet (pour la région Asie-Pacifique, qui siège à Séoul). Certains réseaux nationaux comprennent par ailleurs souvent un volet international, comme la Fédération canadienne des municipalités (FCM, crée en 1901), l’Association nationale des communes italiennes (ANCI, 1901) et l’Association des maires de France (AMF, 1907). D’autres réseaux encore se fondent sur des liens historiques et culturels : c’est le cas de l’Association internationale des maires francophones (AIMF, crée en 1979, basée à Paris) ou de l’Union des villes capitales ibéro-américaines (UCCI, crée en 1982 et basée à Madrid). Certains réseaux se constituent autour de situations géographiques communes, comme avec le réseau mondial des villes portuaires (AIVP, Association internationale villes et ports, créée en 1988, siège au Havre) ou l’association Villes atlantiques (créée en 2000, siège à Rennes, 19 villes membres de la façade de l’océan Atlantique en France, Portugal, Espagne et Irlande).
Enfin, de nombreux réseaux thématiques ont été impulsés par des organisations internationales, avec lesquelles ils restent étroitement liés en termes de gestion et de fonctionnement. C’est le cas de Villes-Santé de l’Organisation mondiale de la santé (créé en 1986), du réseau Ville amie des enfants de l’UNICEF (1996), du Réseau des villes créatives de l’UNESCO (2004) ou de Cités interculturelles du Conseil de l’Europe (2008).
Si le but de créer une connexion entre les villes demeure la vocation principale de la majorité de ces réseaux, les champs d’action sont très variés et couvrent tous les volets de l’action municipale, avec une prépondérance notable de réseaux dédiés aux questions environnementales, à la culture et à la lutte contre les inégalités (UCL City Leadership Laboratory, 2017). À noter toutefois que cette multiplication des réseaux (ils n’étaient que 55 en 1985) génère des doublons et exige donc, pour les villes, de sélectionner avec attention ceux qui peuvent le mieux les accompagner en fonction de leurs ambitions politiques.
1.2. La voix des villes à l’international
Au cours des dernières décennies, un nombre croissant de villes ont mis en place des mesures de plaidoyer vis-à-vis des grands défis communs tels que l’urbanisation, le changement climatique, les violations des droits de l’homme, le terrorisme et les migrations. On assiste ainsi à des nombreuses prises de position formelles, notamment à l’occasion des journées internationales célébrées par les Nations unies (Journée mondiale de l’alimentation du 16 octobre, Journée mondiale de l’enfance du 20 novembre, Journée mondiale de lutte contre le sida du 1 er décembre, etc.), qui visent à exprimer la solidarité de la ville à des groupes ou même des individus en détresse [3] . La pratique est particulièrement fréquente en Europe et se concrétise par l’organisation d’événements par la municipalité ou sous son patronage (conférences, expositions), souvent accompagnés par un habillage particulier de la façade de l’hôtel de ville (éclairages, pancartes, banderoles).
Parallèlement à cela, on retrouve les campagnes multilatérales de plaidoyer, le plus souvent dans le cadre de réseaux de villes, susceptibles de bénéficier du poids politique et de la visibilité médiatique cumulés de leurs membres. Ces initiatives, destinées à l’opinion publique locale, nationale et internationale, partagent une vision politique qui attribue à l’échelle municipale une place centrale dans les débats internationaux, en évoquant des arguments basés sur des éléments quantitatifs et qualitatifs. Côté quantitatif, le poids démographique des villes est très fréquemment évoqué dans ces démarches, notamment le fait que la population mondiale est, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, majoritairement urbaine (55 %, pour arriver à 68 % au 2050) (UNDESA 2018). Dans le cas du développement durable, les références au poids des villes dans l’économie mondiale sont très fréquentes : l’exemple plus célèbre est celui des 25 % du PIB mondial représenté par les 96 villes membres du C40, ou celui des 4 milliards d’euros que 21 villes membres d’Eurocités se sont engagées à dédier aux actions sociales entre 2019 et 2024 (Eurocities 2019).
Du point de vue qualitatif, les réseaux des villes veillent à ce que l’opinion publique et les institutions nationales et internationales soutiennent leurs actions face aux défis transnationaux en mettant en avant les avantages d’une approche locale. La dimension urbaine est ainsi considérée comme celle qui est la plus impactée par ces défis et donc la plus apte à leur faire face. Un exemple en est la façon dont le réseau de villes Strong Cities, dédié à la lutte contre l’extrémisme violent, présente son action : « Partout dans le monde, les villes sont en première ligne pour renforcer la résilience à l’extrémisme violent. Le SCN reconnaît que les villes sont particulièrement bien placées pour protéger leurs citoyens de la polarisation et de la radicalisation grâce à des partenariats avec les communautés locales » (site de SCN, février 2020).
Le développement durable est le secteur où le plaidoyer des villes a su le mieux communiquer ses ambitions et ses résultats, en obtenant en retour une reconnaissance internationale. Partant de l’observation que les villes sont au fondement de l’urgence climatique en produisant entre 40 % et plus de 70 % des émissions de gaz à effet de serre, selon le modèle utilisé (Moran et al 2018, Pwc 2017, Un-Habitat 2011), plusieurs réseaux de villes revendiquent les effets de leurs actions face à ce défi mondial. Leur stratégie porte essentiellement sur la diffusion des résultats de l’action collective de leurs membres, en développant ainsi un argument fort au soutien de la diplomatie des villes. Le réseau C40 s’est ainsi doté d’une division pour la City Diplomacy et souligne que 30 % des initiatives de ses membres au sujet du climat se déroulent dans le cadre de la coopération transfrontalière, moyen indispensable à la réalisation, de 2016 à fin 2020, des 14 000 actions considérées comme nécessaires pour s’insérer dans la trajectoire de l’Accord de Paris et poursuivre vers une neutralité carbone à l’horizon 2050 (site web C40, février 2020). Le réseau 100 Resilient Cities (aujourd’hui Global Resilient Cities Network) a mis en avant les 192 partenariats entre villes et acteurs publics et privés et les plus de 2 600 actions locales réalisées dans le cadre de leur action (site web 100 Resilient Cities, février 2020). Le réseau Cities Alliance, dédié à la lutte contre la pauvreté urbaine, a su structurer une campagne efficace autour de l’effet de levier des subventions versées : 31 millions de dollars en assistance technique mis en place dès 2009, capables de produire 1,7 milliard de dollars en investissement pour le développement urbain durable (site de Cities Alliance, février 2020).
Malgré quelques exceptions liées à des objectifs parfois trop optimistes [4] , la coopération décentralisée a pris de l’ampleur, la place des villes étant reconnue et leur engagement célébré au sein des grands instances et programmes internationaux. On retrouve ainsi un objectif de développement durable qui leur est dédié (Objectif 11 : « Faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables », 2015), ou l’inclusion, dans le Nouveau Programme pour les villes, adopté lors de la Conférence des Nations unies sur le logement et le développement urbain durable (Habitat III) à Quito en Équateur le 20 Octobre 2016, d’un renforcement de la coopération internationale pour la mise en place de cadres de développement durable locaux.
Les villes sont d’ailleurs désormais présentes aux grands sommets mondiaux des Nations unies, notamment autour des sujets de l’environnement et des migrations.
La création du poste d’envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU pour les Villes et le Changement climatique, attribué en janvier 2014 à l’ancien maire de New York et président du conseil d’administration du C40 Michael Bloomberg, est à lire comme une reconnaissance des actions locales dans l’accomplissement de cet objectif global.
L’Union européenne, pour sa part, a renforcé, au cours des dernières années, ses politiques d’appui aux villes, en les intégrant progressivement dans ses politiques et ses initiatives. Tout particulièrement, les villes ont été formellement reconnues comme des acteurs fondamentaux du progrès social et économique et de la cohésion de l’Union. L’Agenda urbain pour l’UE, lancé en 2015, intègre les souhaits exprimés par les villes et leurs réseaux (CCRE et Eurocities) en termes d’amélioration de la règlementation sur les villes, de renforcement des échanges avec la Commission et d’une simplification de l’accès aux fonds européens. L’Agenda présente ainsi comme premier objectif celui d’« exploiter pleinement le potentiel et les contributions des zones urbaines en vue de l’accomplissement des objectifs de l’Union et des priorités nationales associées et ce, dans le respect des compétences et des principes de subsidiarité et de proportionnalité » (UE 2016).
Les villes européennes ont d’ailleurs la possibilité d’accéder à une pluralité de subventions, qui incluent notamment les fonds structurels et d’investissement européens : au moins 5 % du Fonds européen de développement régional (FEDER) pour la période 2014–2020 doit être consacré à l’urbain.
Parmi les programmes européens qui visent à appuyer directement l’action des villes, on retrouve notamment Urbact, visant à soutenir les échanges de bonnes pratiques entre villes qui partagent les mêmes défis ou souhaitent profiter des mêmes opportunités (enveloppe de 96,3 millions d’euros pour la période 2015–2020). Les villes peuvent d’ailleurs participer aux programmes Horizon 2020, soutenant la recherche et l’innovation au sein de l’UE (enveloppe de 80 milliards d’euros pour la période 2014–2020) et Life, l’instrument financier au soutien des projets en matière d’environnement, de préservation de la nature et de lutte contre le changement climatique (1,1 milliard pour la période 2014–2020).
Dans ce cadre, et compte tenu du fait que 60 % des politiques locales et régionales sont influencées directement par la politique européenne (Vallier 2019), connaître ces instruments financiers est une nécessité pour les villes de l’Union.
1.3. L’action internationale économique
Absente dans la formulation initiale de l’action internationale des collectivités locales, la composante économique représente, depuis un peu plus d’une dizaine d’années, un de ses volets principaux. Les villes sont de plus en plus conscientes de leur poids économique – les grandes villes globales ont désormais des PIB équivalents à ceux d’une économie nationale de taille moyenne. Les villes ont ainsi progressivement favorisé le développement de « l’entreprenariat des villes » (Acuto 2013), qui voit le maire agir sur la scène économique de façon similaire à un dirigeant d’entreprise, notamment en prenant la tête de missions économiques à l’étranger.
Ayant pour but de renforcer l’économie locale à travers une ouverture à l’international, cette démarche se traduit par une multitude d’actions, qui vont de l’accompagnement des entreprises locales à des stratégies de marketing territorial, en passant par la création de partenariats avec des acteurs étrangers publics et privés. Une action internationale réussie sur le plan économique comporte donc comme prérequis la capacité de la municipalité à collaborer avec le secteur privé. Cela se concrétise notamment dans création de sociétés d’économie mixte chargées de cette tâche, à l’image de la New York City Economic Development Corporation ou encore de London&Partners.
L’essor de cette forme d’action internationale s’explique principalement par sa rentabilité financière, un « retour sur investissement » plus facilement identifiable et communicable aux électeurs que des actions de plaidoyer ou de solidarité internationale. C’est pourquoi les villes des pays occidentaux se sont souvent tournées vers celles des pays aux marchés internationaux les plus prometteurs, notamment au sein des économies asiatiques à forte croissance, Chine, Japon et Corée du Sud en tête. Les secteurs économiques concernés par ces partenariats sont très variés et recouvrent la production de biens et services, le soutien à des startups étrangères, la recherche et l’innovation technologique, le tourisme (culturel et d’affaires) ou encore l’enseignement supérieur (notamment dans la volonté d’attirer des étudiants étrangers).
Concrètement, cette action économique s’accompagne souvent d’une réflexion sur l’image de la ville et le récit qui l’accompagne, afin de les rendre identifiables et attractifs auprès des acteurs économiques et des populations étrangères. Cette stratégie de « branding » applique ainsi aux territoires des logiques traditionnellement rattachées au secteur privé – dont la concurrence, qui risque d’accentuer les inégalités entre les villes ayant les moyens de développer cette action et celles qui ne les ont pas.
1.4. Relations entre les deux diplomaties
Les premières frictions entre les actions diplomatiques nationale et municipale remontent aux années 1970 où, aux États-Unis, naissent les premières « villes refuges » en soutien aux manifestations organisées dans plus de 350 villes afin de protester contre la politique étrangère du gouvernement Reagan [5] . Les revendications de ces villes concernaient notamment la fin de l’escalade militaire, des sanctions plus lourdes envers l’Afrique du Sud de l’apartheid et une opposition à la politique migratoire du gouvernement fédéral.
Plus récemment, des coalitions de villes se sont formées pour marquer leur opposition aux politiques étrangères de leur gouvernement central. C’est le cas, toujours aux États-Unis, de deux initiatives visant à affirmer l’engagement contre le changement climatique suite à l’abandon, de la part du gouvernement fédéral, de l’Accord de Paris : en décembre 2019, 445 villes participent à l’America’s Pledge on Climate Change, et 289 villes ont signé la déclaration « We Are Still In ». En Europe, ces frictions se sont, par exemple, manifestées en Italie, où de nombreuses villes se sont engagées contre la politique migratoire du premier gouvernement Conte (du 1 er juin 2018 au 5 septembre 2019), basé sur une coalition entre les populistes du Mouvement 5 Étoiles et les souverainistes de la Ligue du Nord. La tension a été particulièrement manifeste suite à l’introduction du décret Sécurité (également appelé décret Salvini) approuvé par le Conseil des ministres, le 24 septembre 2018 : au cœur de cet affrontement, la norme interdisant l’inscription des demandeurs d’asile sur les registres municipaux les empêchant ainsi d’accéder à une série de droits fondamentaux, notamment en matière de santé. De nombreux maires de villes gouvernées par des partis de l’opposition (Milan, Florence, Bergame, Livourne, etc.) ont ouvertement critiqué le décret, au point même, pour certaines, de refuser son application (Palerme, Naples) en le considérant comme incompatible avec les principes de la Constitution. Cet épisode particulièrement symbolique a, par ailleurs, pris une dimension internationale avec le soutien public apporté par le maire de New York, Bill de Blasio, à son homologue de Palerme [6] .
L’Union européenne, de laquelle émane une partie des règlements relatifs à la pollution des villes, n’a pas été épargnée par ces frictions diplomatiques avec les villes. À ce titre, Paris, Bruxelles et Madrid ont, en décembre 2018, saisi le Tribunal général de l’UE afin de démontrer que les limites d’émissions de gaz d’échappement fixées par la Commission européenne étaient trop élevées, témoignant ainsi de la capacité des villes européennes à influer sur la politique internationale.
2. L’action internationale des villes françaises
2.1. La naissance de la « coopération décentralisée »
L’émergence de l’action internationale des villes françaises est étroitement liée au contexte de réconciliation d’après-guerre. La diffusion de la pratique du jumelage revient en France à l’Association française du conseil des communes et des régions d’Europe, créée en 1951, ainsi qu’à l’action des réseaux mondiaux déjà mentionnées comme le FMCU et l’IULA.
Les premières expériences françaises de jumelage engagent des villes de taille modeste : le premier exemple est celui de Luchon (Haute-Garonne), qui se jumelle en 1953 avec la ville anglaise d’Harrogate. Millau (Aveyron) est, en 1963, la première ville à se jumeler avec une ville d’un pays en voie de développement, Louga (capitale de région au nord-ouest du Sénégal). Un autre exemple célèbre est le jumelage réalisé en 1967 par René Monory, alors maire de Loudun (Vienne), qui lie sa ville à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso.
Les liens avec les collectivités territoriales de pays en voie de développement, favorisés par une volonté de solidarité, se multiplient jusqu’à devenir l’une des priorités de l’action municipale française, notamment envers l’Afrique francophone.
En parallèle de ces nombreuses initiatives bilatérales démarre, en 1975, l’action de Cités unies France (CUF), section française de la FMCU, vouée à impulser l’action internationale des collectivités internationales, notamment au-dehors de l’Europe.
En 1979, à l’initiative des maires de Paris et Québec, Jacques Chirac et Jean Pelletier, naît une coopération structurée entre les villes francophones du monde entier dédiée à la solidarité : l’Association internationale des maires francophones (AIMF). Réunissant aujourd’hui 307 maires dans 52 pays (23 en France), l’AIMF a renforcé l’échange entre villes membres, dans les différents volets de l’action municipale, tout en finançant directement de nombreux projets. À travers ses activités et ses publications, l’AIMF a fait prendre conscience de l’impact de la coopération internationale entre villes sur la qualité de vie des habitants, en cohérence avec son objectif d’améliorer la gestion municipale et d’impulser le renforcement de la démocratie locale.
Parallèlement, l’AIMF a contribué à mettre en lumière les atouts de la coopération décentralisée dans la mise en place de solutions locales aux défis transnationaux, tels que le développement durable, le vivre-ensemble et l’intégration des technologies numériques dans les politiques publiques.
Quant à la terminologie, dans les années 1980 s’impose en France le terme de « coopération décentralisée au développement », qui évoque clairement la finalité attribuée à ces activités internationales. Cette locution, utilisée tant par le gouvernement central que par les villes elles-mêmes, continue aujourd’hui d’être l’appellation la plus courante pour toute action internationale des villes.
2.2. Les chiffres de l’action internationale des villes françaises
En France, les 66,6 millions d’habitants sont répartis dans 34 970 communes (DGCL, 2019). Selon les chiffres de la Délégation pour l’action extérieure des collectivités territoriales (DAECT), moins d’une sur sept est active à l’international (DAECT 2019), ce qui correspond, à peu près, à 1 600 agents en charge de l’AICT (audition de la CNFPT du 13 janvier 2020). À présent, 4 700 collectivités territoriales françaises (dont 80,17 % est constitué par des communes) ont ainsi mis en place au total 10 440 partenariats avec 8 150 collectivités territoriales étrangères dans 134 pays, pour un budget total de 1,7 milliard d’euros (DAECT 2019).
À ce jour, si l’Allemagne demeure le pays où sont menés le plus de projets (339), elle est suivie par trois pays de l’Afrique francophone : Mali (279), Sénégal (257) et Burkina Faso (214) (DAECT 2019). En termes d’aide publique au développement (APD) des collectivités territoriales, en 2018, 92 pays étaient concernés, avec une répartition géographique toutefois fortement inégale.
65 % de l’aide des collectivités françaises est à destination de l’Afrique (Ledoux 2019).
53 % de l’APD bilatérale se dirige vers dix pays : Madagascar, Sénégal, Mali, Burkina Faso, Maroc, Haïti, Bénin, Togo, Cameroun et les Territoires palestiniens (CNCD 2019).
17 % se dirige vers les cinq pays du Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad) (CNCD 2019).
L’engagement des collectivités territoriales françaises comporte ainsi de fortes marges de progression, notamment en termes de rationalisation (afin de limiter les duplications) et d’élargissement du nombre de collectivités territoriales engagées. Dans son rapport sur l’action extérieure des collectivités territoriales (AECT) françaises en Afrique, le député Vincent Ledoux observe qu’« une part trop restreinte de nos collectivités étaye le lien de nos territoires, et donc de la société française, avec le continent africain » (Ledoux 2019).
Cette concentration géographique dans le choix des partenaires étrangers implique d’ailleurs que, de facto , on ne peut pas parler proprement d’universalité de l’AECT, à la différence de la diplomatie nationale.
Il est important de noter que l’action internationale continue d’être répartie entre villes de tailles différentes. Si les grandes villes, grâce à leurs ressources humaines et financières, sont en mesure d’agir sur différents terrains simultanément, de nombreuses villes de tailles moyenne ou petite mènent des actions de qualité, bénéficiant souvent de l’appui financier et technique de l’État [7] .
2.3. La relation de l’État avec les villes en France
Au-delà de la réticence de l’utilisation, dans la langue française, du terme « diplomatie » en référence à l’action internationale des villes (à la différence de l’anglais, de l’espagnol ou de l’italien), le traditionnel centralisme de la France ne représente plus un véritable obstacle à l’action internationale des collectivités territoriales. Bien au contraire, l’État français y joue aujourd’hui un rôle d’impulsion et d’accompagnement.
En effet, au cours des dernières décennies, le législateur français a progressivement élargi et précisé les champs d’action internationale des collectivités locales.
Après de premiers instruments qui visaient à coordonner et répertorier les initiatives internationales des villes (décret du 24 janvier 1956 pour la création d’une commission chargée de coordonner les échanges ; circulaire du Premier ministre du 26 mai 1983 pour l’instauration d’une délégation pour l’action extérieure des collectivités territoriales, la DAECT, rattachée au ministère des Affaires étrangères), la loi d’orientation n°12–125 relative à l’administration territoriale de la République définit la « coopération décentralisée » comme volontaire et liée au principe de libre administration, dans les limites du respect des engagements internationaux du pays. En 2005, la loi Oudin-Santini a permis la création d’un mécanisme inédit de financement de la coopération en matière d’eau et d’assainissement (élargie en 2006 à l’énergie et en 2014 aux déchets) : les collectivités locales sont autorisées à dédier à la coopération internationale 1 % des redevances collectées dans ces secteurs.
En 2007, la « loi Thiollière » intervient à la suite de certaines décisions de justice qui avaient mis en cause l’intérêt local de l’action extérieure, en supprimant l’exigence de faire la preuve de ce dernier ainsi que la limite d’action dans le domaine des compétences des collectivités. L’action extérieure devient ainsi une compétence propre de toute collectivité territoriale.
La « loi Matpam » et la « loi Notre » de 2014 fixent les compétences respectives des métropoles et des intercommunalités à l’international, qui deviennent progressivement responsables de la gestion des domaines de la loi Oudin-Santini, retirant ainsi aux communes les recettes et les compétences sur lesquelles étaient basées une grande partie des activités de coopération décentralisée.
À côté de la DAECT, le soutien de l’État à l’AECT a entraîné la création de la Commission nationale pour la coopération décentralisée (CNCD), principal lien entre diplomatie étatique et action internationale des collectivités territoriales. La CNCD, créée suite à la loi d’orientation n° 92–125 du 6 février 1992 et mise en place en 1994, est rattachée au Premier ministre et réunit collectivités locales et ministères concernés afin de favoriser la coordination et la complémentarité des actions sur le plan international. Le secrétariat de la CNCD est assuré par la DAECT, qui se charge ainsi de collecter les informations relatives à l’AECT dans son « Atlas français de la coopération décentralisée » (www.cncd.fr), où sont répertoriés plus de 11 440 projets de coopération décentralisée.
La DAECT a également contribué à la diffusion des connaissances nécessaires aux villes agissant à l’international, afin de répondre aux questions les plus fréquentes et d’élargir ces pratiques aux collectivités territoriales n’en faisant pas encore. La CNCD a publié deux ouvrages de référence de la DAECT en France : le Livre blanc Diplomatie et territoires (2017), contenant 21 propositions visant à améliorer la collaboration entre l’État et les collectivités territoriales et le Guide juridique de l’action extérieure des collectivités territoriales (2019), afin de clarifier les bases législatives sur lesquelles repose l’AECT.
Cependant, même en présence d’un cadre juridique parmi les plus favorables au monde, les villes françaises sont, dans leur ensemble, moins actives que celles d’autres pays, tels que l’Espagne, les Pays-Bas, l’Italie et, outre-Atlantique, les États Unis, le Canada et une partie de l’Amérique Latine. La tradition française de centralisation politico-administrative, même si elle est désormais dépassée dans la loi, peut en effet avoir généré des formes d’autolimitation moins fréquentes dans les autres pays mentionnés, où les villes ont historiquement joué un rôle politique plus marqué.
L’évolution du droit, qui a élargi et précisé les limites de l’action internationale des collectivités territoriales, a d’ailleurs fait diminuer la méfiance de la part de l’État, initialement soucieux qu’elles puissent empiéter sur une fonction régalienne. Les évolutions législatives ont montré que ce n’était pas le cas : « Les collectivités ne font pas du régalien, elles font de la coopération. Elles remplissent un créneau que l’État ne peut pas remplir, de collectivité territoriale à collectivité territoriale. Un créneau précieux car il est proche de la population et nourrit de façon directe l’amitié entre les peuples, l’éducation à la solidarité internationale et l’ouverture à l’international des citoyens. Cela permet aussi de soutenir la gouvernance locale, qui prend de plus en plus d’importance dans les négociations internationales, où il y a une place pour les collectivités territoriales. Ce que les collectivités françaises peuvent faire avec leurs partenaires internationaux, c’est très intéressant » (audition de Christine Moro, 2 décembre 2019).
La volonté d’alignement de la diplomatie locale avec la politique étrangère nationale n’a d’ailleurs provoqué que quelques interventions des préfets pour annuler les accords signés par des collectivités territoriales avec des administrations étrangères objets de sanctions de la France ou de l’Union européenne (Nicaragua) ou encore situées dans des territoires non reconnus par l’État français (Tibet, Haut-Karabagh, Sahara occidental).
Néanmoins, certaines des villes interrogées dans le cadre de notre enquête ont souligné qu’un des freins de la coopération décentralisée réside dans le manque de soutien du réseau diplomatique français à l’étranger, dont l’accompagnement de certaines initiatives locales a été jugé insuffisant. Pour pallier cette lacune, la Daect s’est engagée à un travail de plaidoyer interne au Quai d’Orsay afin de renforcer la prise en compte de l’Aict dans la palette des instruments diplomatiques et faciliter le soutien aux collectivités territoriales. Ce travail de concertation s’appuie également sur des échanges directs entre les agents des deux échelles de gouvernement, conviées aux Assises de la coopération décentralisée française, résultat de la coopération entre Daect et Cuf, telles que les 1 res Assises sahéliennes de la coopération décentralisée (octobre 2019 à Poitiers) ou les 3 e Assises de la coopération décentralisée franco-libanaise (septembre 2019 à Carcassonne).
2.4. Le soutien matériel de l’État
L’État a complété son processus de décentralisation à travers la multiplication d’outils mis à disposition des villes pour les accompagner dans leurs actions internationales.
Le rôle central est joué par la Daect, qui soutient l’action des collectivités territoriales françaises à travers cinq appels à projets. Point commun de ces appels à projets, la maîtrise d’ouvrage doit être assurée par une ou plusieurs collectivités territoriales françaises, pouvant néanmoins être déléguée, par exemple, à une association ou à un établissement de formation. La Daect collabore ensuite avec Cités Unies France pour aider les villes à s’appuyer sur des consultants externes. Enfin, les villes peuvent bénéficier des subventions de l’Agence française de développement et des activités de formation du Centre national de la fonction publique territoriale.
2.4.1. Les appels à projets généralistes annuels, biennaux et triennaux
Le financement est important et va jusqu’à couvrir, comme dans le cas de l’appel à projets généraliste biennal 2020–2021, 70 % du budget total des projets se déroulant dans une liste de 19 pays désignés comme prioritaires par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid).
Le montant restant peut être cofinancé à travers d’autres mécanismes (à l’exception de fonds européens et de la FICOL), tels que ceux du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), compte tenu d’une contribution minimale obligatoire de la (ou des) collectivité(s) française(s) (pour l’AAP 2020–2021 à hauteur de 10 %).
Ne sont pas éligibles les projets entrant dans le cadre des appels thématiques ou bilatéraux de la Daect.
Jeunesse, en coopération avec le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse (Menj) et le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation (MAA), dont la sixième édition a été lancée en décembre 2019.
Ville durable en Afrique 2019, pour dynamiser les coopérations franco-africaines dans ce domaine (projets d’un, deux ou trois ans). Les projets lauréats seront mis en valeur lors du sommet Afrique-France de juin 2020 à Bordeaux.
Alimentation et Agriculture durables 2019, en partenariat avec le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation (MAA), conçu pour impulser les projets de transition vers des systèmes alimentaires durables.
Les appels à projets bilatéraux visent à soutenir les projets se déroulant dans certains pays auxquels le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères décide d’offrir un appui spécifique. Les appels à projets doivent répondre à des priorités partagées par un gouvernement étranger partenaire, définies dans des accords bilatéraux. Sont actuellement en vigueur (janvier 2020) des accords avec les gouvernements du Maroc, du Liban, des Territoires palestiniens, de la Tunisie, du Mexique, du Sénégal et du Québec.
2.4.4. Programmes de coopération décentralisée « clé en main »
Une quatrième forme d’appui s’est matérialisée pour la première fois en 2020 par un appel à projets de programmes de coopération décentralisée « clé en main » portés par des associations et des groupements d’intérêt public (GIP) de droit français, qui regroupent, exclusivement ou partiellement, des collectivités territoriales françaises. Cet appel vise tout particulièrement à favoriser des synergies entre collectivités territoriales françaises qui manquent d’expérience préalable dans le domaine de la coopération décentralisée.
2.4.5. Programme d’appui à la coopération thématique des collectivités territoriales (Pact3)
À côté de ces dispositifs, la Daect a lancé en 2011 le programme Pact, qui prévoit la labellisation des collectivités territoriales pour des compétences ou des savoir-faire spécifiques liés à la coopération décentralisée. Les CTF labellisées reçoivent ainsi un appui économique au déploiement d’une mission d’expertise visant à établir un partenariat de coopération décentralisée pérenne.
Pour faciliter la participation à ces appels à projets, un guide détaillant la procédure de dépôt en ligne des dossiers est disponible sur le site du MEAE.
2.4.6. La Facilité de financement des collectivités territoriales françaises (Ficol) de l’AFD
Les projets de dimension plus importante peuvent bénéficier du soutien de l’Agence française de développement (AFD). L’AFD, opérateur du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, gère la facilité de financement des collectivités territoriales françaises (Ficol), 9 millions d’euros (chiffre 2019 et 2020) mis à disposition pour cofinancer des projets qui vont de 200 000 euros à 1,5 million d’euros, couvrant jusqu’à 70 % du coût total (les 30 % restants pouvant d’ailleurs être l’objet de cofinancement de la part d’autres acteurs). Une coordination entre la Daect et l’AFD est mise en place, chacun siégeant au comité de sélection des appels à projets de l’autre. À la différence des appels à projets de la Daect, qui ont fait récemment face à une baisse des demandes, la Ficol observe une augmentation des projets. Cela peut s’interpréter comme une conséquence des lois Maptam et Lenotre, qui ont fait baisser l’action internationale des communes de tailles moyenne et petite, dépourvue des recettes liées à la loi Oudin-Santini (voir chapitre suivant).
2.4.7. Dispositif d’appui à l’action internationale des collectivités territoriales, DCOL (coopération CUF – Daect – AFD)
Depuis 2018, la Daect l’AFD et Cités Unies France ont collaboré à la mise en place du DCOL, dispositif d’appui à l’action internationale des collectivités territoriales. Il s’agit d’une subvention pour les villes qui peinent à développer leur propre stratégie et qui souhaitent s’appuyer sur des consultants externes, capables de les accompagner tant dans la définition des priorités que dans la rédaction des candidatures pour les financements européens ou nationaux.
2.4.8. L’action du Centre national de la fonction publique territoriale auprès des agents des collectivités territoriales
Le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) offre des cours de formation à l’action internationale des agents territoriaux (environ 300 agents formés par an). Le CNFPT gère également une e-communauté sur l’Aict mettant à disposition des collectivités territoriales des outils numériques (actualités, ressources documentaires, forum de discussions entre pairs), avec un peu moins de 1 000 inscrits (sur un total de 1 600 agents en charge de l’Aict en France).
À travers ces différents mécanismes, l’État met en œuvre des mesures pour impulser l’action internationale des collectivités territoriales et, dans le cas des appels à projet de la Daect, en promouvoir des thématiques précises. Le risque que ce soutien permette une forme de pilotage, ou de « gouvernement à distance », n’est pas ressenti par les villes interpellées dans le cadre de ce rapport. L’opinion est, au contraire, largement positive, et ces outils sont perçus comme une opportunité de renforcer ou relancer l’action internationale des villes.
L’État joue, en effet, en cela un rôle exclusivement consultatif : en vertu du principe de la libre administration, les villes peuvent choisir de faire ou non de l’action internationale, choisir leurs partenaires nationaux et étrangers ainsi que les thématiques sur lesquelles agir. Cette liberté des collectivités locales est au fondement du choix de la majorité d’entre elles de ne pas mettre en place leur propre action internationale, vue non comme une compétence mais comme une option.
3. Les obstacles à surmonter
Comme tout volet de la politique de la ville, l’action internationale présente une série de freins, d’obstacles et d’externalités négatives de nature et portée différentes. Ils méritent d’être connus par les administrations et les citoyens et donner lieu à des débats citoyens sur la mise en place d’une stratégie d’internationalisation. Les paragraphes suivants présentent ces éléments et offrent une vision à partir de laquelle construire des actions concrètes pour y faire face, les surmonter et mettre en place des stratégies d’action internationale averties et génératrices d’externalités positives les plus vastes possibles.
Ces obstacles peuvent être répartis en quatre catégories :
1) obstacles juridiques ;
2) obstacles politiques locaux ;
3) obstacles structurels locaux ;
4) externalités négatives de l’action internationale.
3.1. L’extension de l’action internationale aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI)
Parmi les difficultés rencontrées dans la mise en place d’une action extérieure efficace figure sans doute la complexe répartition de l’action internationale entre différentes échelles de gouvernement local. Si l’évolution du droit de l’Aect vise à son renforcement et à sa rationalisation, les transferts de compétences aux EPCI par les lois Maptam et Lenotre ont pourtant eu comme effet de freiner cette action.
Les 34 970 communes de France font toutes aujourd’hui partie d’une communauté à laquelle ont été transférées un certain nombre de compétences. Si l’intercommunalité est jugée positivement par la grande majorité des Français (86 %, selon un sondage en 2018 par Ifop-AdCF) (AdCF 2019), grâce notamment à une rationalisation des fonctionnements et des coûts des services publics, les communes se sont en même temps vues dépourvues de certaines compétences et recettes (eau, assainissement, déchets, énergie, recherche, université), qui avaient une forte dimension internationale, notamment dans le cadre de la loi Oudin-Santini.
Si, d’un côté, toute forme de collectivité territoriale peut, comme l’a précisé la loi Thiollière, agir internationalement sans se limiter aux compétences attribuées, ce transfert a résulté pour les communes en une perte de ressources financières, humaines et techniques. Face à la volonté du législateur de permettre aux villes de taille plus contenue à l’intérieur de l’agglomération de pouvoir compter sur l’appui de l’intercommunalité, tout en assurant une plus grande cohérence dans l’action de l’ensemble du territoire [8] , l’impact dans le domaine de l’action extérieure est pour le moment largement un facteur limitant de la capacité des villes à s’engager dans l’action internationale.
Les communes souhaitant poursuivre leur action dans les domaines cédés aux EPCI se trouvent donc face à deux possibilités : soit attribuer des aides à des opérateurs privés (ONG, réseaux de villes) qui se chargent de la mise en place de ces projets, soit collaborer avec l’intercommunalité. Une collaboration qui peut se révéler difficile à cause de sensibilités politiques différentes, de différences entre membres de l’intercommunalité et d’un engagement de ces communautés sur l’international encore très limité et équivalent à 7,55 % des projets de coopération décentralisée, contre 80,17 % des communes (Daect 2019).
Certaines villes-centres ont essayé de limiter les externalités négatives de ce passage de compétences à travers la mutualisation des services de relations internationales avec l’agglomération, choix effectué par exemple par Reims, Angoulême, Strasbourg ou Toulouse. Une telle démarche, qui vise à assurer une continuité et une cohérence dans l’action, fait néanmoins émerger des difficultés supplémentaires, telles que des visions politiques non alignées ou une définition complexe des modalités opérationnelles de cette mutualisation (surtout quand elle est partielle, comme dans le cas de Saint-Étienne Métropole).
En l’absence de mutualisation, on assiste parfois à des formes de concurrence, notamment entre ville-centre et métropole, pouvant aller jusqu’à un certain antagonisme. Au-delà de la confusion que cela peut générer parmi les partenaires internationaux, cette divergence de vues empêche un vaste consensus parmi la population, consensus nécessaire pour la construction et la mise en place d’actions internationales d’envergure.
Ces éléments font du passage des compétences aux EPCI un objet de débat majeur quant au futur de l’action internationale des collectivités françaises. Éric Recoura, directeur des Relations internationales de la Ville de Grenoble et président de l’Arricod, association des professionnels de l’action européenne et internationale des collectivités territoriales, souligne l’effet de distorsion des lois Maptam et Lenotre, qui a amené plusieurs villes à abandonner leurs secteurs traditionnels d’action internationale en faveur du rayonnement et de l’attractivité économique.
Jean-Marie Tétart, maire de Houdan (78) et auteur d’un rapport sur ce sujet (2018), trace un bilan sombre de cette recomposition territoriale quant à son impact sur l’action internationale des collectivités, qui risque, dans plusieurs cas, de disparaître. Tétart suggère (audition du 15 janvier 2020) qu’une double démarche des EPCI pourrait permettre à l’action internationale de continuer, voire de s’élargir : d’un côté, un effort éducatif, pour former les communes au fonctionnement de l’Aect et aux ressources qu’elle apporte ; de l’autre, l’adoption de rapports cadres pour l’action internationale, avec une claire mention des ressources, partenaires, recherches de financement, formations pour la mettre en œuvre, ainsi que ses possibles évolutions.
3.2. Obstacles politiques locaux à l’action internationale des villes
Un obstacle très fréquent que rencontre l’AECT est le manque de consensus politique local nécessaire à sa mise en place ou à sa poursuite. Malgré le fait que les maires soient les élus dans lesquels les Français aient le plus confiance (58 % selon le Baromètre de la confiance politique publié par le CEVIPOF en 2019), seuls 29 % d’entre eux considèrent les collectivités locales parmi les acteurs les plus susceptibles de changer le monde positivement (AFD 2019), en 7 e position après les ONG, les citoyens, les organisations internationales, les chercheurs et experts, les grandes entreprises et les hommes/femmes politiques. Ce manque de conscience du potentiel international des villes est parfois ressenti par les administrations locales comme une des causes principales de leur limitation face à l’action internationale (audition Ville de Narbonne, 16 décembre 2019).
L’époque des relations internationales guidées par les rapports personnels des maires étant dépassée, de nouvelles manières de concevoir, réaliser et communiquer l’action internationale se révèlent effectivement nécessaires. Une tâche complexe, surtout pour les municipalités ayant des ressources humaines et financières limitées (voire chapitre suivant), mais qui représente une occasion précieuse de créer du consensus et d’élaborer des politiques sur mesure qui conjuguent véritablement local et international.
L’urgence d’une telle démarche de communication et d’échange est d’autant plus évidente que les administrations qui mettent en place des actions internationales doivent faire face, presque inexorablement, à deux familles de critiques menées par l’opposition, quelle que soit sa couleur politique :
1) au sujet du gâchis d’argent et du « tourisme politique », présentant les actions à l’étranger dans le cadre de projets bilatéraux ou multilatéraux comme une dépense inutile et un détournement de fonds et d’énergie aux dépens des priorités locales ;
2) au sujet d’un retour sur investissement de l’AECT présenté comme faible ou inexistant, tout particulièrement vis-à-vis des initiatives d’aide au développement, la valeur de la solidarité internationale étant mise en cause.
Deux points qui peuvent être liés au constat de Jonathan Gainche, ancien directeur général de Villes de France, selon lequel la coopération décentralisée « souffre d’un problème d’image auprès des français : elle doit être perçue comme disposant d’un réel but » (audition du 24 juillet 2019). D’ailleurs, même en cas d’absence d’une voix d’opposition à ces sujets, une forme d’autolimitation peut se mettre en place lorsque l’administration communale souhaite prévenir ces critiques de la part de l’électorat. Et pourtant, ce souci d’adaptation aux attentes supposées de leur électorat peut en fait constituer le levier d’un renforcement de l’action internationale. Face aux deux obstacles, qu’ils soient exprimés ou pas, la solution est à rechercher dans la capacité de la ville de s’ériger en connecteur entre local et international et de mettre en place une stratégie de communication à cet égard. Afin de surmonter les stéréotypes et les préjugés se révèle ainsi utile et nécessaire une participation des habitants dans toute étape du projet ainsi qu’une communication qui mette en valeur ses retombées concrètes [9] .
Nos auditions ont d’ailleurs permis d’identifier une série de bonnes pratiques quant à l’engagement des différentes administrations communales pour une stratégie de communication capable d’illustrer aux citoyens la portée et les enjeux de l’ AECT, prévenant ainsi les critiques que l’action internationale peut générer, notamment sur le volet financier, et engageant les citoyens dans des mécanismes de création et gestion des projets.
Ces critiques appellent à une rationalisation de l’action internationale en ligne avec le territoire et ses acteurs. Ces derniers représentent en effet aujourd’hui l’outil principal de l’Aect aboutie, tant dans la définition de son contenu que dans sa mise en place. Cela permet la diffusion d’une logique de qualité, au détriment d’une logique de quantité propre à certaines actions du passé (auditions Ville de Tours, 5 décembre 2019).
Un élément fondamental dans la construction de ce processus est la connexion entre l’Aect et l’internationalisation déjà en cours, formelle ou informelle, des habitants et des différents acteurs de la ville. Les citoyens expérimentent souvent une internationalisation à échelle personnelle, à travers des contacts directs avec l’étranger (études, stages, parcours de formation, volontariat à l’international et même voyages touristiques). L’international s’invite d’ailleurs dans les villes, à travers les migrants aux parcours variés et intégrés dans le tissu social et professionnel de la ville, allant du curé au médecin. L’international est donc déjà présent en termes de sensibilité, d’ouverture et de représentation de cultures et traditions différentes : des points d’appui fondamentaux dans la définition et la mise en pratique d’une stratégie d’internationalisation de la ville.
De leur côté, les acteurs locaux ont souvent leur propre stratégie : enseignement supérieur, entreprises, secteur de la santé, monde de la culture et du sport engagent de nombreuses relations internationales. Le plus souvent, l’AECT constitue une occasion de maîtriser une internationalisation déjà présente, de la renforcer et de multiplier ses retombées positives pour les citoyens.
Dans la mise en place d’un débat public local, le point de départ idéal réside dans le diagnostic de cette internationalisation, active et subie, formelle et informelle du territoire. Un diagnostic qui doit inclure des informations sur les échanges économiques et culturels, le tourisme international ou encore la présence sur le territoire de communautés et d’acteurs étrangers.
Afin de communiquer cet état des lieux de la dimension internationale de la ville, des occasions d’échanger doivent être favorisées (assemblées citoyennes de quartier, ateliers, colloques), favorisant ainsi la participation et l’engagement de gens d’horizons différents (ONG, entreprises, secteur de la formation et de la recherche, opérateur du secteur touristique, communautés de migrants, etc.). Le choix de certaines villes de se doter d’une Maison de l’International (Brest, Grenoble, ou Strasbourg avec son Lieu d’Europe), s’est souvent révélé être une manière efficace de structurer ce dialogue entre acteurs de l’AECT et de communiquer ses contenus aux citoyens.
Comme le soulignent les Villes de Tours et de Lille, cette stratégie permet la fidélisation d’un public conscient d’être dans la coécriture et la coresponsabilité des projets internationaux, terreau fertile à la mise en place de partenariats (auditions du 5 et du 6 décembre 2020).
Les liens à l’international existants, entrants et sortants, représentent ainsi le point de départ fondamental pour une internationalisation avertie. Cette dernière peut ainsi se structurer sous forme d’appuis à ces liens formels et informels présents, les renforcer, les encadrer, les inclure dans un débat public pour que leur potentiel et leurs effets soient connus par la population.
Dans le cas des acteurs économiques et des organisations à but non lucratif, la municipalité peut ainsi devenir un partenaire, une porte à laquelle les acteurs du territoire peuvent frapper pour obtenir conseils, mise en réseau et, dans certaines conditions, appui technique ou financier.
En ce qui concerne les citoyens, cela présuppose souvent une mise en place d’un espace de débat où l’internationalisation citoyenne représente un point de départ et une constante, mais qui s’ouvre également aux nombreux éléments pouvant être directement affectés par l’AECT (environnement, transports, attractivité, etc.) et méritant d’être liés à cette dernière dans les débats publics. Il s’avère donc nécessaire de construire des attentes à ce sujet.
La communication, y compris sa composante pédagogique, se révèlent à ce sujet indispensable. Cela passe forcément par un véritable travail de pédagogie politique, en parallèle de l’adoption d’une culture de collaboration qui dépasse les limites des partis. La diplomatie des États offre d’ailleurs l’exemple, malgré les changements de majorité, de l’importance de la cohérence de l’action internationale. Et, comme dans le cas étatique, ces axes diplomatiques doivent être facilement identifiables par les citoyens, ce qui oblige les élus locaux à intégrer l’international dans leur communication politique.
Cet échange ne doit d’ailleurs pas se limiter au choix des lignes directives de l’AECT, mais l’accompagner dans ses différentes étapes, dans une logique de création et recréation étroitement liée au territoire et cohérente avec ce dernier. Pour alimenter cette dynamique, il convient de mettre en valeur les témoignages des acteurs qui bénéficient concrètement de l’AECT, des actions sur le terrain des ONG aux expériences des entreprises locales partenaires des projets à l’international, en passant par les expériences des jeunes volontaires engagés. Tout cela permet de construire des fondations stables pour une politique, l’AECT, qui, comme dans le cas de la diplomatie des États, s’inscrit dans la durée et nécessite une cohérence d’action.
Enfin, une des clés de cette communication est la composante quantitative des actions qui émergent de cet échange. Tous les éléments du processus d’internationalisation doivent faire l’objet d’une étude et d’une restitution, des coûts aux retombées estimées pour les années à venir.
Ainsi structurée, l’action internationale s’aligne sur les priorités locales, les adresse et offre un éventail d’externalités positives sur mesure, qui peuvent inclure :
1) une formation à l’international et une professionnalisation des habitants et des instances de la société civile – les retombées dans ce sens constituent d’ailleurs une des priorités à l’engagement des jeunes dans ces projets et sont à la base de l’ouverture aux collectivités territoriales européennes des projets Erasmus+ ;
2) plus généralement, une relance des secteurs marchands et non marchands locaux liés à l’objet de l’action, à travers une augmentation de leur chiffre d’affaires et de leur visibilité nationale et internationale suite à leur engagement dans l’action ;
3) l’engagement des communautés migrantes dans la dynamique de co-développement, ce qui permet de favoriser le vivre-ensemble et d’encourager la participation des migrants à la vie publique, tout en contribuant à faciliter leur insertion professionnelle ;
4) le renforcement du profil international et du rayonnement économique et touristique de la ville, qui trouve dans l’international une vitrine pour exposer et mettre en avant ses atouts, partagés dans le cadre d’échanges de bonnes pratiques, en obtenant d’ailleurs ainsi une occasion de les tester dans des contextes différents et de les perfectionner ;
5) sur le plan des valeurs, se situe enfin l’opportunité pour la ville de partager ses valeurs à l’international à travers des activités de plaidoyer, telles que les déclarations conjointes des maires ou la participation des municipalités aux campagnes et célébrations lancées par les organismes internationaux (Journée mondiale de l’alimentation, Journée internationale de la femme, etc.).
3.3. Problèmes structurels locaux
Autres obstacles fréquemment évoqués par les villes peu ou pas engagées dans l’action internationale, la pénurie de moyens financiers et humains, un constat bien connu des autorités gouvernementales et associatives vouées à impulser l’AECT.
Les municipalités font face en France à un processus important de rationalisation des ressources qui touche directement ou indirectement la disponibilité de fonds pour l’action internationale.
1. La suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales pour 80 % des foyers fiscaux en 2020, après avoir été allégée au cours des deux années précédentes, avec des réductions successives dans les deux années suivantes pour arriver à la suppression totale en 2023.
2. Le transfert de compétences aux intercommunalités, dû aux lois LENOTRe et MAPTAM, génère la perte de recettes liées à la loi Oudin-Santini.
3. L’encadrement national des dépenses de fonctionnement, qui ne peuvent pas augmenter de plus de 1,2 %, complique l’embauche de professionnels de l’international et limite l’action internationale. Tout particulièrement, cette norme a fait l’objet de fortes critiques de la part de réseaux de villes (Cités Unies France, AFCCRE et France Urbaine), qui soulignaient à quel point elle empêche les collectivités territoriales de mettre en place des cofinancements dédiés à des projets européens et internationaux pourtant censés générer des revenus conséquents pour le territoire. Très récemment, le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères s’est engagé à résoudre la question [10] .
À cela, il faut ajouter que plusieurs campagnes électorales municipales se sont concentrées sur la lutte contre le gaspillage financier, poussant parfois les nouveaux élus à réduire voire annuler l’action internationale.
L’impact de ces éléments sur la capacité à poursuivre ses actions internationales, et encore plus à en lancer des nouvelles, a été évoqué à plusieurs reprises lors des auditions de ce rapport.
Ces éléments ont d’ailleurs contribué à une évolution de l’approche fiscale des municipalités par rapport à l’international. Si l’on a pu assister, dans les premières décennies d’action internationale des communes (années 1950 à 1980), à des activités internationales variées et pas forcément liées aux spécificités du territoire et aux savoir-faire de la ville, on assiste maintenant à une démarche presque opposée. À partir des années 1990, on note une progressive diminution de l’action internationale solidaire. C’est sans doute le résultat d’une volonté de privilégier les partenariats économiques, dans une optique de rayonnement et d’attractivité. En termes géographiques, ce choix a généré une diminution des projets de coopération avec les villes africaines en faveur d’une montée des projets avec les économies plus dynamiques d’Asie, notamment le Japon, la Chine et la Corée du Sud.
Plus récemment, cette dynamique est en train de se rééquilibrer : si, d’un côté, les collaborations avec les puissances asiatiques n’ont pas forcement produit les résultats escomptés, on observe un intérêt croissant envers les innovations des pays du Sud, à partir desquelles construire des partenariats plus égalitaires (audition FMDV, 16 décembre 2019).
Les opportunités d’appui financier, soulignées dans le chapitre précédent, ne manquent pourtant pas et s’adaptent, en portée et en contenu, afin de subventionner un éventail vaste et varié d’activités internationales, allant des projets de petite taille (aides de la DAECT, Urbact et d’autres programmes européens) jusqu’aux projets les plus importants (FICOL).
La plus grande limite dans l’accès à ces instruments se trouve dans la capacité de ces villes à les saisir, surtout pour les projets de plus petite dimension. Si la FICOL reçoit plus de demandes que ne permet l’argent à sa disposition, la DAECT a noté une baisse progressive des demandes de subventions (dynamique à relier également aux effets des lois MAPTAM et LENOTRe).
Cela est souvent lié à l’autre problème structurel, celui du manque de ressources humaines en mesure de mettre en place les actions nécessaires pour accéder à ces subventions.
Les compétences nécessaires pour gérer l’AECT sont en effet très variées et incluent : maîtrise des enjeux internationaux, mise en place du système de veille pour les appels à projets nationaux, européens et internationaux, ingénierie de montage, gestion, évaluation et communication de projets, négociation internationale, protocole international, ou encore accompagnement des acteurs locaux à l’international. Tout cela sur des projets parfois très différents les uns des autres, allant de l’aide au développement au rayonnement économique, de la coopération culturelle à la lutte contre le changement climatique. Des compétences si variées nécessitent donc une formation très spécifique.
La présence de services dédiés à l’action internationale est normalement le signal de la disponibilité de personnel compétent et diplômé, capable de donner cohérence et impulsion à l’action. En absence de ce dernier, les différents services potentiellement concernés par l’action internationale risquent de manquer des compétences nécessaires pour dessiner, mettre en place, évaluer et communiquer les contenus concrets.
Un autre obstacle consiste en la nécessité de mettre à jour les compétences pour faire face à l’élargissement du potentiel de l’action internationale des villes, notamment dans les volets de l’attractivité internationale et des partenariats plus équilibrés avec les villes du Sud. Dans certaines villes, l’action internationale reste fortement limitée à la gestion des relations avec les villes jumelles. À côté des cours assurés par la CNFPT et du dispositif DCOL de Cités Unies France en aide aux villes souhaitant s’appuyer sur des consultants externes, des formations sont dispensées au niveau régional par les Réseaux régionaux multi-acteurs (RRMA). Créés à partir des années 1990, ces réseaux ont pour vocation de soutenir, à travers la formation et l’accompagnement, les collectivités territoriales dans leur action internationale. C’est le cas par exemple d’Horizons Solidaires (Normandie), du Réseau Auvergne-Rhône-Alpes d’appui à la coopération internationale (RESACOOP) ou de Bourgogne-Franche-Comté International, qui offrent périodiquement des formations sur les différentes compétences nécessaires à cette pratique.
L’offre de l’enseignement supérieur français au sujet de l’AECT est par contre encore relativement contenue et se limite à un master à l’université de Grenoble, aux cours de formation du Centre international d’études pour le développement local (CIEDEL) de l’Université catholique de Lyon (UCLy) et à quelques cours dans le cadre des formations en relations internationales (tels qu’à Sciences Po – PSIA) et de politiques urbaines et ville intelligente (tels qu’à l’École polytechnique).
En termes de ressources humaines, un autre obstacle se pose parfois, celui de la reconnaissance du professionnel de l’international dans l’administration communale. Cet élément est souvent peu évident mais peut contribuer considérablement à la limitation de l’action internationale des villes. Les auditions ont permis de montrer que les acteurs chargés de l’action internationale souffrent parfois d’un problème de reconnaissance au sein des mairies, en France. Cette situation est souvent la conséquence d’une direction générale n’ayant pas l’international dans son viseur et d’élus qui ne font pas de l’international une priorité d’action publique. Une situation certainement pas idéale pour des professionnels appelés à faire preuve d’un grand dynamisme dans la mobilisation des services municipaux et des acteurs du territoire. Un positionnement en termes d’organigramme des agents de l’international dans le cadre d’une véritable direction est considéré comme nécessaire par les villes qui ont une action internationale aboutie (auditions avec Tours et Grenoble).
3.4. Externalités négatives de l’action internationale : standardisation et duplications
En s’engageant dans des activités internationales, les villes s’exposent à deux risques, qui sont liés : celui d’une standardisation des politiques urbaines et celui de réaliser des projets peu productifs car redondants.
Concernant le premier point, on observe effectivement qu’une partie importante de l’action internationale se base sur l’échange de bonnes pratiques. Cela sur la base du constat que la reproduction de ces dernières peut se révéler plus efficace et économique que la création de politiques taillées sur les spécificités du territoire, nécessitant des ressources humaines et un travail de concertation avec les acteurs locaux.
La circulation de ces dernières est d’ailleurs accélérée par l’action des réseaux de villes, notamment dans leurs stratégies de partage de connaissance et de promotion de l’action de leurs membres. La quasi-totalité de ces réseaux met ces connaissances à disposition des non-adhérents, avec la publication de manuels de bonnes pratiques librement accessibles à travers leur site. La diffusion de ces bonnes pratiques génère un risque concret de standardisation des politiques municipales, au détriment des spécificités locales, avec un impact concret loin d’être assuré.
De plus, ce risque est accru par la diffusion de stratégies de marketing territorial, et plus spécifiquement du branding , la création d’une marque distinctive capable d’évoquer une image positive à l’adresse d’un public interne comme externe.
La diffusion des bonnes pratiques dans ce domaine comprend le risque d’un renoncement à la définition d’une voie propre aux spécificités locales. Cela est particulièrement évident dans le cas des villes menant des stratégies d’attraction du tourisme de masse qui risquent de produire une « disneyfication plate » (Berg et Sevón 2016), c’est-à-dire une expérience relativement standard et familière aux touristes internationaux. Tout en visant une ouverture internationale de la ville afin d’en soutenir le développement économique, ces « copier-coller » permettent rarement une maîtrise du résultat et peuvent générer des effets de repli, notamment face à une surexploitation de l’attractivité touristique peu respectueuse des traditions locales.
De façon similaire, les bonnes pratiques lauréates des subventions gouvernementales (AECT, AFD) ont un effet important de précédent, ce qui amène plusieurs projets internationaux à se ressembler, malgré la différence des acteurs concernés. La duplication d’initiatives ne représente d’ailleurs pas un critère d’exclusion pour les projets de coopération entre villes européennes ; on observe ainsi différents mécanismes de subventions (Urbact, Europe pour les citoyens, Erasmus+, Horizon 2020) qui soutiennent des initiatives fortement similaires, notamment en termes de développement urbain durable et de patrimoine culturel.
Cela, combiné à une faible coordination dans la mise en place de nombreux projets internationaux bilatéraux ou multilatéraux est à la base de duplications et de la répartition géographique inégale qu’on peut repérer dans l’ Atlas de la coopération décentralisée publié par la DAECT. Malgré la création, depuis une dizaine d’années, du mécanisme des « groupes pays » par Cités Unies France (33 au total), visant justement à favoriser une plus forte cohérence et coopération entre acteurs territoriaux français à l’étranger, plusieurs activités de coopération ont été mises en place au bénéfice du même territoire et sur des axes similaires (notamment eau et assainissement, via la loi Oudin-Santini). En est un exemple l’action de Toulouse, Lille et de la région Occitanie à Saint-Louis, au Sénégal.
La clé pour contrer ces deux points réside, une fois de plus, dans une véritable coparticipation citoyenne à l’action internationale. Les bonnes pratiques deviennent ainsi un point de départ pour une réflexion vaste et en mesure de poser les bases d’une action cohérente et efficace. À travers cette démarche, la ville montrera sa capacité d’instaurer et de maintenir une connexion vertueuse et bénéfique entre local et international et de faire de ses spécificités un levier de son développement durable et de son rayonnement.
Conclusion
Dans la campagne pour les élections municipales françaises, l’action internationale des villes est pratiquement absente. Le principal obstacle à la diffusion d’un débat public à ce sujet est à relier à la conviction d’une vaste partie des candidats que l’électorat n’attend pas d’eux qu’ils parlent des grandes dynamiques internationales, mais plutôt des problèmes concrets de la vie. C’est un discours récurrent : l’électeur vote pour celui qui promet de réparer les trous dans les rues, non pas pour celui qui souhaite construire des puits en Afrique.
Or, il ne s’agit ici de mettre en cause la nature locale de l’engagement qui sera attribué aux prochains élus municipaux, ni de souhaiter l’émergence d’un bras de fer entre cosmopolites et localistes. Il s’agit plutôt de réaliser que, quelle que soit la volonté de la municipalité, l’international s’invite, de façon plus ou moins courtoise et appréciée, dans le quotidien des habitants et des acteurs de toute ville. Et le façonne en profondeur, avec des impacts majeurs sur un éventail de domaines qui vont du vivre-ensemble à la compétitivité économique, du tourisme à la culture, de l’environnement à la place de la technologie dans la société. L’international ne peut pas être ignoré par la politique locale : soit il est gouverné, devenant ainsi une ressource pour l’administration locale et la ville dans son entièreté, soit il est subi, avec des conséquences parfois négatives.
Depuis le second après-guerre, les évolutions du droit et le renforcement de l’accompagnement des collectivités territoriales par l’État, les organisations internationales et un nombre florissant de réseaux de villes ont créé un environnement toujours plus propice à l’action internationale des mairies. Néanmoins, son véritable déclencheur réside dans la capacité de ces dernières à adapter leur projection internationale à l’évolution politique, économique et sociale de leur ville.
Née dans un objectif de réconciliation entre anciens ennemis, d’intégration régionale et de solidarité Nord-Sud, cette action internationale a su progressivement s’approprier une dimension économique profitant des opportunités offertes par la globalisation des marchés, se dotant ainsi des instruments aptes à faire rayonner l’écosystème local. Au fil des dernières années, elle s’est enfin enrichie d’une dimension participative inspirée des valeurs de la co-création des politiques publiques et alimentée par la capacité de capitaliser les divers liens personnels et professionnels qui lient déjà la ville à l’international.
Comme nous le montrons dans ce rapport, les retombées générées par l’adhésion à cette troisième étape de l’action internationale des villes (la participation et l’inclusion, après la solidarité et le développement économique) sont vastes et évidentes. Néanmoins, sa diffusion demeure, en France comme dans le reste du monde, encore partielle. Voici donc pourquoi, avec une perception limitant l’action internationale des villes au rayonnement économique, voire à l’esprit pacifiste et solidaire de l’après-guerre, candidats et opinion publique ne voient pas forcement la nécessité d’intégrer l’international dans les débats pour les prochaines élections municipales. Ce rapport représente ainsi une contribution à une prise de conscience sur la nécessité de mettre à jour la façon dont on regarde l’action internationale des villes, de l’intérieur comme de l’extérieur.
Avec ce regard renouvelé, on s’apercevra donc que si construire un puits dans une commune rurale d’Afrique de l’Ouest ne réparera pas un trou dans la rue d’une ville française, cette dernière pourra néanmoins en tirer des bénéfices nombreux et de vaste envergure : mobilisation des associations locales et expériences internationales pour les citoyens engagés ; activités éducatives ciblées sur les jeunes et les écoliers ; engagement des communautés de migrants et réponse au risque de marginalisation et de repli identitaire ; visibilité internationale des entreprises locales et liens durables avec communautés étrangères en plein développement. Sans même évoquer la valeur intrinsèque d’une action solidaire envers des populations en difficulté.
Comme toute politique municipale, l’action internationale nécessite un travail attentif de création, coordination, communication et évaluation de toutes ses étapes, et elle appelle ainsi à être intégrée à part entière dans la politique de la ville. Les bonnes pratiques de nombreuses villes françaises engagées à l’international permettent de guider ce processus à travers la mise en place de trois préconditions, entrelacées et indispensables, afin que l’action internationale d’une ville soit couronnée de succès.
Premièrement, l’internationalisation doit représenter une priorité politique claire et assumée au sein du conseil communal. Le rôle du maire en cela est très important : son engagement en qualité d’ambassadeur de la ville est indispensable dans la création des réseaux politiques et d’influence locaux et internationaux sur lesquels les initiatives concrètes s’appuieront.
De ce premier point doit en sortir un second, lié à la place de l’international dans l’administration municipale. La présence de ressources internes capables de conseiller le maire dans son action internationale, d’assurer les conditions matérielles des actions en mobilisant les différents acteurs de l’écosystème public et privé local et en attirant sur le territoire aides et subventions conséquentes se révèle nécessaire.
Ces agents doivent d’ailleurs recouvrir un rôle, à l’intérieur de l’administration, qui leur permette d’engager les différentes directions et services et de diffuser ainsi une vision de l’international comme ressource pour les nombreux volets de l’action municipale, ne serait-ce que pour repérer des bonnes pratiques qui ont prouvé leur efficacité, pour attirer sur le territoire des ressources économiques ou techniques, ou encore pour permettre à la ville et à ses acteurs, publics et privés, de rayonner et de partager leurs valeurs à l’international.
Enfin, on retrouve la clef de voûte de la nouvelle ère de la diplomatie des villes : l’implication des habitants et des acteurs locaux dans les différentes étapes de l’action internationale. Afin que cette dernière soit soutenue et impulsée par les énergies citadines doit se diffuser le sentiment d’une coparticipation à sa définition et sa mise en œuvre. Cela signifie bien sûr la mobilisation des acteurs du territoire qui veulent se projeter à l’international, y compris ceux à vocation économique, mais aussi un travail d’information et échange avec la totalité de la population, afin de profiter de sa force créative et propulsive.
À travers le prisme de cette nouvelle diplomatie, la ville, la plus ancienne des institutions politiques, montre ainsi toute sa vitalité et sa capacité à se faire le vecteur de l’internationalisation des multiples énergies locales. À l’ombre de l’Hôtel de ville, le local et international peuvent ainsi se rencontrer et donner vie à des solutions concrètes, partagées et évolutives face aux défis grands et petits de notre époque.
Bibliographie
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Direction générale des collectivités locales (DGCL) (2019), « Les collectivités locales en chiffres 2019 », https://www.collectivites-locales.gouv.fr/files/files/statistiques/brochures/les_collectivites_locales_en_chiffres_2019.pdf
Auditions
Josep Maria Llop Torné, directeur de la chaire UNESCO « Villes intermédiaires et urbanisation mondiale » à l’université de Lleida, 22/07/2019.
Patrick Baudu, président de l’Atelier d’urbanisme (Perpignan), 26/07/2019.
Jonathan Gainche, directeur général de Villes de France, 24/07/2019.
Kader Makhlouf, conseiller Europe, international et sécurité de France Urbaine, 26/07/2019.
Stefano Marta, Centre pour l’entrepreneuriat, les PME, les régions et les villes de l’OCDE, 31/07/2019.
Geneviève Sevrin, directrice générale de Cités Unies France, 01/08/2019.
Christine Moro, ambassadeur, déléguée pour l’Action extérieure des collectivités territoriales, secrétaire générale de la Commission nationale de la coopération décentralisée, 02/12/2019.
Marie-Bernard Amirault-Deiss, directeur, et Aude Sivigny, chargée de projets européens et coopération internationale, Direction des relations internationales, Ville de Tours, 05/12/2019.
Yann Thoreau La Salle, directeur Innovation, économie & international, Ville de Lille, 06/12/2019.
Renauld Jacquin, directeur, Direction des relations européennes et internationales, Ville et Eurométropole de Strasbourg, 04/12/2019.
Jean-François Habeau, directeur exécutif du Fond mondial du développement des villes, 16/12/2019.
Mariline Etero, directrice, Narbonne Tourisme et Ville de Narbonne, 16/12/2019.
Lucie Junet, responsable Europe et International, Ville de Reims et Grand Reims, 18/12/2019.
Marie-Pierre Bourzai Cherif, responsable de la division « Territoires et entreprises » et Diane Le Roux, responsable du pôle Action extérieure des collectivités territoriales, Agence française de développement, 07/01/2020.
Éric Recoura, directeur, Direction relations internationales de la Ville de Grenoble, président, ARRICOD, 10/01/2020.
Andreas Korb, directeur de la Mission des coopérations internationales, Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), 13/01/2020.
Jean-Marie Tétart, maire de Houdan, 15/01/2020.
Christophe Chaillou, directeur général, Association française du conseil des communes et régions d’Europe, 27/01/2020.
La présence de comités de jumelages qui, en France, prennent le plus souvent la forme d’associations loi 1901, ne garantit pas en elle-même une relation étroite et féconde entre les deux villes. Souvent, l’essentiel des activités de ces comités consistent en animations pour les adhérents, notamment sous la forme de voyages, avec une interaction limitée avec le reste des citoyens. Il n’est donc pas surprenant que ces comités peinent souvent à trouver des nouveaux membres. Afin de dynamiser leur action, la Ville de Reims a favorisé la création d’une association pour les fédérer, « Reims Rayonnement International », capable d’impulser différentes activités citadines de mise en valeur des liens internationaux de la ville (audition du 18 décembre 2019). ↑
Le président de CGLU, actuellement Mohamed Boudra (2019–2022), maire d’Al Hoceima (Maroc), préside d’ailleurs le Comité consultatif des autorités locales de l’ONU (UNACLA), créé en 2000 afin de renforcer le dialogue entre gouvernements locaux et les Nations unies avec un focus particulier sur le Programme des Nations unies pour les établissements humains. ↑
En France, de nombreuses municipalités ont exprimé leur solidarité aux migrants, aux chrétiens d’orient, aux victimes du génocide arménien ou encore à des prisonniers politiques et des condamnés à mort dans des pays étrangers. ↑
La campagne « Vision 2020 », lancé en 2003 par le réseau de villes « Mayors for Peace » (7 863 villes dans 163 pays en février 2020), visait à l’abolition des armes nucléaires à l’horizon 2020. ↑
Berkeley, en Californie, est souvent considérée comme le lieu de naissance de cette pratique, en 1971. ↑
Une friction similaire a été observée en France. Les communes françaises sensibles aux droits des migrants se sont réunies en septembre 2018 au sein de l’Association nationale des villes et territoires accueillants (ANVITA), lancée en septembre 2018 et fédérant 35 villes de taille différente. La critique de l’inaction de l’État français apparait de façon évidente dans la plaquette de présentation du réseau : « Nous demandons ainsi que l’État assume ses missions et assure les moyens pour créer des solutions d’accueil, d’hébergement et d’accompagnement plus nombreuses et plus qualitatives que celles existantes aujourd’hui. Cela doit passer par la mise en place d’une stratégie nationale d’accueil afin de répartir et d’accompagner l’effort de solidarité. Nous l’enjoignons à respecter le droit et ses engagements internationaux (Protocole de Quito de l’ONU, Convention de Genève), européens (Pacte d’Amsterdam) et nationaux (Code des Familles et de l’Action Sociale) » (ANVITA 2019). L’ANVITA s’inspire d’ailleurs de l’expérience italienne, en affichant sur la page d’accueil de son site internet (https://villes-territoires-accueillants.fr) la cartographie des villes qui se sont opposées au décret Salvini, réalisée par Cristina Del Biaggio de l’université Grenoble Alpes. ↑
À titre d’exemple, on peut mentionner la coopération entre Chinon et Luang Prabang (Laos) autour du développement urbain et de la gestion du tourisme, entre Albi et Abomey (Bénin) au sujet du patrimoine matériel et de l’attractivité, entre Bouguenais et El Tuma la Dalia (Nicaragua) en matière de défense et de la promotion des droits des enfants. Les trois projets ont bénéficié du soutien de la Délégation pour l’action extérieure des collectivités territoriales (DAECT). ↑
Certaines villes-centres, telles que Grenoble, prévoyaient déjà un engagement du territoire voisin dans leur action internationale, avec néanmoins une question de légitimité et parfois des tensions entre communes. ↑
Pour faire face aux critiques relatives aux déplacements à l’étranger des élus, la Ville de Lille a mis en place en automne 2019 un mécanisme de compensation des émissions carbone ainsi générées (audition du 6 décembre 2019). ↑
A l’occasion de la session plénière de la Commission nationale pour la coopération décentralisée du 30 janvier 2020 Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, a annoncé une circulaire aux préfets pour que le les subventions liées à des projets internationaux ne soient pas calculées comme faisant partie du budget de fonctionnement. ↑