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Rapport

Le nouvel urbanisme parisien

Terra Nova a décidé d’ouvrir ses pages au débat des élections municipales de mars 2020 à Paris en publiant un texte de Jean-Louis Missika sur le nouvel urbanisme parisien. Jean-Louis Missika est membre de l’actuelle majorité municipale, adjoint à la maire de Paris en charge de l’urbanisme, de l’architecture et du Grand Paris, et président du mouvement « Paris en Commun ». Notre volonté n’est pas ici d’exprimer une préférence partisane, mais de jeter les bases d’une discussion de fond. À ce débat documenté, nous convions toutes les parties prenantes à cette élection, y compris les experts qui souhaitent s’exprimer sur ces sujets. Nous sommes ici dans notre rôle d’animation de la vie démocratique. C’est donc avec plaisir que nous publierons dans les semaines et les mois qui viennent toute contribution qui se donnerait l’ambition de nourrir une telle discussion, que ce soit pour répondre à un texte ou pour développer un autre point de vue. Notre seule exigence est que ces contributions dépassent le cadre d’une simple opinion ou d’une tribune.
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Est-ce qu’à la prochaine vague de froid à Paris, nous aurons oublié les récentes vagues de chaleur et les records de canicule de juillet 2019 ? La question mérite d’être posée tant il semble que les événements climatiques sont vécus intensément mais qu’on les oublie vite. Ou peut-être refusons-nous d’avoir cette mémoire parce qu’elle est anxiogène ? Qui se souvient que nous avons vécu, depuis 2016, deux crues de la Seine, l’une à 6,10 m en juin 2016, l’autre à 5,86 m en janvier 2018 ? La précédente de cette envergure datait de 1982, et celle d’avant de… 1920. Qui se souvient de la vague de froid glacial qui a traversé l’Europe en janvier 2017, et du phénomène Moscou-Paris fin février 2018 ? Nous commençons à prendre conscience que le dérèglement du climat est une réalité durable et diverse, et qu’il va falloir s’y adapter sans pour autant cesser de le combattre. Car la ville va devoir faire face à des événements extrêmes auxquels elle n’est pas préparée. En psychologie, la résilience consiste à surmonter un traumatisme, à se reconstruire, à sortir du déni. Dans le cas des villes, elle désigne leur capacité à faire face aux chocs qu’elles subissent, à les absorber et à les digérer. Mais c’est bien psychologiquement que le problème est le plus difficile : la situation est tellement inhabituelle. Ce n’est plus business as usual , ni politics as usual . « Toujours plus de la même chose » n’est plus une option pour les responsables. Finie, la ville comme d’habitude. Il faut en sortir justement, choisir des stratégies de transformation et prendre des risques. Alors que les démocraties avaient l’habitude des voies moyennes et des solutions de compromis, il y a quelque chose de vertigineux et d’angoissant à accepter que ce n’est plus possible. Et ce vertige est la cause du déni.

Des traumatismes, Paris en a connu beaucoup ces dernières années. Et pas seulement des inondations et des canicules. Les massacres du 13 novembre 2015 au Bataclan et ailleurs dans Paris et à Saint-Denis, les assassinats de Charlie Hebdo le 7 janvier de la même année ont secoué les consciences et mis à l’épreuve les systèmes de valeurs. Les Parisiennes et les Parisiens ont prouvé à cette occasion que la devise Fluctuat nec mergitur [1] disait la vérité de Paris et qu’elle était aussi la première définition de la résilience. Mais Paris a changé, imperceptiblement. Les musées, les théâtres se sont dotés de détecteurs de métaux, et il faut faire la queue pour y entrer ; les dispositifs anti-voitures béliers ont surgi sur les places et les avenues ; la Tour Eiffel s’est entourée d’un vitrage anti-mitraillage ; le nombre de caméras de surveillance dans l’espace public a augmenté. La ville est la même mais elle n’est plus tout à fait la même, et nous nous en accommodons insensiblement. C’est dans un coin de notre tête même si nous cherchons à l’oublier. Et quand nous avons vu brûler Notre-Dame, nous avons en outre tous compris que rien n’est éternel, même à Paris.

Les dangers qui menacent une ville comme Paris sont d’ordres très divers. Les excès du tourisme de masse, la crise des réfugiés, la gentrification, la relégation des classes moyennes, la petite délinquance, les incivilités, les agressions homophobes, le terrorisme suscitent beaucoup de discussions et de controverses. Mais la crise du climat crée un clivage différent entre ceux qui ne veulent pas en entendre parler, qui la nient et veulent continuer à vivre « comme avant », et ceux qui éprouvent un sentiment d’urgence doublé d’un sentiment d’impuissance. Le désespoir et le fatalisme se répandent vite, tout comme le déni et le je-m’en-foutisme. Psychologiquement, nous peinons à hiérarchiser les urgences.

Et ce ne sont pas les messages déclinés sur tous les tons à propos de Paris qui peuvent nous y aider. On dit que Paris est trop dense, mais on s’alarme parce que Paris perd des habitants. On dit que Paris manque de logements abordables, mais comme Paris est trop dense, on dit aussi qu’il ne faut plus construire. On dit qu’il faut verdir Paris, mais comme Paris est une ville minérale, on dit qu’on porte atteinte à son patrimoine si on la végétalise. On réclame de la pleine terre et on oublie que les sous-sols parisiens sont remplis par les réseaux du métro, du RER, du gaz, de l’électricité, des égouts, de l’eau potable, du chauffage urbain, du froid, de la fibre optique, des parkings et de quelques autres services. On dit qu’il faut rééquilibrer l’Est et l’Ouest de Paris en matière d’emplois, mais on refuse la construction de nouveaux bureaux à l’Est. On parle de bétonisation alors que la ville mène une bataille de longue haleine contre le béton au profit des matériaux biosourcés comme le bois. On dit qu’il faut connecter Paris et les villes voisines dans la perspective du Grand Paris, mais on combat les projets d’aménagement des friches ferroviaires à l’est et au nord de la ville. On dit qu’il faut transformer le Périphérique en boulevard urbain, mais on dit aussi qu’il ne faut pas construire près du Périphérique parce que c’est une autoroute. On dit qu’il faut lutter contre l’étalement urbain qui menace les terres agricoles, mais qu’il ne faut pas construire de tours parce qu’elles sont énergivores. On dit qu’il faut diminuer la place des voitures, mais qu’il ne faut pas leur fermer la voie express rive droite. On dit qu’il faut faire des pistes cyclables, mais sans diminuer l’espace pour les voitures. On dit que l’accueil des migrants est indigne, mais on dit aussi qu’un meilleur accueil créerait un « appel d’air ». On dit qu’il y a trop de touristes, mais on dit qu’il en faut davantage. On dit tellement de choses…

Comment s’y retrouver dans ces messages contradictoires, parfois non dénués d’arrière-pensées politiques ou personnelles ? Comment faire la différence entre une revendication écologiste authentique d’espaces verts et la mobilisation de quelques riverains aisés qui se servent de l’écologie pour empêcher la construction de logements sociaux en face de chez eux ? Comment faire tenir ensemble des objectifs et des aspirations apparemment contradictoires, construire et verdir, respirer et circuler, protéger et développer, densifier et dédensifier ?

Dans cet essai, je fais le bilan de mon expérience d’adjoint à la maire de Paris en charge de l’urbanisme, de l’architecture et du Grand Paris. J’analyse ce qui a été fait, j’indique ce qui reste à faire et j’esquisse des perspectives pour le futur. Je m’attache à montrer comment l’urbanisme parisien a négocié le virage de l’urgence écologique et sociale et a intégré la notion de « commun urbain », qui permet de dépasser la séparation entre public et privé. L’air que nous respirons, l’eau que nous buvons, l’espace public où nous nous déplaçons, les données que nous produisons, les algorithmes que nous utilisons, la culture, le patrimoine, l’information, la science, la biodiversité ne sont pas des marchandises, mais ce ne sont pas non plus des services publics : ce sont des communs. Et la question de la gouvernance de ces communs est au cœur de la crise démocratique actuelle. Ce concept de commun urbain ouvre la voie à un nouveau mode de gestion collaborative de nos ressources communes et vitales. Il ne concerne pas seulement les espaces publics mais tous les espaces urbains. Une copropriété, par exemple, gère un commun.

Le nouvel urbanisme parisien que nous avons mis sur pied est fondé sur la restauration écologique et la gestion partagée des communs urbains.

La restauration écologique est une pratique qui a d’abord été élaborée pour des espaces naturels endommagés (forêts incendiées, fleuves pollués, etc.) : elle consiste à réparer ou rééquilibrer un écosystème. À Paris et dans d’autres métropoles, elle s’impose pour redonner une place à la biodiversité et adapter l’environnement urbain aux aléas climatiques. Cette restauration écologique donne plus de place aux piétons et aux cyclistes dans l’espace public, et moins aux voitures. Plus de place aussi au végétal par rapport au minéral, en diversifiant la végétalisation et en l’orientant vers le rafraîchissement de la ville et la préservation de la biodiversité. Elle vise également à modifier les pratiques architecturales, en donnant la primauté à la réhabilitation des bâtiments car la démolition/reconstruction a une empreinte carbone désastreuse et produit trop de déchets ; en construisant une filière du réemploi des matériaux, car les déchets doivent être considérés comme des ressources pour la construction ; en privilégiant les matériaux biosourcés, dont le bois, par rapport au béton et au ciment, dont la production émet beaucoup de gaz à effet de serre et consomme des ressources qui se raréfient. Les grands projets d’aménagement sur les dernières emprises ferroviaires disponibles au nord et à l’est de Paris sont respectueux de ces nouvelles règles du jeu, assument les grands équilibres entre bâti et espaces libres, font la part belle à la pleine terre et à la désimperméabilisation des sols. La décision de ne pas construire sur dalle au-dessus des voies ferrées a rendu cela possible ainsi qu’une nouvelle approche de la densité. Celle-ci est, pour ces projets, largement inférieure à celle des arrondissements dans lesquels ils se déploient et, on s’en doute, à celle de la moyenne de Paris.

J’aborde ici tous les sujets polémiques, qu’il s’agisse de l’érection de tours ou de la construction de bureaux. Je suggère que les prochains grands chantiers de la mandature, dont certains sont déjà en cours comme à la porte Maillot ou à la porte de Montreuil, permettront de transformer des portes de Paris en places du Grand Paris car la couture urbaine entre Paris et les communes voisines est une condition sine qua non de l’invention d’un Grand Paris polycentrique. Et j’essaie de démontrer que la transformation du Périphérique en boulevard urbain, ouvert aux circulations douces, n’est pas une utopie mais un projet réalisable en quelques années. J’avance aussi l’idée que la réussite du Grand Paris repose sur un équilibrage des densités de population, entre le centre et la périphérie, et sur le rééquilibrage Ouest/Est des emplois et des logements. Ensuite, puisque le concept de commun urbain ne concerne pas que l’espace public mais aussi les espaces privés, les immeubles d’habitation et tous les types de bâtiments, je montre que cette idée est à l’œuvre dans les appels à projets urbains innovants comme Réinventer Paris . Enfin, je dessine ce que pourrait être l’urbanisme parisien des dix prochaines années.

L’urbanisme est confronté à un défi majeur : l’accélération de l’évolution des usages et des pratiques urbaines. Cela exige de penser la flexibilité et la réversibilité des bâtiments dès leur conception, et empêche de figer la planification urbaine sur la longue durée. L’urbanisme doit aussi encourager la co-construction des projets avec les citoyens et pratiquer la préfiguration des projets grâce à l’occupation temporaire des bâtiments et l’expérimentation. Un changement d’état d’esprit est nécessaire : il faut faire preuve d’agilité malgré le fait que les travaux d’infrastructure relèvent de la longue durée ; il faut accepter que des partenaires privés aient leur mot à dire très en amont des projets ; il faut trouver de nouveaux outils de dialogue et de concertation avec les riverains mais aussi avec les futurs occupants, ceux qui ne sont pas encore là mais qui rêvent de vivre ou de venir travailler à Paris avec des loyers raisonnables. Cette nouvelle gouvernance des communs urbains est une gouvernance des projets, avec toutes leurs parties prenantes, c’est le retour de la ville partagée.

1. Tenir le cap de la transition Écologique

L’Accord de Paris sur le climat a suscité chez les responsables politiques deux types de réactions très contrastées : ceux qui l’ont considéré comme une sympathique déclaration d’intention et ceux qui l’ont pris au sérieux et ont décidé de l’appliquer. Anne Hidalgo appartient à cette deuxième catégorie et elle en a payé le prix tout au long de cette mandature. Car l’essentiel de la politique de la ville s’est organisé autour des objectifs de cet accord.

La municipalité a fixé un cap ambitieux dans son Plan climat : celui d’une ville entièrement décarbonée à l’horizon 2050. Elle a décidé de sortir du diesel en 2024 et du moteur thermique en 2030. Elle mène une politique très claire de diminution de la place de la voiture dans l’espace public ( rappelons que celle-ci occupe 50 % de cet espace pour 13 % des déplacements [2] ) au profit des piétons et des cyclistes. Cet espace public est également débitumé et végétalisé partout où cela est possible. Certains disent que ce projet est utopique et ne pourra pas être réalisé dans ce calendrier, que la mise sous tension de la ville et de la métropole est trop importante. Il est vrai qu’il n’est pas facile de comprendre que, même si les véhicules électriques ne représentent que 3 % du parc aujourd’hui (à Paris), ce chiffre pourrait être de 100 % en 2040 avec les véhicules à l’hydrogène et au bioGNV, grâce à la croissance exponentielle de l’équipement, stimulée par une réglementation incitative. Il est également difficile de se familiariser aujourd’hui avec des notions comme «  l’économie circulaire  » ou «  la mobilité comme service  » et d’imaginer que, demain, ce seront les modèles dominants. Difficile d’accepter que les circuits courts et la relocalisation de la production relèvent d’un modèle économique alternatif et non d’une activité marginale. Difficile de croire que la ville zéro carbone est possible, que le bâtiment à énergie positive est possible, que la renaturation de la ville est possible. Et tout cela à l’horizon 2050. Pourtant, c’est exactement la grande mutation dont les villes ont besoin : une transformation rapide des comportements humains, des modèles d’affaires des entreprises, des modèles économiques, des ressources énergétiques, une préservation de la biodiversité, une mobilisation de toutes les innovations utiles et une sortie rapide de tout ce qui contribue au réchauffement climatique et à l’épuisement des ressources. À travers ce nouvel urbanisme, c’est un nouveau contrat social qui se dessine autour d’un nouvel art de vivre, de travailler, de construire, d’habiter et de se déplacer.

Quand nous proposons de sortir du moteur thermique à l’horizon 2030, cela veut dire que tous les services de transport fonctionneront alors à l’électricité, au biogaz ou à l’hydrogène, celui-ci étant produit par électrolyse de l’eau. Le réseau d’avitaillement qu’il faut mettre en place est considérable, tout comme les mesures de soutien à l’équipement des professionnels. C’est difficile mais c’est faisable, et c’est conforme à l’Accord de Paris et au Plan climat de la ville. On peut même considérer que ne pas le faire, ce serait renoncer à l’Accord de Paris.

1.1. La restauration Écologique

L’urbanisme doit conjuguer des aspirations contradictoires, rendre compatibles des objectifs différents, voire rivaux, gérer des déséquilibres liés à la dynamique de villes toujours en mouvement. C’est une science de la ville à venir mais aussi de la négociation et du compromis. Elle doit définir des règles, en tenant compte du fait que la ville vivante déborde et transgresse toujours les schémas et les modèles.

Dans la période que nous vivons, cette discipline est mise à rude épreuve. Les esprits sont échauffés, les opinions extrêmes, l’écoute aléatoire et le dialogue souvent intermittent, voire impossible. L’horizon de l’urbanisme est le long terme, un lourd handicap dans une société de l’instantané. Dans ce contexte difficile, l’urbanisme parisien s’est pourtant réinventé : il est devenu plus agile, plus réactif.

L’urbanisme planificateur qui imposait une vision figée à un territoire n’est plus adapté aux attentes des citadins, aux défis d’aujourd’hui et à la temporalité de la ville. Les programmes d’aménagement où l’on dessine des lots que l’on cède à des promoteurs immobiliers, les ventes aux enchères de foncier public, les bâtiments obsolètes au moment de leur livraison, car pensés sans réversibilité, tout cela appartient au passé.

Au cours des dix dernières années, l’urbanisme parisien a dû prendre en compte l’urgence climatique et l’intégrer à un programme déjà très ambitieux centré sur le logement des plus fragiles, l’habitat insalubre et la réalisation de grands projets d’aménagement sur des emprises ferroviaires. Cette intégration a été difficile car l’urbanisme de restauration écologique propose une approche différente de la ville. Restaurer signifie réparer, réhabiliter des écosystèmes endommagés.

L’ère haussmannienne a construit le Paris très minéral que nous connaissons et installé les profondes coupures des réseaux ferrés. L’ère du tout-automobile des années 1970 nous a séparés du sol avec l’urbanisme de dalle, elle a intensément bitumé et artificialisé Paris, réunissant les conditions des îlots de chaleur que nous constatons aujourd’hui lors des canicules. Elle a également créé les frontières autoroutières du Périphérique, des voies express rive droite et rive gauche. La crise pétrolière de 1974 nous a fait échapper à la réalisation d’un plan prévoyant huit autoroutes qui devaient zébrer Paris. La restauration écologique vise donc à « renaturer » la ville ainsi qu’à transformer ces frontières physiques et à les franchir. La vision plus traditionnelle d’un aménagement de construction doit s’adapter à cette nouvelle priorité.

La végétalisation d’une ville relève d’une approche globale. Si l’on veut lutter efficacement contre le réchauffement et les îlots de chaleur, il faut impérativement végétaliser, quels que soient les contextes et les situations. Dire que la végétalisation des toits et façades n’est pas une « vraie » végétalisation est dérisoire. Tout comme est dérisoire d’opposer végétalisation de pleine terre à végétalisation sur dalle. Bien sûr que la pleine terre est préférable, mais là où il n’y a pas de pleine terre, il ne faut pas renoncer à verdir. D’autant que le savoir-faire des paysagistes s’est diversifié et modernisé, et que le sous-sol parisien est, comme on sait, truffé de réseaux. Quand Michel Desvigne, Grand Prix de l’urbanisme 2011, explique qu’il a conçu sa Forêt urbaine de Otemachi à Tokyo sur une dalle de 3 600 m 2 , il précise que le sol a été travaillé pour accueillir une forêt de plus de 200 arbres : «  On n’est pas en pleine terre, c’est un artifice, mais il y a largement le volume de terre pour donner une réelle pérennité à cet hectare [3] . »

La notion de forêt urbaine désigne une forêt ou un boisement poussant en ville ( Wikipedia ). Elle se distingue d’un parc ou d’un jardin par la densité et la diversité de ses plantations, son attention à la biodiversité et à l’écosystème, et par son insertion sans clôture.

Projet du Parvis de l’Hôtel de Ville

Projet de la place Henri-Frenay à la gare de Lyon

Crédits : APUR / Céline Orsingher

La Ville de Paris a annoncé en juin 2019 le lancement de quatre projets de cette nature : sur le parvis de l’Hôtel de Ville, derrière l’opéra Garnier, gare de Lyon et sur les berges. En outre, le projet lauréat du nouveau quartier Montparnasse en prévoit un autre sur le site de l’actuel centre commercial. Par ailleurs, la Ville de Paris et la startup Reforest’Action ont créé sur une parcelle de 700 m 2 à proximité de la pelouse de Reuilly, au bois de Vincennes, une «  forêt primitive  » de 2 000 arbres selon la méthode du botaniste japonais Akira Miyawaki, avec 23 essences différentes.

Ces artefacts naturels font partie intégrante du verdissement de la ville comme l’agriculture urbaine en sous-sol ou sur les toits, comme la débitumisation d’une partie de la voirie pour désimperméabiliser les sols.

La transformation de l’espace public s’intègre à ce projet global. La piétonnisation des voies sur berges (100 000 m 2 ), l’ouverture à la promenade publique de 90 000 m 2 de la Petite Ceinture, le réaménagement de sept grandes places dont celles de la Bastille et de la Nation, la création d’un grand parc d’un seul tenant entre le Trocadéro et l’École militaire autour de la Tour Eiffel, toutes ces initiatives sont guidées par les mêmes principes : donner plus d’espace aux piétons et aux cyclistes, sécuriser les parcours des personnes à mobilité réduite, permettre aux enfants de jouer en toute sécurité, créer des îlots de fraîcheur et de calme, végétaliser.

Cette approche nouvelle n’a pas empêché l’ouverture ou le lancement de grands parcs : Martin-Luther-King dans le 17 e arrondissement (65 000 m 2 aujourd’hui, 100 000 à terme), Chapelle-Charbon dans le 18 e (30 000 m 2 aujourd’hui, 65 000 à terme). Elle n’a pas empêché non plus l’ouverture de nombreux nouveaux jardins : Truillot dans le 11 e (5 600 m 2 ) en lieu et place d’un ancien garage Mercedes, Françoise-Mallet-Joris dans le 13 e (2 168 m 2 ), l’ancien hôpital Boucicaut dans le 15 e (3 500 m 2 ), la caserne de Reuilly dans le 12 e (5 700 m 2 ) ou le nouveau jardin Nelson-Mandela aux Halles (40 000 m 2 ). Le square Teilhard-de-Chardin, en face de la bibliothèque de l’Arsenal, dans le 4 e , quoique petit (800 m 2 ), est également intéressant car il montre que même dans un quartier patrimonial, sillonné de réseaux, il est possible de renaturer.

À la vision classique des parcs et des jardins en ville vient s’ajouter cette conception plus moderne des espaces de respiration, des promenades plantées, des forêts urbaines, des trames vertes, où nature et ville s’interpénètrent, où végétal et minéral s’entremêlent, et qui soulage non seulement de la chaleur mais aussi de la tension urbaine.

La reconquête des grands espaces parisiens : la Seine, la Petite Ceinture, la Tour Eiffel et son parc Faut-il rappeler la saga de la piétonnisation de la voie express Georges-Pompidou ? Peut-être pour se souvenir à quel point cette décision a été critiquée et combien elle est devenue consensuelle aujourd’hui. Qui propose de rouvrir une autoroute urbaine le long de la Seine ? Personne ! Qui s’est opposé à cette « fermeture », qui était une reconquête piétonne, cycliste et pour tout dire humaine des berges de Seine ? Beaucoup de monde : toute la droite parisienne – y compris celle qui se proclame aujourd’hui « Macron-compatible » –, la présidente de la région Île-de-France, le président du Medef, un nombre considérable de journalistes, qui avaient tous en commun l’habitude de circuler en voiture à Paris… Nicolas Beytout écrivait alors dans L’Opinion : « S’il faut se résigner à ce que les aménagements de voirie destinés à décourager l’automobiliste ne soient jamais retirés, au moins l’État devrait-il arrêter la progression de cette folie congestive. » « Consciemment ou non, lisait-on encore dans les Échos , la politique de transport parisienne renvoie, selon certains, aux sources de l’autophobie, phénomène qui remonte à la création même de l’automobile, dès la fin du XIX e siècle, et aux premiers accidents de piétons. » En réponse, deux images avant/après valent mieux qu’un long discours :

Avant/Après Parc Rive de Seine Crédits : Jean-Baptiste Gurliat La transformation de la Petite Ceinture en promenade a suscité moins de polémiques, mais elle a nécessité beaucoup d’imagination administrative. Pour maintenir un statut de voie ferrée à ce réseau tout en l’ouvrant à une activité de loisirs et pour partager les coûts et les responsabilités entre la Ville de Paris et la SNCF, il a fallu voter des conventions de « superposition d’usages » et mettre en place une gestion partagée des espaces entre la ville et la compagnie de chemin de fer. C’est ainsi que, en une seule mandature, plus de 10 km de Petite Ceinture ont pu être aménagés, et tous les arrondissements qu’elle traverse ont été concernés.
Promenade de la Petite Ceinture Crédits : Ville de Paris/Apur Quand nous nous sommes posé la question de l’aménagement de l’accès à la Tour Eiffel, les études lancées nous ont fait comprendre que le sujet n’était pas ce qui se passait au pied de la Tour, mais sur le grand site qui allait du Trocadéro à l’École Militaire, du musée des Arts Premiers à Bir-Hakeim. C’est sur ce site de 54 hectares que nous avons lancé notre appel d’offres. La réponse de Kathryn Gustafson crée un jardin unique qui enjambe la Seine. Elle combine la monumentalité de l’axe central avec le pittoresque des bordures et piétonnise le Trocadéro, les quais rive droite et rive gauche et le pont d’Iéna. Ce projet vise à un meilleur partage de ce lieu emblématique, qui ne doit plus être exclusivement réservé aux touristes, mais attirer aussi les Parisiennes et les Parisiens. Là aussi, la mixité des publics est un objectif de la restauration écologique.
Perspective de la future place du Trocadéro Crédit : Groupement GP+B

Humaniser l’espace public : les sept places Au cours de cette mandature, sept places importantes de Paris (Bastille, Nation, Gambetta, Italie, Panthéon, Madeleine et place des Fêtes) ont été réaménagées. Au total, ce sont plus de 25 000 m 2 de chaussée transformées en trottoirs, pistes cyclables et aires piétonnes, plus de 15 000 m 2 de surfaces végétalisées et plus de 5 000 m 2 de surfaces « débitumées ».

La transformation de la place de la Bastille Crédit : Ville de Paris L’idée était de faire de ces places des lieux de vie et non seulement de passage, en favorisant les mobilités douces et les transports en commun, en les végétalisant pour les rendre plus accueillantes, en prenant en compte les besoins des personnes en situation de handicap et en mettant mieux en valeur le patrimoine qu’elles recèlent. Ces places ont été réaménagées en co-conception avec les citoyens. Dès 2015, une plateforme numérique a été créée pour recueillir l’opinion des Parisiennes et des Parisiens. Des expositions dans les mairies d’arrondissement et des réunions de concertation ont permis de recueillir des contributions. Ont aussi été consultées des associations de piétons, de cyclistes, de personnes en situation de handicap, traitant des questions de genre, notamment de la place des femmes dans l’espace public. En 2017, quatre collectifs d’architectes, paysagistes, ethnologues, spécialistes du genre et de l’insertion ont été missionnés pour co-concevoir et co-construire le réaménagement des places avec tous ceux et celles qui étaient intéressées. Ils ont réalisé des entretiens individuels, des ateliers de conception, des marches exploratoires et des séances de construction de mobilier avec les habitants et les associations. Parallèlement, une démarche de préfiguration a permis de vérifier que les aménagements imaginés étaient les mieux adaptés aux besoins exprimés : les idées ont été testées dans l’espace public, montrées au public, puis ajustées.
La nouvelle place de la Nation Crédit : Ville de Paris Ces places seront totalement accessibles pour les personnes à mobilité réduite, grâce à un sol entièrement aplani pour les passants en fauteuil, et à la création d’un « fil d’Ariane » qui guidera les malvoyants dans leurs déplacements.

La réparation est parfois un véritable casse-tête quand les espaces publics et privés sont entremêlés, et que l’espace privé est possédé par une kyrielle de copropriétaires. C’est le problème auquel la Ville a été confrontée à Montparnasse, mais aussi à une moindre échelle aux Olympiades dans le 13 e arrondissement.

À Montparnasse, nous avons su enclencher une opération majeure en négociation avec la plus grande copropriété d’Europe : la transformation d’un urbanisme de dalle en espace public pour piétons ; la rénovation écologique de la tour Montparnasse ; la transformation d’un centre commercial en commerces de rue ; la renaturation d’un quartier très minéral avec la création d’une forêt urbaine. Et, pour cela, nous avons élaboré un urbanisme de négociation, où le dialogue et le partenariat avec les propriétaires privés jouent un rôle essentiel.

Le même processus est à l’œuvre aux Olympiades. La séparation entre espace public et espace privé est dépassée par la notion de commun urbain , commun dont la gouvernance est partagée entre toutes les parties prenantes, qu’elles soient publiques ou privées. Cette approche, nous l’avons utilisée pour de nombreux sites parisiens au travers d’ateliers ouverts à tous les acteurs concernés : les Champs-Élysées, la Seine, Haussmann-Opéra, porte Maillot, Chapelle-Charbon, porte de Montreuil, porte de la Villette, Olympiades et maintenant le Boulevard périphérique [4] .

Réparer un quartier défiguré par l’urbanisme du tout-automobile : Montparnasse 270 copropriétaires d’un ensemble composé de la tour Montparnasse, de l’immeuble CIT, du centre commercial et d’un immense parking. Une tour et un centre qu’il faut désamianter. Des initiatives dispersées de rénovation de la gare, du centre Gaîté, de la tour. Un quartier qui a un besoin urgent de rénovation et de transformation. Telle est la situation qui a conduit la Ville de Paris à lancer, dès 2014, l’Atelier Montparnasse, qui réunit toutes les parties prenantes, pour coordonner les initiatives et bâtir un projet commun. Le résultat est à la hauteur de l’ambition. Deux concours d’architecture de haute tenue pour la tour et l’immeuble CIT. Le premier remporté par la Nouvelle AOM , un collectif de jeunes architectes français, le second par Lacaton et Vassal . Un concours d’urbanisme pour réaménager le quartier remporté par l’agence de Richard Rogers, Rogers Stirck Harbour + Partners. Une véritable dynamique enclenchée entre les différents partenaires publics et privés, un projet cohérent qui va réparer un quartier défiguré par l’urbanisme du tout-automobile.

Projet de réaménagement du site Maine Montparnasse Crédits : Rogers Stirk Harbour + Partners / Lina Ghotmeh Architecture / Une Fabrique de la Ville / Michel Desvigne Paysagiste / Ingérop / Franck Boutté Consultants / Systematica / Scet / CEI Une rue centrale qui prolonge la rue de Rennes jusqu’à la tour Montparnasse, des commerces qui ne sont plus dans un centre fermé mais dans la rue, une forêt urbaine de plus de 2 000 arbres sur 10 000 m 2 de surface pour végétaliser un quartier très minéral et l’adapter au changement climatique. Un îlot ouvert, avec de nouveaux espaces piétons pour relier les grands axes (la rue de Rennes à la gare Montparnasse, les boulevards Edgar-Quinet et de Vaugirard à la rue de Rennes). Les structures des constructions existantes sont conservées au maximum : elles seront réemployées et surélevées par des ossatures en bois. Les commerces s’intègrent mieux dans cet espace ouvert et l’accès à la piscine municipale est visible et facilité depuis la surface.La rue du Départ est piétonnisée, la largeur du tunnel routier de l’avenue du Maine est réduite afin de proposer de nouveaux services de mobilité et de stationnement, et de nouveaux accès au jardin Atlantique sont proposés.

1.2. Protection du patrimoine et protection de l’environnement : mÊme combat !

La révolution urbaine que j’essaie de décrire implique également de changer en profondeur nos manières de fabriquer la ville, de refaire la ville sur la ville et de protéger le patrimoine, le grand comme le petit. En dehors de quelques grandes emprises ferroviaires au Nord et à l’Est, Paris intra muros est une ville déjà construite. Son histoire est faite d’une succession de styles architecturaux, de continuités, de ruptures, de destructions, de rajouts. Et ce sont tous les patrimoines qui composent notre ville avec leurs dissonances et leurs différences qu’il convient de valoriser et de préserver.

Ces patrimoines ne se limitent pas aux 1 844 immeubles protégés au titre des monuments historiques ni même aux 5 000 bâtiments protégés au titre du plan local d’urbanisme (sur les 100 000 bâtiments parisiens), mais à toutes les formes de bâti et de vide qui constituent notre paysage et notre héritage architectural. Le paysage de la rue ne se réduit pas à une liste de bâtiments exceptionnels.

Une exposition du Pavillon de l’Arsenal en 2018, «  Immeubles pour automobiles  » , nous a ainsi permis de redécouvrir l’intérêt architectural des garages parisiens. La commission du Vieux Paris s’est intéressée aux surélévations et aux parcelles d’angle , caractéristiques de Paris. Ces travaux ont permis de constater que le patrimoine est global et qu’il ne suffit pas de protéger des bâtiments. L’évolution de certaines règles d’urbanisme – comme la disparition du coefficient d’occupation des sols avec la loi Alur en 2014 – a donné plus de capacité de constructibilité et par conséquent aiguisé les convoitises d’opérateurs immobiliers, qui préfèrent la démolition à la réhabilitation à partir de raisonnements souvent spécieux.

Les parcelles d’angle, et plus particulièrement celles du Paris faubourien dans les arrondissements périphériques de la ville, sont désormais regardées avec une plus grande attention par les services de la Direction de l’urbanisme. Car, héritées des cafés parisiens, elles font l’objet de nombreuses discussions avec les porteurs de projet, qui proposent trop souvent de raser ces bâtiments historiquement bas pour venir développer des programmes immobiliers démesurés : que ce soit rue Oberkampf ou boulevard de Ménilmontant, nombreux sont les cas où la Ville de Paris a refusé, pour des raisons patrimoniales et d’insertion urbaine, des permis de construire afin de trouver d’autres solutions architecturales [5] . Ce « patrimoine du diffus » a donc pris une place plus importante durant cette mandature, et, dans l’avenir, une plus grande vigilance sera nécessaire.

Deux exemples de refus de permis de construire pour protéger des parcelles d’angle ou un paysage parisien Au 111 bis-113 boulevard de Ménilmontant, la note d’analyse du Département d’histoire de l’architecture et d’archéologie de la Ville de Paris précise que l’adresse ancre cette portion du boulevard dans son passé faubourien : le bâtiment d’un étage ouvert par un passage cocher donne sur une cour intérieure bordée d’ateliers réaffectés, quand celui de deux étages marque l’angle formé par le large boulevard et l’étroit passage de Ménilmontant. L’architecture des élévations est plus recherchée que les traditionnelles façades lisses des faubourgs de cette portion de Paris. Elles sont rythmées par une riche modénature. Enfin, plus que les façades, les ruptures de niveaux, le faible gabarit des constructions et la profondeur de la parcelle sont des marqueurs urbains forts, qui font l’originalité du tissu et l’identité du quartier. L’adresse appartient donc à ce patrimoine faubourien sensible aux pressions foncières et un temps menacé de disparition, qui a suscité, depuis les années 1990, l’attention des historiens, des urbanistes, des architectes et des Parisiens. Ici, le permis de construire d’un bâtiment de sept étages a été refusé.

Une vue du 111 bis-113 boulevard de Ménilmontant Crédit : Ville de Paris Au 112–114 rue Oberkampf, c’est un immeuble d’angle d’un étage, typique du style faubourien qui devait être démoli au profit d’un hôtel de six étages. Là aussi le permis de construire a été refusé, au motif de la protection du paysage de la rue.
Le 112–114 rue Oberkampf, un café d’angle typique du style faubourien Crédit : Ville de Paris

La raréfaction du foncier parisien explique cet appétit pour les « dents creuses », pour les surélévations excessives, pour les démolitions sans raison valable qui défigurent notre ville. Il est nécessaire de développer une prise de conscience globale de la valeur de ces patrimoines, qu’ils soient industriels, faubouriens ou modernes. Même s’il s’agit d’un patrimoine modeste, il joue un rôle clé dans l’histoire architecturale de la cité. C’est pourquoi la Ville de Paris agit pour convaincre toutes les parties prenantes que la conservation et la réhabilitation sont préférables à la démolition.

C’est ici que la protection du patrimoine et celle de l’environnement se rejoignent, qu’elles apparaissent clairement comme des alliées et non comme des adversaires. En termes d’empreinte carbone, la conservation est la meilleure solution. En Île-de-France, 70 % des déchets sont issus du BTP et 65 % des déchets du bâtiment sont issus de la démolition [6] . À l’heure où la Ville de Paris a voté le Plan climat qui doit nous guider vers la neutralité carbone, nous devons arrêter de démolir quand ce n’est pas nécessaire. C’est un changement d’approche radical. Si certains bâtiments sont facilement transformables, à l’image des immeubles haussmanniens qui ont servi tour à tour de logements, de bureaux, puis à nouveau de logements, d’autres le sont beaucoup moins, et restructurer est souvent plus difficile que démolir pour reconstruire. Architectes et maîtres d’ouvrage, publics ou privés, démontrent pourtant régulièrement que de très beaux projets peuvent naître de ce système de contraintes.

Trois exemples de réhabilitation Au terme d’une discussion approfondie avec Gecina sur le site historique de Peugeot, avenue de la Grande-Armée, nous sommes tombés d’accord pour que ce bâtiment, emblématique d’une époque, soit préservé plutôt que démoli et reconstruit. Quelles que soient les difficultés, il nous semblait préférable de partir d’une réflexion sur la transformation de cet ensemble remarquable conçu par les architectes Louis Luc et Thierry Sainsaulieu, issus du mouvement moderne. Par un dialogue de qualité avec le maître d’ouvrage, nous avons abouti à un projet de restructuration respectueux du bâtiment, par l’agence Baumschlager Eberle.

La réhabilitation du 75, avenue de la Grande-Armée Crédits : GECINA / Baumschlager Eberle Autre exemple marquant, le site du garage Renault rue Amelot dans le 11 e arrondissement, constitué, outre le garage, d’une grande halle industrielle avec une belle verrière. Le tout était promis à une démolition probable si une discussion n’avait pas été engagée avec Renault, propriétaire actuel et vendeur du site, qui a bien voulu s’inscrire dans la démarche « Réinventer Paris ». À l’occasion des différents échanges menés dans le cadre de la procédure, nous avons ainsi pu établir avec l’architecte des Bâtiments de France, les services de la Ville et la mairie d’arrondissement, l’importance de la conservation de ces éléments patrimoniaux. Le projet lauréat, porté par 3F et dessiné par Gaëtan Le Penhuel et SAM architectes, conserve la totalité de ce patrimoine industriel parisien.
La réhabilitation du garage Amelot Crédits : Gaëtan Le Penhuel & associés, SAM architectes . Au 151 rue du Faubourg-Poissonnière, le bailleur social Elogie-SIEMP est venu avec l’atelier d’architecture Laurent Niget transformer un garage, avec son parking de plusieurs niveaux, en logements.
La transformation d’un garage en logements au 151, rue du Faubourg-Poissonnière Crédit : Cyril Bruneau Ces opérations sont très nombreuses dans Paris, et il est désormais démontré qu’une telle mutation est possible et souhaitable. Il en va de même pour de nombreux immeubles de bureaux, témoignage d’une autre époque dont les deuxième ou troisième vies passent aussi par la réhabilitation.  Le projet de la RIVP avec Canal architecture dans le quartier de la Mouzaïa (19 e arr.) fait partie de ces projets de transformation intéressants : deux immeubles qui ont accueilli tour à tour une fabrique de machines à coudre, la direction des affaires sanitaires de l’État et un centre d’hébergement d’urgence font l’objet à présent d’une véritable acupuncture architecturale, qui les a transformés en 288 logements.

Nous avons développé des outils réglementaires qui nous aident dans cette démarche de protection du patrimoine. Grâce à un travail considérable d’études, d’inventaires, de signalements réalisés avec l’appui des sociétés savantes d’historiens du patrimoine, des associations, des conseils de quartier et de la commission du Vieux Paris, nous avons protégé plus de 5 000 bâtiments au moment de l’élaboration du PLU. Cette « protection Ville de Paris » est forte. Elle vise entre autres à interdire la démolition des éléments fragiles du patrimoine parisien, les façades et le bâti mais aussi les devantures, les porches, les décors intérieurs…

C’est une bataille difficile, qui se joue souvent devant les tribunaux, et qui risque de durer pendant de longues années. Encore aujourd’hui, le très bel hôtel de la Garantie dans le 3 e arrondissement est menacé d’être défiguré par la construction d’un commissariat de police (ce qui prouve que ce ne sont pas seulement les promoteurs privés qui menacent le patrimoine). Le prochain PLU devra renforcer les dispositifs de protection.

1.3. Le rÉemploi : transformer les maniÈres de (re)construire

Protéger l’environnement ne signifie pas arrêter de construire, mais construire mieux. Dans le cadre des restructurations, et davantage encore quand les bâtiments doivent malgré tout être démolis, il faut là aussi transformer les manières de faire et privilégier le réemploi. Il faut remplacer la démolition par la déconstruction. Alors que la démolition transforme les matériaux en déchets et les envoie à la benne, la déconstruction, elle, est une procédure plus fine et plus précise qui analyse, sélectionne et répertorie tous les matériaux réemployables, ce qui évite d’avoir à en produire de nouveaux. Chaque déchet devient ainsi une ressource, dans une logique d’économie circulaire.

Pour cela, il faut créer une filière industrielle du réemploi et modifier des réglementations. La Ville de Paris a accompagné et encouragé toutes les initiatives privées ou publiques en ce sens. Elle l’a fait sur son propre patrimoine, qu’il s’agisse d’équipements publics ou de locaux de travail. La Direction constructions publiques et architecture (DCPA) a ouvert un atelier dans son nouveau bâtiment, boulevard Bédier dans le 13 e arrondissement, qui lui sert de base de matériaux à réemployer dans le cadre des travaux de rénovation des équipements publics de la ville.

Réemployer les matériaux Pour la crèche rue Bourdan, dans le 12 e arrondissement, 97 % des déchets issus de la déconstruction seront recyclés (soit plus de 1 000 tonnes de matériaux). La crèche Justice, dans le 20 e , intégrera à sa façade en double peau destinée à protéger les enfants du soleil des portes en chêne massif du chantier voisin de la RIVP, soit 17 tonnes de bois réemployées.Pour la caserne de Reuilly, l’agence d’architecture ROTOR a réalisé, pour le compte de Paris Habitat, un inventaire des matériaux (planchers en bois, ardoises de toiture, poutres en bois massif, dalles, radiateurs, placards, poignées, luminaires, équipements sanitaires…), et les a répertoriés pour en intégrer certains  dans le nouveau projet.

La conservation des poutres à la caserne de Reuilly Crédit : Mir architectes Les façades de verre teinté de la tour Montparnasse seront réutilisées à l’intérieur de la tour rénovée (décors, tables, chaises…). L’appel à projets FAIRE , lancé par la Ville de Paris avec le Pavillon de l’Arsenal et la Banque des territoires, a aussi montré que les architectes et les designers sont particulièrement mobilisés par le sujet. L’architecte Clarisse Merlet porte le projet FabBrick qui propose la fabrication de briques à base de textile de réemploi, et en est aujourd’hui à la phase préindustrielle.
Les briques de tissu recyclé de Clarisse Merlet Crédits : Ville de Paris/Pavillon de l’Arsenal L’agence 169, Architecture va réutiliser la Chenille du centre Pompidou, c’est-à-dire les deux mille verres cintrés (3 700 m 2 de vitrages) des escalators qui doivent être déposés dans le cadre de la rénovation de Beaubourg.
Chenille du centre Pompidou Crédit : Hervé Véronèse Vincent Parreira, Möbius et Lab ingénierie vont réemployer les 1 200 portes qui seront démontées lors du chantier de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul dans le 14 e arrondissement.
Le Pavillon circulaire sur le parvis de l’Hôtel de Ville en 2015 pendant la COP21 Crédit : Cyrus Cornut / Matignon

Qu’il s’agisse de structurer la filière, de revaloriser les déchets ou même de les mettre à contribution pour préserver l’âme d’un bâtiment, ce sont tous les acteurs du BTP, tous les architectes, qui doivent se mobiliser. La Ville de Paris a impulsé une prise de conscience à l’occasion de la COP21 en 2015, en réalisant le Pavillon circulaire (photo) avec le Pavillon de l’Arsenal. Ce bâtiment a été conçu avec des matériaux issus de la rénovation d’un immeuble de logements sociaux.

Depuis, on a vu plusieurs plateformes se créer, permettant de gérer une « filière » de matériaux réutilisables, et les opérateurs valorisent de plus en plus cette dimension d’économie circulaire dans leurs projets. La Ville a lancé une dynamique dans ce domaine qu’il faut continuer de valoriser et d’encourager car elle contribue aussi à réduire notre empreinte carbone.

1.4. Utiliser des matÉriaux biosourcÉs pour en finir avec le tout-bÉton

Les nouveaux bâtiments doivent respecter un principe de sobriété. Pour cela, nous devons donner une priorité absolue aux matériaux biosourcés. Le béton a grandement contribué aux progrès de la construction par le passé, mais il n’est plus adapté aux exigences d’aujourd’hui, en raison de sa dépendance à des ressources limitées (telles que le sable) et de son empreinte carbone élevée (du fait de ses processus de production, le ciment représente 6 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre).

Si nous voulons tenir nos objectifs en matière climatique, nous devons favoriser les matériaux biosourcés tels que le bois, la paille, la terre crue, disponibles à proximité et n’engendrant pas de dommages pour l’environnement. Nous devons aider ces filières à répondre à une demande grandissante, portée par de nombreuses collectivités.

Neuf projets en structure bois ont été choisis dans le premier appel à projets Réinventer Paris, donnant le signal d’une évolution nécessaire. Depuis, des dizaines de projets ont été lancés. La Solideo (Société de livraison des équipements olympiques) a construit son appel d’offres pour le village olympique autour de l’usage du bois. Pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, nous devons faire des matériaux biosourcés la norme plutôt que l’exception.

Construire en bois, en terre crue, en paille : Quatre exemples d’utilisation de matériaux biosourcés Sur la ZAC Paris Rive Gauche, l’Atelier WOA et Vincent Lavergne construisent un bâtiment en bois de quinze étages pour Paris Habitat et le Crous. C’est l’un des tout premiers projets parisiens d’une telle hauteur en structure bois.

La Tour Commune Crédits : Atelier WOA – Vincent Lavergne Aux bains-douches Castagnary dans le 15 e arrondissement, le Bâtiment en bois, lauréat de Réinventer Paris, surplombe et met en valeur le bâtiment historique des années 30. C’est l’un des neuf projets en structure bois sélectionnés lors du concours.
Les bains-douches Castagnary Crédit : RED-architectes Au 2bis rue de l’Ourcq dans le 19 e arrondissement, un terrain situé entre le canal de l’Ourcq et la Petite Ceinture faisait, lui aussi, partie de l’appel à projets Réinventer Paris. Le lauréat, la Ferme du rail, est un collectif d’associations, porteur d’un projet d’économie sociale et solidaire où des activités agricoles permettent d’accueillir, de former et de réinsérer des personnes en situation précaire. Le bois pour construire et la paille pour isoler sont des matériaux phares.
La Ferme du Rail. Crédit : Grand Huit architectes L’ancienne usine des Eaux d’Ivry faisait partie de l’appel à projets Réinventer la Seine. Le lauréat, Manufacture sur Seine , piloté par Quartus, a proposé de construire en terre crue, en structurant une filière issue des déblais de la construction du Grand Paris Express notamment. Il faut savoir que ce dernier chantier aux dimensions hors norme va générer 45 millions de tonnes de déblais en une dizaine d’années, soit une augmentation annuelle de 10 % à 20 % de la production totale des déchets des chantiers franciliens. Pour valoriser ces déblais, il faut les analyser dès leur excavation, les traiter et les intégrer dans une filière. La construction en terre crue est une solution très qualitative de réemploi de ces déblais ..
Le projet Manufacture-sur-Seine Crédit : JOLY&LOIRET

Cette réflexion sur la fabrication de la ville doit enfin intégrer la transformation des usages et l’évolutivité du bâti. Les usages changent de plus en plus rapidement et les bâtiments doivent suivre ce rythme en s’adaptant. Les projets doivent être conçus pour évoluer vite et aisément. La réversibilité doit devenir un élément clé du cahier des charges. C’est aussi comme cela que nous honorerons notre histoire architecturale en évitant l’architecture jetable. En urbanisme, l’horizon temporel est lointain tandis que les usages et les pratiques urbaines changent vite. Si l’on veut éviter que des bâtiments soient déjà obsolètes au moment de leur livraison, il faut, dès la conception, intégrer leur réversibilité mais aussi leur « dé-constructibilité ». On voit naître de plus en plus de projets de bâtiments démontables, pour pouvoir être reconfigurés facilement en fonction des événements climatiques mais aussi des évolutions dans les modes de travail et de loisirs.

Les préoccupations patrimoniales rejoignent ainsi l’urgence environnementale. Restructurer plutôt que démolir, réemployer plutôt que jeter, prévoir l’évolutivité du bâtiment dès sa conception, prévoir sa déconstruction, travailler sur les matériaux, utiliser les filières sèches… Cette approche patrimoniale, durable et contemporaine du projet, a été notre règle à Paris. Elle doit devenir un standard pour toute la profession de l’immobilier.

2. AmÉnager les derniÈres emprises ferroviaires

C’est un sujet qui fâche : dans la zone d’aménagement concertée (ZAC) de Bercy-Charenton, il est prévu de construire six immeubles de grande hauteur (de 100 m à 180 m). Pourquoi ? Répondre à cette question oblige à revenir plus de dix ans en arrière ; l’urbanisme, on l’a vu, est une pratique de long terme. Bercy-Charenton, c’est l’aménagement d’une emprise ferroviaire correspondant au faisceau ferré de la gare de Lyon, le plus large et le plus fréquenté d’Europe.

La première question que se posent les urbanistes quand un faisceau ferré est dans un territoire à aménager est celle-ci : couvrir ou ne pas couvrir ? Cette question avait déjà fait débat, et même polémique, trente ans plus tôt, lors de la création de la ZAC Paris Rive Gauche à propos du faisceau ferré de la gare d’Austerlitz. Le choix de l’époque, en 1990, avait été de le couvrir par une dalle jusqu’au Périphérique. L’avantage de cette option est réel : créer beaucoup de mètres carrés constructibles et franchir une frontière qui coupe le territoire. Mais les inconvénients sont nombreux : le morceau de ville sur dalle n’est pas connecté à la rue (c’est le problème à Montparnasse ou à Beaugrenelle, moins grave sur le faisceau Austerlitz à cause du dénivelé entre le nord et le sud de l’arrondissement), la construction y est plus chère et elle prend beaucoup plus de temps car construire au-dessus d’un faisceau ferré en fonctionnement n’est possible que quelques heures par nuit.

À Bercy-Charenton, Richard Rogers, prix Pritzker 2007, qui a dessiné le plan-masse, fait le choix radical et audacieux de renoncer à couvrir le faisceau et de construire en bord de voie. Mieux encore, il propose de construire principalement sur des emplacements où il y a déjà des bâtiments de la SNCF de façon à préserver au maximum la pleine terre. Le résultat est spectaculaire : sur une ZAC de 80 hectares, seuls 25 hectares sont aménagés, soit 31 % du territoire concerné, et la pleine terre représentera 48 % du territoire, une augmentation d’environ 5 % par rapport à l’existant. La contrepartie évidente de ce choix radical est la hauteur des bâtiments ; si l’on veut une vraie couture urbaine entre Paris et Charenton, ce que l’on perd en constructibilité en renonçant à la dalle, doit être retrouvé – très partiellement – en verticalité. C’est cette hauteur qui libère l’espace au sol et préserve la pleine terre. Le paradoxe est que la droite parisienne, qui critique la densité du projet, proposait la solution de la construction sur dalle, qui coule plus de béton et préserve moins d’espaces libres et de pleine terre.

Le projet est-il trop dense ? La réponse est clairement négative, La densité du projet de Bercy-Charenton est de moins de 11 500 habitants au km 2 contre 22 683 dans le 12 e arrondissement, et 16 500 pour la ville de Charenton. Cette densité est un minimum requis pour créer une continuité urbaine entre Paris et Charenton, des commerces de proximité, des commerces de bouche, accessibles à pied, comme partout à Paris. Elle est inférieure à celle de Neuilly, équivalente à celle de Suresnes et à peine supérieure à celles de Fontenay ou Colombes.

Ces grandes opérations urbaines, en bordure du Périphérique, ont concentré une partie importante de la fabrique de la ville depuis une vingtaine d’années. Elles permettent de désenclaver des quartiers, de les ouvrir aux Parisiennes et aux Parisiens et de renaturer des espaces souvent marqués par la pollution. La reconquête de ces espaces sous-occupés, voire en friche (comme ceux de Paris Rive Gauche dans le 13 e arrondissement, Clichy-Batignolles dans le 17 e , Paris-Nord-Est dans les 18 e et 19 e ), les rend désormais accessibles, en quelque sorte rendus à la ville, desserrant d’autant la « pression » sur les autres espaces. Leur aménagement permet aux habitants de se loger, aux entreprises – petites ou grandes – de s’installer à l’Est de Paris et aux services urbains, comme la logistique du dernier kilomètre, d’être au plus proche des besoins.

Bercy-Charenton dans le 12 e arrondissement, Gare des Mines-Fillettes et le terrain Dubois dans le 18 e ou porte de la Villette dans le 19 e sont les dernières emprises majeures qui seront aménagées dans Paris. Sur ces emprises, la priorité est bien sûr de créer du logement et cela dans toutes les catégories (accession libre, logement intermédiaire, parc social et logements spécifiques) pour répondre à des demandes nombreuses et diversifiées. C’est ainsi que sur Gare de Lyon-Daumesnil (12 e arr.) sont prévus 600 logements sur un site de 6 hectares ; sur Hébert (18 e ), 800 logements prendront place au sein de cet ancien espace de fret de la SNCF d’environ 5,2 hectares ; sur Bercy-Charenton, 4 000 logements sont prévus sur ce territoire de 80 hectares ; et sur Chapelle-Charbon (18 e ), 450 logements seront construits sur un espace de 7,4 hectares, soit près de 6 000 logements en tout. C’est beaucoup, mais aussi très peu, comparé aux 1 336 000 logements parisiens. Cela représente une augmentation de 0,4 % du parc de logements de Paris.

Naturellement, la question de la densité est largement discutée à chaque définition d’un programme urbain. Mais les objectifs ambitieux de création de logements ne se traduisent pas par une surdensité qui irait à l’encontre de la préservation d’espaces libres non bâtis et de la création d’espaces verts. Chaque opération est conçue avec des espaces de pleine terre et des espaces verts, et là encore l’échelle est importante : l’intensité en certains points permet de dégager des espaces ouverts, aérés et végétalisés à d’autres endroits. Et chacune de ces opérations propose, comme pour Bercy-Charenton, une densité nettement inférieure à celle de Paris comme à celle de l’arrondissement dans lequel elle s’insère. Dans Paris Nord-Est, en prenant la somme des projets Hébert, Chapelle-Charbon, Gare des Mines-Fillettes, la densité est d’environ 12 000 habitants au km 2 , contre 32 900 dans le 18 e arrondissement dans son ensemble. À Clichy-Batignolles, la densité est de 14 000 habitants au km 2 contre 29 700 dans le 17 e .

Bref, c’est une densité raisonnée qui est recherchée dans chacune de ces opérations urbaines, en prenant en compte l’impérieuse nécessité d’installer une vie de quartier, c’est-à-dire un nombre d’habitants et de salariés suffisant pour trouver à proximité de chez soi des services publics et privés, des commerces, à commencer par des commerces de bouche, des cafés, des restaurants, en marchant à pied, sans avoir besoin de prendre une voiture.

Au sein de chacun de ces grands projets, une place importante est laissée au vide et aux espaces verts, au-delà des exigences minimales du plan local d’urbanisme. Par exemple, Clichy-Batignolles s’articule autour du parc Martin-Luther-King, qui fera 10 hectares. Dans Paris Nord-Est, Chapelle-Charbon sera un nouveau poumon vert de 6,5 hectares au cœur du 18 e arrondissement, auquel s’ajouteront les espaces verts d’Hébert (4 000 m 2 ) et d’Ordener-Poissonniers (1 hectare). Bercy-Charenton sera doté de plus de 3,6 hectares d’espaces verts, dont un jardin de 2 hectares au-dessus de la gare de la Râpée et d’une trame paysagère permettant de relier le parc de Bercy (14 hectares) au bois de Vincennes (995 hectares). Tout proche, le projet Gare de Lyon-Daumesnil reliera le sud du 12 e arrondissement à la gare par une promenade végétalisée et un jardin d’environ 1 hectare.

Chacune de ces opérations urbaines intègre l’urgence climatique et les grands principes de la restauration écologique (risque inondation, gestion des eaux pluviales, préservation des ressources). La végétalisation en pleine terre ou en toiture et façade fait désormais partie de la définition même des projets d’aménagement, conformément au Plan climat air énergie territorial, au Plan pluie, et au Plan biodiversité de la Ville de Paris. La mutation des emprises ferroviaires permet ainsi de désimperméabiliser la ville et d’y augmenter la place de la nature.

L’autre sujet qui fâche est celui de la construction de bureaux dans le cadre de ces programmes. Si l’on veut éviter la création de « cités-dortoirs », cette dramatique erreur du « zonage » et de la spécialisation fonctionnelle des quartiers, il faut pouvoir accueillir des emplois en construisant des bureaux et des locaux d’activité. Un quartier ne vit bien que lorsqu’il est mixte, et pas monofonctionnel. Le quartier d’affaires est aussi sinistre que la cité-dortoir ou le centre commercial. Si l’on veut rééquilibrer Paris, et limiter ces mouvements pendulaires qui saturent les transports en commun, il faut construire des logements abordables à l’Ouest et des bureaux à l’Est. Ainsi, à Paris Rive Gauche, ce sont 745 000 m² de bureaux (soit environ 60 000 salariés), plus de 400 000 m² d’activités commerciales, artisanales et universitaires (220 000 m² d’université) et 665 000 m² d’équipements publics qui permettent et permettront aux 20 000 habitants de vivre dans un quartier vibrant.

De l’autre côté de la Seine, à Bercy-Charenton, la programmation de près de 580 000 m² permettra d’accueillir 12 000 emplois et proposera un cadre de vie agréable parce que mixte, pour les 9 000 nouveaux habitants. Ces deux opérations sont emblématiques de cette volonté d’un rééquilibrage Est-Ouest, qui ambitionne de créer des bassins d’emplois complémentaires au quartier de la Défense afin notamment de limiter les déplacements domicile-travail préjudiciables à la qualité de vie des Parisiennes et des Parisiens. C’est à la Défense qu’il faudrait arrêter de construire des bureaux, au profit de logements, mais ni à Bercy, ni à Charenton.

Une autre caractéristique des nombreuses grandes emprises ferroviaires est de se situer en bordure du Périphérique, à la frontière administrative de Paris, contribuant ainsi à accentuer la coupure avec les territoires voisins. Avec la construction métropolitaine, l’urbanisme devient un outil de couture urbaine et de cohésion sociale. Les mises en œuvre simultanées des projets Bercy-Charenton à Paris et Charenton-Bercy à Charenton (qui prévoit une tour de 180 m) permettront de recoudre un tissu urbain, jusque-là fragmenté par le faisceau ferroviaire et les infrastructures routières et autoroutières. L’échangeur de Bercy est l’un des espaces les plus abîmés et les plus asservis à l’automobile de Paris. La ville de Charenton comme le 12 e arrondissement sont mutilés et divisés par les autoroutes urbaines et les faisceaux ferrés. L’accès à la Seine y est impossible pour les habitants des deux villes. Piétons et cyclistes n’ont pas leur place dans un site conçu exclusivement pour l’automobile. Aujourd’hui la rue Baron-Leroy se termine sur un mur. Demain, piétons, cyclistes et usagers des transports en commun l’utiliseront pour circuler entre Paris et Charenton.

La restauration écologique s’attaque à tous ces dysfonctionnements urbains. La mutation du quartier Bruneseau dans Paris Rive Gauche en est aussi une illustration. La création de l’allée piétonne Paris-Ivry, qui passera sous le Périphérique, offrira un lieu de destination et de circulation douce entre les deux villes, en effaçant la rupture du Périphérique et en assurant une liaison directe entre le pôle universitaire Paris 7-Denis-Diderot et le nouveau quartier Ivry-Port. Il s’agira de la première vraie liaison piétonne entre les deux quartiers. Au Nord, après la conservation et la transformation réussie de l’entrepôt McDonald’s, les projets de Chapelle International, et la réalisation de la ZAC Claude-Bernard, les opérations du campus Condorcet, de Chapelle-Charbon, de la ZAC Gare des Mines-Fillettes, et bientôt de la ZAC Porte de la Villette vont poursuivre la mutation de tout un morceau de ville entre la porte de la Chapelle et la porte de la Villette, en lien avec Plaine Commune et les villes de Saint-Denis, Aubervilliers et Pantin.

Ces grands secteurs d’aménagement, dont la mutation s’est accélérée depuis le début des années 2000, participent à la création du Grand Paris. La transformation des portes de Paris joue un rôle clé dans cette mutation.

3. Inventer le Grand Paris : urbanisme et urbanitÉ

Il s’agit bien d’ inventer le Grand Paris, parce qu’une métropole est une invention, pas un découpage administratif. Pour que le Grand Paris devienne une vraie ville, avec ce que cela comporte de communauté de mémoire, de communauté de destin et d’identité partagée, il faut que cette ville soit agréable à vivre pour ses habitants, respectueuse de la planète et ouverte à toutes et à tous. D’un point de vue urbain, il faut construire tous les ponts, toutes les passerelles qui permettront d’en finir avec les ghettos, avec l’enclavement, la relégation, les inégalités et toutes les violences qu’elles engendrent. Ce sujet et cet enjeu sont largement devant nous : urbanisme et urbanité doivent se conjuguer pour réussir le Grand Paris. Roland Castro ne dit pas autre chose dans son rapport au président de la République [7] .

Mais un rapide retour sur l’histoire récente de la métropole met d’ores et déjà en lumière une lacune majeure : le manque de coopération entre les différents acteurs, qu’il s’agisse des institutions politiques entre elles, ou de la relation entre le monde politique et le monde économique. Il faut comprendre que cette ignorance réciproque devient impossible dans une métropole où le nouveau réseau de transport, en raccourcissant les distances, va transformer les représentations spatiales et les pratiques urbaines de millions d’habitants. La proximité « parisienne », celle que nous évaluons sans même y penser entre deux stations de métro, va s’étendre à l’ensemble du Grand Paris : la station du Grand Paris Express à Bagneux et la station Denfert-Rochereau à Paris seront équidistantes (en temps de trajet) de la porte d’Orléans. Ce sont, par exemple, des centaines de milliers d’étudiants qui pourront rejoindre leur université en une demi-heure contre une heure et demie aujourd’hui. Ce n’est pas seulement un gain de temps, c’est un changement de monde.

La dynamique d’une métropole dépend de la volonté et de la capacité de tous les acteurs, de toutes les parties prenantes, de travailler ensemble. Ils ont besoin pour cela d’une gouvernance partagée et de puissants outils de coopération. Le drame du Grand Paris est que ses institutions divisent plus qu’elles ne rassemblent. Il lui faut un choc de coopération car les effets positifs de la métropolisation ne tomberont pas du ciel et ne seront pas produits mécaniquement par la construction de grandes infrastructures comme le Grand Paris Express. Ils dépendront surtout d’une mobilisation politique, entrepreneuriale, citoyenne.

Les « effets d’agglomération » décrits par l’économiste Paul Krugman, selon lequel plus les métropoles se densifient, plus la productivité augmente et plus la croissance de ces territoires s’accélère, ont besoin d’une forte coopération entre territoires pour se diffuser. Le potentiel d’un territoire est souvent mis à mal par les clivages, qu’ils soient physiques – comme une autoroute urbaine ou un faisceau ferré –, institutionnels – comme un découpage administratif –, ou politiques – comme les rivalités entre collectivités locales. Quand la coopération des acteurs est faible, le développement économique et la cohésion sociale s’en ressentent.

Le développement du Grand Paris Express et les centaines de milliers de mètres carrés de bureaux et logements prévus dans divers quartiers sont certes nécessaires mais ils ne pourront pas transformer la métropole si les territoires de la zone dense n’arrivent pas à créer, au-delà d’un espace économique commun et pérenne, une véritable gouvernance partagée [8] entre tous les territoires et avec tous les citoyens. La coopération entre les acteurs publics sur des projets communs est une manière simple et efficace de construire le Grand Paris. En lançant l’Arc de l’innovation en partenariat avec Plaine Commune, Est Ensemble et Grand-Orly Seine Bièvre, la Ville de Paris a ouvert la voie à une stratégie de coopération dont l’objectif est de construire une identité économique partagée de tout l’Est grand-parisien autour de l’économie de l’innovation et de l’économie sociale et solidaire. Une bonne partie du travail que nous menons sur les portes de Paris s’inscrit dans cette stratégie.

3.1. Transformer les Portes de Paris en Places du Grand Paris

L’achèvement de la mutation des grandes emprises ferroviaires va faire entrer l’urbanisme parisien dans une nouvelle époque. Elle ne signifie pas la fin programmée des opérations d’urbanisme. Elle signe en revanche la fin de la construction de « morceaux de ville » sur des friches ferroviaires. La nature des interventions urbaines va radicalement changer, comme nous le voyons déjà avec des opérations telles que la transformation du quartier Python-Duvernois et de la porte de Montreuil dans le 20 e arrondissement ou encore de la porte Pouchet dans le 17 e . La grande aventure urbaine de la prochaine décennie sera de transformer les portes de Paris en places du Grand Paris, en réduisant la fracture du Périphérique et en mettant fin à l’accaparement de l’espace public par l’automobile sur ces sites. Le Grand Paris existera d’un point de vue urbain quand la métropole sera devenue polycentrique, contrairement à la situation actuelle où elle fonctionne avec un seul centre. Les portes de Paris ont été abîmées et, pour certaines, défigurées par la construction du Périphérique. Porte de la Chapelle, porte de Bagnolet, porte de Bercy, porte d’Orléans, porte d’Italie, porte de Saint-Cloud, porte Maillot… Un peu partout, les arrivées d’autoroutes ont transformé des espaces urbains en échangeurs autoroutiers. Des délaissés urbains sont apparus, dont certains sont devenus célèbres comme la « Colline du crack ». Beaucoup de ces délaissés sont occupés par des sans-abris ou transformés en décharges sauvages. Des quartiers de logements sociaux ont été enclavés et séparés du reste de la ville, la marche et le vélo y sont devenus impossibles, et Paris a été coupé des 29 communes voisines qui bordent le Périphérique.

Cartographie des opérations urbaines le long du Périphérique

Crédit : Ville de Paris

Cette carte permet de visualiser l’ensemble des chantiers, projets, et études en cours le long du Périphérique. Vingt-neuf sites sont concernés. Quatre sont achevés ou en voie d’achèvement (porte Pouchet, porte Montmartre, porte des Lilas, porte de Vitry), cinq sont en chantier (porte de Clichy, porte de Vincennes, porte de France/allée Paris-Ivry, porte d’Italie/Paul-Bourget, porte Maillot), quatorze sont des projets élaborés et en cours de concertation (portes de Saint-Ouen, de Clignancourt, d’Aubervilliers, de La Villette, de Pantin, de Bagnolet, de Montreuil, de Bercy, Brancion, de Vanves, de Versailles, Quai d’Issy, porte Dauphine, porte des Ternes), et six font l’objet d’études urbaines (portes des Poissonniers, de La Chapelle, de Choisy, d’Orléans, de Sèvres, de Saint-Cloud).

Reconquérir et réparer un espace public exposé à de fortes nuisances, générateur de relégation et d’assignation à résidence pour les habitants de ces quartiers, tel est le programme. Il faut désenclaver ces quartiers et les intégrer pleinement à la dynamique urbaine en en faisant des lieux de vie autant que des lieux de destination.

Les projets sur les ensembles de logements construits tels que le secteur Bédier-Oudiné (13 e arr.) entre les portes d’Ivry et de Vitry, le quartier Broussais (14 e ) à la porte de Vanves, Python-Duvernois (20 e ) à la porte de Bagnolet ou encore les Grands projets de renouvellement urbain aux portes de Montmartre, de Clignancourt et des Poissonniers (18 e ) ont tous en commun cette stratégie urbaine.

Pour améliorer la qualité de vie des habitants, il faut d’abord réaménager les espaces publics et offrir des services de proximité. Il faut aussi favoriser la mixité d’usage et en finir avec les cités-dortoirs en construisant les bâtiments nécessaires pour créer les conditions d’un véritable développement économique. Il faut bien sûr rénover les ensembles vieillissants en mettant l’accent sur les questions d’insalubrité et de transition énergétique. Et le plus important peut-être est de contribuer à la transformation du Périphérique en boulevard urbain, pour réduire les nuisances liées au bruit et à la pollution, développer les circulations douces, créer les continuités urbaines entre Paris et les communes limitrophes, en végétalisant et en construisant quand c’est nécessaire. Le vide urbain que représente le Périphérique doit être cependant préservé car c’est un atout écologique futur (au même titre que la Seine) que l’on pourra aménager un jour en trame verte. En revanche, le no man’s land créé par l’autoroute urbaine doit être combattu parce qu’il est impossible autrement de désenclaver les quartiers et de renforcer les liens avec les communes voisines. Il est grand temps de s’intéresser un peu moins aux véhicules qui circulent sur le Périphérique et davantage aux 600 000 habitants qui vivent à proximité et souffrent de ses nuisances.

Parce qu’ils ont une histoire et une population, ces quartiers ont besoin d’une grande finesse d’intervention. Ils ont besoin de beaucoup de concertation parce qu’ils sont très peuplés, souvent par des classes populaires qui craignent que la réhabilitation soit pour elles synonyme de départ. Les interventions ne peuvent se limiter aux aspects bâtimentaires et d’espaces publics : il faut une approche holistique du quartier, de son histoire, de sa relation avec les communes voisines. La porte de Montreuil n’est pas la porte de Vanves même si elles ont, l’une et l’autre, un marché aux puces.

C’est dans ce sens que la politique urbaine de la Ville de Paris ne se limite plus aux aménagements urbains au sens strict mais se conjugue avec des initiatives de développement économique et d’emploi, de sport, de culture et des actions citoyennes. Ainsi, la stratégie de l’Arc de l’Innovation , les programmes de formation aux nouveaux métiers ParisCode , et ParisFabrik , ou encore les appels à projets sportifs, Paris Terrain de jeux , et artistiques, Embellir Paris , tout comme le budget participatif , accompagnent les développements urbains dans tout Paris et plus particulièrement dans les quartiers populaires.

En complément de la rénovation urbaine des grands ensembles d’habitations du XX e siècle, les portes de Paris sont, et seront de manière croissante, les nouveaux lieux d’intensité urbaine qui, de carrefours routiers, ont vocation à devenir de véritables « rotules » à l’échelle de la métropole, offrant des services et des aménités urbaines. Pour que Paris devienne une métropole polycentrique, il faut construire ces nouvelles centralités, leur donner une visibilité et une attractivité suffisante pour qu’elles puissent rivaliser avec l’hypercentre. La grande hauteur sert aussi à ça : utilisée avec parcimonie, elle signale la nouvelle centralité à l’échelle du grand paysage métropolitain, comme c’est déjà le cas du Palais de justice de Renzo Piano à Clichy-Batignolles. Faut-il rappeler qu’à Paris le nombre de tours en projet est inférieur à 10 alors qu’il est de 541 à Londres (dont 121 en construction) ?

Aux portes de Paris, la primauté donnée à la circulation automobile a eu comme conséquence de dédier de larges espaces aux emprises de voiries, notamment des ronds-points, et à d’autres services comme les préfourrières et les garages des TAM (Transports automobiles municipaux). La réduction de la place offerte à la voiture individuelle ainsi qu’une optimisation des espaces ont permis d’enclencher la requalification de certaines de ces portes en accroissant les espaces verts et les espaces piétons. C’est le cas notamment porte Pouchet (17 e arr.), porte Maillot (16 e et 17 e ) et porte de Montreuil (20 e ).

Porte de Montreuil et porte Maillot : deux exemples de requalification urbaine Porte de Montreuil, l’agence TVK propose de transformer le franchissement central du Périphérique entre Paris et Montreuil en une grande place végétalisée, dont l’axe central est réservé aux piétons et aux cyclistes, afin d’assurer ainsi une continuité urbaine entre les deux villes, de rénover le marché aux puces et les terrains de sport, de créer de l’activité économique et de faire de cette nouvelle place un lieu de destination.

Le franchissement du Périphérique porte de Montreuil, vu depuis Paris
Le franchissement vu depuis Montreuil Crédits : TVK – Barrault Pressacco À la porte Maillot, la perspective de l’axe majeur qui va du Louvre à l’Arche de la Défense va retrouver sa cohérence grâce à la suppression du terre-plein central au profit d’un franchissement axial. L’espace gagné côté 16 e arrondissement est utilisé pour prolonger le bois de Boulogne jusqu’à la Porte. La gare Éole du RER E et l’arrêt du tramway offrent une nouvelle desserte exceptionnelle en transports en commun et fait de Maillot un véritable Hub à l’Ouest de Paris. Les projets Réinventer Paris, Mille Arbres et Ville Multistrates viennent compléter la métamorphose de la Porte et créer une continuité urbaine avec Neuilly. La piétonnisation des contre-allées côté Neuilly et la création d’une piste cyclable avenue Charles-de-Gaulle à Neuilly et avenue de la Grande-Armée à Paris créent un réseau vélo métropolitain qui va de la Défense à la Bastille sans coupure.
Trois vues d’ensemble de la nouvelle porte Maillot Crédits : Apur Le changement de paradigme en matière de mobilité, clé de voûte de la restauration écologique, offre une nouvelle appréhension des échelles de la ville et accompagne l’émergence de nouvelles pratiques urbaines qui nécessitent des transformations profondes de l’espace public. Les portes de Paris en sont des exemples types, tout comme le sont les grandes places parisiennes et les berges de la Seine, permettant de rééquilibrer la ville au profit des piétons et des mobilités douces.

Des portes de Paris transformées en places publiques ouvertes et accueillantes, un Périphérique transformé en un véritable boulevard urbain, ce sont désormais des objectifs largement partagés, comme l’ont illustré la Mission d’information et d’étude du Conseil de Paris sur le Périphérique qui a construit un consensus entre tous les groupes politiques représentés au Conseil de Paris, et la consultation internationale sur les Routes du futur du Grand Paris pilotée par le Forum métropolitain .

3.2. PÉriphÉrique : l’autoroute doit cÉder la place À un boulevard urbain

Une des conditions pour transformer le Périphérique est d’enclencher, dès à présent, un aménagement pour que l’espace qu’il occupe ne soit pas une frontière trop large et donc infranchissable. Comme tout boulevard de la ville, il sera bordé de constructions qui rendent des services utiles aux habitants et qui animent l’espace. Construire à proximité et au-dessous du Périphérique, construire le long des ponts qui l’enjambent, c’est anticiper cette transformation en boulevard urbain. Inversement, ne pas poursuivre la mutation de ces espaces en souffrance et la rénovation de ces quartiers, c’est renoncer à fabriquer la couture urbaine entre Paris et les villes voisines et c’est donc, paradoxalement, consolider le statut d’autoroute du Périphérique, c’est-à-dire exactement le contraire de ce que la majorité des parties prenantes souhaitent. Insérer le Boulevard périphérique dans la ville avec de nouveaux modes de déplacement va permettre de conserver et de transformer des quartiers entiers pour améliorer les conditions de vie des habitants.

Transformer le Périphérique en boulevard présente trois avantages essentiels : améliorer la qualité de vie des riverains, accompagner la baisse progressive de la circulation automobile dans le cœur de la métropole et réduire enfin la fracture entre Paris et sa banlieue en créant les conditions d’existence mêmes du Grand Paris. Les quatre équipes consultées [9] , composées d’urbanistes, de paysagistes, de spécialistes des transports, qui ont travaillé sur les Routes du futur du Grand Paris , convergent dans leurs analyses : la circulation dans le cœur de la métropole baisse tendanciellement et, pour accompagner cette baisse, il faut réduire la place allouée à la voiture. La capacité des infrastructures routières est suffisante. Ce qui ne va pas, c’est l’usage qui en est fait : ce sont principalement des voitures individuelles qui circulent avec une seule personne à bord. C’est cela qu’il faut changer et c’est la seule manière qui nous permettra à long terme de limiter la circulation automobile et les nuisances associées. Les quatre équipes proposent donc un plan progressif de réduction du nombre de voies accessibles aux automobiles particulières avec une seule personne à bord, sur l’ensemble du réseau autoroutier, à commencer par le Périphérique. Cette transformation permettra de créer des voies réservées pour des bus express et des véhicules partagés, des pistes pour vélos et autres modes de déplacement léger et zéro-émission, mais aussi des espaces pour étendre la végétation ou encore pour construire des centres logistiques permettant une véritable mutualisation de la livraison des marchandises.

Ce que toutes ces équipes nous disent également, c’est que, pour réduire la congestion, la réduction du nombre de voies doit être associée à une limitation de la vitesse : sur une route à 70 km/h, chaque véhicule « consomme » 120 m 2 pour tenir compte des distances de sécurité. À 30 km/h, cette emprise n’est plus que de 50 m 2 . Réduire la vitesse à 50 km/h, c’est diminuer le bruit, la pollution et assurer de la fluidité.  Demain, les technologies connectées permettront un meilleur usage de ces voies en organisant des convois de véhicules, ce qui permettra de réduire les distances de sécurité.

Ces transformations majeures doivent être engagées dès aujourd’hui. Réserver des voies aux transports collectifs et partagés ne représente pas un investissement considérable. Il faut bien sûr accompagner cette mesure pour éviter qu’elle ne renforce les inégalités géographiques dans l’accès à la mobilité. Il est intéressant de constater que les propositions formulées pour démocratiser l’accès à la mobilité vont dans le sens de la mobilité comme service : adapter les infrastructures routières aux transports en commun en créant des voies réservées pour des bus express et des véhicules propres et partagés ; aménager des pôles multimodaux qui permettent de passer d’un véhicule routier à un train mais aussi d’y accéder en vélo ou à pied de manière sécurisée ; mieux connecter le réseau routier au réseau ferré, à commencer par les gares du Grand Paris Express. C’est à travers ce nouveau maillage que l’ensemble des Franciliens pourront accéder au réseau de transports en commun étendu aux voies réservées sur autoroute. Ce sont d’ailleurs toutes les autoroutes urbaines à partir de l’A86 qui doivent être transformées en boulevards urbains, les riverains de l’A1, de l’A4, ou de l’A6 vivant le même enfer que ceux du Périphérique.

Aujourd’hui, plus de la moitié des trajets sur le Boulevard périphérique font une distance supérieure à 20 km  mais la distance moyenne parcourue sur le Périph’ lui-même est de seulement 5 km [10] . Le périphérique est ainsi une infrastructure utilisée par tous les franciliens (et plus de 60% pour des trajets qui ont pour origine ou pour destination la Grande Couronne), principalement pour faire du « cabotage » entre 2 portes proches afin de passer d’un grand axe radial à un autre. Paris est devenue l’une des dernières grandes métropoles dont le cœur est traversé par une infrastructure utilisée majoritairement pour le transit. Car le Périphérique est une autoroute urbaine qui se trouve en plein cœur du Grand Paris : elle est située à 5 km de l’île de la Cité, quand son homologue londonienne, la M25, est entre 20 km et 40 km de la City ; la « London Inter Ring Road », qui est à la même distance que le Périphérique, est, pour sa part, un boulevard urbain avec feux de signalisation. La réduction de la vitesse et du nombre de voies va imposer à ces « transiteurs » de trouver des alternatives s’ils ne veulent pas rallonger leurs déplacements.

Et ceux qui se dirigeront vers le cœur de l’agglomération utiliseront les parkings relais pour laisser leurs voitures en dehors de la zone à faible émission (ZFE) métropolitaine, qui interdit depuis le 1 er juillet 2019 l’accès aux véhicules les plus polluants dans la majorité des communes situées à l’intérieur de l’A86. D’ores et déjà, de nombreux parcs relais situés de part et d’autre de l’A86 à proximité d’une gare du RER ou du Transilien sont gratuits pour les abonnés du Pass Navigo. Avec le renforcement progressif de la ZFE et la perspective d’une interdiction totale du diesel à l’horizon 2024 à l’intérieur de l’A86, ces parkings seront de plus en plus sollicités. Il faut donc dès maintenant planifier l’aménagement de nouveaux pôles multimodaux qui donneront accès aux RER, aux Transiliens et au Grand Paris Express, et permettront d’accéder à ces nouvelles lignes de bus express utilisant les voies réservées des autoroutes.

C’est également toute l’organisation logistique qui devra être revue pour permettre d’approvisionner la métropole par des solutions propres et mutualisées à l’intérieur de l’A86. L’aménagement d’hôtels logistiques multimodaux, à l’instar du nouveau terminal ferroviaire de Chapelle International, et la création d’un maillage d’espaces de logistique urbains permettront de généraliser les livraisons du dernier kilomètre en vélo-cargo, en petits véhicules électriques et même très prochainement en robots-livreurs. Le transit des poids lourds devra alors être redirigé vers la Francilienne, où des plateformes logistiques permettent de massifier les flux.

Cette transformation des déplacements en Île-de-France est aujourd’hui à portée de main. Elle peut faire l’objet d’un large consensus des collectivités territoriales franciliennes et de l’État, comme le pilotage des Routes du futur du Grand Paris l’a démontré. Les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 doivent nous encourager à réaliser les investissements initiaux pour réussir la première étape de la mutation et pour concevoir ensemble les étapes suivantes. Une gouvernance partagée des infrastructures routières pour piloter cette mutation doit être mise en place. L’urgence climatique, la catastrophe sanitaire liée aux pollutions routières, les attentes de nos concitoyens pour plus de nature et moins de nuisances, nous imposent de changer de logiciel. La transformation du Périphérique n’est pas une utopie, c’est la prolongation de la situation actuelle qui serait une dystopie.

3.3. L’enjeu dÉmographique du Grand Paris

L’Insee a publié des chiffres montrant que 59 648 habitants avaient quitté Paris entre 2011 et 2016. Est-ce grave ? Comment doit-on interpréter ces chiffres ? La ville de Paris est-elle trop dense ou moins attractive ? Et le Grand Paris ?

La démographie n’est pas une science de court terme. Elle repère des tendances lourdes dont les causes sont multiples. La population parisienne de 2016 (2,19 millions d’habitants) est inférieure à celle de 2011 (2,24 millions d’habitants) mais supérieure à celle des recensements de 2006 (2,18 millions), 1999 (2,12 millions), 1990 (2,15 millions). Il faut également se rappeler que, entre 1968 et 1999, la population parisienne n’avait cessé de diminuer, puis qu’elle a nettement augmenté entre 1991 et 2011. Paris comptait 3 millions d’habitants au début du XX e siècle et 2,1 millions au début du XXI e siècle. Pourtant cela n’a rien d’un déclin. Les causes principales de cette évolution sont la baisse des naissances, le léger creusement du solde migratoire, la baisse de la taille moyenne des ménages (liée notamment aux séparations) et surtout la part des logements inoccupés – qui a atteint 17 % des logements en 2016, soit un sur six – liée en particulier au développement des plateformes type Airbnb. Si l’on ajoute aux 107 000 logements vides, les 115 000 logements répertoriés comme résidences secondaires, c’est comme si tous les logements des 16 e et 17 e arrondissements étaient inoccupés !

L’Atelier parisien d’urbanisme a publié une note d’analyse prospective qui montre que si la population parisienne a baissé entre 2011 et 2016, à dynamique démographique constante, la population de 2050 sera équivalente à celle de 2016, avec une légère baisse jusqu’en 2025, avant une nouvelle hausse en raison d’un solde migratoire moins déficitaire. Bref, la population parisienne oscillera probablement autour de 2,2 millions d’habitants au cours des trente prochaines années.

Quand on s’intéresse aux tendances démographiques, la première question à se poser est celle du territoire pertinent. Or le territoire administratif n’est pas pertinent. C’est l’espace d’activité économique, le bassin d’emploi et de consommation qui compte. Le paradoxe parisien est qu’aucun des trois territoires administratifs n’est pertinent. Ni Paris (2,2 millions d’habitants), ni la région Île-de-France (12,2 millions) ni même la métropole du Grand Paris (7 millions) ne correspondent à la zone économique, dite aussi zone Insee ou zone dense, de 10 millions d’habitants, c’est-à-dire la partie de l’Île-de-France qui n’est ni rurale ni rurbaine, qui concentre l’essentiel de la création de richesses, et représente environ 23 % de son territoire. C’est la bonne échelle pour juger du rayonnement d’un territoire et du lien entre croissance économique et dynamisme démographique. À l’intérieur de cette zone économique, les mouvements de population sont un indicateur des différentiels de prix du foncier, des choix ou des obligations de parcours résidentiels des familles et des entreprises, mais pas de l’attractivité économique d’ensemble. Ce n’est pas parce que Paris intramuros perd 60 000 habitants que le Grand Paris est en perte de vitesse : bien au contraire, son attractivité est croissante depuis 2008 comme le montrent tous les classements internationaux disponibles de même que son évolution démographique.

Alors quelle est la « bonne » densité dans ce Grand Paris de 10 millions d’habitants ? Quelle doit être la répartition de la population métropolitaine dans son territoire ? La densité de Paris est de 252 habitants par hectare (hors bois), celle des communes avoisinantes autour de 130 habitants par hectare et, dès qu’on s’éloigne un peu de ce premier cercle, on tombe à moins de 60 habitants par hectare. Il faut avoir ces chiffres à l’esprit pour comprendre les enjeux de la construction du Grand Paris, qu’il s’agisse de cohésion sociale, de couture urbaine ou de développement économique. Il faut dire clairement ce que l’on veut : accroître la densité à Paris ou mieux équilibrer les densités entre les territoires de la métropole, en sachant que cela prendra beaucoup de temps mais que c’est une condition essentielle d’une plus grande égalité et d’une meilleure relation entre les territoires. Une chose est sûre : on ne peut pas se plaindre d’une trop grande densité de Paris et en même temps de la diminution de sa population.

L’enjeu démographique majeur du Grand Paris est dans ce rééquilibrage des densités, et il a plusieurs dimensions. La première, et la plus importante, est de lutter contre l’étalement urbain qui provoque l’artificialisation des sols mais aussi un usage immodéré de l’automobile et un délitement du lien social. Le mouvement des Gilets jaunes était aussi le symptôme d’un étalement urbain incontrôlé et même encouragé, générateur de relégation et d’abandon. Cela veut dire que, à l’échelle du Grand Paris, la densification est une nécessité. La préservation des terres agricoles et la lutte contre l’étalement urbain relèvent autant de l’urgence climatique que de la cohésion sociale. Si la population de l’Île-de-France doit passer de 12 à 13 millions lors des trente prochaines années, il faudrait qu’elle se répartisse davantage dans la zone dense que dans la zone non dense. Aujourd’hui, la Grande Couronne accueille la moitié des nouveaux logements, et l’étalement urbain continue en Île-de-France, comme dans le reste du pays.

La seconde dimension de ce rééquilibrage des densités est de lutter avec détermination contre l’existence de logements inoccupés, les résidences secondaires habitées quinze jours par an, les locations touristiques illégales et plus particulièrement les pratiques scandaleuses de Airbnb. Le logement est un commun urbain. La non-occupation et la location touristique ne doivent pas relever seulement du droit de la propriété : dans les villes où les logements sont rares et le prix du foncier très élevé, une régulation est nécessaire. Si le potentiel de constructibilité de Paris est faible, son potentiel de logements vides ou mal occupés est considérable.

La troisième dimension est de respecter toutes les formes urbaines existantes sans les détruire, et en particulier le paysage des pavillons qui fait partie de l’identité de la métropole. Une étude récente («  Transformations pavillonnaires  », Pavillon de l’Arsenal, 2019) a montré que l’on pouvait densifier le pavillonnaire sans le détruire à condition de le faire avec délicatesse et en partenariat avec les propriétaires. Là aussi, les statistiques sont essentielles. L’habitat individuel représente la partie la plus importante de l’espace urbain de la Région parisienne, 93 000 hectares soit 36 % du territoire. Les 1,4 million de petits propriétaires de pavillons sont âgés majoritairement de 55 ans et plus, et 50 % de ces maisons sont occupées par seulement une à deux personnes, à cause du départ des enfants. La solution n’est pas dans la démolition du pavillonnaire en chassant les propriétaires, pour construire des immeubles qui dénaturent le paysage urbain. Elle est plutôt dans une simple intensification du pavillon de 60 m 2 à 100 m 2 , en partenariat avec le propriétaire, sans toucher à la pleine terre. Une telle stratégie représente un potentiel de 140 000 000 de mètres carrés constructibles ! Il est possible de densifier le Grand Paris sans le défigurer.

La quatrième dimension est de comprendre que le Grand Paris Express n’est pas seulement un projet de mobilité mais aussi un projet d’urbanisme. La densification des quartiers des nouvelles gares est une condition clé de la réussite du projet. Pour que ce nouveau réseau joue pleinement son rôle, il faut qu’il polarise des morceaux de ville dense alliant logements, activités économiques, commerciales et culturelles et il faut qu’il participe au rééquilibrage des emplois et des logements entre l’Ouest et l’Est du Grand Paris.

La cinquième, enfin, est d’accepter que la question du logement abordable comme celle de la densité idéale de la zone économique du Grand Paris sont des biens communs métropolitains et ne peuvent être traités à l’échelle de la commune. Ce sont des sujets qui doivent faire l’objet d’une gouvernance partagée à l’échelle métropolitaine .

Alors faut-il s’inquiéter de la diminution de la population parisienne ? Certainement pas. Ce serait une autre affaire si la population de la zone économique diminuait, ce qui n’est clairement pas le cas. Il faut s’inquiéter des déséquilibres de densité de population à l’intérieur de la zone dense, comme des déséquilibres emplois/logements entre l’Ouest et l’Est grand-parisien et agir pour les corriger. Une stratégie urbaine métropolitaine est possible, elle dépend de la volonté politique et d’un outil de gouvernance partagé.

4. L’urbanisme comme gestion des communs urbains

Durant cette mandature, nous avons engagé une mutation majeure de l’industrie immobilière et du monde de l’architecture, et nous avons été reconnus dans le monde entier pour cela. Une initiative de la ville a été particulièrement marquante : Réinventer Paris et ses déclinaisons.

4.1. RÉinventer Paris

Il faut se rappeler que, avant Réinventer Paris, les terrains publics étaient vendus aux enchères sur le seul critère du prix. Les appels à projets urbains innovants ont transformé en profondeur la fabrique urbaine, en amenant sur le devant de la scène des équipes pluridisciplinaires fortement investies dans l’économie sociale et solidaire, l’économie circulaire, l’art, la recherche, l’innovation ; en permettant de choisir le meilleur projet et non le plus cher ; en faisant venir à Paris les meilleurs architectes du monde ; en donnant leurs chances aux jeunes architectes français, dont certains faisaient leurs débuts à Paris ; et en faisant émerger une nouvelle génération d’acteurs urbains engagés. Réinventer Paris n’a pas été un processus isolé : il a irrigué toutes les manières de faire à Paris, des zones d’aménagement concertées aux opérations privées, qui sont toutes montées en qualité. L’exigence de la Ville de Paris en matière d’innovation sociale et environnementale a augmenté considérablement et a permis de faire émerger des projets d’exception, qu’ils soient publics ou privés.

Depuis le lancement de Réinventer Paris, en 2014, on a vu émerger des fermes urbaines couplées à des logements en insertion ( la Ferme du rail ), un lieu de vie et de répétition pour danseuses et danseurs ( la Fabrique de la danse ), un nouveau centre de philanthropie ( la Compagnie des philanthropes ), des lieux consacrés à la musique professionnelle et amateure ( Murmure , Mastersound ), une cité du handisport ( la Cité universelle ), une barge sur la Seine consacrée au Street Art ( Fluctuart ), une coopérative de quartier ( la Grande Coco ). Sans Réinventer Paris, ces projets n’auraient jamais pu voir le jour. Aujourd’hui, qui souhaiterait un retour en arrière pour revenir aux ventes aux enchères de terrains publics ?

Réinventer Paris conduit à réinterroger chaque programme : vu la rareté du mètre carré, il n’est plus acceptable d’avoir des immeubles de bureaux standard sans aucune ouverture sur la ville ou des nouveaux programmes de logements sans espaces partagés. Chaque programme, qu’il soit privé ou public, doit apporter du commun et de la mutualisation. Ainsi, le futur équipement public de Saint-Vincent-de-Paul est pensé de manière à être plus qu’une école, un gymnase et une crèche, à pouvoir accueillir les riverains ou les associations lors des temps de fermeture de l’école, à s’adapter à leurs envies et à leurs besoins.

Sachant que la plupart des mètres carrés de Paris sont privés, la Ville s’est efforcée de changer les pratiques des opérateurs privés pour avoir le plus d’impact possible. Notre politique est moins efficace si elle reste cantonnée aux programmes publics. C’est là l’un des plus grands mérites de Réinventer Paris : inciter les professionnels à bâtir des projets privés où l’intérêt général trouve sa place. Pour généraliser l’usage des matériaux biosourcés, l’ouverture des rez-de-chaussée sur la ville, le réemploi, seule la preuve par l’exemple fonctionne.

4.2. Un urbanisme de partenariat

À l’issue des divers concours lancés, ce sont aujourd’hui plus de cent projets qui essaiment dans Paris sur ces bases et sont autant de preuves que l’on peut faire autrement. Car, au-delà des concours dénommés Réinventer Paris ou Inventons la Métropole du Grand Paris, la Ville de Paris a su bâtir des partenariats pour donner lieu à des projets moins connus mais tout aussi intéressants.

Tous les partenaires publics ou privés disposant d’emprises foncières importantes ont été invités à créer des compétitions ouvertes et pluridisciplinaires, en assurant que le choix des projets ne se fasse pas sur le seul critère financier. Ainsi, SNCF Immobilier a lancé des concours similaires à Réinventer Paris sur l’emprise Ordener-Poissonniers dans le 18 e arrondissement et le fera prochainement sur Gare de Lyon-Daumesnil dans le 12 e arrondissement. SNCF Immobilier étant l’un des plus grands propriétaires dans Paris, ces projets ont été intégrés dans un partenariat plus global afin que les objectifs d’aménagement de la Ville de Paris soient respectés, qu’il s’agisse de construction de logements sociaux, de couture urbaine du Grand Paris ou de création d’espaces verts. Nous n’avons malheureusement pas pu obtenir qu’une démarche similaire soit appliquée pour la rénovation des gares parisiennes, et en particulier pour le projet Gare du Nord 2024.

Avec la RATP, nous avons bâti des programmes mixtes mêlant centres bus, équipements techniques pour le métro, logements pour les employés de la RATP, mais aussi logements étudiants et commerces. Ce partenariat permet de faire émerger des projets d’exception aux ateliers Jourdan, à Vaugirard ou Belliard-Championnet.

Avec l’APHP, nous avons suivi un partenariat exigeant qui nous a permis d’enclencher des opérations d’envergure telles que la reconversion de l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul, dont nous avons acquis le foncier, ou la transformation de l’Hôtel-Dieu, pour lequel nous avons demandé à l’APHP non seulement de conserver une fonction hospitalière mais aussi de promouvoir une dimension d’intérêt général et de santé dans la partie non hospitalière, transformée en centre de recherche sur les biotechnologies, en maison du handicap, sur des surfaces significatives.

Nous sommes allés encore plus loin en demandant à des entreprises sans lien direct avec la Ville de Paris d’adopter des procédures de type Réinventer Paris alors qu’elles auraient pu vendre leurs terrains aux enchères. Ainsi, Renault a inclus l’ancien garage Amelot dans Réinventer Paris 2 pour le transformer en logements, Adoma a accepté d’organiser une compétition pour reconvertir son ancien siège social rue Cambronne dans le 15 e arrondissement, et le projet choisi combine colocation en hauteur et eSport en rez-de-chaussée et sous-sol. De nombreux promoteurs ont organisé avec nous des concours qui sont autant d’occasions de promouvoir de nouvelles générations d’architectes, les matériaux biosourcés et des projets ouverts sur le quartier.

Enfin, tout ce travail se retrouve bien sûr chez les aménageurs de la Ville de Paris. Paris & Métropole Aménagement et la Semapa ont intégré les appels à projets urbains innovants comme un mode désormais classique de leur travail d’aménagement, que ce soit à Saint-Vincent-de-Paul ou à Paris Rive Gauche. Ils font émerger une nouvelle génération de projets de grande qualité qui ne ressemblent pas à ceux des ZAC traditionnelles. Aujourd’hui, des aménageurs et des villes partout en France ont repris ce mode d’action, d’Angers à Toulouse en passant par Bordeaux. La méthode parisienne a même donné lieu à une compétition diffusée dans le monde entier par le C40 (Cities Climate Leadership Group), Reinventing Cities .

4.3. Un urbanisme nÉgociÉ et temporaire

Cette grande ambition urbaine ne peut fonctionner qu’en étroite collaboration avec les Parisiennes et les Parisiens, qu’ils soient riverains, passants ou futurs habitants. Durant cette mandature, nous avons expérimenté la co-construction : l’idée que les citoyens ne soient pas juste sollicités pour donner leur avis mais qu’ils puissent directement façonner leur territoire. Nous avons mené des concertations d’ampleur partout dans Paris, organisant bien sûr des enquêtes publiques, réunions publiques, ateliers mais aussi de la préfiguration in situ – comme on a pu le voir sur les sept places parisiennes – des promenades urbaines, des chantiers de réemploi, etc.

Le principe de co-construction s’est retrouvé dans le fait que de nombreux porteurs de projet ont intégré les habitants à leur équipe, que des collectifs ont travaillé aux quatre coins de Paris pour co-concevoir des espaces avec les riverains, et que des habitants ont pu mettre en œuvre directement leurs projets, que ce soit à travers le budget participatif ou les appels à projets Réinventer Paris comme ce fut le cas pour le site de l’usine des eaux d’Auteuil confié à un groupe de riverains, ou pour la Ferme du rail , portée par un collectif d’associations locales. Nous avons encouragé l’habitat participatif, dans des projets privés ou dans le logement social, comme à Saint-Vincent-de-Paul, où des centaines de personnes planchent actuellement sur les futurs logements sociaux participatifs avec les bailleurs de la Ville de Paris. Nous avons lancé des études d’ampleur pour comprendre les besoins des habitants en amont du lancement des projets, par exemple dans le quartier Montparnasse par une consultation en ligne et dans le quartier lui-même, avant de faire travailler les urbanistes.

Co-construire implique de faire de l’urbanisme différemment : l’urbanisme planificateur qui fixe dix ans avant la création d’un quartier, son programme et sa forme urbaine, ne fonctionne plus. Nous devons tester les usages avec les habitants et les modifier lorsque cela ne marche pas. C’est là l’un des grands apports de l’occupation temporaire, qui a connu un développement majeur durant ce mandat à Paris.

Auparavant peu connue ou réservée à quelques collectifs d’artistes, l’occupation temporaire s’est imposée comme un mode agile d’occuper le territoire parisien, de loger les plus fragiles, de fournir des locaux aux loyers très modérés, de faire vivre un quartier avant un projet urbain définitif. Grâce au soutien de la Ville de Paris, des projets emblématiques comme les Grands Voisins à Saint-Vincent-de-Paul ont pu voir le jour. Plutôt que de laisser cet hôpital vide, nous avons décidé de l’ouvrir à toutes sortes d’activités, et c’est ainsi qu’il est devenu un véritable village et une utopie urbaine. Au plus fort du projet, 600 personnes y dormaient chaque nuit et 160 structures y avaient leurs bureaux, en plus des milliers de visiteurs venant visiter chaque jour les ateliers d’artisans ou participer aux animations. Ce projet a été regardé dans le monde entier car il a montré comment on pouvait occuper un espace différemment, avec une grande mixité et des parcours d’insertion impressionnants pour les hébergés, grâce à la liberté laissée aux trois associations gérantes, Aurore, Plateau Urbain et Yes We Camp. Et les Grands Voisins ont influencé le projet définitif en jouant un rôle de préfiguration, révélant le fonctionnement potentiel du quartier, les flux et les lieux de destination.

Forte de cette expérience, la Ville de Paris a encouragé d’autres occupations temporaires, dans ses locaux ou ceux de partenaires privés, s’assurant toujours que ces projets soient accessibles sur le plan tarifaire et mettent l’hébergement d’urgence comme première priorité. Aujourd’hui, l’occupation temporaire fait partie intégrante de nos politiques urbaines et devient une règle pour tout nouveau quartier à bâtir. Une charte de l’urbanisme transitoire qui propose sept principes à respecter a été élaborée et signée en 2019 par un grand nombre de parties prenantes. La rapidité à laquelle les usages ont évolué durant les dernières années est riche d’enseignements pour l’avenir : la priorité doit aller à la mutabilité des locaux, la sobriété, comme nous l’enseigne notre héritage haussmannien. Les grands gestes architecturaux ont encore droit de cité à Paris à condition qu’il s’agisse de bâtiments adaptables, respectueux de l’environnement et conçus pour durer. La transformation de Paris n’est jamais terminée : même si nous avons engagé la mutation de la plupart des friches ou délaissés urbains, il reste plusieurs coutures à opérer et surtout de grandes rénovations à mener, comme nous le faisons actuellement dans le quartier Montparnasse.

Il serait absurde de dire qu’il ne faut plus construire à Paris, de la même manière qu’il est absurde de dire que Paris est une ville minérale et doit le rester : Paris a encore de belles transformations à connaître, qui passeront par beaucoup de végétalisation, de débitumisation pour rééquilibrer la ville et retrouver de la fraîcheur, mais aussi des constructions et des déconstructions. Paris est l’une des villes les plus denses au monde, c’est ce qui fait sa qualité, sa marchabilité, sa beauté. C’est aussi ce qui nous impose de rechercher en permanence le juste équilibre, le réglage fin du minéral et du végétal, du plein et du vide, des usages de l’espace public pour que les Parisiennes et les Parisiens s’y sentent bien. Il faut accepter l’idée que si l’on peut encore construire à Paris, on ne peut plus y construire beaucoup, et que la population de Paris restera stable. L’avenir urbain de Paris, c’est le Grand Paris.

Cesser de construire à Paris reviendrait à encourager la gentrification et refuser d’offrir de nouveaux logements pour celles et ceux qui en ont le plus besoin, tout en encourageant l’étalement urbain et les besoins automobiles qui lui sont liés. Il faut continuer à réaliser des équipements publics, sportifs car le besoin en est très important, mais aussi culturels, sociaux, associatifs, pour la petite enfance. Et l’obsolescence du parc immobilier doit être traitée en permanence. Nous refusons l’immobilisme et lui opposons la restauration écologique urbaine : il est possible de recoudre le tissu urbain aux frontières et de renaturer la ville.

5. Les dix prochaines annÉes

J’ai passé en revue les grands défis et la stratégie mise en œuvre pour les relever : l’adaptation au changement climatique, la ville zéro carbone, la lutte contre la gentrification, la construction de la métropole.

Beaucoup de ce qui a été engagé doit être continué, qu’il s’agisse de la priorité au déjà-là, à la réversibilité, à la mutualisation, au renouveau des matériaux, à la frugalité. Nous devons considérer que la ville tout entière est un patrimoine commun et notre bien commun : réparer, réhabiliter, restaurer, réemployer, végétaliser, rafraîchir, rééquilibrer l’espace public, donner à toutes les parties prenantes la possibilité de participer à la décision et de copiloter les projets, tels sont les axes des dix prochaines années.

5.1. Un nouveau permis de construire et une rÉvision du PLU

Il nous faut pour cela élaborer un nouveau permis de construire et un nouveau plan local d’urbanisme. Le permis de construire de demain sera autant le dessin du bâtiment que son cycle de vie avec la diversité de ses usages, y compris son éventuelle déconstruction. Il faudra trouver de la flexibilité réglementaire pour que le choix et la traçabilité des matériaux facilitent le réemploi et que l’on ne fasse plus de différence entre le matériau neuf et le matériau réemployé.

La révision du PLU devra intégrer les trois grands principes exposés dans cet essai : réhabiliter plutôt que démolir, réemployer plutôt que jeter, utiliser des matériaux biosourcés plutôt que des matériaux dont la fabrication et le transport sont générateurs de gaz à effet de serre. Il devra aussi étendre la définition du patrimoine à préserver à l’ensemble du paysage de la rue, en particulier les immeubles d’angle, les murs pignon, les différences de hauteur entre immeubles, les bâtiments remarquables du XX e siècle, notamment industriels. Il devra enfin renforcer les obligations en matière de pleine terre et d’espaces libres à la parcelle : depuis sa modification en 2016, le PLU prévoit environ 31,5 % de pleine terre, soit près d’un tiers de la surface de la parcelle. Il a aussi pris en compte, dans un nouvel article, des objectifs environnementaux ambitieux en matière énergétique (par exemple, les constructions neuves et les extensions doivent présenter des consommations énergétiques 20 % inférieures à celles exigées par la réglementation thermique) et défini la conception bioclimatique des constructions. Il faudra trouver un ratio simple construction/végétalisation pour les nouveaux projets et prévoir des mécanismes de compensation. Par exemple, la municipalité identifie des quartiers fortement déficitaires en espaces verts et des parcelles végétalisables : pour chaque mètre carré construit, un mètre carré d’espace vert doit être créé et financé sur ces sites par le promoteur ou l’investisseur. Le PLU devra encore identifier ces quartiers déficitaires de façon à permettre la préemption par la ville de bâtiments vétustes ou insalubres pour les remplacer par des espaces verts, sur le modèle de la création du jardin Truillot (11 e arr.), créé sur la parcelle libérée par la démolition d’un garage entre les boulevards Voltaire et Richard-Lenoir.

Le principe de « zéro artificialisation nette », proposé par Nicolas Hulot, devra être intégré au PLU. Enfin, et ce sont peut-être les prémisses d’une petite révolution, le PLU devra autoriser et encourager la végétalisation des cours d’immeubles (comme il l’a fait en 2016 pour la végétalisation des toits et des façades). Et la municipalité devra mettre en place une aide financière et un soutien technique pour toutes les copropriétés qui lanceront de tels projets. C’est un enjeu majeur du rafraîchissement des immeubles d’habitation. Non seulement ces cours arborées feront baisser la température lors des canicules, mais elles pourront s’intégrer à des dispositifs techniques de type Tours à Vent , pour offrir un rafraîchissement naturel à l’ensemble de l’immeuble. Dans le cadre de l’appel à projets Faire Paris du Pavillon de l’Arsenal et de la Ville de Paris, le projet AIR porté par Ylé architectes, Nobatek et Inef4 va expérimenter un dispositif combinant cour végétale et cheminées, inspiré du badgir persan [11] . Si nous ne sommes pas capables de proposer aux Parisiennes et aux Parisiens un rafraîchissement naturel respectueux de l’environnement pour leurs logements, la multiplication des canicules va les inciter à s’équiper en climatiseurs individuels, aggravant l’empreinte carbone de la ville et les îlots de chaleur dans l’espace public. De façon plus générale, il faut approfondir la recherche historique de dispositifs techniques du passé, disparus ou moins utilisés, pour trouver ces solutions de rafraîchissement naturel. Dans le cadre de Faire Paris , l’utilisation de l’ air des carrières ou du réseau d’eau non potable relève de cette recherche de la fraîcheur naturelle disponible en abondance dans la ville.

La « réparation » des morceaux de ville sacrifiés, dans l’après-guerre, au tout-automobile commence à peine avec les grands projets de Montparnasse et des Olympiades et la mutation des portes de Paris. De nombreux autres sites sont concernés depuis les Orgues de Flandres jusqu’à Beaugrenelle. Et la reconquête de la Seine et des canaux est une œuvre de longue haleine entamée dans la présente mandature, mais qui devrait s’étaler sur une décennie, qu’il s’agisse du projet du parc de la Tour Eiffel, mais aussi d’une réflexion à lancer à l’Ouest dans les 15 e et 16 e arrondissements, et à l’Est dans les 12 e et 13 e arrondissements. Quant à l’hypercentre, c’est-à-dire les quatre premiers arrondissements, il doit d’urgence retrouver ses fonctions de ville habitée et productive, et cesser d’être colonisé par Airbnb. Si l’État s’avère incapable de doter les villes de moyens efficaces pour lutter contre ce phénomène gravissime d’éviction des habitants – à savoir le droit pour les villes d’octroyer des licences, de vérifier sur place les usages, ainsi que la responsabilité pénale de la plateforme quant à la légalité des annonces qu’elle diffuse – alors les villes devront utiliser leurs PLU de façon brutale et coercitive. La restauration de Notre-Dame devra être en outre l’occasion de repenser et réhabiliter l’île de la Cité tout entière, dans cet esprit de diversité des usages et des publics, en s’inspirant des travaux de Dominique Perrault et Philippe Bélaval [12] .

5.2. VÉgÉtaliser pour rafraîchir et protÉger la biodiversitÉ

Le déclin de l’automobile individuelle au profit de la mobilité comme service va libérer la moitié des 200 hectares qui lui sont actuellement consacrés sur les voies publiques pour le stationnement (hors espaces de livraison). Un travail de terrain avec les riverains doit s’instaurer très vite sur les formes que prendra cette reconquête : espaces verts, sport, espaces pour les enfants, terrasses. Il convient de rechercher dans l’espace public tous les sites disponibles, si possible en pleine terre, accessibles au public, pour améliorer la qualité de vie des Parisiens et adapter Paris au changement climatique, en multipliant les îlots de fraîcheur. Dans les espaces privés, on l’a vu, la ville créera des outils pour inciter les propriétaires à transformer leurs cours en jardins et à les débitumer. Dans l’espace public, coulées vertes, forêts urbaines et piétonnisation sont les mots clés. Et la priorité doit être donnée aux quartiers les plus pauvres en espaces verts et aux îlots de chaleur les plus importants, en se fondant sur les cartographies de l ’Apur . Les coulées vertes doivent former un véritable réseau de rues végétalisées, reliant les différents parcs parisiens. En voici quelques exemples.

● Une coulée verte de la porte de la Chapelle à la gare du Nord : il faut pour cela négocier avec la SNCF pour la réaliser, le long du faisceau ferroviaire de Paris Nord, sur le foncier qu’elle est en train de libérer dans le cadre de ses travaux de rénovation. Cette coulée verte pourrait être métropolitaine et aller jusqu’aux sites olympiques dans le 93.

● Une coulée verte et bleue du bois de Vincennes au bois de Boulogne en s’appuyant à l’Est sur la promenade plantée prolongée jusqu’à Bastille et sur le boulevard Bourdon. À l’Ouest, en régénérant le Cours-La-Reine et le Cours Albert-1 er , en passant par le Trocadéro, et en enchaînant sur le parc Rives de Seine jusqu’au bassin de l’Arsenal.

● Prolonger la coulée verte du Sud parisien située hors Paris, de la porte de Vanves à la gare Montparnasse.

● Une coulée verte et bleue de Stalingrad à Bastille : quais de Valmy et Jemmapes, boulevard Richard-Lenoir.

● Coulée verte (et parcours sportif) de la place de l’Alma au bois de Boulogne (porte de la Muette), sur les terre-pleins centraux actuellement stationnés.

● Coulée verte du Père-Lachaise aux Buttes-Chaumont, en passant par le parc de Belleville, en lien avec le Parc des Hauteurs , superbe projet piloté par Est Ensemble.

● Coulée verte Austerlitz-Jardin des Plantes-Cité Universitaire.

● Coulée verte pour Paris Centre : liaison Opéra-République par la rue Réaumur/Quatre-Septembre et la rue du Temple.

L’ensemble de ces coulées vertes formera une trame rafraîchissante et apaisante à l’échelle de toute la ville. La disponibilité des espaces de stationnement en voirie sera utile pour conserver des espaces piétonniers et cyclables conséquents malgré la végétalisation. Une règle urbaine simple pourrait être que « tout le monde ait accès à moins de 200 m de son domicile à la trame verte qui relie tous les parcs, squares et jardins de la ville, avec des espaces ouverts et suffisamment apaisés et sécurisés pour qu’on puisse lâcher la main de ses enfants ».

L’autre volet de cette stratégie concerne l’extension des jardins publics existants. On peut les agrandir en piétonnisant et végétalisant les rues adjacentes, et en les intégrant dans le jardin. Deux exemples : réunir les squares Garibaldi et Cambronne dans le 15 e arrondissement ; réunir les squares Ferdinand-Brunot, Abbé-Migne, Jacques-Antoine et Georges-Lamarque dans le 14 e (en lien avec le réaménagement de la place Denfert-Rochereau).

À l’image de ce qui a été fait à Bastille et Nation, d’autres places devront être réaménagées, celle du Colonel-Fabien (19 e arr.), celle de Catalogne (14 e ) ou le carrefour de Belleville (20 e ), par exemple. Et il faudra trancher le débat sur certains sites historiques comme la place de la Concorde ou la place de la Bourse, dont les architectes des Bâtiments de France (ABF) considèrent que le caractère minéral a une dimension patrimoniale. Je me souviens qu’en 2018 le cabinet anglais d’architectes et paysagistes Djao-Rakitine avait présenté au concours Faire Paris un magnifique projet de végétalisation de la place de la Concorde, immédiatement rejeté par les ABF. Cette place est l’un des pires îlots de chaleur de Paris (comme l’illustre l’image ci-après) et son inaccessibilité pour les piétons est connue de tous.

Thermographie de la place de la Concorde

Crédit : Apur

Et la proposition de Djao-Rakitine ne manquait pas d’élégance…

Projet présenté au concours Faire Paris 2018 par Djao-Rakitine

Crédit : Djao-Rakitine

Je ne suis pas historien du patrimoine et je me garderai bien de contester les arguments des ABF, mais je pose une question simple : lorsque les pics de chaleur atteindront régulièrement les 45°C, est-ce que cette discussion ne sera pas simplement dépassée, face à l’urgence du rafraîchissement ? Ne serait-il pas plus sage de prendre le problème à bras-le-corps dès aujourd’hui en constituant des groupes de travail réunissant toutes les parties prenantes (sur le modèle de l’Atelier Seine) pour se mettre d’accord sur ce qu’il est possible et impossible de faire ?

Il existe encore quelques sites qui devront être transformés en parcs lors de la prochaine mandature. L’héliport de Paris d’abord, dans le 15 e arrondissement, dont la ville va récupérer la pleine propriété, quitte à ce qu’un petit espace soit conservé pour le décollage vertical d’engins propres et silencieux (hélicoptères électriques ou drones) pour des usages exclusivement consacrés à la sécurité civile. La « pelouse » de Reuilly ensuite, dans le 12 e , qui est en réalité 10 hectares de bitume, vides la plupart du temps, et qui a le potentiel pour devenir un nouveau parc de la Villette, tout en restant dans l’esprit d’un espace boisé classé et en continuant d’accueillir la Foire du Trône. La porte de la Chapelle enfin, à proximité du campus Condorcet, boulevard Ney dans le 18 e , qui fera face à l’Arena 2, construite dans la zone d’aménagement concertée Gare desMines-Fillettes, pour les prochains Jeux olympiques.

5.3. Construire la mÉtropole et transformer le PÉriphÉrique

J’ai montré dans la troisième partie de cet essai qu’il était possible de transformer en une mandature le Périphérique en boulevard urbain. Dès 2020, il est possible de réduire la vitesse de circulation des véhicules et de réserver une voie aux véhicules propres, au covoiturage et aux transports en commun, d’abord sur la quatrième voie puis, dans les années suivantes, sur la troisième, en consacrant la quatrième voie à la végétalisation et aux circulations douces [13] . Au lendemain des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, des feux de signalisation et des passages piétons dans les zones où le Périphérique est de plain-pied pourront être installées. Un embryon de gouvernance partagée a été mis en place par la maire de Paris, l’Atelier du Périphérique . Il doit être institutionnalisé.

Du point de vue urbain, l’espace qui délimite Paris est constitué d’un ensemble unique développé en trois fois : la ceinture des Habitations bon marché (HBM), le long des boulevards des Maréchaux, construites dans l’entre-deux-guerres ; la ceinture verte, cette zone végétale de 36 kilomètres de circonférence, située entre les HBM et le Périphérique, où fleurissent nombre de stades parisiens, conçue dès le début du XX e siècle, progressivement mitée à l’ère du tout-automobile et de la construction du Périphérique, et qui fait l’objet d’une restauration écologique depuis dix ans ; et ce qu’on pourrait appeler la ceinture grise, le Périphérique lui-même, construit entre 1956 et 1973. Les dix prochaines années seront consacrées à l’assemblage et à la mise en cohérence de ces trois systèmes urbains, avec deux objectifs simples. D’abord, celui d’une métropole polycentrique, où la continuité urbaine entre Paris et les 29 communes limitrophes assurera la cohésion sociale et la construction d’une identité commune. Ensuite, la création d’un corridor écologique autour du Périphérique, afin que les 40 hectares d’espaces verts existants et les 10 000 arbres soient doublés au cours de la prochaine mandature. La combinaison de la Petite Ceinture, de la ceinture verte, de ce corridor amplifié et des parcs des communes voisines formera un sanctuaire de biodiversité et une nouvelle trame verte métropolitaine.

5.4. La gouvernance des communs urbains

Faire d’une rue, d’une place ou d’un immeuble un commun urbain dont la gouvernance est partagée par toutes les parties prenantes n’est pas chose facile, surtout en France, pays qui a construit une véritable muraille de Chine entre le public et le privé. Si ces ressources qui devraient être communes et partagées ne peuvent être qualifiées de biens communs, c’est à cause de la manière dont elles sont gérées. Dans le droit français, certaines sont purement publiques, d’autres purement privées. Pourtant, il est possible de les envisager et de faire autrement.

À l’échelle la plus locale, celle du quartier, des ressources comme l’espace public peuvent être gouvernées par l’association étroite de celles et ceux qui vivent cet espace plutôt que par la gestion exclusive de la collectivité publique. Les riverains peuvent être impliqués directement dans la gestion de l’espace ainsi que d’autres acteurs qui l’utilisent (commerçants, entreprises, salariés du quartier, passants…). Le projet des Hyper Voisins dans le 14 e arrondissement montre comment une telle approche peut se concrétiser pour aménager une placette, en mettant les services de la ville en appui des habitants qui se mobilisent pour faire des propositions et piloter la transformation de l’espace public. Il faut généraliser et institutionnaliser cette approche en créant des comités d’immeuble, de rue, de quartier sous forme de regroupements citoyens pour prendre des décisions à la micro-échelle. Ces associations de riverains et d’usagers de l’espace public (ou d’un espace privé, pour ce qui est des immeubles), auront pour vocation de piloter les projets sélectionnés par les budgets participatifs, d’orienter la végétalisation et le partage de la voirie, d’amorcer des médiations et d’animer le quartier. La ville pourrait contribuer de façon significative à la vitalité de ces comités en créant un cadre juridique adapté et en permettant à des commerçants engagés de s’installer dans certains quartiers en offrant des loyers très bas dans des locaux commerciaux en échange d’externalités positives (propreté, accueil des réunions, relais de quartier, conciergerie solidaire, animation, sécurité…).

Elinor Ostrom, prix Nobel d’économie, proposait en 1990, dans son livre La Gouvernance des biens communs , des règles de gestion des communs qui ont inspiré une littérature abondante et que nombre d’acteurs cherchent à appliquer sur une diversité de communs urbains. Cette analyse permet, par exemple, de comprendre pourquoi le droit de la copropriété ne permet pas aujourd’hui, dans la plupart des cas, une gouvernance réellement partagée des immeubles. La copropriété ne respecte que très peu des principes des biens communs proposés par Ostrom, notamment parce que les locataires ne sont que rarement associés aux décisions qui les concernent, ou encore parce que les conflits de copropriété sont toujours très coûteux à gérer (Ostrom rappelle que, pour une gestion durable, il faut un système peu coûteux de résolution des conflits) en raison d’un cadre juridique particulièrement contraignant qui profite aux procéduriers, sans compter le rôle joué par les syndics, qui tend à opacifier le système et déresponsabiliser les copropriétaires.

Il faut cependant souligner que les principes de gouvernance des biens communs d’Ostrom portait sur des ressources gérées par des communautés de petite taille, de 50 à 1000 individus. L’économiste alertait déjà sur la difficulté d’extrapoler de telles règles à des communautés plus larges. Pour cette raison, à l’échelle d’une métropole, l’approche des communs doit trouver des réponses originales qui permettent une gouvernance partagée à différentes échelles territoriales.

C’est ainsi que nous avons innové pour la gouvernance de la Seine en préfigurant, au travers d’un atelier, ce que pourrait être une structure associant toutes les parties prenantes. L’Atelier Seine réunit les administrations publiques mais aussi les associations, les représentants des entreprises qui utilisent le fleuve, etc. Grâce à un diagnostic partagé réalisé avec l’appui de l’Apur, nous inventons ensemble de nouvelles règles qui pourront faire coexister les usages du fleuve (par exemple la logistique et la promenade à vélo sur les berges) et sortir de débats bloqués depuis longtemps sur la transformation des berges ou encore sur la végétalisation des rives. Il est clair que la transformation d’un tel atelier en un outil de gouvernance nécessite un changement de réglementation (et peut-être même de législation) qui pourra susciter des tensions. Il faut cependant poser d’ores et déjà les bases de cette mutation, tant elle est nécessaire, et créer les structures avant l’institutionnalisation en favorisant le principe de l’auto-organisation. Cela concerne aussi bien la Seine que le Périphérique, la qualité de l’air que les grands projets urbains. Pour imposer cette approche nouvelle, la preuve par l’exemple et l’auto-institution seront sans doute plus efficaces que la supplique au gouvernement et au Parlement.

L’enjeu des communs urbains est de trouver une bonne articulation entre une implication citoyenne plus forte dans des projets de proximité et la prise en compte de l’intérêt métropolitain, qui nécessite d’imposer des grands services urbains, des activités nouvelles ou des transformations qui ne seront pas acceptées d’emblée par tous les riverains. C’est en inventant de nouveaux outils de dialogue et de décision pour gouverner ces « communs métropolitains » qu’on pourra les rendre légitimes. 30 % des actifs du Grand Paris vivent dans la grande couronne francilienne, et 6 % vivent en dehors de l’Île-de-France. Cela veut dire que beaucoup « d’usagers » de la métropole n’y résident pas. Ils ne votent pas dans la collectivité où ils travaillent étudient ou se cultivent. La conception classique d’une collectivité garantissant l’intérêt général seulement à l’intérieur de ses frontières administratives se heurte à ce phénomène croissant. Les citoyens veulent de la proximité, mais ils veulent aussi avoir leur mot à dire sur tous les territoires où ils vivent, et pas seulement celui où ils dorment. Comment organiser, dans ces conditions, la participation citoyenne ? Quelle est la gouvernance des biens communs métropolitains qui allie efficacité et légitimité ? Croire que l’État central est le mieux placé pour assurer cette gouvernance est une illusion jacobine malheureusement encore très répandue dans la haute fonction publique. L’État est mal armé pour cela parce qu’il prend des décisions abstraites là où le citoyen attend du concret, des décisions hors-sol là où l’ancrage territorial est essentiel et verticales là où l’horizontalité et le partenariat entre égaux sont indispensables. Je milite depuis des années pour la création d’une Conférence des parties prenantes métropolitaines (COPMétro) se réunissant annuellement et ayant un pouvoir d’orientation sur la gouvernance des communs métropolitains. Seule cette approche transversale et partenariale est à même de créer un choc de coopération entre tous les acteurs politiques, économiques, culturels, associatifs de la métropole.

Il faudra aussi inventer de nouveaux modes d’appropriation qui ne soient pas uniquement publics ou uniquement privés, en s’appuyant sur les expériences réussies de cette mandature. Réinventer Paris a montré que le processus de sélection de projets ayant une dimension d’intérêt général avait impliqué une innovation notariale, qui introduisait dans le contrat de cession des clauses contraignantes en matière de programmation et d’innovation garantissant l’intérêt général. Ces clauses ont permis de faire émerger des modes de gestion nouveaux où le privé en lien avec le public se fait garant d’une gestion partagée de nombreux espaces à l’intérieur d’un immeuble ou d’un projet urbain. Cela démontre que l’invention des communs urbains peut prendre de nombreuses formes et ne doit pas s’enfermer dans un débat idéologique qui opposerait public et privé. Mais cela ne doit pas non plus masquer le fait que les grandes villes sont de plus en plus soumises au risque de l’appropriation d’un espace public par un acteur privé. Comment promouvoir l’espace public comme un commun sans que celui qui a le plus de moyens puisse se l’approprier ? On a vu à quel point le rééquilibrage de l’espace public entre voitures, cyclistes et piétons a suscité cris et crispations.

On sait aussi que l’accaparement et la privatisation de l’espace public sont directement liés aux stratégies de grands groupes du numérique, qui considèrent que leurs outils de gestion des flux (Google, Uber), des services (Amazon) ou des logements (Airbnb) sont plus efficaces que ceux des gouvernements locaux, démocratiquement élus. La bataille contre eux s’annonce rude : sur le partage des données, la transparence des algorithmes, le paiement à leur juste prix de l’usage des aménités de la ville et des externalités négatives qu’ils produisent, le développement de l’ open source et les limites à poser à la propriété intellectuelle par les communs numériques. J’ai eu l’occasion de traiter ces sujets en profondeur l’an dernier dans l’ouvrage que j’ai publié avec Pierre Musseau Des robots dans la ville [14] . Si le débat de l’élection municipale parisienne est sérieux et échappe à la démagogie ambiante, il devrait consacrer beaucoup de temps à ces questions cruciales pour l’avenir de Paris comme celui de toutes les grandes villes de la planète.

Conclusion

L’urbanisme parisien s’est renouvelé au cours de cette mandature, il doit explorer encore de nouvelles pistes, de nouvelles façons de faire. On rénove et on transforme plus qu’on ne construit ; on renature plus qu’on ne bitume ; on crée des rues pour les piétons et les cyclistes plutôt que pour les voitures ; on trace des continuités plutôt que des autoroutes ou des ronds-points.

Ces changements sont à la fois simples et nécessaires. Quiconque voudrait faire croire qu’il vaut mieux « temporiser », ferait courir un danger à l’avenir de Paris et de la métropole. Ne pas réduire l’espace dévolu aux voitures dans la métropole revient à accepter les maladies pulmonaires des générations actuelles et futures. Ne pas végétaliser la ville signifie générer des îlots de chaleur invivables à court terme. Ne pas créer de pistes cyclables revient à se résigner à un déséquilibre au profit des mobilités polluantes. Ne pas se doter d’une véritable gouvernance métropolitaine revient à accroître les inégalités entre territoires.

L’espace est rare à Paris et constitue donc un bien rival [15]  : la mise en œuvre de ces politiques réclame du courage et passe forcément par des zones de turbulence. Mais ne rien faire serait le pire des choix pour notre métropole. Ceux qui qualifient ces mesures d’« écologie punitive » semblent oublier que ce sont les pollutions et les manifestations du dérèglement climatique qui punissent les Parisiens, les Franciliens, tous les habitants de la planète. En réalité, cette terminologie de l’écologie punitive ressemble de plus en plus à un alibi de l’inaction.

Pour être cohérents, nous devons accepter ces liens logiques qui forment la base de l’urbanisme.

Pas d’écologie sans densité : la densité est la première qualité écologique de Paris, c’est ce qui fait sa « marchabilité », son accessibilité, sa beauté aussi. Cette densité doit être mieux équilibrée à l’échelle du Grand Paris. L’espace public, les commerces de proximité, la vie de quartier doivent y être de même nature que dans l’hypercentre. Le refus de la densité est anti-écologique.

Pas de protection des sols sans hauteur : c’est une évidence qu’il convient toujours de rappeler. Pour protéger les sols et lutter contre l’étalement urbain, qui est un fléau écologique, il faut accepter une certaine hauteur pour les bâtiments. Pas 300 tours comme à Londres, mais des hauteurs mesurées (50 m par exemple aux portes de Paris) et des signaux urbains pour identifier les nouvelles centralités du Grand Paris. Le refus d’une hauteur maîtrisée et raisonnée est anti-écologique.

Pas de Grand Paris sans liaisons urbaines : pour relier deux villes, il faut un quartier et non un délaissé. Si nous refusons de construire de vrais quartiers aux portes de Paris, il restera une frontière entre Paris et le reste du Grand Paris. Cela vaut également pour le Périphérique : pour en faire un boulevard urbain, il faudra de nouveaux quartiers à ses abords. Or l’avenir urbain de Paris dépend directement du développement du Grand Paris pour désengorger le centre et créer une métropole polycentrique. Le refus de la continuité urbaine entre Paris et les villes limitrophes est anti-écologique.

Le nouvel urbanisme parisien passera par la reconnaissance de cette urgence du changement et de cette cohérence des choix.

  1. « Elle est battue par les flots, mais ne sombre pas. »

  2. Apur, « Atlas de l’espace public parisien », Paris, janvier 2017.

  3. « Les Forêts urbaines, bon moyen d’atténuer la canicule dans les villes ? », Le Monde , 25 juillet 2019.

  4. L’Atelier Seine , initié par la Ville de Paris a permis de réunir, pendant plus d’un an, toutes les parties prenantes concernées par le fleuve. Ses travaux déboucheront d’ici la fin de 2019 sur un Livre Blanc coordonné par l’Apur, et un Cahier de prescriptions architecturales et climatiques.

  5. Communiquer sur les refus de permis de construire est très compliqué, d’une part parce qu’il n’est pas possible de montrer les projets refusés, d’autre part parce qu’ils font souvent l’objet de contentieux devant les tribunaux administratifs. C’est pourtant une activité importante de la Direction de l’urbanisme que de refuser ou de faire évoluer les projets, en recourant à l’article 11 du plan local d’urbanisme et en s’appuyant sur les analyses et les recommandations de la commission du Vieux Paris. Il faut avoir une base juridique très solide pour refuser un permis de construire, le droit de la propriété étant très protecteur.

  6. Ministère de l’écologie, « Bilan 2014 de la production des déchets », publié en mars 2017.

  7. Roland Castro, « Du Grand Paris à Paris en grand » , la Documentation Française, Paris, 2018.

  8. « Pour une gouvernance partagée du Grand Paris, des communes aux communs », Jean-Louis Missika, Pierre Musseau, Marion Waller, Telos, 1 re partie 22 octobre 2018, 2 e partie 23 octobre 2018.

  9. Consultation organisée par le Forum Métropolitain, études financées par la Ville de Paris, la Région Île-de-France, la Métropole du Grand Paris, L’État et de nombreuses collectivités (départements et territoires)

  10. Sources : « Le Réseau NOĒ : Pour une métropole accessible et durable », étude réalisée par l’Atelier des Mobilités dans le cadre de la consultation « Les Routes du futur du Grand Paris », juin 2019 ; données de trajets moyens de juin 2018 issus des capteurs de la direction de la voirie et des déplacements de la Ville de Paris.

  11. Le badgir est un élément d’architecture persane qui crée une ventilation naturelle par la captation du vent en hauteur et sa circulation dans de grandes cheminées en courants descendants apportant de la fraîcheur, et ascendants pour expulser l’air chaud. À noter que le dispositif de rafraîchissement naturel de la tour Montparnasse (qui assurera sa climatisation pendant 70 % du temps), proposé par la Nouvelle AOM, est aussi inspiré du badgir .

  12. Philippe Bélaval, Dominique Perrault, « Mission île de la Cité, le cœur du cœur », rapport de mission, décembre 2016, Paris.

  13. Une autre proposition astucieuse a été proposée par les économistes François Lévêque et Emile Quinet dans une tribune publiée sur LeMonde.fr le 15 septembre 2019 : elle consisterait à réserver l’un des sens du périphérique, soit la moitié des voies, à des véhicules propres, une idée qui pourrait être mise en œuvre dès 2020.

  14. Jean-Louis Missika, Pierre Musseau, Des robots dans la ville, comment les voitures autonomes vont changer nos vies, Tallandier, Paris, 2018.

  15. Un bien est dit « rival » lorsque sa consommation par un agent réduit d’autant sa disponibilité pour les autres agents.

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