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Étude

Quelles politiques pour la France périurbaine (II) ?

Après un premier volet consacré au phénomène de para-urbanisation, ce second volet d’une étude consacrée au périurbain l’aborde sous l’angle des enjeux énergétiques et écologiques. La transition écologique peut notamment être une source de développement économique pour ces territoires.

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1 – Les enjeux énergétiques du périurbain

La question énergétique est particulièrement prégnante au sein des territoires périurbains. Ils sont en effet soumis à une très forte dépendance aux produits pétroliers, notamment pour les carburants mais aussi pour le chauffage et présentent une demande énergétique structurellement élevée, due à des invariants forts : plus de déplacements automobiles domiciles –travail contraints et des logements souvent plus énergivores. .

Leur faible densité est ainsi corrélée à une forte consommation d’énergie dans les transports. Ainsi, selon une étude du Laboratoire d’Economie des transports et du CERTU [2] , 11 millions de ménages situés dans les aires urbaines, essentiellement des familles modestes en périphérie, dépensent plus de 18 % de leurs revenus disponibles dans leurs dépenses de mobilité quotidienne (ce qu’on appelle le « taux d’effort mobilité »). La situation varie toutefois entre les agglomérations.). Ainsi le taux d’effort mobilité des ménages situés en périurbain des métropoles de Lyon et de Lille est de l’ordre de 10 % contre 20 % environ autour de Bordeaux et de Marseille-Aix-en-Provence. L’analyse géographique montre que les transports coûtent d’autant plus chers pour les ménages périurbains que les zones d’emplois sont éloignées des zones résidentielles. Dans la métropole lilloise, et dans une moindre mesure celle de Lyon, la relative dispersion des zones d’activité permet un meilleur « appariement spatial habitat-emploi », ce qui donne plus d’opportunité pour un ménage modeste qui souhaite s’installer à proximité de son travail.

Les caractéristiques de l’habitat périurbain contribuent également à accroître les consommations d’énergie de chauffage. En effet, la maison individuelle consomme en moyenne beaucoup plus qu’un appartement. Les besoins de chauffage sont aussi plus élevés dans les pavillons construits avant les réglementations thermiques (la première datant de 1974, mais plus d’un quart des maisons construites après-guerre, et jusque dans les années 1980, sont de classe énergétique F ou G). Ainsi, dans l’agglomération francilienne, la facture d’énergie du logement des ménages habitant en maison individuelle est le double de celle des ménages vivant en appartement [3] .

Après la très forte augmentation du prix du baril de pétrole au milieu des années 2000, et ce jusqu’en 2008, ces territoires ont dû s’adapter. Par exemple, l’usage de la voiture a pu être réduit marginalement grâce à la diffusion du covoiturage. Certains ménages ont aussi acquis des voitures moins gourmandes en carburant, ou sont passés du chauffage au fuel à une énergie moins chère (bois, pompe à chaleur… [4] ). Une étude portant sur l’aire métropolitaine lyonnaise a montré que le renchérissement de l’énergie a aussi provoqué des économies subies, qui limitent la mobilité et peuvent devenir handicapantes pour l’emploi ou pour les loisirs et les interactions sociales [5] . Pour certains ménages, le poids croissant de l’énergie dans leur budget induit des réactions de type « déni de réalité » qui peuvent mener au découragement. Un déménagement qui pourrait permettre de réduire cette facture, par exemple en revenant dans un appartement plus près du travail, n’apparaît que rarement comme une solution mais plutôt comme la manifestation d’une impasse.

La restriction sur le chauffage ou l’utilisation de cheminées au bois peu efficaces et plus polluantes engendrent aussi des risques sanitaires et sociaux forts dans un parc très peu performant énergétiquement [6] . Les maisons les moins performantes d’un point de vue énergétique sont aussi celles dont les prix baissent le plus rapidement dans un contexte de déflation des prix de l’immobilier sur une grande partie du territoire français [7] . La chute des prix des logements dans un certain nombre de quartiers périurbains participe ainsi à réduire encore plus la mobilité de leurs propriétaires pour qui le coût d’un déménagement devient insurmontable.

Ces situations s’aggravent du fait de l’augmentation des prix de l’énergie. La facture moyenne d’énergie des ménages est en croissance de plus de 8 % entre 2011 et 2013 [8] . Par ailleurs, malgré des incertitudes sur l’évolution des prix des hydrocarbures à l’importation, cette hausse devrait se poursuivre à l’avenir du fait de l’augmentation prévue de la fiscalité énergétique [9] sur les combustibles fossiles et de la hausse attendue des prix de l’électricité [10] . Contraint par sa plus forte consommation énergétique, le périurbain doit rapidement s’engager dans une nécessaire transition énergétique mais dont l’orientation doit être choisie par ses habitants et en fonction de leurs aspirations mais aussi des situations spécifiques à chaque territoire.

2 – Préparer la transition énergétique pour les territoires périurbains qui seront rattrapés par le pôle urbain

Les communes périurbaines peuvent avoir vocation à se faire « rattraper » par le tissu urbain, comme cela s’est produit par le passé pour de nombreux quartiers pavillonnaires construits en périphérie des villes. Dans la perspective de la transition énergétique, il faudra alors rechercher une intégration dans l’agglomération en privilégiant l’extension des réseaux (transports publics, réseau de gaz, de chaleur, d’eau et d’assainissement, gestion des déchets…) afin de bénéficier des économies d’échelle et ainsi limiter la hausse des coûts. Comme le montre la recherche urbaine, les leviers d’une ville sobre en énergie et moins polluante sont la densité, la mixité urbaine (proximité des emplois et des logements), la connectivité (densité des différents réseaux de transports) et l’accessibilité (la possibilité de réaliser les différents déplacements quotidiens par différents modes) [11] . Par ailleurs, pour que l’extension des réseaux puisse se justifier économiquement, il faut des formes urbaines adaptées à ces infrastructures, notamment par une densité minimale du bâti et une planification organisée autour des nœuds de transports en commun. L’enjeu d’un seuil minimum de densité a été ainsi mis en évidence dans de nombreux travaux prospectifs comme une réponse nécessaire des villes aux enjeux du changement climatique [12] . Une telle densification reste cependant compatible avec l’habitat individuel ou des petits immeubles comme cela a été montré dans nombre de travaux d’urbanisme. Il est possible de l’envisager à travers un habitat individuel à condition de mobiliser les outils d’urbanisme et d’intervention foncière publique forte de manière cohérente avec une planification du renforcement des réseaux de transport et autres infrastructures collectives (voir ci-après l’exemple d’une opération à Marseille).

La densification peut être aussi une occasion de rénovation du bâti, voire de démolition-reconstruction de manière à rechercher une très haute performance énergétique, ou encore par la redensification d’habitat individuel (voir notamment l’exemple de l’initiative BIMBY déjà décrite dans notre précédente étude [13] ).La densification du tissu urbain périurbain est donc à anticiper pour les communes à proximité directe des quartiers déjà densifiés.

Dans un contexte de grande incertitude quant aux demandes urbaines à venir, il est aussi nécessaire de construire la ville pour la rendre adaptable à un éventail large de besoins en prenant en compte la préservation d’espaces verts, de terrains agricoles et de jardins à même de répondre aux attentes des citadins en termes de loisirs et d’alimentation de proximité.

Encadré : Quelques exemples d’opérations d’aménagement urbain
favorisant une plus forte densité et une meilleure mixité,
grâce notamment à l’accession sociale à la propriété [14]

Opération Ilot M1 à la Joliette, Marseille (Euroméditerranée) articulant maisons de villes et appartements agencés autour d’un jardin intérieur

Opération de renouvellement urbain à proximité du centre-ville d’Orly combinant petits immeubles de 4–5 étages et maisons de ville abritant deux à quatre appartements disposant d’une entrée indépendante

Opération de Grand Lyon habitat à Chassieu comportant 4 logements basse consommation en accession sociale à la propriété

3 – Organiser la transition énergétique aussi pour les territoires qui pourront préserver leur caractère rural

De nombreuses communes situées dans les couronnes périurbaines selon les définitions de l’INSEE [15] ne seront vraisemblablement jamais rattrapées par les pôles urbains et resteront des communes à dominante rurale. Cependant, trop de communes ouvrent aujourd’hui à la construction des terrains agricoles ou des espaces naturels pour des lotissements et des zones d’activités peu denses qui engendreront des coûts collectifs très importants, rapportés au nombre d’habitants ou à la valeur ajoutée attendue de l’installation d’entreprises. Lorsqu’ils sont trop éloignés des pôles urbains, ces territoires devraient être au contraire orientés vers la préservation de l’espace naturel et de la qualité de vie. Il est alors cohérent de rechercher dans de tels projets une rapide réduction de leur facture énergétique grâce à la mobilisation des ressources renouvelables locales et à des solutions d’efficacité énergétique pour le bâti et la mobilité.

En effet, pour ce qui concerne les bâtiments, contrairement aux zones urbaines denses qui sont à des niveaux de densité énergétique de l’ordre de la centaine de Watt par mètre carré (W/m²) [16] , les zones périurbaines à faible densité de population et donc à faible densité énergétique (inférieures à la dizaine de W/m²), pourraient en théorie faire baisser leur facture énergétique beaucoup plus rapidement grâce à la production énergétique locale. Géothermie [17] mise à part, le potentiel de production d’énergie renouvelable locale est en effet de l’ordre de la dizaine de W/m², relativement bien réparti en France grâce au fort potentiel solaire au sud, et un potentiel éolien et biomasse bien réparti au nord. La réduction des besoins énergétiques, notamment grâce à la rénovation thermique, couplée à la mobilisation des ressources renouvelables locales, solaire thermique et photovoltaïque, éolien, petit hydraulique, géothermie ainsi que la biomasse sous ses diverses formes (sylviculture, déchets agricoles ou autres déchets organiques disponibles localement) pourraient ainsi permettre de couvrir l’essentiel des besoins énergétiques pour le bâti (cf. encadré 1 pour ce qui concerne l’énergie électrique), et à terme couvrir une partie de la consommation des transports.

Encadré 1 - Quelle énergie électrique dans le périurbain ?

Les énergies électriques renouvelables les moins coûteuses sont aussi celles qui consomment le plus d’espace : éoliennes et photovoltaïque au sol. Lorsqu’elles sont éloignées des centres de consommation, ces productions nécessitent soit un renforcement du réseau d’électricité pour pouvoir exporter les excédents de production, soit des solutions de stockage décentralisées qui sont cependant aujourd’hui beaucoup plus chères qu’une infrastructure de réseau.

Le périurbain présente deux avantages importants pour développer massivement ces énergies : l’espace et la proximité avec les lieux de consommation, d’autant plus s’il y a mixité fonctionnelle (par exemple des bureaux et des commerces à proximité qui consomment l’énergie solaire produites sur les toits des logements : le pic de production peut alors coïncider avec le pic de demande). Il reste toutefois à trouver des solutions pertinentes d’intégration dans le territoire en limitant au maximum l’artificialisation des sols. Pour l’éolien, l’insertion paysagère pourra être facilitée en bordure des réseaux de transport et aussi de zone d’activité économique. Les nouvelles générations d’éoliennes fonctionnant à vent faible et avec un niveau sonore très réduit permettent dès maintenant d’élargir les sites d’accueil potentiels. Pour le photovoltaïque, l’installation de panneaux sur de grandes surfaces est aujourd’hui le mode de production le plus rentable. La construction sur des hangars commerciaux ou industriels, voire sur des abris de parking devra être encouragée. Au sol, il est possible d’envisager dans certains cas des activités agricoles compatibles avec un champ photovoltaïque, par exemple sur serres. Les friches urbaines, notamment d’anciennes zones industrielles ou commerciales en périphérie des villes pourront constituer des terrains propices à ces installations.

Dans la moitié sud de la France où l’ensoleillement est le plus important, le photovoltaïque est maintenant compétitif grâce à la chute du prix des modules qui s’est accélérée depuis 2013. Ainsi le coût complet des installations au sol y est devenu le plus faible de tous les moyens de production nouveaux. Sur les toits, les prix pourront encore baisser si les filières d’installation sont mieux organisées localement pour réduire les coûts. Le coût d’investissement restant un frein pour les ménages modestes, les régions du Sud de la France pourront favoriser un accès social à l’énergie solaire en s’inspirant par exemple du programme californien d’aide à l’installation de panneaux photovoltaïques pour les propriétaires pauvres [18] .

Concernant la mobilité, les difficultés sont plus importantes. L’investissement dans de nouvelles « infrastructures de désenclavement » est souvent un leurre d’autant plus que le territoire français est déjà plutôt bien désenclavé grâce notamment à un réseau autoroutier et ferré plus dense que la moyenne européenne [19] . Le rapport sur les « Nouvelles ruralités » de l’ADF rappelant ainsi que de nombreux projets de désenclavement, notamment par le TGV, n’ont pas permis de stimuler de véritables processus de développement, alors que des territoires plus enclavés ont pu connaître un développement remarquable [20] . Les transports collectifs traditionnels ne pouvant être rentabilisés dans la plupart des espaces périurbains, il est nécessaire de développer des solutions de mobilité moins énergivores, à travers la diffusion de solutions de covoiturage ou de transports collectifs plus adaptées aux zones périurbaines sans oublier des actions visant la promotion de la marche et du vélo pour les trajets courts [21] (voir encadré 2 ). La mise en œuvre de l’ensemble des solutions pertinentes peut réduire sensiblement les consommations d’énergie. L’autonomie énergétique reste assujettie à la faisabilité technologique et économique du déploiement de véhicules électriques ou aussi de véhicules utilisant des carburants d’origine renouvelable (biocarburant mais aussi biogaz [22] ). Des programmes de recherche et développement, et des démonstrateurs expérimentaux, doivent être activement soutenus dans les communes périurbaines les plus éloignées pour accélérer les innovations technologiques et organisationnelles qui permettront d’offrir des solutions de mobilités accessibles à tous dans ces territoires.

Encadré 2 – Les solutions de mobilité en périurbain peu dense

Le Forum Vie Mobile [23] organisé en janvier 2013 a permis de souligner les nombreuses initiatives prises dans les territoires périurbains pour favoriser une mobilité moins chère. Ce sont surtout des systèmes de mobilité auto-organisés qui se développent du fait de leur faible besoin en investissement. On voit ainsi l’autopartage entre particuliers et le covoiturage s’organiser progressivement, facilité aussi par les applications numériques disponibles sur smartphone. Certaines collectivités ont commencé à proposer elles-mêmes des solutions de ce type.

Le réseau action climat et la fondation Nicolas Hulot ont récemment publié un guide complet [24] sur les solutions de mobilités adaptées au milieu rural et périurbain que peuvent développer les collectivités. Les divers niveaux de collectivités peuvent ainsi s’impliquer pour le développement d’aires de covoiturage (en y associant des services qui accroissent leur attractivité, lieux d’attente agréable, commerces d’appoint, parking vélo, etc.) dans le cadre d’un schéma de développement du covoiturage, l’optimisation des transports à la demande en fonction des contraintes de chaque territoire (système de ligne virtuelle qui relie des arrêts prédéfinis, système de porte-à-porte, desserte de porte à arrêt, desserte d’arrêt à arrêt avec des horaires fixés en fonction de la demande…), la sécurisation et l’organisation de l’autostop (par exemple à travers une charte autostop avec une inscription préalable).

L’amélioration de la mobilité passe aussi par le développement des modes actifs (marche, vélo) qui peut s’appuyer notamment sur la valorisation des voies vertes, l’aménagement d’infrastructures (pistes cyclables, parking), la mise en place de « bus cyclistes » (ou « pédibus ») pour regrouper les enfants dans les trajets quotidiens ou encore la mise en place de services de location de vélo à assistance électrique qui apparaissent pertinents pour des trajets de 5 à 20km. L’autopartage peut également être soutenu par des collectivités en mettant à disposition des flottes de véhicules. Toutes ces politiques ont été lancées dans différents territoires avec des expériences qui ont fait leurs preuves mais qui restent à diffuser sur l’ensemble du territoire.

L’usage d’énergie plus propre pour les transports pourra passer par l’autopartage de véhicules électriques, service déjà proposé dans des communes rurales à l’étranger (exemple de Freillingen en Allemagne). Le développement de stations-service de gaz naturel comprimé, notamment associé à une unité de méthanisation (récent exemple de Locminé en Bretagne) pourra également permettre un passage à une motorisation au gaz de bus ou de flottes d’entreprises [25] .

Dans les territoires périurbains où les flux de déplacements vers les pôles urbains sont importants mais insuffisants pour rentabiliser des infrastructures ferroviaires, des solutions de lignes interurbaines à haute fréquence peuvent permettre de rabattre les flux de manière efficace sur les autoroutes urbaines. L’exemple de Madrid montre deux solutions possibles et efficaces : par des corridors utilisant les voies d’autoroute classiques (en moyenne 60 000 passagers par jour et par corridor) ou alors sur site propre par des voies réservées sur l’autoroute qui permettent d’atteindre 110000 passagers par jour). Une double voie peut aussi être réservée à la fois aux bus et aux voitures avec au moins deux passagers. L’application du modèle madrilène à la grande couronne francilienne pourrait permettre d’offrir une alternative par les transports en commun pour plus de la moitié des captifs de la voiture particulière soit environ un million de déplacement par jour [26] .

Les initiatives existantes en France et à l’étranger témoignent des solutions possibles pour accélérer la transition énergétique sur les territoires périurbains. Une analyse des différents leviers pertinents pour un territoire donné peut ainsi permettre de fixer des objectifs ambitieux de réduction des importations de combustibles fossiles. Une réduction de 20 % ou plus des importations en cinq ans pourrait être une source d’économie importante mais aussi un moyen efficace pour réorienter les dépenses vers le développement économique local.

4 – Réussir la transition écologique du périurbain pour stimuler le développement économique local

Le développement de l’activité économique à l’intérieur des territoires périurbains est une nécessité pour réussir la transition écologique. La transition écologique est elle-même une opportunité majeure pour générer de l’emploi local.

Il a en effet été rappelé que la proximité entre les zones résidentielles et les zones d’emploi, c’est-à-dire la « mixité urbaine », était un facteur de diminution des déplacements contraints des ménages. Une précédente étude de Terra Nova montrait aussi qu’un meilleur appariement entre les zones résidentielles et les activités productives constituait un levier majeur du dynamisme économique des métropoles. Les villes ne peuvent rester attractives si elles tournent le dos à leur périphérie. Elles doivent au contraire favoriser, sur l’ensemble de l’aire urbaine, un développement équilibré et de proximité pour les fonctions productives, résidentielles, récréatives et touristiques.

Les investissements de la transition énergétique, qu’ils soient dans l’aménagement urbain ou dans des solutions plus décentralisées (rénovation énergétique, production d’énergies renouvelables…), représentent un premier potentiel d’emplois dont une partie sera locale. Dix rénovations de logements par an permettent de mobiliser entre 3 et 10 emplois locaux [27] . La gestion et la maintenance des infrastructures et équipements nouveaux devront aussi s’appuyer pour l’essentiel sur de l’emploi de proximité. Une montée en compétence est nécessaire, notamment dans les métiers du bâtiment pour la rénovation énergétique et les énergies renouvelables décentralisées. Les régions en charge de la formation professionnelle initiale et continue ont à ce titre un rôle majeur à jouer. De nombreuses actions ont déjà été menées [28] , mais des efforts encore massifs des régions sont nécessaires pour assurer le développement local de PME et d’artisans locaux qualifiés.

La prise en compte des autres enjeux environnementaux, en s’appuyant par exemple sur les leviers de l’agroécologie (c’est-à-dire sur des pratiques agricoles performante d’un point de vue à la fois économique et environnemental), de l’économie circulaire, de l’économie numérique et de la préservation des espaces naturels, peut constituer dans ces territoires plus qu’ailleurs un levier fort de développement économique local. L’agriculture périurbaine présente ainsi un enjeu fondamental pour l’emploi local alors que la demande pour les produits de proximité s’accroît (cf. encadré 3). La préservation d’activités agricoles au sein du périurbain que ce soit à l’intérieur des pôles urbains ou dans les couronnes périurbaines est ainsi un facteur important pour la mixité d’activités sur ces territoires qui permet d’assurer une offre alimentaire locale.

L’économie circulaire peut également être un potentiel de développement productif en périphérie des villes de manière à mieux exploiter les ressources que constituent les déchets urbains et industriels. Ces nouvelles activités vont de l’exploitation des gisements de métaux précieux dans les « mines urbaines » constituées par les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) aux activités de réparation et de réemploi de divers équipements ménagers et professionnels. Les processus de tri et de valorisation des déchets sont en train de devenir plus propres, plus efficaces et plus économes, ce qui rend possible leur intégration dans le tissu dense de la ville. Il est par exemple possible d’envisager une nouvelle génération d’usines multiservices incorporées au tissu de la ville, insérées sous les parcs et les espaces ouverts, intégrées aux infrastructures existantes et anticipant les réseaux et les besoins futurs [29] .

L’économie numérique offre aussi un potentiel de développement économique dans le périurbain grâce aux technologies de l’information et de la communication (TIC). Les TIC sont même perçues comme un ressort de l’installation en périurbain puisqu’elles facilitent le travail à distance des grands pôles d’activité [30] . Des initiatives de lieux partagés, associant « co-working » pour le télétravail et autres activités (commerces, services publics, associations…) émergent ainsi dans plusieurs communes périurbaines qui cherchent à créer de nouveaux lieux de sociabilisation avec des modèles économiques rendus soutenables par la mutualisation des locaux et des ressources [31] .

La préservation des espaces naturels reste enfin un enjeu majeur pour offrir aux citadins un accès à la nature et développer les loisirs associés.

Encadré 3 - Promouvoir l’agriculture de proximité

L’agriculture en périurbain fait l’objet d’une attention de plus en plus soutenue. De nombreuses pratiques innovantes sont ainsi recensées [32] . On pourra citer par exemple des productions énergétiques à partir des déchets agricoles (transformation de sous-produits céréaliers en granulé pour une chaudière bois, méthanisation des effluents d’élevage avec injection du biométhane sur le réseau de gaz à proximité), le développement de filières de produits transformés (légumes sous vide, pain…), le rapprochement des urbains avec les agriculteurs à travers divers initiatives (ferme-auberge, « Pomme-drive »…)

Alors que la proximité entre l’espace urbain et l’espace agricole a souvent été une source de conflits, les politiques de soutien à l’agriculture périurbaine visent à transformer le voisinage urbain comme atout pour l’agriculture en accompagnant les agriculteurs dans l’évolution de leur métier. Elles visent aussi à organiser un aménagement des interfaces, par exemple en traitant les franges de bourg à travers des noues paysagères accompagnées de haies et de cheminements doux. Au même titre que les « trames vertes » qui se focalisent généralement sur les espaces à caractère naturel (forêt, zones humides), l’agriculture en périurbain présente une opportunité pour la conservation de la biodiversité à condition de favoriser des pratiques culturales plus respectueuses de l’environnement telles que l’agro-écologie [33] .

Pour protéger le foncier agricole en périurbain ou le remettre en exploitation, les collectivités peuvent mobiliser différents outils. Ainsi les zones agricoles protégées (ZAP) instaurées par arrêté préfectoral et les périmètres de protection des espaces agricoles et naturels périurbains (PAEN) qui peuvent être créés par les départements, permettent de rendre impossible la spéculation foncière sur les terrains agricoles. Les collectivités peuvent également accompagner la transmission d’exploitations, reconquérir les friches agricoles ou faciliter les échanges de terrain entre agriculteurs [34] .

Ensuite, l’optimisation de la logistique alimentaire est un volet fondamental pour réduire les coûts de la distribution des produits agricoles périurbains : création de plateformes logistiques sur le modèle de la messagerie pour la livraison de proximité, mobilisation des marchés de gros pour l’organisation de la gestion des flux à l’intérieur de la ville, développement de marchés de producteurs à proximité des centres-villes ou centres-bourgs, mobilisation des transports propres (tramway, péniche, véhicules électriques…) pour l’approvisionnement [35] .

Enfin, un travail conséquent doit être mené pour organiser la filière agricole en proximité urbaine et sa consolidation multi-producteurs afin d’atteindre une certaine taille critique nécessaire pour permettre la revente directe dans des locaux ou marchés de proximité au cœur des territoires périurbains. Ces solutions sont par exemple par l’usage de petits véhicules de marchandise électriques pour les derniers kilomètres ou encore par l’aménagement de micro-ports sur les fleuves et voies d’eau pour une meilleure utilisation du potentiel de transport par péniche [36] .

La transition écologique des activités économiques doit intégrer la réduction des impacts environnementaux liés à ces activités. Une prise en compte globale à travers des normes environnementales volontaristes (par exemple de type EMAS pour des industries [37] ) offre des garanties pour limiter les nuisances environnementales sur le voisinage. Cet effort est un enjeu clé pour convaincre les habitants des quartiers périurbains et leurs élus d’accueillir des activités agricoles, productives et logistiques au sein de leur territoire et à proximité des habitations. Alors que de nombreux territoires périurbains sont marqués par les conflits d’usage [38] , il est urgent d’y développer des instances de dialogue et de médiation territoriale qui seront nécessaires à la cohabitation des usages. Moins de bruit, moins de polluants locaux, moins de nuisances olfactives doivent être des objectifs du développement économique et agricole pour parvenir à une mixité fonctionnelle du périurbain et stimuler la création d’emploi au plus près des zones résidentielles.

Cependant, dans de nombreux territoires périphériques, la création de nouvelles zones d’activités doit être abandonnée : il y a suffisamment en France d’espaces non utilisés pour y développer de l’activité. En s’appuyant sur des opérateurs fonciers forts, notamment des établissement fonciers publics dont l’action doit être encouragée, la requalification de friches ou d’anciens bâtiments industriels ou commerciaux désaffectés peut largement offrir l’espace nécessaire. Le surcoût de la requalification doit être mis en perspective par comparaison aux coûts induits par l’aménagement d’une zone d’activité nouvelle, notamment des déplacements engendrés pour les futurs utilisateurs des lieux. Les schémas de développement économique et commercial doivent, à ce titre, dépasser le catalogue de bonnes intentions et le réflexe mortifère du recours systématique à l’extension urbaine, analyser les gisements fonciers, à requalifier et organiser les leviers pour répondre aux besoins des acteurs économiques, en réduisant autant que possible l’aménagement de nouvelles zones sur des terrains agricoles ou naturels. L’adoption d’outils d’évaluation en coût global pourra permettre d’objectiver l’arbitrage entre constructions nouvelles et réhabilitation/requalification de territoires déjà construits. La question de la logistique urbaine doit aussi être intégrée à ces schémas de développement de manière à identifier des espaces de stockage intégrés au tissu urbain et à optimiser les déplacements à la fois des marchandises et des consommateurs.

5 – Intégrer les territoires périurbains dans une vision prospective nationale et locale

Une vision prospective du périurbain devrait avoir pour objectif d’inverser le phénomène de para-urbanisation constatée lors des dernières décennies. Selon les définitions de l’INSEE, entre 1998 et 2008, la surface des aires urbaines s’est accrue de 40 %. Dans le même temps les espaces périurbains ont gagné 4,2 millions d’habitants, soit 60 % de la croissance démographique totale des aires urbaines, mais cela ne s’est pas fait dans le cadre d’une densification du tissu urbain. Au contraire la densité des couronnes périurbaine est passé de 245 habitants/km2 à tout juste 200 habitants/km2. Même les pôles urbains qui se sont étendus à leur couronne proche ont perdu en densité passant de 940 habitants/km2 à moins de 850. Stopper la para-urbanisation pourrait se traduire par un objectif de redensification des pôles urbains pour refaire passer leur densité moyenne au-delà de 1000 habitants/km2 tout en arrêtant l’extension des couronnes périurbaines. Pour inverser ces tendances, des objectifs nationaux relatifs à l’augmentation de l’offre de logements pourront être fixés, afin que la construction soit réalisée en grande majorité à l’intérieur des pôles urbains (alors que la part de construction neuve à l’intérieur des pôles urbains était inférieure à 50 % sur la période 1998–2008) tout en limitant l’extension géographique de ces pôles qui couvrent déjà 8 % du territoire métropolitain. Une prospective nationale pourrait préciser ces ambitions au regard des réserves foncières mobilisables au sein des pôles urbains ainsi que des possibilités de densification du bâti.

La prospective territoriale doit aussi être menée à travers une démarche qui associe les habitants et à une échelle géographique pertinente pour y décliner des objectifs ambitieux de la transition énergétique et écologique. Plusieurs exemples de schémas de cohérence territoriale (cf. encadré 4) montrent comment des objectifs de réduction des consommations d’énergie et d’émissions de gaz à effet de serre peuvent se traduire au sein de ces documents d’urbanisme. Ils permettent d’identifier les quartiers à densifier ainsi que les espaces naturels à préserver pour constituer une trame verte au sein de l’agglomération. Pour les territoires soumis à la para-urbanisation, des objectifs stricts de maîtrise des espaces agricoles et naturels pourront aussi s’articuler avec l’identification du potentiel constructible notamment à l’intérieur ou à proximité immédiate de bourgs et de hameaux existants. La prospective territoriale doit aussi appréhender les discontinuités de l’urbanisation pour prendre en compte la possibilité d’un développement multipolaire : les constructions nouvelles et les activités économiques pourront être concentrées autour de plusieurs pôles bien connectés entre eux par les réseaux de transport. La configuration polycentrique peut en effet permettre un développement urbain aussi compact que les modèles monocentriques [39] .

Encadré 4 - Des exemples de développement périurbain durable intégrés à l’urbanisme de l’agglomération

Le schéma de cohérence territorial (SCoT) de l’aire urbaine de Tours a été précurseur dans la prise en compte d’une ambition climatique et énergétique dans l’aménagement du territoire. Des 2006, un état des lieux des consommations d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre associées a été réalisé dans l’avant-projet de SCoT. Une évaluation en 2010 à travers un projet de recherche [40] dédié a permis d’estimer les efforts nécessaires pour répondre aux enjeux climatiques et de renforcer les propositions de maîtrise de l’urbanisme et de développement des solutions de mobilité à même de répondre aux enjeux environnementaux dans un contexte de périurbanisation croissante.

Le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) de l’agglomération de Brest adopté fin 2013 a été construit en cohérence avec le plan climat énergie territorial (PCET) et notamment l’objectif de division par 4 des émissions de gaz à effet de serre. Intitulé PLU facteur 4, il met en place un principe « d’armature verte urbaine » visant à préserver les grands espaces naturels, à favoriser les déplacements piétons et deux roues et aussi à encourager un développement urbain économe en espace.

Des exemples de collectivités périurbaines ayant choisi de préserver leurs spécificités rurales à travers l’agenda 21

La commune de Mouans Sartoux située dans l’aire d’influence de Cannes et de Grasse a élaboré dès 2010 un Agenda 21 visant notamment à contenir l’étalement urbain et à densifier les secteurs déjà urbanisés. Le plan d’action de l’Agenda 21 s’est ainsi traduit dans le Plan local d’urbanisme approuvé en 2012. L’intégration de la commune dans la communauté du pays de Grasse doit conduire à l’établissement d’un PLU intercommunal

La communauté de communes du Terroir de Grisolles et Villebrunier située dans l’aire métropolitaine de Toulouse et à proximité de Montauban a approuvé son Agenda 21 en 2012. En tête des recommandations, figure la mise en œuvre d’une politique d’urbanisme harmonisée pour maîtriser la consommation de l’espace et maintenir la surface agricole utile (SAU) au niveau de 2010. Suite à son plan d’action, un PLU intercommunal a été lancé pour intégrer des objectifs de constructions compatibles avec un recours aux énergies renouvelables, la préservation de la SAU et de la biodiversité.

6 – Associer chaque niveau de collectivité à la réussite de la transition écologique dans le périurbain

La réussite de la transition écologique dans le périurbain passe par une implication de chaque niveau de collectivité et surtout par une meilleure articulation entre chaque niveau.

Sont ici répertoriées les responsabilités que devraient prendre chaque niveau de collectivité au regard des objectifs précités : initier une dynamique pour définir un stratégie d’investissement cohérente avec des objectifs environnementaux et de développement économique et coordonner cette stratégie avec les différentes politiques locales connexes (formation professionnelles, politique du logement, services publics urbains…). Il faut enfin organiser le dialogue entre les différents niveaux de collectivités, ce qui sera approfondi dans un deuxième temps.

Les communes conservent un rôle important dans cette perspective, du fait notamment de la grande proximité des élus avec les habitants. Au regard des mesures identifiées précédemment, les élus municipaux auront notamment pour responsabilité :

d’agir sur le patrimoine de la commune pour initier la dynamique de la transition énergétique (chasse au gaspillage, rénovation du bâti, requalification des friches, renouvellement de véhicules, achats de bioénergies) ;

de participer à l’accompagnement individuel des reconversions professionnelles vers les nouveaux métiers ;

de maintenir le dialogue avec leurs administrés autour de la mise en place de projets innovants ;

de mettre en œuvre des itinéraires piétonniers et cyclables protégés de la circulation

de lancer un programme de revitalisation du centre-bourg [41] en mutualisant ingénierie et compétences au niveau intercommunal ;

de s’inscrire dans un projet planifié à l’échelle de l’intercommunalité (et céder sa compétence sur le permis de construire).

Quant aux structures intercommunales, leur rôle sera :

de planifier et de mettre en œuvre la transition énergétique à travers l’identification et la définition des potentiels d’énergies renouvelables, des sites d’installation des équipements, des schémas d’approvisionnement en biomasse, des plans de déplacements intermodaux, de l’organisation de la logistique urbaine ;

de faire appel à des outils fonciers en cohérence avec la trajectoire retenue ;

de soutenir le développement des filières professionnelles en lien avec la Région ;

de mettre en place un service public de l’efficacité énergétique en partenariat avec les banques ou à travers un dispositif de type « tiers financement » pour financer et accompagner la réalisation de travaux de rénovation chez les particuliers ;

de soutenir des solutions de mobilités adaptées (par exemple l’autopartage) ;

de développer des stratégies alimentaires locales qui permettent de mettre en cohérence les politiques environnementales, foncières, économiques et sociales sur leur territoire ;

de renforcer la collecte sélective et d’organiser la collecte des biodéchets, et de travailler avec des institutions départementales ou régionales pour les valoriser localement.

L’ensemble de ces responsabilités nécessite un renforcement de compétence au sein des administrations intercommunales déjà exposées dans le premier volet de l’étude. Ceci pourra se faire rapidement dans les métropoles qui devront rapidement acquérir l’ensemble des compétences d’urbanisme, de logement et de transport. Ces évolutions devront aussi s’accompagner du transfert de personnel des communes vers les métropoles et agglomérations. Pour les autres, et notamment les intercommunalités des couronnes périurbaines vastes et peu denses, un accompagnement restera nécessaire de la part des départements pour certaines de ces missions.

Les régions doivent quant à elle assurer un développement coordonné et équitable de l’ensemble des territoires des plus denses aux plus ruraux. Dans la perspective de la transition écologique des territoires, leur rôle est d’ores et déjà :

de mettre en cohérence les différents documents d’urbanisme et de développement durable à l’échelle régionale (SRCAE, SRADT, SRIT, SRCE…) [42] et infrarégionale (SCOT, PLU, PDU, SDEC, …) [43] . A ce titre, le projet de loi sur l’organisation territoriale de l’Etat pourra simplifier le « millefeuille » des documents d’urbanisme en créant un « Schéma régional unique » qui intègre toutes les composantes de l’aménagement du territoire (transition énergétique, mobilité, développement urbain, mutations économiques, activités agricoles…) ;

d’accompagner la montée en compétence des filières professionnelles locales à travers la formation professionnelle mais aussi la mise en place de centre de ressources (rénovation énergétique, énergies renouvelables, agroécologie…) ;

d’assurer l’intermodalité avec les systèmes de transport collectifs ;

d’apporter des financements souples et performants notamment à travers la mobilisation des fonds européens (fonds européens structurels et d’investissement [44] , BEI [45] ).

Chaque niveau de collectivité doit donc être impliqué mais une mise en œuvre optimale se jouera aussi dans le dialogue entre les différentes collectivités :

Si comme cela a déjà été souligné dans étudele premier volet de la présente étude, les intercommunalités doivent élargir leur périmètre pour mieux couvrir les enjeux du développement urbain, elles doivent aussi gagner en légitimité démocratique, ce qui peut ou doit passer par une meilleure articulation avec les conseils municipaux des communes membres. Ceux-ci peuvent être ainsi être mobilisés pour participer activement à une concertation effective avec leurs administrés, et assurer une courroie de transmission efficace dans la planification et la programmation des investissements au niveau du conseil communautaire.

Un dialogue doit aussi être organisé par chaque Région avec l’ensemble des départements et intercommunalités du territoire régional pour veiller à la cohérence d’ensemble et aussi assurer une solidarité entre différentes collectivités territoriales, notamment en s’appuyant sur les départements pour accompagner les intercommunalités encore trop faibles pour assurer les missions attendues.

Enfin, le dialogue avec l’Etat doit aujourd’hui s’articuler en priorité autour des programmes d’investissement des régions et des intercommunalités afin de stimuler l’investissement et s’assurer que les programmes menés sont pertinents économiquement et cohérents avec des objectifs de la transition écologique mais aussi avec un accroissement de la mixité urbaine de manière à constituer des « systèmes productivo-résidentiels » efficaces, c’est-à-dire en résorbant la fracture entre pôle productif et pôle résidentiel [46] .

Ce dialogue peut aussi passer par la mobilisation de budgets supplémentaires, par des appels à projets comme ceux mis en place par le Ministère de l’Ecologie et plusieurs régions pour les territoires à énergie positive [47] ou les territoires zéros déchet [48] . L’Assemblée nationale avait adopté en octobre un amendement proposé par le Gouvernement sur le projet de loi de finance 2015 permettant de soutenir les projets d’investissement les plus pertinents à travers une « Dotation de soutien à l’investissement local » d’un montant global de 423 millions d’euros. Etaient notamment visées les « dépenses d’investissements engagées par les collectivités territoriales pour la mise en œuvre sur leur territoire de projets de rénovation thermique, d’accessibilité, de mise aux normes des équipements publics et de développement des énergies renouvelables » [49] . Le Sénat a retiré cet article au motif qu’il ne s’agissait pas d’un fonds nouveau mais d’un mécanisme qualifié de « péréquation à l’envers ». Il faut aujourd’hui dépasser ce faux débat. L’investissement local est certes menacé en raison d’arbitrage des collectivités qui voient leur budget fortement réduit par la baisse de la dotation globale de fonctionnement. De nombreux rapports ont pourtant montré les marges d’économie possible et il faut maintenir cette incitation forte pour une rationalisation des dépenses de fonctionnement. En contrepartie, il faut pouvoir protéger l’investissement lorsqu’il s’inscrit dans un projet cohérent.

En réponse au récent rapport de la Cour des comptes sur les finances locales [50] qui pointe la nécessaire optimisation des investissements publics locaux, l’Association des communautés de France (AdCF) a proposé de mettre en place des plans pluriannuels d’investissement de territoires (PPIT) pour faciliter la hiérarchisation des priorités et la mobilisation des ressources. Cette proposition doit être soutenue dans les perspectives précitées. Elle constitue en effet un levier clé pour renforcer le dialogue et inscrire les programmes d’investissement dans une stratégie territoriale cohérente. Les Contrats de Plan Etat Région (CPER) constituent l’autre levier majeur du dialogue entre l’Etat et les Régions pour hiérarchiser les investissements territoriaux. Les nouveaux CPER 2015–2020 pourront ainsi concentrer des moyens pour soutenir le développement économique et environnemental des territoires périurbains.

Ces modalités doivent être comprises comme une étape nécessaire dans un contexte de besoin de la relance de l’investissement, sans attendre les changements de gouvernance indispensables. Toutes les collectivités doivent faire aujourd’hui des efforts pour maîtriser leurs dépenses. Le soutien que peut apporter l’Etat et les régions à des programmes d’investissements spécifiques doit servir à inciter les collectivités à élaborer des projets cohérents avec les enjeux environnementaux, mais aussi, et cela doit bien être compris comme allant de pair, avec les objectifs de bonne gestion des budgets publics. Les investissements de la transition écologique qui doivent être privilégiés aujourd’hui sont ceux qui favoriseront un dynamisme économique local et donc de nouvelles recettes mais, aussi, ceux qui permettront de réduire des dépenses de fonctionnement notamment par la baisse de la facture énergétique des collectivités et par des services publics plus efficaces.

  1. * Clélia Marty est le pseudonyme d’une fonctionnaire aux affaires européennes

  2. J.P Nicolas (LET- Laboratoire d’économie des transports), F.Vanco (CERTU – Centre d’étude sur les Réseaux, les transports et l’Urbanisme), D.Verry (CERTU), « Mobilité quotidienne et vulnérabilité des ménages » Revue RERU n°1 – 2012.

  3. L. Mettetal, «  La facture énergétique des ménages franciliens  », Note rapide , Institution d’aménagement et d’urbanisme d’Ile de France, n°485, Août 2009.

  4. Les énergies renouvelables ont bénéficié de prix attractifs grâce au crédit d’impôt développement durable. Cependant le taux d’aide a fortement baissé depuis 2010 pour limiter les effets d’aubaine liés à ces aides, ce qui réduit d’autant les bénéfices de ces énergies malgré les baisses de prix des équipements.

  5. Une étude de la DREAL Rhône Alpes sur l’aire métropolitaine de Lyon, « Vulnérabilité et précarité énergétique des ménages périurbains, à l’épreuve des comportements résidentiels et de mobilité » (2009) montrait ainsi l’impact de la hausse des prix de l’énergie sur la vulnérabilité des ménages localisés en périurbain.

  6. L’impact sanitaire a notamment été montré dans une étude réalisée à l’initiative de la Fondation Abbé Pierre par Ledesert B. «  Liens entre précarité énergétique et santé : analyse conjointe des enquêtes réalisées dans l’Hérault et le Douaisis  », 2013

  7. Une étude réalisée en 2013 pour le Ministère du logement par Dinamic à partir des bases notariales a ainsi montré que les maisons les moins performantes (classées G) pouvaient connaître une moins value jusqu’à 30 % par rapport à une maison de performance moyenne.

  8. Source : bilan de l’énergie 2013, SOeS

  9. Comme cela a été rappelé dans la note sur la fiscalité écologique de Terra Nova de juin 2013, une hausse progressive de la fiscalité énergétique est la solution la plus efficace pour réduire la facture énergétique de la France ainsi que les émissions polluantes associées aux énergies fossiles. La fiscalité énergétique permet aussi d’amortir les fluctuations des prix internationaux. Une hausse progressive donne ainsi aux ménages, aux collectivités et aux entreprises des perspectives pour réaliser des investissements d’efficacité énergétique.

  10. La Commission de régulation de l’énergie a ainsi annoncé en 2013 qu’une hausse de 30 % serait nécessaire d’ici 2017 pour couvrir l’ensemble des charges d’électricité qui porte à la fois sur les réseaux, les moyens de productions conventionnelles et les installations d’énergies renouvelables.

  11. Ces constats font partie des conclusions consensuelles retenues par les scientifiques du Groupe d’expert intergouvernemental sur le climat (GIEC) qui a rédigé un chapitre dédié aux villes et à l’urbanisme dans le rapport WG3-AR5 de 2014.

    http://report.mitigation2014.org/drafts/final-draft-postplenary/ipcc_wg3_ar5_final-draft_postplenary_chapter12.pdf

  12. On pourra notamment se référer au rapport « Ville Post Carbone » (2013) du ministère de l’écologie et du développement durable et de l’ADEME, ainsi qu’aux travaux internationaux : Global Energy Assessment ou encore au chapitre dédié aux villes dans le récent rapport du GIEC (IPCC Human Settlements).

  13. Le projet BIMBY («  Build in My Back Yard  ») vise à donner une nouvelle dynamique à la construction en « intensifiant l’habitat » dans les tissus pavillonnaires existants. Le projet a été sélectionné en 2009 par l’Agence Nationale de la Recherche dans le cadre de son appel à projets « Villes Durables » et a rassemblé pendant 3 années 10 partenaires publics. Le projet se prolonge aujourd’hui à travers un réseau social Bimby+ pour favoriser l’échange de pratiques sur cette nouvelle filière du renouvellement urbain.

  14. Source : Agence d’Urbanisme de l’Agglomération marseillaise (2009) « Densités et formes Urbaines ».

  15. Insee (2011), « Le nouveau zonage en aires urbaines de 2010 » .

  16. La « densité énergétique » d’un territoire correspond à sa consommation énergétique annuelle moyenne par m² (kWh/m²), ramenée à une puissance énergétique par m². Elle permet de comparer l’intensité de la consommation énergétique au potentiel de production énergétique locale.

  17. Le potentiel énergétique à partir de ressources géothermiques peut être très élevé sur les territoires bénéficiant d’aquifères profonds, et peut alors répondre très largement aux besoins de chauffage des logements, par simple récupération de la chaleur. Cependant cette ressource est très inégalement répartie sur le territoire et concentrée principalement dans les bassins parisien et aquitain ainsi que dans la plaine d’Alsace. Les pompes à chaleur géothermiques peuvent par contre être implantées sur tout le territoire mais nécessitent beaucoup d’espace pour l’installation d’un réseau horizontal.

  18. Le programme SASH ( Single Family Affordable Solar Homes ) a été lancé en 2009 avec une dotation de 108 millions de dollars. Le projet permet de financer entre 65 % et 100 % du coût d’installation de panneaux photovoltaïques pour les propriétaires de maisons individuelles à bas revenu. Mi-2014, 4000 systèmes PV (12 MW) ont été installés permettant aux ménages bénéficiaires d’économiser en moyenne 75 % sur leur facture d’électricité. Le programme inclut également des aides à l’efficacité énergétique (équipements performants, petits travaux et actions de sensibilisation) pour les propriétaires, ainsi que des formations à l’installation de panneaux PV qui ont bénéficié à 12.000 personnes.

  19. Selon les Comptes du transport 2013 publiés par le Ministère de l’écologie, la densité du réseau routier (en km par habitant) est la plus importante d’Europe, celle du réseau autoroutier est supérieure à la moyenne Européenne (en km par habitant et en km rapportée à la superficie du pays) de même que le réseau ferré.

  20. Association des départements de France (2012) « Mission nouvelles ruralités. Rapport d’analyses et de propositions pour l’avenir des territoires ».

  21. Les comparaisons internationales montrent que la part du vélo peut atteindre des niveaux élevés même en périurbain. Ainsi jusqu’à 10 % des déplacements sont effectués en vélo dans certains territoires périurbains allemands alors qu’ils dépassent rarement les 2 % en France. Une étude sur le potentiel cyclable dans le Grand Londres a également démontré que le potentiel de déplacement qui pouvait passer de la voiture au vélo (évaluer au total à 25 % des déplacements motorisés) était en grande partie situé dans les communes périphériques, du fait des nombreux déplacements de distances inférieures à 10km.

  22. La recherche de l’autonomie énergétique locale dans le périurbain induira cependant une compétition accrue sur l’usage des sols entre terres agricoles, cultures destinées aux biocarburants et production d’énergie renouvelable. L’utilisation de l’espace doit ainsi être optimisée par des productions mixtes. Ainsi l’agroforesterie peut favoriser une production en champs et arboricoles, dont les déchets peuvent alimenter une centrale de méthanisation. L’installation d’une centrale solaire peut être compatible avec une production agricole ou un élevage à proximité des panneaux, etc.

  23. Voir l’ouvrage issu du colloque organisé en janvier 2013 : Rougé Lionel (dir) (2013), «  Réhabiliter le périurbain  », Ed. Loco – Forum vies mobiles.

  24. Réseaux action climat, Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme (2014), « Les solutions de mobilité soutenable en milieu rural et périurbain ».

  25. Plusieurs pays (notamment l’Allemagne, la Suisse et l’Italie) ont développé un réseau de station GNV (gaz naturel véhicules) suffisamment dense pour rendre ces motorisations attractives. L’absence de tels réseaux en France interdit un développement massif auprès des particuliers, malgré un coût attractif. Ce sont donc principalement les véhicules des collectivités, et en particulier les lignes de bus, qui sont ciblées dans plusieurs villes de France pour faire émerger ces nouvelles motorisations.

  26. Cf André Broto (2013), « Les enjeux de la mobilité dans les périphéries des grandes agglomérations ».

  27. Voir les chiffres présentés dans la note Terra Nova sur les investissements européens dans l’énergie.

  28. Pour un état des lieux exhaustifs sur la montée en compétences des ouvriers et artisans du bâtiment, on pourra se rapporter aux travaux réalisés dans le cadre du projet européen Build up skills : http://france.buildupskills.eu/sites/default/files/Livrable %20BUS_Francais_0.pdf

  29. C’est l’exemple des « piles urbaines » que Rogers Stirk proposait ainsi de créer pour le Grand Paris. des « piles urbaines » –:une nouvelle génération d’usines multiservices incorporées au tissu de la ville, insérées sous les parcs et les espaces ouverts, intégrées aux infrastructures existantes et anticipant les réseaux et les besoins futurs.

  30. C’est notamment le constat fait par Philippe Vidal et Lionel Rougé dans le rapport « les espaces périurbain habités par le numérique », CERTU (2011)

  31. Voir par exemple les propositions de la Fondation Internet nouvelle génération, Fing « Alléger la ville : des stratégies de lieux partagés », internetactu.net (2013)

  32. On pourra notamment consulter le projet GAMAI « Grandes aires métropolitaines et agriculture innovante ».qui s’est déroulé au cours de l’année 2013 et qui a recensé des projets agricoles innovants en IdF ainsi que dans les aires urbaines lilloises et lyonnaises. Plusieurs départements travaillent aussi à la promotion de l’agriculture périurbaine, à l’instar du CAUE Puy-de-Dôme qui a recensé 11 projets innovants dans « Ville et agriculture, quelle proximité ? » (2012)

  33. Voir par exemple H. Daniel (2009), « Agriculture en zones périurbaines et biodiversité. Approche écologique. », Innovations Agronomiques

  34. Voir les 18 expériences de protection du foncier agricole recensées par Mairie-conseils, de la Caisse des Dépôts dans « Foncier, développement agricole et urbanisme » (2013)

  35. E. Morganti, J. Gonzales-Feliu (2013) « Pôles logistiques alimentaires : un nouveau concept pour l’approvisionnement des villes », Nutripolis

  36. Voir par exemple les projets portés par SYVIL, groupe de réflexion architecturale sur la ville productive visant à développer des filières industrielles en zone urbaine et périurbaine.

  37. La norme EMAS (Eco-Management and Audit Scheme) permet d’aborder de manière intégrer l’ensemble des impacts environnementaux liées aux activité d’une entreprise pour apporter des solutions opérationnelles qui réduisent les nuisances associées.

  38. André Torre, Luc Bossuet et l’équipe « Proximités » de l’Inra-Sadapt ont ainsi constitué une vaste base de données sur les conflits d’usages et de voisinages -dont un grand nombre de cas concerne des territoires périurbains -, afin de détecter les changements à l’œuvre dans les usages et les recompositions sociales en cours. Ils ont également recensé diverses bonnes pratiques de médiation et de dialogue permettant de prévenir ou de résoudre les conflits.

  39. Les études d’économie géographique sur les configurations urbaines monocentriques et polycentriques n’ont en effet pas démontré la supériorité d’un modèle plutôt qu’un autre. Voir notamment la revue de littérature réalisée par Sara Reux (2013) « Facteurs de l’urbanisation discontinue : une revue de la littérature ».

  40. Le projet a été mené dans le cadre du projet « Ville post Carbone » du Ministère de l’écologie et de l’ADEME. Voir « Repenser les villes dans la société post-carbone » (2013).

  41. Le programme de revitalisation des centres-bourgs a été annoncé en début d’année par la Ministre à l’égalité des territoires. L’Agence nationale de l’habitat y jouera un rôle majeur en apportant des subventions à la rénovation des logements lourdes mais aussi des opérations de démolition-reconstruction dans le but d’éradiquer l’habitat insalubre. Il est important que ces programmes incluent aussi la dimension d’analyse des besoins, de relocalisation de commerces et de consolidation de l’existant, tout en s’assurant d’un coût de production et foncier maîtrisé pour les futurs investisseurs ou locataires, sinon beaucoup de territoires ruraux périurbains risquent de voir la dégradation des bourgs se poursuivre.

  42. SRCAE : Schéma régional climat air énergie, SRADT : Schéma régional d’aménagement et de développement du territoire, SRIT : schéma régional des infrastructures de transport, SRCE : schéma régional commercial et économique.

  43. SCOT : Schéma de cohérence territorial, PLU : Plan local d’urbanisme, PDU : Plan de déplacement urbain, SDEC : Schéma département économique et commercial.

  44. Les Fonds européens structurels et d’investissement (FESI) rassemblent plusieurs fonds européens dont le fonds européen de développement régional, le fonds social européen et le fonds agricole pour le développement rural. Près de 26,5Mds€ sont alloués à la France au titre des FESI pour la période 2014–2020 avec 3 priorités : compétitivité de l’emploi et de l’économie, transition énergétique et écologique, égalité des territoires et égalité des chances. Voir le dossier de presse à l’occasion du lancement de la programmation des FESI le 14 novembre 2014 : http://www.arf.asso.fr/wp-content/uploads/2014/11/Dpressev71.pdf

  45. Voir notamment les propositions de Terra Nova pour la mobilisation de la Banque européenne d’investissement (BEI) en faveur des investissement de la transition énergétique (octobre 2014) : http://www.tnova.fr/note/une-relance-europ-enne-par-linvestissement-investir-dans-la-transition-nerg-tique

  46. L. Davezies et T. Pech, « La nouvelle question territoriale », Terra Nova, septembre 2014, http://www.tnova.fr/note/la-nouvelle-question-territoriale

  47. Voir l’appel à initiatives sur le site du ministère de l’Ecologie : http://www.developpement-durable.gouv.fr/200-territoires-a-energie-positive.html

  48. Voir l’appel à projet sur le site du ministère de l’Ecologie : http://www.developpement-durable.gouv.fr/L-appel-a-projets-territoires-zero.html

  49. Voir le texte de l’amendement : http://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/2234A/AN/877.asp

  50. Rapport de la Cour des comptes 2014 sur les finances publiques locales : http://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Les-finances-publiques-locales2

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