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Revue de presse

« Manger mieux à la cantine, c’est possible et pas forcément plus cher »

Pour le groupe de réflexion Terra Nova, les cantines scolaires peuvent jouer un rôle prépondérant pour structurer une politique alimentaire locale.
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A deux mois du scrutin des municipales des 15 et 22 mars, les propositions sur les cantines scolaires fusent. A Lille, la candidate LRM Violette Spillebout veut mettre en place la cantine gratuite pour tous. La maire sortante de Nantes, Johanna Rolland (PS), promet le zéro plastique jetable dans les cantines d’ici à 2025. A Besançon, le collectif Cantines en colère alerte les candidats sur le manque de places dans les établissements de la ville. Dans la capitale, Anne Hidalgo (PS) propose de recourir aux réserves de foncier de la ville pour les transformer en terres agricoles destinées à alimenter les écoles parisiennes. L’extrême droite investit elle aussi le sujet des cantines, avec, à Toulouse, des propositions pour plus de bio. Pas une ville, pas un parti qui ne voie le sujet de la restauration collective s’inscrire dans la campagne électorale.
Si certaines promesses manquent parfois d’explications sur les moyens de les réaliser, le rapport que publie le think tank Terra Nova sur les cantines scolaires, lundi 13 janvier, apportera matière à réflexion à ceux qui cherchent des solutions concrètes pour un meilleur fonctionnement. A l’issue de plusieurs mois d’enquête et rencontres avec des acteurs de l’ensemble de la chaîne (élus locaux, entreprises privées, agriculteurs, parents d’élèves, personnels périscolaires et enseignants), le groupe de réflexion montre que la qualité de l’offre en restauration scolaire est très variable selon la taille des communes, leur emplacement géographique et l’engagement des élus pour mettre en œuvre une politique alimentaire.

Service public facultatif
Les cantines, qui relèvent d’un service public facultatif, comme le rappellent certains maires, constituent néanmoins un champ d’action stratégique : présentes dans 20 000 communes, soit 80 % de celles qui comptent une école publique du premier degré, elles sont fréquentées, de façon régulière ou occasionnelle, par 3 millions d’enfants. Si on inclut les écoliers du privé, environ 50 % d’une classe d’âge fréquente la restauration collective. « Il y a peu de domaines dans lesquels on puisse agir sur les comportements de consommation et les choix d’une si grande part de la population », note le rapport. Par le nombre de repas servis, la restauration scolaire a le potentiel de structurer des filières agricoles sur un territoire via la commande publique. C’est aussi un lieu de pédagogie pour éduquer les jeunes au goût et à de bonnes habitudes nutritionnelles, ainsi qu’un outil de réduction des inégalités, dans les communes où des tarifs sociaux sont mis en place, permettant aux enfants qui les fréquentent d’avoir accès à un repas complet et équilibré.
Pour Alizée Ostrowski, l’une des coauteures du rapport, « les cantines ne sont pas un sujet de niche mais un sujet qui touche à l’éducation, la santé, l’apprentissage du goût, mais aussi au développement de nos territoires, de nos sociétés et, in fine, interroge quel modèle alimentaire on veut ». Pour cette ancienne chargée de mission à la FCPE, désormais à la communication du Parti socialiste, « manger mieux à la cantine, c’est possible et pas forcément plus cher », mais cela nécessite plus de dialogue et de concertation entre l’ensemble des acteurs.

L’enjeu de l’approvisionnement
Or, si le « manger mieux » fait consensus, les manières d’y parvenir sont multiples : cantines en gestion directe, délégations de service public, cuisines centrales ou petites structures dans chaque établissement… la restauration scolaire prend de nombreuses formes, qui voient intervenir des acteurs du public, du privé et des agriculteurs travaillant sur des échelles et modèles très variables. « On a parfois l’impression que chacun est dans son couloir de course, et a du mal à travailler à plusieurs, relève Florent Guhl, directeur de l’Agence bio, qui a également participé à l’élaboration de ce rapport. On peut vite arriver à une déconnexion entre le milieu agricole et celui des cantines, or, quand ça fonctionne, c’est quand on se parle. » Plus de dialogue, cela implique pour les élus locaux d’être à l’écoute des parents d’élèves sur leurs attentes, mais aussi des agriculteurs de leur territoire, pour évaluer leur capacité à fournir des produits, sur quelles quantités et quelle durée.
L’approvisionnement est un des points cruciaux. Comment favoriser les filières locales tout en respectant les contraintes du code des marchés publics ? Comment inclure des agriculteurs dont la production est petite et parfois aléatoire ? Comment compenser le surcoût induit par l’achat de produits bio ou labellisés ? Terra Nova liste des solutions possibles à ces freins techniques réels que rencontrent les maires, confrontés à une multitude de normes qui encadrent le fonctionnement des cantines. « Il faut rassurer les élus : ce n’est pas si complexe que ça », insiste Florent Guhl. Le rapport signale la possibilité de mettre en place des guichets d’information au niveau départemental et de mutualiser les efforts entre communes voisines. Sur la question de la maîtrise des coûts, le think tank insiste sur la nécessaire lutte contre le gaspillage alimentaire, en sensibilisant les enfants par des tables de pesée des assiettes en fin de repas, mais aussi en travaillant la présentation : « Par exemple, au lieu de proposer des pommes brutes en dessert, que l’on retrouve souvent à peine croquées dans la poubelle à la fin du repas, il suffit de les proposer coupées en quartiers et épépinées pour diviser par deux la quantité servie tout en augmentant la consommation réelle. »

En octobre 2018, la loi agriculture et alimentation (EGalim) a fixé de nouveaux objectifs aux élus, dont celui d’atteindre 20 % de bio dans les cantines d’ici à 2022. On en est loin : la part du bio dans la restauration collective n’était que de 4,5 % sur l’année scolaire 2018–2019, selon l’Agence bio, contre 3 % l’année précédente. Une progression que Florent Guhl juge encourageante. « Il ne s’agit pas d’introduire du bio dans le seul but de créer un marché. Il faut de la pédagogie autour des produits servis. L’objectif est de faire reconnaître le travail des agriculteurs auprès des jeunes consommateurs et de leurs parents. » Le directeur de l’Agence bio y voit ainsi une façon de « faire de l’agrilobbying et de lutter contre l’agribashing ».

Menus végétariens
La loi EGalim prévoit également, depuis le 1er novembre, l’introduction de repas végétariens hebdomadaires. A ce stade, la mise en place de la mesure n’a pas encore été évaluée mais, selon Laure Ducos, chargée de campagne agriculture et alimentation chez Greenpeace, les menus sans viande et poisson rentrent peu à peu dans les mœurs et s’accompagnent souvent d’une montée en gamme de l’approvisionnement. « Les villes qui mettent en place des menus végétariens sont aussi celles qui investissent dans de la viande locale et de qualité », constate Mme Ducos. Si le repas hebdomadaire sans viande ou poisson ne fait plus guère débat, certains candidats aux municipales proposent d’aller plus loin que la loi, avec deux menus par semaine, ou des options végétariennes quotidiennes.

Le rapport de Terra Nova formule d’autres préconisations : réviser les recommandations nutritionnelles actuelles, dont les grammages sont inadaptés à certaines classes d’âge et conduisent encore à un excès de protéines animales ; mieux former le personnel de cuisine et d’encadrement et valoriser ces métiers avec une reconnaissance de leur pénibilité ; faire de la pause méridienne un véritable temps éducatif, quand le plus souvent prédomine, selon le think tank, une « vision utilitariste et disciplinaire, le temps de repas étant bruyant et le personnel trop peu nombreux et formé ».
Loin d’être purement nutritionnelle, la question alimentaire se glisse ainsi au cœur de débats économiques et sociaux. Alizée Ostrowski juge positivement l’investissement de personnalités politiques sur cette thématique. « C’est une vraie bonne nouvelle que des candidats aux municipales se saisissent de ces questions. Pendant longtemps, la cantine, on n’en a pas parlé, ou alors juste sous l’angle financier. » C’est aussi un sujet sur lequel l’engagement d’un élu peut faire la différence. Pour Laure Ducos, de Greenpeace, « les cantines, c’est un sujet intéressant pour les candidats aux municipales : c’est très concret, et les maires peuvent amener des solutions. Avec du bon sens et un moindre budget, il y a beaucoup de choses à faire. »

Mathilde Gérard

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