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Revue de presse

Quel régime alimentaire devons-nous adopter pour sauver le climat ?

Peut-on continuer à manger autant de viande ? A l’occasion de la COP24 à Katowice en Pologne en décembre 2018, « Le Monde » s’est interrogé sur les manières de lutter contre le dérèglement climatique et reparle de nos propositions de réduire notre consommation de viande par 2 d’ici 20 ans, en 2017.
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Le citoyen engagé, qui marche pour le climat et observe chaque jour davantage la planète perdre le nord sous l’effet des dérèglements climatiques, le sait déjà : il doit dire adieu à son burger-frites hebdomadaire, s’il est traditionnellement confectionné avec de la viande, en particulier du bœuf, et pire encore si les pommes de terre ont été dorées avec de l’huile de palme. Mais voilà, par quoi remplacer ces mets avec lesquels il avait coutume de régaler son palais ?

Une étude, publiée dans Nature le 10 octobre, s’est penchée sur l’empreinte environnementale de ce que nous mangeons. Premier constat : la situation n’est pas tenable si nous voulons rester dans les limites planétaires, au-delà desquelles le fonctionnement et la stabilité de la planète seraient significativement affectés, menaçant de fait l’humanité. Les chiffres donnent le tournis : la production agroalimentaire a émis l’équivalent de 5,2 milliards de tonnes équivalent CO2en 2010 (onze fois les émissions totales de la France). Elle a aussi occupé 13 millions de km2 de terres agricoles, utilisé 1 800 milliards de m3 d’eaux de surface et souterraines et engendré l’usage de 104 milliards de kg d’azote et 18 milliards de kg de phosphore. La majeure partie de cet impact provient de l’élevage – du fait des rots des vaches ou de la déforestation qu’il engendre.

Aussi noir soit-il, ce tableau doit encore s’assombrir. L’impact environnemental de l’alimentation va s’alourdir de 50 à 92 % d’ici à 2050, selon l’ampleur de la croissance démographique – la population mondiale pourrait frôler les 10 milliards d’êtres humains au milieu du siècle – et de la hausse du niveau de vie.

Moins de bœuf et de porc, davantage de soja

Pour y faire face, l’équipe de scientifiques – une vingtaine de chercheurs issus d’universités américaines, européennes, australienne et libanaise – préconise un régime alimentaire qualifié de « flexitarien », c’est-à-dire qui modère la consommation de protéines animales en faveur de celles végétales.

La viande est la première visée : à l’échelle mondiale, il s’agirait de diminuer de 80 % la consommation de bœuf d’ici au milieu du siècle (et même de 90 % dans les pays développés), de 88 % celle de porc, de 70 % celle d’agneau et de 50 % celle de volaille. Le lait et les œufs sont également concernés, avec respectivement 52 % et 27 % de moins. Les protéines animales ne sont pas les seules visées par ce rééquilibrage alimentaire. L’étude prévoit également une baisse de la consommation d’huile de palme (– 61 %), de sucre (– 58 %), et même de certaines céréales dont le riz (– 45 %), le maïs (– 38 %) et le blé (– 31 %).

A l’inverse, l’assiette devrait davantage contenir de légumineuses (+ 114 %), de soja (+ 302 %), de noix et de graines (+ 237 %) ou encore d’huiles végétales (+ 85 %). De manière plus étonnante, les auteurs recommandent de manger plus de poissons (+ 60 %) et de crustacés (+ 18 %), issus de l’aquaculture, pour des raisons d’équilibre nutritionnel.

Réduire le gaspillage alimentaire

Un coup de fourchette qui permettrait de réduire de 56 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050 (par rapport aux projections si rien n’était fait) et de 6 à 22 % les autres pressions environnementales (consommation de terres et d’eau, perte de biodiversité ou pollution). « Nous aurions ainsi une chance de rester sous la limite des 2 °C de réchauffement climatique prévue par l’accord de Paris de 2015 », indique Marco Springmann, principal auteur de l’étude et chercheur à l’université d’Oxford, au Royaume-Uni.

« Mais pour remplir cet objectif, et nourrir de façon durable une population en pleine croissance, nous devrons mettre en œuvre simultanément d’autres solutions », prévient le scientifique, qui cite la réduction de moitié du gaspillage alimentaire et l’amélioration des pratiques agricoles (hausse des rendements, meilleure utilisation de l’eau, etc.).

Deux tiers de protéines végétales

D’autres experts avaient déjà résolu l’équation à l’échelle de l’Hexagone. L’association Solagro, qui œuvre en faveur d’une transition agroécologique, avait ainsi produit il y a deux ans le scénario « Afterres 2050 ». Il modélisait la trajectoire pour parvenir à nourrir une France de 72 millions d’habitants au mitan du siècle, en respectant l’objectif de diminuer de moitié les émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture d’ici à 2050 par rapport à 1990. Au menu : 94 g de viande par jour et par adulte, contre 185 aujourd’hui. En contrepartie, la ration de légumineuses (lentilles, pois chiches, etc.) augmenterait de 15 g à 41 g, et il y aurait davantage de céréales, de légumes et de fruits dans nos assiettes. A quoi il faudrait ajouter une diminution d’un tiers du gaspillage alimentaire et des surconsommations– c’est-à-dire les consommations de protéines, de sucres, de sel ou de graisses qui dépassent les recommandations sanitaires.

Des conclusions reprises par la fondation Terra Nova, dans son rapport « La viande au menu de la transition alimentaire », publié fin novembre 2017. Le think tank orienté à gauche appelait à atteindre en France, dans les vingt années qui viennent, un régime alimentaire qui soit composé de deux tiers de protéines végétales et d’un tiers d’animales – contre l’inverse aujourd’hui –, en divisant par deux nos consommations de viande et de poisson.

« C’est faisable et abordable »

« Nous devons à tout prix limiter nos apports de viande, quelle qu’elle soit », abonde Arnaud Gauffier, responsable des campagnes alimentation et agriculture au WWF :

« Manger moins de viande rouge, en raison des émissions de méthane, mais aussi de viande blanche, qui favorise la déforestation par l’intermédiaire des tourteaux de soja massivement importés pour nourrir les poulets en batterie, et également les viandes cachées, incorporées dans de nombreux produits transformés. C’est faisable et abordable. »

Dans son étude « Vers une alimentation bas carbone, saine et abordable », parue en octobre, l’association a calculé que l’empreinte carbone du panier végétarien (pour une famille de quatre personnes et par semaine) était deux fois moindre que celle du régime moyen des Français. Avec un coût de 133 euros, il permet en outre une économie de 29 % par rapport au panier actuel, contre 21 % de gagnés pour la version flexitarienne. Le citoyen engagé n’a pas forcément besoin d’être fortuné.

Audrey Garric

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