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Rapport

Vers une sécurité alimentaire durable : enjeux, initiatives et principes directeurs

Publié le 

1. Introduction et éléments de contexte

Dans son plus récent rapport « Revenus et patrimoine des ménages », l’INSEE estime qu’en 2018, environ 10 millions de personnes vivaient sous le seuil de pauvreté monétaire en France métropolitaine, auxquels il faut ajouter près d’1 million supplémentaire dans les DOM [1]. L’effet de la pandémie de Covid‑19 sur les niveaux de vie n’était pas encore quantifié à la date de sortie de ce rapport, mais les données disponibles indiquent que le nombre d’allocataires du Revenu de Solidarité Active (RSA) a augmenté constamment depuis le début de la crise sanitaire pour atteindre 165 000 utilisateurs supplémentaires en septembre 2020, correspondant à une hausse de +8,7 % par rapport à septembre 2019. En accord avec cet ordre de grandeur, le 6 octobre 2020, Le Monde titrait « La crise sanitaire a fait basculer un million de Françaises et de Français dans la pauvreté »[2] . Une certaine décrue est amorcée en 2021, mais les incertitudes restent fortes sur l’évolution de la pandémie, et donc sur ses conséquences pour l’emploi[3].

En aggravant les inégalités sociales, la crise sanitaire a creusé les inégalités sociales de santé, en particulier en lien avec l’alimentation. Pour de très nombreuses raisons, pandémie et confinement combinés ont touché beaucoup plus durement les habitants des quartiers pauvres : emplois ne se prêtant pas au télétravail, étroitesse et vétusté des logements, prévalence élevée de comorbidités (diabète, obésité, asthme..), offre de services (santé, transport, administration, alimentation…) réduite ou inexistante, accès aux droits limité, renoncements aux soins pour des raisons financières, administratives, ou liées à l’enclavement du quartier…[4] Au sein des foyers pauvres, ce sont les femmes (en surcharge mentale et physique)[5] et les enfants[6] qui ont été les plus touchés, car la crise a exacerbé les tensions et inégalités intrafamiliales. L’Encadré 1 synthétise les constats du récent Avis (n° 89) du Conseil National de l’Alimentation (CNA) qui montrent comment la crise sanitaire a rendu visible et aggravé les difficultés d’accès, économique et physique, à l’alimentation en France.

Une des conséquences tangibles de cette crise sanitaire en matière d’accès à l’alimentation a été une hausse des volumes distribués en 2020 (estimée à +10,6 % par rapport à 2019) et des inscriptions (+7,3 %), traduisant à la fois l’arrivée de nouveaux utilisateurs et une hausse des besoins pour les utilisateurs plus anciens[7]. Face à cette crise, des mesures exceptionnelles de renforcement du soutien financier de l’État à la filière de l’aide alimentaire ont été attribués dès avril 2020 pour l’achat de denrées, le financement de bons alimentaires et à la reconstitution des stocks de denrées[8]. Ces mesures ont été renforcées en 2021, avec un « renfort exceptionnel supplémentaire » de 12 millions d’euros attribué par l’Etat pour l’année 2021, et un doublement des financements européens pour la période 2021–2027[9].

 

Encadré 1 : Crise sanitaire et insécurité alimentaire en France

(Synthèse des constats de l’Avis n° 89 du Conseil National de l’Alimentation)[10]

Selon le récent avis du CNA (juillet 2021), la crise sanitaire du Covid-19 a rendu visible et aggravé l’insécurité alimentaire en France. Elle a mis en évidence de fortes inégalités, territoriales et socio-économiques, dans l’accès à « une alimentation compatible avec un système alimentaire durable ». Tous les niveaux du système alimentaire ont été affectés[11], et la fracture alimentaire s’est creusée entre des consommateurs qui ont adopté des modes de consommation considérés comme plus durables (fait maison, plus de fruits et légumes, plus de local et de bio, moins de produits transformés, etc.) et d’autres contraints à réduire la qualité, et la diversité de leur alimentation (moins de fruits et légumes notamment), ou même sa quantité. Le CNA mentionne « une explosion de la précarité alimentaire » durant le premier confinement, en raison des baisses ou pertes de revenu (chômage partiel, perte d’emploi, disparition des jobs étudiants, etc.), de la fermeture des lieux de restauration collective, de difficultés d’accès aux commerces, de situations d’isolement inédites.

Les services sociaux et les associations d’aide alimentaire ont dû faire face à une augmentation de la demande d’aide d’urgence en partie liée à l’apparition de nouveaux publics (notamment étudiants, personnes en chômage partiel, auto-entrepreneurs et retraités) et à de multiples difficultés pour assurer le surcroît d’activité (bénévoles habituels empêchés d’intervenir en raison de leur âge, locaux inadaptés à la situation sanitaire, baisse des dons, notamment en provenance des supermarchés, entraînant une réduction de la diversité et de la qualité des produits). De plus, en partie à cause de la nécessité d’appliquer les gestes barrières, mais aussi à cause de l’ampleur de la crise, les associations ont dû se limiter à apporter une aide matérielle (essentiellement sous forme de colis) sans pouvoir pratiquer les activités d’accompagnement et de soutien du lien social qu’elles promeuvent habituellement.

En réponse à cette situation de crise, une multitude d’initiatives ont vu le jour, de façon spontanée et parfois très locale, en se basant sur le réseau de chacun (professionnels, bénévoles, …) souvent via les réseaux sociaux : solidarité entre voisins, afflux de nouveaux bénévoles pour les associations d’aide alimentaire, associations non spécialisées dans l’aide alimentaire modifiant leurs priorités, nouvelles sources de dons (particuliers, restaurateurs, petits commerçants…), nouveaux modes de distribution de type drive, mise en place de chèques alimentaires, distribution de paniers de fruits et légumes, développement/création de sites internet pour faciliter les dons. Un point considéré comme positif par les professionnels de l’aide alimentaire est que le dialogue entre acteurs est devenu obligatoire, les forçant à imaginer des actions pertinentes, souvent dans le cadre de nouveaux partenariats (entre associations, avec des producteurs, avec les autorités publiques…).

 

Insécurité alimentaire et précarité alimentaire

Les termes de sécurité et insécurité alimentaires sont issus du domaine de la nutrition et de la santé publique. Il y a insécurité alimentaire « lorsque la disponibilité d’aliments sûrs et adéquats sur le plan nutritionnel ou la possibilité d’acquérir des aliments appropriés par des moyens socialement acceptables est limitée ou incertaine »[12]. Par opposition, la sécurité alimentaire « est assurée lorsque tous les êtres humains ont à tout moment un accès matériel, social et économique à une alimentation suffisante, sûre et nutritive qui répond à leurs besoins alimentaires et à leurs préférences et qui leur permet de mener une vie saine et active »[13]. Néanmoins, en France, le terme de précarité alimentaire est plus volontiers utilisé que celui d’insécurité alimentaire, en particulier par les associations de lutte contre la pauvreté et, de ce fait, par les politiques dites « de lutte contre la précarité alimentaire ». La notion de précarité intègre la question du lien social, dans la continuité des politiques sociales mises en œuvre au milieu des années 1980 dont la création du Revenu Minimum d’Insertion est emblématique[14]. Dans ce cadre, la précarité alimentaire est comprise comme une conjonction « entre une situation de pauvreté économique et une série d’empêchements socio-culturels et politiques dans l’accès à une alimentation durable »[15]. Dans ce rapport, nous utilisons le terme de précarité alimentaire car c’est celui qui est utilisé dans les rapports associatifs et institutionnels et les textes de loi en France. Mais nous utilisons aussi les termes de sécurité alimentaire et insécurité alimentaire car ils ont une existence officielle à l’échelon international, et que des méthodes de mesure validées ont été développées pour en évaluer la prévalence.

 

L’insécurité alimentaire ne se résume pas à la pauvreté monétaire.

En France, l’insécurité alimentaire a été mesurée et étudiée pour la première fois au niveau national en 2006–2007 dans l’enquête INCA2 à l’aide du Food Sufficiency Indicator[16],[17] puis dans le Baromètre Santé Nutrition (BSN) en 2008[18] et plus récemment, dans l’enquête INCA3 en 2014–2015 à l’aide d’une version courte du Household Food Security Scale Module[19],[20]. Les résultats sont en phase avec les caractéristiques connues de l’insécurité alimentaire dans les autres pays occidentaux, notamment anglo-saxons, à savoir que l’insécurité alimentaire est un phénomène multidimensionnel, associé à de nombreux facteurs sociodémographiques, économiques et liés aux conditions et modes de vie[21]. Ainsi, en France, l’insécurité alimentaire touche plus souvent les jeunes et les femmes, notamment en situation de monoparentalité, les personnes qui ont un faible statut socio-professionnel, un revenu faible (ou moyen mais avec des charges incompressibles fortes, notamment pour le logement). Elle est associée à une fragilité des conditions de vie (non propriété du logement, non possession d’une voiture, faible équipement du logement) et à des modes de vie moins favorables à la santé, notamment vis-à-vis de l’usage du tabac, des écrans et des consommations alimentaires (voir ci-après). Les personnes en situation d’insécurité alimentaire sont plus nombreuses que les autres à déclarer avoir dû renoncer à des soins pour des raisons financières. Elles ne sont pas toutes pauvres (au regard de la définition de la pauvreté monétaire), mais elles se trouvent dans une situation économique difficile, avec des charges importantes qu’elles assument souvent seules.

 

Au-delà de l’insécurité alimentaire, les inégalités sociales en matière d’alimentation traversent l’ensemble de la société et contribuent aux inégalités sociales de santé

L’insécurité alimentaire est associée à une alimentation de plus faible qualité nutritionnelle, et en particulier à des apports en fibres, vitamines et minéraux moins en accord avec les recommandations d’apports en nutriments. Le principal facteur alimentaire susceptible d’expliquer ces différences nutritionnelles est la plus faible consommation de fruits et légumes. Ainsi, une analyse effectuée à partir de l’enquête INCA3 a montré que les adultes en situation d’insécurité alimentaire consommaient en moyenne seulement 228g/j de fruits et légumes (en incluant les jus et les soupes) contre 475g/j pour le reste de l’échantillon, considéré en situation de sécurité alimentaire[22]. Pour les autres groupes d’aliments, les différences de consommation entre les personnes en insécurité alimentaire et les autres ne portent pas sur les mêmes groupes alimentaires selon les études et les indicateurs utilisés, et ces différences, quand elles existent, sont d’un ordre de grandeur bien inférieur à celui observé pour les fruits et légumes. L’étude montre aussi que la prévalence du surpoids et l’obésité est plus importante chez les femmes en situation d’insécurité alimentaire que chez les autres, et la prévalence de maigreur plus importante chez les hommes en situation d’insécurité alimentaire que chez les autres.

Si les recherches, notamment celles basées sur les données du BSN 2008[23], montrent que les déséquilibres alimentaires sont plus prononcés lorsqu’ils sont analysés à l’aune de l’insécurité alimentaire qu’à l’aune de la pauvreté monétaire, elles montrent aussi (recherches basées sur INCA2[24]), que même au sein de la population considérée comme en sécurité alimentaire (toutes les personnes qui ne sont pas en insécurité alimentaire), il existe un gradient de la qualité nutritionnelle de l’alimentation, en grande partie expliqué par un gradient social de la consommation de fruits et légumes. Des déterminants économiques expliquent en partie l’existence de ce gradient social de la consommation de fruits et légumes[25]. En effet, la structure des prix n’est pas favorable à l’équilibre alimentaire car les aliments dont il est recommandé d’augmenter la consommation, comme les fruits et légumes, sont des sources chères de calories, alors que les aliments gras et sucrés apportent des calories relativement bon marché, de même que les féculents raffinés (pâtes ordinaires, riz blanc, qui sont appauvris en fibres et en nutriments essentiels). C’est une des raisons pour lesquelles il est plus difficile d’avoir une alimentation équilibrée lorsqu’on a un petit budget : lorsque les moyens financiers manquent, le prix des aliments est légitimement perçu comme une barrière à l’adoption d’une alimentation plus saine.

L’étude ABENA2, conduite en 2011–2012 au sein de structures d’aide alimentaire en France métropolitaine, a décrit un état de santé préoccupant des usagers de ces structures, avec des prévalences des pathologies liées à la nutrition (obésité, hypertension artérielle, diabète, certains déficits vitaminiques) particulièrement élevées par rapport à la population générale[26]. Mais au-delà de la situation spécifique des utilisateurs de l’aide alimentaire, la prévalence de l’obésité et des pathologies associées est plus importante dans les populations pauvres et/ou en situation d’insécurité alimentaire que dans le reste de la population. En fait, l’obésité, et les pathologies qui lui sont associées telles que l’hypertension et le diabète touchent l’ensemble de la société, mais ces pathologies suivent toutes un gradient social, quasi linéaire en ce qui concerne la relation entre l’obésité et le revenu, allant de 28% de personnes obèses pour le premier décile de revenus (les plus pauvres) à 7% dans le dernier décile (les plus riches)[27]. Ce gradient reflète une accumulation de facteurs défavorables tout au long de la vie (dès la période in utero[28]) et suggère une relation de type causal entre le fait d’avoir un faible revenu et celui d’être plus à risque d’être obèse[29]. Ces inégalités sociales de santé en lien avec des inégalités sociales en matière d’alimentation traversent donc l’ensemble de la société, incitant à soutenir une approche de prévention basée sur l’universalisme proportionné, qui consiste à promouvoir des politiques et des interventions dont l’intensité est proportionnelle aux besoins des groupes dans la population[30],[31].

 

En France, le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire est bien plus important que le nombre d’utilisateurs de l’aide alimentaire.

La prévalence de l’insécurité alimentaire en France a été estimée dans l’étude nationale sur les consommations alimentaires individuelles INCA3, réalisée en France métropolitaine en 2014–2015 par l’ANSES[32] à l’aide d’un questionnaire internationalement validé de mesure de l’insécurité alimentaire (en 6 questions)[33]. Les résultats indiquent que 12% de l’échantillon des enfants et 11% de l’échantillon des adultes, correspondant environ à 8 millions de personnes en France, étaient en situation d’insécurité alimentaire au moment de l’enquête. Notons que ce chiffre est probablement sous-estimé car les personnes en situation de précarité ou d’exclusion sont difficiles à atteindre dans les enquêtes réalisées en population générale, même quand elles sont construites, comme l’enquête INCA3, pour être « représentatives » de cette population. Dans une autre étude, réalisée en 2021 (auprès d’un échantillon lui aussi construit pour être représentatif de la population française) par l’IPSOS pour le Secours Populaire[34], 12% des personnes interrogées ont répondu « oui, beaucoup » à la question : « Rencontrez-vous des difficultés financières pour vous procurer une alimentation saine vous permettant de faire 3 repas par jour ? », ce qui est en phase avec les résultats de l’étude INCA3 sur la prévalence de l’insécurité alimentaire en France.

De plus, des agriculteurs sont présents parmi les utilisateurs de l’aide alimentaire, sans qu’il soit possible d’évaluer leur nombre du fait de l’absence d’études et du manque de données remontant des associations (qui sont la source principale d’information concernant le nombre de personnes accédant aux distributions d’aide alimentaire)[35]. La Mutualité sociale agricole (le régime de protection sociale obligatoire des professions agricoles), dans son rapport 2019,[36] donne le chiffre d’environ 180 000 salariés ou exploitants agricoles percevant la prime d’activité ou le RSA. Alors qu’ils sont l’un des acteurs essentiels du système alimentaire, on ne peut qu’être surpris de leur présence dans les distributions d’aide alimentaire. En outre, souvent interpellés par les organisations d’aide alimentaire, les agriculteurs, dans leur ensemble, méconnaissent tout autant que la population de façon générale le fonctionnement de la filière de l’aide alimentaire, les intermédiaires associatifs et les utilisateurs de cette aide (voir Annexe 1).

Puisque les politiques dites « de lutte contre la précarité alimentaire » s’appuient sur le système actuel d’aide alimentaire (voir Partie 2), il est courant de considérer que les personnes en situation de précarité alimentaire sont celles qui ont recours à l’aide alimentaire. Or les chiffres disponibles suggèrent que le nombre d’utilisateurs de l’aide alimentaire, s’il est important, est bien moindre que celui des personnes qui perçoivent des difficultés vis-à-vis de leur alimentation pour des raisons financières. Ainsi, à partir des données recueillies par la DGCS auprès des structures distributrices de l’aide alimentaire (incluant les CCAS/CIAS), l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) établissait à 5,5 millions le nombre d’usagers de l’aide alimentaire au cours de l’année 2018[37]. L’ANSES s’est également intéressée au sujet en posant dans l’étude INCA3 (2014–2015) une question relative à l’utilisation de l’aide alimentaire. Au total, 3,3%[38] des personnes appartenaient à un foyer ayant eu recours à une aide alimentaire (dons de denrées ou aide aux achats via des bons d’achat ou par un accès à une épicerie sociale ou solidaire où les aliments sont vendus moins chers) au cours du dernier mois, correspondant à 2,2 millions de personnes.

La différence entre le chiffre issu de l’étude INCA3 (2,2 millions) et celui cité dans le rapport de l’IGAS (5,5 millions) est bien sûr attribuable aux différentes méthodes utilisées. Il faut noter, en particulier, que les personnes en situation de précarité, et encore plus celles en situation d’exclusion, sont sous-représentées dans les enquêtes dites « représentatives » conduites en population générale comme l’enquête INCA3. De plus, ces deux estimations ont été réalisées avant la crise sanitaire du COVID, au cours de laquelle le recours à l’aide alimentaire a augmenté (rapport CNA). Aussi, au-delà des incohérences sur le nombre d’utilisateurs de l’aide alimentaire en France, notons qu’il est impossible de disposer d’informations fiables et consolidées sur les durées et les fréquences d’utilisation de l’aide par les utilisateurs comptabilisés par ces différentes sources. Ceci souligne l’intérêt majeur qu’il y aurait à pouvoir disposer de moyens fiables de mesure. C’est d’ailleurs « pour mieux connaître l’évolution des bénéficiaires et des volumes distribués, ainsi que les disparités territoriales, avec un décalage limité dans le temps » qu’un dispositif de suivi de l’aide alimentaire en France a été mis en place début 2021[39]. Ce dispositif s’appuie sur la remontée de données quantitatives sur l’aide alimentaire, transmises par les principaux réseaux à un rythme trimestriel et à un niveau départemental.

En tout cas, une chose est sûre : il y a bien plus de personnes en difficulté financière vis-à-vis de leur alimentation que de personnes qui perçoivent une aide alimentaire. Et, si l’on s’en tient à la seule étude INCA3, qui présente le double intérêt d’avoir estimé les deux situations dans un seul et même échantillon représentatif de la population et d’avoir utilisé une méthode internationalement validée d’évaluation de l’insécurité alimentaire, il y aurait près de 4 fois moins d’utilisateurs de l’aide alimentaire que de personnes en situation d’insécurité alimentaire (3,3% vs 12% de la population adulte). Le fait que, dans leur grande majorité, les personnes en insécurité alimentaire n’aient pas recours aux dispositifs d’aide alimentaire met en évidence l’inadéquation d’une réponse basée sur la distribution de denrées alimentaires.

 

Remarques sémantiques

Dans ce rapport, nous faisons le choix de parler d’utilisateurs et non-utilisateurs de l’aide alimentaire, et non pas de bénéficiaires, ni d’usagers. La plupart des associations d’aide alimentaire n’utilisent plus non plus le terme de bénéficiaire. En effet, il peut avoir une connotation « positive », comme si le fait que l’aide alimentaire arrivait à la personne réglait son problème (comme par exemple le bénéficiaire d’un soin) ; le bénéfice est en réalité « imposé » car il participe au fonctionnement du système alimentaire (notamment écoulement des stocks, et régulation des prix…). Le terme bénéficiaire peut aussi avoir une connotation « négative » car cela revient à considérer la personne comme assistée, et non comme une personne ayant un droit à l’alimentation. Quant au terme usager, celui-ci renvoie à l’usager d’un service public, ce qui n’est pas le cas de l’aide alimentaire.

Nous conservons en revanche le terme non-recours et non pas non-utilisation, car le terme recours à un fondement juridique qui s’applique bien à l’aide alimentaire, même s’il n’est pas adéquat dans le cadre d’un droit à l’alimentation effectif (voir Partie 4.1 sur le droit à l’alimentation durable).

Par ailleurs, dans ce rapport, les termes employés pour désigner des personnes sont pris au sens générique; ils ont à la fois valeur d’un féminin et d’un masculin.

 

Les causes du non-recours à l’aide alimentaire sont multiples et bien connues des bénévoles et professionnels impliqués auprès des publics précaires[40]. Leur analyse a fait l’objet d’études spécifiques[41],[42] qui soulignent le manque d’information, le sentiment de non-légitimité (« d’autres en ont plus besoin que moi ») et l’inadaptation de l’aide aux situations, besoins et attentes des personnes : critères administratifs trop sévères, complexité des démarches administratives, délais trop importants, difficultés pratiques d’accès (éloignement, horaires et périodes d’ouverture restreints, lieux inappropriés…), inadéquation du contenu de l’aide en quantité et/ou qualité (habitudes culturelles, pathologies, préférences…), sans oublier ceux et celles qui considèrent qu’il leur faut résister au contrôle social associé à l’assistance. Mais une raison probablement majeure est tout simplement le sentiment de honte, d’échec et l’humiliation de devoir faire « appel à l’aide » pour un besoin aussi vital que se nourrir et nourrir ses proches, alors même que cette aide n’est pas pérenne, n’est pas toujours gratuite, et qu’elle est difficile à obtenir. Notons aussi que, même pour les utilisateurs du système, l’aide alimentaire ne couvre (dans les périodes où ils y ont recours) que 40% des besoins énergétiques en moyenne[43]. A titre de comparaison, les cantines scolaires contribuent à hauteur de 30% des besoins énergétiques des enfants les jours d’école[44], expliquant d’ailleurs que leur fermeture inopinée pendant le premier confinement lié au COVID en 2020 ait aggravé l’insécurité alimentaire en France.

Outre le non-recours, le système d’aide alimentaire actuel souffre de nombreuses limites. Nous en avions dressé le constat dans un article publié au sortir du premier confinement[45]. Ce système est principalement basé sur des dons de denrées alimentaires avec un fort soutien financier de l’Etat, et sa partie opérationnelle (collecte, stockage, distribution, accueil des usagers…) est massivement déléguée au monde associatif. Tout en reconnaissant le caractère indispensable de l’aide alimentaire actuellement fournie par les associations, nous avions listé de nombreuses failles structurelles du système : économiques, nutritionnelles, sociales, éthiques et organisationnelles. En effet, l’aide alimentaire ne touche pas toutes les personnes en situation d’insécurité alimentaire, manque de produits frais, offre un choix limité à l’usager (voire aucun choix), est inégale dans ses conditions d’accès, crée une relation asymétrique qui met à mal l’estime de soi, et elle est paradoxalement dépendante du gaspillage. De plus, les associations qui délivrent cette aide en nature sont surchargées de tâches logistiques et administratives, et manquent de temps et de moyens pour accompagner les publics. L’ensemble de ces éléments constituent des facteurs de fragilité des dispositifs existants et remettent en cause la pérennité et surtout la pertinence globale du système.

L’émergence de la crise sanitaire et la difficulté à atténuer ses effets sur les plus pauvres, malgré l’intervention de l’Etat (le « quoi qu’il en coûte ») et de ses services déconcentrés, celle du secteur associatif, et la multiplicité des initiatives locales solidaires, ont démontré la non-résilience du système et son incapacité à garantir la sécurité alimentaire au plus grand nombre[46].

L’insécurité alimentaire est une réalité en France. Elle concerne 12 % de la population. Elle ne se résume ni à la pauvreté monétaire, ni au recours à l’aide alimentaire. Au-delà de l’insécurité alimentaire, des inégalités sociales en matière d’alimentation sont à l’œuvre et contribuent aux inégalités sociales de santé. Pour les prévenir, il est donc important d’engager des actions et des politiques de promotion de la sécurité alimentaire qui ne ciblent pas uniquement le réseau de l’aide alimentaire et pas uniquement les plus précaires.

 

2. Limites structurelles du système actuel d’aide alimentaire pour lutter contre l’insécurité alimentaire en France

2.1. L’organisation de l’aide alimentaire en France

En France, la prévention de l’insécurité alimentaire est l’objet des politiques dites « de lutte contre la précarité alimentaire », qui s’appuient sur la filière de l’aide alimentaire – et la soutiennent financièrement. C’est depuis la loi dite « EGAlim » du 30 octobre 2018, que l’aide alimentaire a été explicitement inscrite dans la législation comme un moyen de lutte contre la précarité alimentaire : "l’aide alimentaire consiste à fournir des denrées et à proposer un accompagnement à des personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale ».  Par ailleurs, l’Article 266 –1 du Code de l’action sociale et des familles énonce : « La lutte contre la précarité alimentaire vise à favoriser l’accès à une alimentation sûre, diversifiée, de bonne qualité et en quantité suffisante aux personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale. Elle s’inscrit dans le respect du principe de dignité des personnes. Elle participe à la reconnaissance et au développement des capacités des personnes à agir pour elles-mêmes et dans leur environnement. Elle participe à la reconnaissance et au développement des capacités des personnes à agir pour elles-mêmes et dans leur environnement. L’aide alimentaire contribue à la lutte contre la précarité alimentaire ». Et l’article 266–2 stipule que « L’aide alimentaire a pour objet la fourniture de denrées alimentaires aux personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale, assortie de la proposition d’un accompagnement. Cette aide est apportée tant par l’Union européenne que par l’Etat ou toute autre personne morale. ». Le Programme national alimentation et le Programme national nutrition santé suivent cette orientation[47].

L’aide alimentaire dans sa forme contemporaine[48] s’institue dans notre pays, à partir de la création de la première banque alimentaire (FFBA) en 1984[49] sur le modèle des « Food banks » américaines. Puis, en septembre 1985, Coluche lance les Restos du Cœur. La FFBA et les Restos du Cœur, rejoints par le Secours Populaire et la Croix Rouge s’imposent comme interlocuteurs des pouvoirs publics, en particulier par le dialogue avec Jacques Delors alors Président de la commission européenne. En effet, les surplus agricoles apparaissent comme une source d’approvisionnement pour ce qui s’organise petit à petit comme une filière agroalimentaire[50], à savoir l’ensemble «  des participants impliqués dans la production, la transformation et la commercialisation d’un produit agricole. Elle inclut les fournisseurs de l’agriculture, les agriculteurs, les entrepreneurs de stockage, les transformateurs, les grossistes et détaillants permettant au produit brut de passer de la production à la consommation. Elle concerne enfin toutes les « institutions », telles que les institutions gouvernementales, les marchés, les associations de commerce qui affectent et coordonnent les niveaux successifs sur lesquels transitent les produits. ». FranceAgriMer[51], établissement national des produits de l’agriculture et de la mer, placé sous la tutelle du ministère en charge de l’agriculture, a pour mission de soutenir et réaliser certaines actions au service des filières agricoles. Dans ce cadre, FranceAgriMer a une fonction d’achat pour l’aide alimentaire et de gestion des marchés publics. Ces achats sont ensuite répartis entre quatre associations (les Restos du Cœur, la Fédération des banques alimentaires, le Secours Populaire et la Croix Rouge) dont l’organisation diffère au sein de la filière (voir Annexe 2). Ces quatre opérateurs historiques ont des modes de fonctionnement à la fois complémentaires et concurrents. Ainsi :

  • les Banques alimentaires sont avant tout un dispositif de logistique qui récupère des flux de marchandises et les redistribue ;
  • les Restos du Cœur et le Secours Populaire sont des centrales d’achat centralisées sur le modèle de la grande distribution et assurent la logistique vers leurs distributeurs locaux ;
  • la Croix Rouge se consacre essentiellement à une activité de distribution locale à travers son réseau d’épiceries sociales et des interventions d’urgence aux côtés des autres opérateurs.

L’Etat français reconnaît la nécessité de cette filière et l’inscrit dans ses objectifs de politique sociale en la subventionnant et en soutenant la reconnaissance de la filière à l’échelle européenne. La particularité de notre pays réside dans une forme de sous-traitance au secteur caritatif mais en cohérence avec la façon dont les associations de lutte contre la pauvreté se sont érigées comme interlocutrices des pouvoirs publics (et acceptées comme telles par le ministère des Affaires sociales) à partir de 1981.En outre, le choix se porte sur la distribution de denrées alimentaires. L’inscription (ou la confirmation) de ce choix dans le corpus règlementaire trouve ses prémisses dans l’amendement Coluche permettant une défiscalisation des dons de particuliers aux associations d’aide alimentaire. Puis les loi Aiguillon (loi mécénat 2003), Garot et Egalim ont fortement incité (le terme d’obligation est d’ailleurs souvent évoqué) ces mêmes dons défiscalisés de la part des acteurs économiques (agriculteurs, entreprises agro-alimentaires, distribution, restauration) et ce dans la continuité de l’esprit de l’article 238 bis du code général des impôts (CGI) en vigueur depuis 1979.

Cette filière de l’aide alimentaire développe divers dispositifs et a traversé plusieurs phases de modernisation. Par exemple, à partir de 1990, les épiceries sociales apparaissent comme une évolution dans les propositions de distribution. Par ailleurs, la création des chantiers d’insertion dans les Marchés d’Intérêts Nationaux pour récupérer les fruits et légumes ou les « Paniers de la Mer »[53] sont emblématiques de cette notion de filière. Ainsi, les « Paniers de la Mer » récupèrent des invendus de poisson sous criée, les transforment (découpe, surgélation, conditionnement) dans des chantiers d’insertion et distribuent ensuite ces produits aux associations d’aide alimentaire.

Même si elle est née d’une approche philanthropique, cette filière s’intègre au système alimentaire global avec intervention de l’Etat et finalement elle n’est pas déconnectée des autres activités marchandes de ce système.

Une analyse du fonctionnement du système actuel d’aide alimentaire montre qu’il présente de nombreuses limites dont certaines découlent directement des choix faits en matière de politiques publiques. Dans la période récente, ces politiques s’appuient sur deux piliers inscrits dans plusieurs textes de lois : la distribution de l’aide alimentaire (depuis l’article L. 230–6 du code rural de l’agriculture et la pêche de 2010) et la lutte contre le gaspillage alimentaire (loi Garot 2016 puis EGAlim 2018).

La Figure 1 donne un aperçu de la relation entre la filière de l’aide alimentaire et les politiques publiques de lutte contre la précarité alimentaire, relation qui est explicitée dans la suite de ce rapport. Comme nous le verrons, cette structuration a des effets induits qui remettent en cause la capacité du système à résoudre réellement le problème de l’insécurité alimentaire en France. Finalement, ces politiques s’attachent uniquement, et en outre de manière superficielle, aux symptômes de l’insécurité alimentaire et jamais à ses causes profondes. Par ailleurs, elles induisent l’idée que cette filière est « durable » car elle permet d’éviter du gaspillage, une des causes majeures de l’impact environnemental négatif de notre système alimentaire[54].

L’aide alimentaire mobilise trois familles d’acteurs (détaillés en Annexe 2) jouant des rôles complémentaires et en forte interdépendance :

  • Les acteurs publics (Europe, État, collectivités…) cadrent les dispositifs par le biais des politiques publiques liées à la pauvreté, à la santé et à l’alimentation, et octroient les budgets qui financent une partie du système existant.
  • Les acteurs privés (entreprises et particuliers) interviennent par le biais des dons (dons financiers, mécénat/bénévolat et dons en nature)
  • Enfin, une myriade d’associations de tailles et de missions différentes assure la quasi-totalité de l’activité matérielle de terrain (gestion des stocks, logistique, distribution, accueil des usagers, etc.). Elles constituent la base sur laquelle repose tout l’édifice de l’aide alimentaire.

En 2018, le rapport du Sénat[55] sur le financement de l’aide alimentaire estime le montant de ses ressources en France à 1,5 milliard d’euros qui se répartissent entre :

  • 31% de fonds Publics (FEAD[56], dépenses budgétaires de l’État et des collectivités territoriales, dépenses fiscales) ;
  • 36% de ressources privées (dons en nature et numéraires des particuliers, entreprises, agriculteurs, fondations, mécénat) ;
  • 33% correspondant à la valorisation du bénévolat (200 000 bénévoles).

Cependant cette répartition appelle un certain nombre de commentaires :

  • Il n’est pas aisé de chiffrer précisément l’aide alimentaire en France tant le système induit des risques d’erreurs en raison de l’absence ou de l’excédent de déclarations, des risques de double comptage liés à l’existence de flux entre associations, du manque de moyens humains et matériels dédiés à la professionnalisation des « reporting », etc. ;
  • Le poids du bénévolat est extrêmement important. Il est l’une des nombreuses marques de cette filière dont les associations sont la cheville ouvrière et dont les rôles et missions ne cessent de s’accroître (pour mémoire, l’estimation faite par le rapport de la Cour des Comptes en 2008[57] estimait le nombre de bénévoles à 120 000) ;
  • Concernant la part du financement privé, elle serait surestimée car la compensation par les déductions fiscales (des « dépenses fiscales » du point de vue de l’Etat) n’y est, semble-t-il, pas prise en compte. Cette prise en compte porterait la part du financement public à 50% et celle du financement privé à 15%[58] ;
  • Les dépenses publiques sont d’autant sous-estimées que les montants cités n’intègrent pas diverses politiques publiques liées à la lutte contre la pauvreté incluant des mesures concernant la précarité alimentaire[59] ou le soutien au secteur de l’insertion par l’économie qui fournit une grande partie de la main d’œuvre des activités comme celle de la récupération des fruits et légumes ou du poisson.

Cette structure de financement conduit, comme le montre le Tableau 1 ci-dessous, à la prépondérance des denrées issues du Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD, en moyenne 27 % des denrées distribuées par les associations[60]) et de celles issues des dons en nature. Ainsi, des différentes formes possibles de distribution (voir Annexe 3), c’est la distribution de l’aide sous forme de denrées qui domine en France. L’aide sous forme financière est essentiellement pratiquée par les CCAS/CIAS. Ces denrées servent à la constitution de colis distribués, alimentent les épiceries sociales et également la préparation de repas prêts à la consommation. Des enquêtes de terrain ont montré que les repas prêts à consommer ne concernent que 4,5% des utilisateurs de l’aide alimentaire[61], le don de denrées est donc largement majoritaire. Les achats peuvent faciliter le rééquilibrage nutritionnel des denrées collectées. Néanmoins, ils restent très minoritaires, sauf pour les restaurants du cœur pour lesquels ils représentent le tiers des tonnages (voir Tableau 1). 

Si les formes de distribution ont évolué, le choix de distribuer des denrées, et non d’apporter une aide financière directe aux personnes par exemple, est resté constant et signifie une détermination politique quant à la forme majoritaire d’aide. La création des associations d’aide alimentaire est contemporaine de la mise en place des politiques sociales initiées dans les années 1980, comme le Revenu Miminum d’Insertion (RMI). Ces associations se sont bâties sur la distribution de denrées, et non d’aide financière, ce qui a contribué à structurer le secteur de l’aide alimentaire en une filière à part entière. L’ensemble de leurs efforts depuis 1984 est d’améliorer structurellement leurs moyens, leurs modes d’approvisionnement et de distribution, de respecter les règles d’hygiène et de nutrition. Il est donc compréhensible que leur trajectoire les amène à conforter leur organisation et leur rôle dans la distribution de denrées. Ces opérateurs craignent que la monétisation de l’aide induise une distanciation et complexifie leur accompagnement des personnes destinataires de ces distributions[62].

 

2.2. Effets négatifs du système actuel d’aide alimentaire basé sur la distribution de denrées

2.2.1. Une association paradoxale entre aide alimentaire et lutte anti-gaspillage

L’aide alimentaire est depuis longtemps associée à la lutte anti-gaspillage. En Europe, la construction du Programme Européen d’Aide aux plus Démunis (PEAD) qui a précédé le récent Fonds Européen d’Aide aux plus Démunis (FEAD), a eu pour origine la nécessité d’absorber les excédents agricoles de la PAC (voir Annexe 4).

En France, les produits dits « de la ramasse » (invendus des Grandes et moyennes surfaces ou GMS), les dons des industriels et de la restauration collective sont, eux aussi, étroitement liés à la stratégie nationale de lutte contre le gaspillage alimentaire. Ainsi, la principale mesure de la loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire (loi 11 février 2016, dite loi Garot) consiste à obliger chaque distributeur ayant une surface commerciale de plus de 400 m² à rechercher un partenariat avec une association d’aide alimentaire pour lui céder à titre gratuit ses denrées alimentaires invendues via la mise en place d’une convention. Cette loi introduit une hiérarchisation des actions de prévention et de valorisation pour lutter contre le gaspillage alimentaire : l’obligation de dons aux associations arrive en deuxième position après l’obligation de prévention du gaspillage. Les distributeurs sont incités à transformer les invendus propres à la consommation en dons à des associations caritatives moyennant un avantage fiscal correspondant à 60% de la valeur du don (à hauteur de 5 pour mille du chiffre d’affaires). La loi EGalim (2018) a étendu cette obligation aux entreprises agroalimentaires et à la restauration hors domicile (voir Figure 1 ci-dessus).

En dépit du caractère pragmatique de ces politiques publiques et au-delà de leurs retombées vécues comme positives par les associations, puisqu’elles génèrent des gisements de denrées au quotidien, cela établit un accès inégalitaire à l’alimentation. En effet, l’idée est, semble-t-il, que les surplus induits par le système productiviste représentent des excédents qu’il est aberrant de jeter et qu’un usage « noble » de ces excédents serait de les distribuer aux plus démunis. Ainsi, la question de l’alimentation des plus démunis est utilisée et présentée comme un des leviers permettant de s’engager dans une « économie circulaire ».

Lorsque les incitations de la PAC ont permis de réduire significativement les excédents agricoles en Europe, l’aide alimentaire européenne s’est trouvée amoindrie et l’UE a décidé d’allouer des fonds destinés à l’achat de denrées, puis a créé le FEAD (Annexe 4). Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il semble que nous assistions à une situation similaire en France concernant les produits de la ramasse. En effet, l’ensemble des actions menées par les pouvoirs publics, le secteur économique et les nouveaux acteurs de l’Économie Sociale et Solidaire pour éviter le gaspillage alimentaire[65] a pour effet de réduire, en quantité et en qualité, les denrées qui sont données aux associations.

La loi Garot (2016) a fait l’objet d’une évaluation, publiée en 2019[66], qui montre qu’elle a permis d’accélérer la dynamique et de structurer les partenariats entre les distributeurs et les associations, en apportant notamment un cadre juridique aux partenariats et en professionnalisant l’activité de don (process de tri et de collecte, organisation logistique, suivi des denrées…). L’intérêt de cette évaluation est qu’elle rend visibles des difficultés déjà bien connues. En particulier, le rapport d’évaluation mentionne qu’un nombre important de denrées ne peut être distribué du fait de DLC (date limite de consommation) trop courtes, et sont donc jetées par les associations, avec des enjeux de gestion du tri qui ne peut être correctement réalisé par les associations et constitue de fait un transfert de coûts des entreprises vers les collectivités territoriales. Les activités de tri et de manutention sont au cœur du travail bénévole, confirmant que les surplus sont toujours une source majeure d’approvisionnement de la filière de l’aide alimentaire.

Ainsi, gaspillage alimentaire et aide alimentaire fonctionnent en vases communicants et, paradoxalement, la baisse souhaitée du premier met la seconde en difficulté.

 

2.2.2. Une aide alimentaire déséquilibrée sur le plan nutritionnel

Les données disponibles pour cette évaluation de la loi Garot ne permettaient pas d’analyser la composition précise, notamment en termes de groupes d’aliments, de l’aide alimentaire distribuée sur le territoire. Seule une information incluse dans le rapport d’évaluation (transmise par la FFBA sous forme d’un graphique comparant la part des différents groupes d’aliments par rapport aux parts recommandées dans un colis équilibré de référence[67]) indiquait que l’aide distribuée par les associations affiliées à ce réseau contenait, en 2018, trop de produits gras et sucrés et pas assez de fruits et de légumes. Selon ce graphique, la part des féculents était en accord avec le pourcentage total recommandé mais il faut savoir que c’est la qualité des féculents qui est généralement en cause (pas seulement dans l’aide alimentaire mais aussi dans l’alimentation de la population générale), avec une prépondérance de produits céréaliers raffinés (pâtes ordinaires, riz blanc) au lieu des produits céréaliers complets et semi-complets recommandés pour la santé. Les résultats concernant l’aide délivrée en 2018 par le réseau de la FFBA confirment ainsi les résultats de la seule étude réalisée sur le contenu de l’aide alimentaire en France (E3A, enquête auprès des Associations d’Aide Alimentaires). Cette étude, qui a déjà plus de 15 ans, avait mis en évidence une qualité nutritionnelle insuffisante des colis ou paniers distribués, et expliquait cette insuffisance par la présence d’une grande quantité d’aliments susceptibles d’être stockés, dit « d’épicerie », tels que des féculents raffinés (riz, pâtes, semoule), des matières grasses ajoutées, des biscuits et autres produits sucrés, qui sont des sources médiocres de vitamines et de minéraux comparativement à leur forte teneur en énergie (faible densité nutritionnelle, forte densité énergétique) [68].

Il faut néanmoins nuancer le propos sur les déséquilibres de l’aide alimentaire. Tout d’abord, les consommations alimentaires des Français, elles aussi, manquent en moyenne de fruits et légumes et comportent trop de produits gras et sucrés. De plus, si l’aide apportée présente trop souvent les mêmes déséquilibres que ceux observés dans l’alimentation des personnes « aidées » (notamment le manque de produits frais), c’est en grande partie parce que les associations sont confrontées aux mêmes difficultés que les destinataires de cette aide : faibles budgets et manque d’équipements pour transporter, transformer/cuisiner et stocker. Or, on sait parfaitement bien que, quand les contraintes budgétaires sont fortes et que l’équipement est inadapté, il est logique de se tourner vers des aliments secs et riches en énergie (pâtes, chips, biscuits…), car ce sont des sources peu chères de calories, qui sont pratiques d’emploi, faciles à transporter et à stocker, et qui ne risquent pas de se périmer et donc de se gaspiller[69]. De plus, dans le rapport d’évaluation de la loi Garot, la FFBA indiquait que la part des fruits et légumes était passée en 5 ans de 18 % à 26 % du total distribué par le réseau des banques alimentaires (pour 33% recommandés), suggérant que les efforts constants menés par les associations d’aide alimentaire pour diversifier et améliorer leurs approvisionnements depuis près de 20 ans finissent, au moins en partie, par porter leurs fruits.

 

2.2.3. Une complexité logistique inhérente à la gestion des flux de denrées, des sources d’approvisionnement vers les associations puis vers les utilisateurs

Le dispositif actuel de distribution de denrées induit de nombreux effets négatifs ayant un impact sur la complexité de l’organisation logistique. Nous en analysons certains dans ce rapport. Ces effets ont été, par ailleurs, mis en évidence par différentes études et publications[70].

 

Denrées issues du FEAD : une chaîne logistique longue avec une cascade d’intervenants.

En France, FranceAgriMer est l’organisme public chargé de l’exécution du budget FEAD (Annexe 4). Côté « demande », FranceAgriMer travaille avec les quatre associations tête de réseau qui lui font remonter leurs besoins sur la base d’une liste prédéfinie de produits qui fait l’objet de discussions annuelles entre FranceAgriMer et les associations (27 produits dans les derniers programmes) puis se charge de l’exécution de ces appels d’offre. Dans un souci d’économies d’échelle et de coûts logistiques (les appels d’offre portent sur les produits et leur acheminement aux entrepôts des quatre associations tête de réseau : 17 000 livraisons à 389 sites logistiques en 2019), une logique de massification des flux domine les achats qui sont faits annuellement. Puis les associations tête de réseau se chargent de répartir ces produits entre tous leurs partenaires locaux en charge de la distribution de l’aide (leurs antennes locales, les autres associations, CCAS, etc.).

Ainsi, dans cette organisation, les flux sont poussés par l’amont, sur une base prévisionnelle annuelle, dans les circuits de l’aide alimentaire. Cette logique de flux massifiés et poussés a de nombreuses conséquences négatives sur l’organisation de l’aide alimentaire :

  • Elle exige des moyens humains et des infrastructures logistiques importantes pour stocker les denrées sur une base annuelle.
  • Du fait de l’obligation de gratuité des denrées du FEAD, elle oblige souvent les associations à tenir une « double logistique » pour s’assurer du respect strict de cette exigence fondamentale[71].
  • Elle limite la capacité à effectuer les contrôles de réception dans de bonnes conditions, ce qui, ajouté à la quête des prix les plus bas dans les appels d’offre, impacte négativement la qualité des produits achetés.
  • Elle conduit à privilégier des produits à longue durée de vie au détriment des produits frais. Il s’ensuit un déséquilibre nutritionnel structurel dans l’offre alimentaire ainsi fournie.
  • Ces produits à longue durée de vie, en particulier les plats cuisinés et certains légumes en conserve, ne correspondent pas toujours aux préférences alimentaires des utilisateurs. Ils sont parfois refusés par ces derniers ou voire jetés après distribution[72].

 

Produits de « la ramasse » : des flux poussés et une gestion de l’urgence logistique

Une autre source d’approvisionnement importante des associations est celle des dons en provenance des acteurs économiques, à savoir la ramasse des invendus auprès des GMS, les dons des industriels et les dons des agriculteurs. Parmi elles, les produits de la ramasse, notamment depuis la loi Garot, constituent le gisement le plus important. Leur intérêt, au-delà de l’aspect quantitatif, est qu’ils complètent qualitativement l’offre des associations en produits frais (inexistants dans les denrées issues du FEAD).

Pour illustrer les conséquences sur l’organisation logistique des associations, on peut évoquer le cas de la FFBA. Dans cette association, presque 60% des denrées reçues proviennent des dons, dont 40% des invendus des GMS. Au total, 5 tonnes de denrées entrent et sortent d’une banque alimentaire en moyenne chaque jour (79 banques alimentaires dans le réseau FFBA et près de 3 000 points de ramasse). Les denrées sont ensuite contrôlées, triées, enregistrées et entreposées. Puis se met en place la « préparation de commande » pour les associations partenaires. Il se passe à peine 2 ou 3 heures entre la ramasse et la préparation des palettes pour les associations, et 5 à 6 heures avant que ces produits soient mis à la disposition des associations[73]. Ces dernières assureront la « logistique du dernier km » : à leur tour, elles trieront et répartiront les produits à destination des utilisateurs.

Cette logistique constitue un défi quotidien que les grosses associations semblent arriver à gérer grâce à leur taille et à leurs moyens. La situation des petites associations est bien plus difficile. D’autant plus difficile pour celles qui assurent à la fois la ramasse et la distribution aux utilisateurs. Il n’est pas difficile d’imaginer l’énergie qu’elles peuvent déployer pour assurer l’ensemble de ces activités logistiques dans un délai très court.

Même si ce gisement, comme déjà précisé, complète utilement les denrées du FEAD en produits frais, en examinant de plus près la pratique des associations, on se rend compte des effets négatifs sur leur logistique :

  • Ces flux poussés des GMS vers les associations, contrairement aux denrées du FEAD, ne sont prévus/prévisibles ni en volume, ni en composition, ni en qualité. Les associations ne savent ce dont elles disposent pour la distribution qu’après les opérations de tri. Et, dans l’état actuel de l’organisation de ce système, il n’est pas envisageable de tenir compte, même a minima, des besoins des associations.
  • Elles sont donc confrontées, sur la majeure partie de leurs ressources, à des approvisionnements très fluctuants, de qualité variable (composition en produits frais, DLC des produits…) et dont les quantités par point de ramasse tendent à se réduire (comme indiqué précédemment).
  • En conséquence, et afin de conserver un niveau acceptable de service aux utilisateurs, les associations ont tendance à multiplier les points de collecte, ce qui se traduit par une course et une concurrence à la ramasse, et grève les coûts logistiques.

 

2.2.4. Une bureaucratie excessive induite par le nécessaire contrôle des financements publics

La contrepartie inévitable des financements publics (Europe, Etat, collectivités) intervenant dans le système d’aide alimentaire est un besoin d’administration publique des dispositifs mis en œuvre et de contrôle strict de l’exécution des budgets alloués. On assiste, ces dernières années, à une dérive bureaucratique qui se manifeste par exemple dans la lourde procédure d’habilitation des associations et dans les systèmes de contrôle imposés par l’UE sur l’utilisation des denrées FEAD.

La reconnaissance par la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche en 2010 de la distribution des denrées comme outil de lutte contre la précarité alimentaire (voir Figure 1) s’est accompagnée de la création d’un système d’habilitation des associations d’aide alimentaire. Elle permet aux associations de percevoir les aides publiques financières et en nature, de bénéficier des denrées du FEAD et du CNES (voir Annexe 4) et de bénéficier des denrées ayant fait l’objet de défiscalisation (directement ou via une banque alimentaire). Pour être habilitées, les associations doivent fournir à l’administration les données permettant de les identifier, de contrôler leur capacité à respecter les règles de sécurité sanitaire des aliments (dont la traçabilité physique et comptable). Elles sont tenues à une déclaration d’activité (denrées distribuées, statistiques sur les utilisateurs). En outre, la création d’un dispositif institutionnel de suivi de l’aide alimentaire oblige les associations habilitées à faire remonter leurs données à l’échelle départementale chaque trimestre alors que cette obligation était annuelle[74]. On peut aisément imaginer la lourdeur de cette procédure pour les autorités administratives (ministère, DRIHL et DRIAAF) et le niveau de professionnalisation qu’elle impose aux associations.

Une autre manifestation de la bureaucratisation du système d’aide alimentaire concerne le financement européen. L’octroi du FEAD est assujetti à une procédure complexe de libération des fonds qui, pour de nombreux critères de contrôle, révèle des décalages entre deux mondes : celui de l’administration européenne qui dicte les règles et celui du monde associatif en prise avec le terrain et ses contraintes.

Pour la France, FranceAgriMer joue un rôle important comme acteur d’interface entre ces deux mondes. En effet, c’est FranceAgriMer qui fait l’avance de trésorerie (décalage de 3 ans) car tant que la totalité des contrôles ne sont pas effectués et la conformité attestée, les dotations du FEAD ne sont pas libérées.

L’obligation de contrôle très strict et quasi exhaustif de l’exécution des budgets porte sur l’examen détaillé des pièces justificatives de livraisons, la traçabilité physique et comptable des denrées et les pénalités liées à des modifications de marché. Pour la période 2014–2018, un million de points de contrôle ont été recensés. Les non-conformités induisent alors la non-prise en compte de la demande de remboursement par l’Union Européenne de l’avance de FranceAgriMer, voire, en cas de non-conformité grave, la suspension des crédits pour une période déterminée. La rigueur de ces contrôles conduit à des taux de correction de 20 % en moyenne[75]. Cette lourdeur administrative est une explication supplémentaire de la raison pour laquelle FranceAgriMer limite la liste des produits achetés par le FEAD.

Certes, une part importante de ces tâches de contrôle est requise au titre de la garantie du bon usage des deniers publics. Il faut cependant également les analyser à l’aune de leur valeur ajoutée pour l’aide alimentaire et surtout pour la lutte contre la précarité alimentaire. Il est évident qu’elles ne sont pas directement créatrices de valeur tant elles sont consommatrices de ressources et d’énergie pour toutes les parties prenantes du dispositif. En particulier, pour les associations, elles engendrent un besoin sans cesse croissant de professionnalisation, donc des coûts d’adaptation qui ne sont pas sans incidence sur les budgets alloués à l’aide alimentaire qui se voient réduits (en cas de pénalités) mais également alourdis par ces procédures administratives.

L’ensemble de ces coûts cachés (logistiques, gaspillage, contrôles et gestion administrative…) n’est pas intégralement pris en compte dans le calcul du coût de revient des denrées alimentaires distribuées pour l’aide alimentaire. Le coût de revient des produits FEAD est réputé être jusqu’à 50% moins cher que celui des « même produits » trouvés dans le commerce. Mais il s’agit uniquement des coûts d’achat et d’acheminement au premier point de livraison. Une approche des coûts de revient par coûts complets permettrait de tenir compte de tous ces éléments et de comparer le coût de revient d’une tonne de produits (provenant du FEAD ou de la ramasse) comparée à la même quantité achetée dans le commerce. Cette proposition faite par l’association ReVivre[77] a été reprise parmi les recommandations du rapport IGAS 2019[78].

 

2.3. L’aide alimentaire en France et ses limites en termes de respect des droits humains

Lors[79] du quatrième examen périodique de la France au regard du PIDESC[80] en 2016, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (DESC) des Nations Unies a demandé à la France d’ « indiquer les mesures prises pour garantir de manière effective la reconnaissance du droit à l’alimentation dans la législation et sa jouissance dans la pratique »[81]. La France a répondu en détaillant la façon dont est financée l’aide alimentaire entre les crédits européens et français[82]. Cette réponse indique la non-effectivité du droit à l’alimentation en regard de sa définition dans les textes internationaux. D’ailleurs, selon la base de données de la FAO[83], il n’y a en France aucune protection constitutionnelle du droit à l’alimentation ni même du droit à être à l’abri de la faim, ni explicite ni implicite, ni même sous la forme d’un principe directeur. Certes, la garantie de la protection de la santé et de l’obligation de la collectivité d’assurer des « moyens convenables d’existence » sont présents dans le préambule de la Constitution d’octobre 1946. Mais ces valeurs n’ont jamais fait l’objet d’interprétation permettant de reconnaître un droit à l’alimentation en France contrairement par exemple au droit au logement. Il n’y a donc dans notre pays aucun élément législatif qui serait du ressort d’un droit à l’alimentation ou d’un droit à être à l’abri de la faim.

Au regard de l’article 1er de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 (« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. »), le système d’aide alimentaire basé sur de la distribution de denrées alimentaires est loin de respecter la dignité et l’égalité en droits. Ceci est d’ailleurs aujourd’hui au cœur du plaidoyer d’un certain nombre d’associations ou d’ONG de lutte contre la pauvreté (Secours Catholique, ATD Quart Monde, EAPN France, etc.).

Le donateur est financièrement intéressé : il se défait de denrées excédentaires en en retirant un avantage fiscal et une image sociale positive. A l’opposé, l’utilisateur et de façon plus générale la chaine associative mise en place entre le donateur et l’utilisateur, sont totalement dépendants du donateur et des pouvoirs publics (répartition, quantité, qualité, etc.) et sont de ce fait dans une situation de fragilité.

Cette construction crée une réelle asymétrie des rôles et l’utilisateur n’a pas la possibilité de rééquilibrer la relation par un « contre-don » en direction des bénévoles « distributeurs », notamment parce que les utilisateurs de l’aide alimentaire n’ont pas d’autres choix que celui d’accepter[84]. Ce sont donc ces étapes inexistantes (recevoir un don et donner en retour), condition nécessaire pour conserver sa dignité, qui les assignent à une situation d’infériorité et de dépendance. L’étude « Se nourrir quand on est pauvre »[85], réalisée par ATD Quart monde et basée sur un recueil de la parole de personnes en situation de précarité, met clairement en lumière cette asymétrie des rôles.

 

L’aide alimentaire ne permet pas d’assurer l’égalité des droits

La couverture territoriale de l’aide alimentaire est inégale. Les critères d’accès sont parfois mal compris des utilisateurs et toujours variables, car dépendants d’associations et structures qui établissent chacune leurs propres règles. Le travail bénévole laisse la place à beaucoup de variabilité dans la prise en charge, ne serait-ce que sur les plages d’ouverture qui vont dépendre de la disponibilité des bénévoles. L’accès à cette aide est donc intrinsèquement inégal.

L’étude « Secalim », qui s’est appuyée sur des groupes de parole réalisés en février-mars 2021, rend compte de ces inégalités d’accès à l’aide alimentaire, et à l’alimentation de façon plus générale, dans une des cités les plus pauvres de Marseille (Annexe 5). En l’absence d’un accès physique normal à l’alimentation, l’unique supermarché (discount) du quartier ayant fermé en 2008, d’autres formes d’approvisionnement alimentaire du quartier se sont développées. Certaines de ces pratiques relèvent de l’aide alimentaire, d’autres pas, mais ce qui les caractérise ce sont leur opacité et leur manque de respect de la dignité des personnes. Plusieurs exemples nous été décrits : la revente de produits à même le sol, le don d’aliments dans la rue sans information préalable et sans respect de la confidentialité, etc. Ces pratiques affectent en premier lieu les habitantes (les groupes de parole étaient majoritairement féminins) qui expriment un fort sentiment d’injustice et de colère ; en outre, ces habitantes ne font pas forcément la différence entre ce qui relève de l’aide alimentaire et ce qui pourrait être qualifié de « revente sauvage »[86]. Quant aux professionnelles du secteur social, elles expriment leur frustration, ainsi que leur colère, de ne pas pouvoir répondre aux difficultés des personnes qu’elles sont censées accompagner.

 

L’esprit de solidarité repose presque essentiellement sur du bénévolat peu valorisé par les pouvoirs publics

L’organisation de l’aide alimentaire dépend fortement du travail des associations, dont les modes de financement sont régulièrement remis en cause et revus à la baisse.

Les associations d’aide alimentaire doivent donc mobiliser de plus en plus de leurs ressources humaines et financières aux tâches administratives et logistiques qui leur sont déléguées par les pouvoirs publics, et à la recherche de financements privés. Et ceci au détriment de leur mission initiale. Par ailleurs, dans certaines structures d’aide alimentaire, la moitié des bénévoles ont plus de 70 ans, ce qui a posé un problème majeur au début de la crise Covid-19, ces bénévoles ne pouvant plus intervenir sur le terrain du fait de leur exposition à des formes sévères de la maladie[87].

 

2.4. L’aide alimentaire et ses limites en terme d’impact environnemental

La solidarité envers les générations futures est aussi absente de ces constructions : la réduction de l’impact environnemental de ce modèle organisationnel n’est actuellement pas prise en compte dans les choix réalisés. Contrairement à ce qui est imposé à la restauration collective publique et privée par la loi EGAlim du 30 octobre 2018[88], dans le cadre de l’aide alimentaire, rien n’est prévu pour favoriser certains produits et/ou types d’approvisionnements (produits de qualité issus d’une agriculture plus durable, dont des produits biologiques et locaux), certains modes de conditionnement (vrac notamment) ou la diversification des sources de protéines.

A ce propos, on ne peut que fortement regretter que les données disponibles grâce au dispositif de suivi de l’aide alimentaire en France mis en place en février 2021, se limitent, outre le dénombrement des « bénéficiaires », à des chiffres sur les quantités distribuées (Voir Annexe 6). En effet, sans doute pour ne pas charger les associations d’un surcroît de travail administratif et ainsi se donner toutes les chances que la remontée de ces informations par le réseau associatif soit régulière et complète, les institutions ont décidé de limiter les informations à recueillir concernant les distributions aux seules quantités de denrées alimentaires distribuées (en tonnes, en nombre de repas, colis et/ou paniers) et au nombre de centres de distribution actifs au cours du trimestre concerné. Or, avec un tel niveau d’agrégation des données, il est non seulement impossible d’évaluer l’équilibre alimentaire et la qualité nutritionnelle des dons, mais il est également tout à fait inenvisageable d’imaginer pouvoir analyser l’aide alimentaire délivrée en France au regard des autres dimensions de la durabilité. Il sera impossible notamment d’évaluer l’impact de la filière sur le changement climatique tout au long du cycle de vie des produits distribués dans cette filière.

L’ACV (analyse du cycle de vie), méthode de référence pour réaliser des évaluations environnementales, repose sur une approche normée (norme internationale ISO 14 044) :

  • Multi-étapes : production et extraction de matières premières, procédés de transformation, emballages, logistique, distribution, consommation et fin de vie des produits
  • Multi-critères : pour chaque étape du cycle de vie, prise en compte des consommations de matière et d’énergie, les rejets dans les milieux naturels, les effets sur le climat, l’occupation des sols, la biodiversité.

L’ACV est un outil d’aide à la décision et ses résultats peuvent être utilisés notamment pour de l’écoconception, de l’affichage environnemental ou pour orienter les politiques publiques.

Or, pour pouvoir réaliser une évaluation de ce type sur la filière de dons de produits alimentaires, il serait nécessaire a minima de disposer de données quantitatives par famille de produits, et par type de distribution (FEAD, dons des professionnels…) ce qui n’est actuellement pas le cas (voir partie 3.4.3). L’ACV permettrait d’évaluer si les mesures anti-gaspillage, objet de la loi Garot et renforcées par la loi EGALim, ont un réel bénéfice environnemental sur l’ensemble du cycle de vie des produits et contribuent effectivement ou pas à une économie plus circulaire.

Un des écueils majeurs en termes de réduction de l’impact environnemental global d’un dispositif est en effet de ne pas reporter sur une autre étape du cycle de vie ou un autre impact ce qui a été réduit pour une étape ou un impact (« effet report »). Le rapport d’évaluation de la loi Garot (cf. § 2.2.1 et 2.2.2) a notamment souligné le dysfonctionnement suivant : aujourd’hui, une partie des produits donnés aux associations par les entreprises ou les distributeurs ne peuvent être distribués aux utilisateurs de l’aide alimentaire (principalement à cause de durées de vie trop courtes) et sont donc jetés et intégrés aux déchets ménagers. Ceci constitue un report de la charge environnementale et également de la charge économique vers les collectivités, alors que si les produits avaient été jetés directement par les professionnels, ils auraient été gérés et financés directement par ceux-ci. La loi Garot rend ainsi visible ce qui existait déjà de façon majoritaire, à savoir le report de la gestion des déchets alimentaires, des distributeurs vers les associations. Ce report existant dès la création de la filière de l’aide alimentaire, fait partie de façon implicite de la répartition des tâches avec le présupposé suivant : puisqu’il s’agit de dons, les associations sont tenues d’accepter les denrées en l’état.

Une évaluation environnementale approfondie est nécessaire pour étudier le fonctionnement de la filière actuelle intégrant des mesures anti-gaspillage (loi EGAlim) et analyser si elle contribue effectivement ou pas à une économie plus circulaire (voir Encadré 2).

 

Encadré 2 : La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire du 10 février 2020

Cette loi entend accélérer le changement de modèle de production et de consommation pour limiter les déchets et préserver les ressources naturelles, la biodiversité et le climat.

Pour rappel, l’économie circulaire est un « système économique d’échange et de production qui, à tous les stades du cycle de vie des produits (biens et services), vise à augmenter l’efficacité de l’utilisation des ressources, à diminuer l’impact sur l’environnement tout en permettant le bien-être des individus, dans lequel la valeur des produits, des matières et des ressources est maintenue dans l’économie aussi longtemps que possible et la production de déchets est réduite au minimum » (cf norme expérimentale AFNOR XP X 30–901).

Elle ne se limite pas à une optimisation de la gestion de la fin de vie des produits (dons et non mise au rebus de produits invendus), mais repose sur trois dimensions : environnementale, économique et sociétales, et sept domaines d’actions[89] dont l’approvisionnement durable et la consommation responsable.

 

3. Potentiel des dispositifs conventionnels et alternatifs pour promouvoir une sécurité alimentaire durable

3.1. Identification et analyse du potentiel des dispositifs existants

Les dispositifs conventionnels d’aide alimentaire sont destinés à des personnes en situation de précarité et qui en font la demande. Ils apportent soit une aide en nature sous forme de produits alimentaires – gratuits (colis alimentaires) ou à prix réduits (épiceries sociales) – ou de repas (restaurants sociaux, maraudes), soit une aide monétaire (chèques service, bons alimentaires, espèces). En parallèle de cette aide alimentaire conventionnelle, des formes alternatives se sont développées dans la dernière décennie, pour tenter de répondre à certaines des limites de l’aide conventionnelle.

Nous proposons dans ce rapport une analyse du potentiel des différents types de dispositifs (conventionnels et alternatifs) pour promouvoir une sécurité alimentaire durable. Pour cela, nous avons effectué un recensement (non exhaustif) d’exemples de dispositifs existants sur le territoire français à partir des ressources de la plateforme « Precalim » (« plateforme de ressources sur la précarité alimentaire »)[90] et sur la base de documents publiés sur internet ou présentés (ou évoqués) lors de webinaires sur les questions d’alimentation et précarité. Une centaine d’exemples ont ainsi été listés puis regroupés par type de dispositifs. L’ensemble des dispositifs (conventionnels ou alternatifs) identifiés et analysés dans ce rapport sont présentés en Annexe 3. Les dispositifs sortant du champ de l’aide alimentaire conventionnelle ont différentes origines : on observe des initiatives citoyennes développées à des échelles plutôt locales ou territoriales (groupements d’achats, supermarchés coopératifs, tiers lieux…) et des réponses du secteur privé (par exemple, listes de courses à petit prix proposées par la grande distribution[91]), ou issues d’un partenariat public-privé (par exemple, le programme Malin[92]).

Pour réaliser l’analyse du potentiel des dispositifs, nous avons préalablement établi une liste de critères permettant d’évaluer les différents systèmes au regard de la lutte contre l’insécurité alimentaire et de la transition vers une alimentation plus durable. Ces critères sont fondés sur notre lecture des piliers et principes directeurs des définitions internationales de la sécurité alimentaire[93] (disponibilité, accessibilité, qualité/utilisation, stabilité), des régimes alimentaires durables[94] (dimensions santé, environnement, économique, socio-culturelle) et des différentes strates du modèle socio-écologique des déterminants de comportements de santé (déterminants individuels et déterminants liés à l’environnement physique, organisationnel et structurel, ainsi qu’à l’environnement sociétal, économique, politique et législatif)[95]. Une liste de critères a ainsi été retenue (Encadré 3), constituant les bases du cahier des charges d’un dispositif favorable à une sécurité alimentaire durable. Un dispositif respectant l’ensemble de ces critères devrait favoriser la sécurité alimentaire durable, que nous avons définie ainsi : la sécurité alimentaire durable existe lorsque tous les individus ont un accès (économique, physique et social) égalitaire à une alimentation durable de manière coordonnée et pérenne.

 

Encadré 3 : Proposition de critères que devrait remplir un dispositif favorable à une sécurité alimentaire durable

Un dispositif favorable à une sécurité alimentaire durable garantit l’accès

  • économique
  • physique
  • social

… égalitaire

… à une alimentation durable,

  • choisie et désirable
  • culturellement acceptable, en accord avec les valeurs, les préférences et les pratiques alimentaires,
  • de bonne qualité sanitaire,
  • nutritionnellement adéquate,
  • respectueuse de l’environnement,
  • économiquement viable et équitable

…l’empowerment*

  • individuel
  • collectif
  • politique

…et l’inclusion sociale

  • lien social
  • aller-vers
  • respect de la dignité

…. de manière coordonnée et pérenne       

  • pérennité de l’impact
  • pérennité du dispositif

* En nous appuyant sur les travaux de Bacqué et Biewener[96], nous proposons une définition de l’empowerment comme processus par lequel un individu ou un groupe acquiert les moyens de renforcer ses pouvoirs d’être, de décider, d’agir, et ainsi, de s’émanciper. Cette définition s’inscrit dans une vision historique et une critique de la façon dont différents acteurs et secteurs s’approprient cette notion (voir Annexe 7).

 

Une première lecture des dispositifs au regard de ces différents critères (Encadré 3) a permis d’identifier, pour chaque dispositif, le ou les critère(s) sur le(s)quel(s) ils peuvent potentiellement agir. Les dispositifs ont alors été regroupés (Tableau 3) selon leur cible d’action principale (3 catégories), et en fonction des publics visés (3 catégories), afin de mettre en avant dans ce rapport les avantages et limites communs aux différents cas de figure. Il est à noter que cette lecture des avantages et limites des dispositifs est une analyse de leur potentiel pour promouvoir une sécurité alimentaire durable, et non de leur impact. En effet, à notre connaissance, il n’existe que très peu d’études ayant évalué l’impact de dispositifs sur l’insécurité alimentaire par des approches de recherche interventionnelle permettant d’étudier la causalité et de démontrer l’efficacité d’une action.

Les analyses d’impact disponibles ont été conduites de manière très inégale. Elles couvrent en particulier les politiques de prix (subventions, réductions de prix sur certains aliments), et la littérature note un faible consensus sur leurs effets sur les consommateurs[97]. Tout d’abord les interventions combinent souvent plusieurs modes d’action, par exemple les coupons alimentaires, avec de l’accompagnement (information nutritionnelle, ateliers cuisine…). Il est donc difficile de distinguer l’impact propre de chacun. Ensuite, les interventions ont souvent une portée limitée à une faible population, et les résultats sont étroitement dépendants du contexte local.

En France, seul l’impact de coupons alimentaires sur la consommation de fruits et légumes, et celui des jardins partagés sur la promotion de modes de vie plus durables, ont été évalués. Concernant les coupons alimentaires, deux interventions de ce type ont été évaluées en France. Elles consistaient dans la distribution de coupons ciblés sur des fruits et légumes à une population à bas revenus pendant un an[98]. Dans les deux cas, une augmentation de la consommation de fruits et légumes a été observée, à l’instar de la majorité des études internationales concernant des initiatives de réduction de prix de produits sains[99], mais dans le cas français cette augmentation n’était observée que pour les personnes dont la consommation initiale de fruits et légumes était très faible.

Concernant les jardins partagés, la seule évaluation ayant mis en place un protocole permettant de mesurer leur impact a été réalisée en France[100] et elle n’a pas décelé d’impact, un an après l’entrée dans un jardin partagé, sur la durabilité des comportements des jardiniers, notamment sur les approvisionnements de leurs foyers en fruits et légumes[101].

 

3.2. Cible d’action principale des dispositifs

Trois cibles d’action principales ont été distinguées (Tableau 3) : i) l’accessibilité économique (ou accessibilité financière), ii) l’empowerment individuel, et iii) l’accessibilité physique. L’action sur l’accessibilité économique peut relever de deux modalités différentes : proposition d’aliments gratuits ou à prix réduits (colis alimentaires, épiceries sociales, groupements d’achat, repas, restaurants sociaux…), ou transfert monétaire (bons alimentaires, coupons de réduction…).

Les dispositifs ciblant l’empowerment individuel cherchent à renforcer l’estime de soi et l’acquisition de connaissances et de compétences (atelier cuisine, atelier de sensibilisation, jardin partagé…). Les dispositifs agissant sur l’accessibilité physique le font en donnant accès à du matériel et à l’espace nécessaires pour cuisiner (cuisine collective…) ou en surmontant les freins liés au manque de mobilité et/ou à l’isolement via des épiceries mobiles ou des services de livraison à domicile. Certains dispositifs combinent plusieurs cibles d’action, par exemple à la fois l’accessibilité économique et l’empowerment individuel (épiceries sociales proposant des ateliers).

Au-delà de leur cible d’action principale, les dispositifs se distinguent par leur capacité à respecter la dignité des personnes (sans jugement ni stigmatisation) et par leur contribution à l’inclusion sociale, notamment via des activités favorisant le lien social, ainsi qu’à travers des modes de gestion impliquant les personnes dans les décisions.

Au-delà de leur cible d’action principale, les dispositifs se distinguent par leur capacité à respecter la dignité des personnes (sans jugement ni stigmatisation) par leur contribution à l’inclusion sociale, notamment via des activités favorisant le lien social, ainsi qu’à travers des modes de gestion impliquant les personnes dans les décisions.

Une qualité importante d’un dispositif est sa capacité à déployer des mesures dites « d’aller vers », c’est-à-dire la possibilité d’aller au-devant des personnes qui pourraient avoir besoin (d’une action de prévention, d’une aide, d’un accompagnement…) sans attendre qu’elles en fassent elles-mêmes la demande. Les démarches « d’aller-vers » visent à limiter le non-recours, tout en respectant le libre-choix des personnes concernées d’accepter ou pas ce qui leur est proposé.

 

3.3. Critères d’éligibilité et publics visés par les dispositifs

Au-delà de l’analyse des modes d’action (sur quels critères cherche-t-on à agir ?), les dispositifs ont également été analysés au regard des publics visés (sur qui peuvent-ils agir ?) (Tableau 3). Il en ressort trois catégories, selon les critères d’éligibilité :

– i) dispositifs ciblant les personnes en situation de précarité, avec critères d’éligibilité donnant accès sur conditions de ressources ;

– ii) dispositifs ciblant les personnes en situation de précarité, et élargis à tous (mixité des publics et tarification progressive) ;

– iii) dispositifs non ciblés.

 

3.4. Avantages et limites des différents types de dispositifs

La classification des dispositifs en fonction de leur cible d’action principale (sur quoi ?) et des critères d’éligibilité (pour qui ?) permet de faire ressortir avantages et limites communs aux différents types de dispositifs.

3.4.1. Avantages et limites selon la cible d’action principale

Les dispositifs agissant (uniquement) sur l’accessibilité économique en proposant des aliments à prix réduits (colis, épicerie, groupements d’achat…) ont l’avantage d’agir sur la disponibilité (accès physique) en créant une offre qui n’est pas toujours garantie sur un territoire. En effet, on observe depuis de nombreuses années une diminution de l’offre commerciale dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), ainsi qu’une diminution de l’offre de services publics[103]. L’Annexe 5 illustre comment l’absence d’une offre alimentaire de proximité sur un territoire défavorisé (un QPV à Marseille) contribue au fait que l’accès à l’alimentation ne se fait pas dans des conditions socialement acceptables pour les habitants et les habitantes. Une limite des dispositifs proposant une offre à prix réduit est que cette réduction peut ne pas être suffisante pour certains publics. De plus, ces dispositifs ne conduisent généralement pas d’action ciblant l’empowerment individuel (la proposition d’ateliers, ou d’autres actions d’accompagnement, n’est pas systématique). La possibilité de choisir les aliments est souvent restreinte ou inexistante.

Les dispositifs agissant (uniquement) sur l’accessibilité économique via un transfert monétaire (chèques service ou chèques d’accompagnement personnalisés CAP, bons de réduction…) ont pour prérequis qu’une offre soit disponible sur le territoire. Ils ont pour avantage de respecter la liberté de choix des personnes (critère « accès à une alimentation choisie »). Ils ne sont cependant pas utilisables dans tous les types de commerces, notamment les marchés de plein vent et certains magasins discount, si bien que les destinataires peuvent se sentir obligés d’« aller là où c’est cher »[104]. De plus, certains dispositifs de transferts monétaires pourraient permettre de limiter le non-recours, si l’information sur les droits était assurée et les démarches administratives simplifiées. Ces transferts monétaires sont réputés pour apporter une aide moins stigmatisante que les colis ou les épiceries sociales[105], sous réserve que le passage en caisse avec ce type de paiement ne puisse être distingué d’autres modes de paiement généralistes comme les tickets restaurant.

Les dispositifs ciblant (uniquement) l’empowerment individuel (ateliers cuisine, ateliers de sensibilisation…) ont pour principale limite de ne pas agir sur le premier facteur d’insécurité alimentaire : l’accessibilité économique. Ils correspondent donc plutôt à des actions complémentaires d’accompagnement.

Les dispositifs agissant (uniquement) sur l’accessibilité physique (livraison de repas ou aliments à domicile) ont pour principal avantage d’aller vers les personnes et d’atteindre des publics isolés, fortement susceptibles de ne pas utiliser l’aide alimentaire conventionnelle. Ces dispositifs agissent sur l’accessibilité économique lorsque, par exemple, les repas sont pris en charge par le CCAS. Ils apportent un service primordial aux séniors qui ont des petits budgets et/ou sont isolés ou ne peuvent pas se déplacer. En revanche, ils n’agissent pas sur l’empowerment des personnes.

Dans les dispositifs mixtes, les intervenants agissent avec l’intention de permettre l’accessibilité physique et/ou l’empowerment individuel en plus d’une action sur l’accessibilité économique (épiceries sociales proposant des activités, tiers-lieux dit « nourriciers » incluant un groupement d’achat et une cuisine collective, épiceries sociales mobiles…), mais ces dispositifs ne sont pas les plus répandus. Le programme Malin est un dispositif mixte visant à améliorer la situation nutritionnelle des enfants entre 0 et 3 ans. Pour y parvenir, il a développé une démarche « d’aller-vers » et propose un volet conseil pour aider les familles à se repérer (site Internet, newsletter et outils à destination des professionnels) et un volet budgétaire avec pour objectif de faciliter l’accès économique, avec notamment des bons de réduction pour des produits adaptés à l’alimentation spécifique de l’enfant ou plus généralement destinés à l’alimentation familiale, dans des circuits de distribution classique (accessibilité physique).

 

3.4.2. Avantages et limites des dispositifs selon leurs critères d’éligibilité

Les dispositifs prévus pour les personnes en situation de précarité et élargis à tous pour mixer les publics (épiceries solidaires, restaurant sociaux et solidaires…) ont l’avantage de limiter la stigmatisation. Néanmoins, bénéficier du tarif réduit nécessite des démarches administratives, notamment de contrôle des ressources, de la composition familiale, etc. pouvant conduire à un abandon de la demande.

Les dispositifs incluant les plus précaires mais sans les cibler spécifiquement comme les supermarchés coopératifs permettent d’éviter la stigmatisation, mais risquent ne pas toucher in fine les publics en situation de précarité, si l’offre n’est pas en proximité ou si les prix sont trop élevés. Des actions se développent actuellement afin de proposer, par exemple, des groupements d’achats dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

Enfin, au-delà de la cible d’action et des critères d’éligibilité, la pérennité des dispositifs et la pérennité de l’impact sont des éléments essentiels à prendre en compte. De nombreux dispositifs dépendent totalement de l’attribution de subventions, de l’implication de personnes bénévoles, ainsi que de dons de produits alimentaires. Certains incluent l’insertion par l’activité économique (Jardins de Cocagne, les chantiers d’insertion sur les Marchés d’Intérêt National, ou ceux de la Fédération des Paniers de la Mer installés dans plusieurs ports de la façade atlantique ou de la mer du Nord). Enfin, les dispositifs s’appuyant sur l’implication des utilisateurs dans le fonctionnement et le financement (supermarchés coopératifs…) peuvent apparaitre comme plus robustes mais peinent à inclure réellement les plus pauvres.

 

3.4.3. Avantages et limites des dispositifs selon des critères environnementaux

3.4.3.1. Dispositifs classiques

Nous avons réalisé une première analyse des données publiques du dispositif national, le Programme opérationnel FEAD, sur la base du Rapport d’exécution par la France pour l’année 2019[106]. Ce rapport d’exécution permet de connaitre le type et les quantités de produits achetés par FranceAgriMer pour être distribués par les associations. Les produits sont essentiellement décrits en termes de tonnages (volume) et d’euros dépensés (valeur). En 2019, 27 produits ont fait l’objet des appels d’offres gérés par FranceAgriMer (contre 33 en 2018, 6 produits ayant été retirés pour des raisons relatives à leur qualité nutritionnelle)[107].

Le type d’aliments sources de protéines, d’origine animale ou végétale, est partiellement connu :

  • en 2019, 54% de ces tonnages sont des produits d’origine animale (60% en 2018) ;
  • deux produits à base de légumineuses figurent parmi la liste des 27 (des lentilles et flageolets en conserve), les autres produits végétaux sources de protéines sont des produits céréaliers (coquillettes, riz), mais les pourcentages ne sont pas connus.

L’origine des produits ainsi que leurs modes de production ne sont pas précisés. Les quantités et les types d’emballage ne sont pas connus non plus, et le rapport ne précise pas si les tonnages intègrent ou non le poids des emballages.

En 2019, un critère supplémentaire d’analyse des offres faites par les industriels a été ajouté dans le cahier des charges de l’appel d’offres, afin de tenir compte du fret et du bilan carbone des fournisseurs lors de leurs transports vers les entrepôts de première livraison des quatre organisations principales (FFBA, Restaurants du Cœur, Secours populaire français et Croix rouge française) Les entreprises candidates aux appels d’offres (entreprises de l’agroalimentaire) ont également été incitées, lors de l’exécution du marché, à appliquer des mesures de gestion environnementale. Il n’existe pas d’information dans le rapport sur la façon dont le critère logistique a été évalué et utilisé dans le choix des entreprises attributaires des marchés.

Dans le cadre de la programmation FEAD 2021/2027[108] en cours de finalisation, il est prévu que les denrées soient « sélectionnées et/ou distribuées en tenant compte notamment de critères environnementaux. Plusieurs axes sont envisagés : contribuer à la lutte contre la déforestation (y compris la déforestation importée), restreindre l’usage de plastiques, encourager les circuits courts et les produits issus de l’agriculture biologique, etc. ». Il reste à savoir comment et par qui seront rédigés les cahiers des charges, sélectionnées les offres, et communiqués les résultats en termes d’impact environnemental.

Concernant l’impact environnemental de l’aide alimentaire, nos premiers constats sont les suivants :

– les données publiques disponibles ne permettent pas de procéder à une évaluation environnementale de l’aide alimentaire. Il serait a minima nécessaire de connaitre les types de produits et les quantités distribuées en s’appuyant sur la base Agribalyse[109], base de données environnementale de référence des produits agricoles et alimentaires.

– les critères de choix sont génériques et ne sont pas assortis d’indicateurs de résultats et d’objectifs. Par exemple, que signifie « contribuer à la lutte contre la déforestation » : exiger que les animaux soit nourris à partir de soja non issu de la déforestation ? s’assurer que les emballages papiers-cartons proviennent de forêts gérées durablement ?

Les mesures de la loi EGAlim concernant la restauration collective scolaire pourraient servir de base de référence[110] : une proportion d’au moins 50% de produits de qualité et durables, dont au moins 20% de produits biologiques[111] y est imposée, de même que la diversification des sources de protéines (avec le service d’un menu végétarien au moins une fois par semaine), et l’usage des plastiques doit y être progressivement supprimé.

3.4.3.2. Dispositifs alternatifs

France Stratégie dans son récent rapport de septembre 2021 pour l’Assemblée nationale « Pour une alimentation saine et durable » met en lumière les enjeux et défis alimentaires mondiaux :

    • Enjeux d’accessibilité ou de qualité nutritionnelle ;
    • Défis de compatibilité des modèles dans l’urgence climatique (l’alimentation est à l’origine de plus 25% des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial et de 19% en France) ;
    • La nécessité d’une transition alimentaire vers la végétalisation.

Le chapitre 4 de ce même rapport est consacré aux « Expériences à suivre à toutes les échelles territoriales, de la commune à la grande région »[112].

Le rapport analyse en particulier au regard de l’axe environnemental les expériences suivantes : les PAT (projets alimentaires territoriaux) et les transitions de filières locales ou d’entreprises.

Les modes d’actions et les bénéfices visés sont extrêmement variés et, pour une partie, déployés dans une approche systémique de l’alimentation intégrant également les dimensions sociales et économiques, objectifs visés par la loi Climat et résilience dans son article 265.

Les exemples suivants issus de la plateforme Precalim (cf. §3.1 et Annexe 3 du présent rapport) permettent d’illustrer la diversité des modes d’actions sur différentes étapes du cycle de vie des produits qui sont déployés dans le cadre des dispositifs alternatifs.

Sur les modes de production et d’approvisionnement : les dispositifs de type « Jardins de Cocagne », en favorisant des pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement (pratiques agro-écologiques, agriculture biologique…) et des approvisionnements au plus proche des lieux de distribution, devraient permettre de réduire le nombre d’intermédiaires, de limiter les déplacements et ainsi de réduire les pertes de denrées dues aux manipulations associées à ces déplacements et intermédiaires.

Sur les procédés de fabrication : les dispositifs de type « conserveries mobiles » devraient permettent de réduire le niveau de transformation des produits, et de mettre en place des modes de conservation moins énergivore.

Sur les modes de distribution et de consommation : les dispositifs de type « Réseau VRAC » contribuent à la réduction des emballages et également à promotion d’aliments qui permettent de diversifier les sources de protéines (substitution d’une partie des protéines d’origine animale par des protéines d’origine végétale).

Il est à noter que la majorité des dispositifs qui intègrent des actions de sensibilisation sur l’environnement et l’alimentation durable permettent de construire et de partager des connaissances et compétences de l’ensemble des acteurs de la chaine de valeur, en privilégiant les actions locales et territoriales créatrices d’emplois et de liens.

Néanmoins notre premier constat général est en synthèse le suivant : ces dispositifs n’intègrent pas en amont dans leur conception (ou ces données ne sont pas publiques) une méthodologie d’évaluation de leur impact tant social qu’environnemental, ce qui rend en particulier difficile un partage du retour d’expériences et une évaluation comparative du potentiel et des limites de ces différents dispositifs.

 

3.5. Place de la sécurité alimentaire durable dans les débats sur le revenu minimum

L’ensemble des dispositifs, dont la diversité vient d’être décrite, a pour champ d’action principal l’alimentation. Cependant une sécurité alimentaire durable nécessite aussi des politiques économiques et sociales. La réflexion sur les critères de modes d’action et de conditions d’éligibilité y rencontre des problématiques voisines des besoins de la vie ordinaire comme celle de la santé, de l’accès à l’eau, à la culture, à la mobilité, etc.

Les différents dispositifs existants de lutte contre la précarité alimentaire, comme les politiques d’aide alimentaire, devraient s’insérer dans un débat national à un niveau plus global, celui des politiques publiques de transferts de revenu. En effet, la garantie d’un revenu permettrait de faire face, en particulier, aux dépenses alimentaires. Ce débat plus général prend deux directions : celui d’un revenu minimum ciblé sur une population particulière, et celui d’un revenu universel. Parmi les principaux enjeux figurent les conditions de mise en œuvre, en particulier la conditionnalité des transferts, et les effets induits dans les domaines autres que celui de la sécurité alimentaire[113].

 

3.5.1. Critères de mise en œuvre : conditionnalité

Dans le cas du revenu universel, son principe fondamental est qu’il est inconditionnel : applicable à l’ensemble de la population sans conditions de ressources, et sans contreparties notamment en termes d’obligations sur le marché du travail[114]. Il faut souligner qu’une telle politique n’a jamais été appliquée, et que, de par sa vocation universelle, il est difficile d’envisager de (seulement) l’expérimenter. Le cas de la Finlande, exemple couramment cité[115], concernait une allocation sans conditions de ressources versée à 2 000 chômeurs pendant deux ans (2017–2018). Cependant la deuxième année comportait des conditions d’insertion sur le marché du travail. En France, la proposition de Socle Citoyen discutée à l’Assemblée Nationale en 2020[116] se rapproche d’un revenu universel, en combinant réforme fiscale et réforme des prestations sociales. En prônant l’universalité de l’impôt sur le revenu, le revenu universel devient un crédit d’impôt individuel, négatif ou positif.

En revanche, des dispositifs de revenu minimum conditionnel sont déjà à l’œuvre dans divers pays. On peut classer le RSA (Revenu de Solidarité Active) français dans cette catégorie. Celui-ci s’adresse à des publics sous conditions de ressources et s’accompagne de contrôles d’insertion sur le marché du travail. D’une manière générale, les diverses contraintes induisent un taux de non-recours important, estimé à une personne sur trois pour les différentes prestations sociales à l’heure actuelle[117]. Face à ce type de dispositif, dont la refonte prévue dans le cadre du prochain Plan Pauvreté avec la création du RUA (Revenu Universel d’Activité, remplaçant le RSA et la Prime d’Activité) ne devrait pas modifier le principe de conditionnalité, des associations prônent l’instauration d’un revenu minimum sous conditions de ressources, mais sans contreparties[118]. L’expérimentation d’un tel projet a été votée par l’Assemblée de Corse le 30 avril 2020[119] mais n’est pas encore appliquée.

 

3.5.2. Effets induits sur la pauvreté et sur l’offre de travail

Dans ce contexte, les débats se situent – sur le plan des conséquences de ces dispositifs de transferts de revenu, conditionnels ou pas – dans deux domaines principaux[120].

Effets sur la pauvreté et la redistribution : de l’accès plus ou moins facilité à ces dispositifs (lourdeurs administratives, définition de la population ciblée, stigmatisation liée à la mise en œuvre des programmes de transferts…) dépend l’incidence sur le non-recours. Un dispositif universel et inconditionnel permet de lutter contre le non-recours. Par ailleurs, l’étendue de la population bénéficiaire et ses caractéristiques de revenu décideront du caractère plus ou moins progressif de ces transferts de revenu. Un dispositif universel agit sur la pauvreté cependant il n’améliore pas la distribution des revenus si l’allocation est la même pour tous. Dans ce cas, il ne répond pas au critère d’universalisme proportionné[121], qui consiste à promouvoir des politiques et des interventions dont l’intensité est proportionnelle aux besoins des groupes dans la population[122].

Effets sur l’offre de travail : la perception d’un revenu de base peut modifier l’insertion sur le marché de l’emploi, avec l’éventualité d’un choix de réduction du temps de travail pour une partie de la population. Cet effet peut s’avérer genré, en raison des conditions particulières d’accès à des emplois à temps partiel et/ou mal rémunérés des femmes, ou bien du ciblage spécifique des transferts sur ces dernières[123]. En outre, dans certains programmes, les transferts sont conditionnels à des contraintes d’activité ou de recherche active d’emploi.

Enfin, la question du financement de mesures de transferts généralisés de revenu reste une des clefs de sa mise en œuvre[124].

 

3.5.3. Application aux dispositifs ciblant l’alimentation

Une étude menée aux Etats-Unis a comparé l’impact du programme actuel de bons alimentaires (Supplemental Nutrition Assistance Program, SNAP) avec les coûts et l’impact d’un revenu minimum, universel ou pas, sur l’insécurité alimentaire[125]. Pour remédier aux limites du programme SNAP en termes de non-recours, d’inéligibilité, ou de montants insuffisants pour nombre d’utilisateurs, l’auteur exploite un questionnaire interrogeant la population en situation de précarité sur le budget nécessaire pour atteindre la sécurité alimentaire. Il propose que le budget alloué au SNAP, augmenté du montant nécessaire pour couvrir ces besoins, soit affecté à l’allocation d’un revenu minimum. L’auteur conclut qu’avec une allocation universelle, le taux d’insécurité alimentaire diminuerait de 88,8%. Avec une allocation ciblant les revenus inférieurs à 4 fois le montant du seuil de pauvreté, la diminution est d’ordre similaire (88,5%), mais le coût budgétaire du programme pour l’Etat est bien moindre.

Aucune étude n’a jusqu’ici examiné en France les effets et les avantages de ce type de dispositif plus généraliste sur l’alimentation. Cependant on peut rapprocher de ce débat entre opportunités de mesures ciblées et mesures universelles la proposition de mise en place d’une Sécurité Sociale de l’Alimentation (SSA)[126] (voir Partie 4). Dans le contexte de cette SSA, le principe de cette allocation pour l’alimentation répond aux critères d’inconditionnalité d’un dispositif universel, puisqu’il serait accessible à tous sans conditions de ressources, évitant par là le non-recours et la stigmatisation. D’autre part, il ne serait assorti d’aucune contrepartie dans les domaines du travail, de la santé ou autre[127]. Son mode d’organisation et de financement se fonderait sur le système des caisses de Sécurité Sociale[128].

En revanche, l’ensemble des dispositifs relevant de l’aide alimentaire s’adressent à une population particulière sous conditions de ressources. Le Tableau 4 met en perspective les critères de mise en œuvre de ces différents dispositifs d’ordre généraliste (transferts de revenu) ou ciblant l’alimentation, selon qu’ils sont à visée universelle ou s’adressent à une population particulière. Dans le domaine de l’alimentation, quelques exemples de dispositifs ont été choisis. On y retrouve des dispositifs conventionnels avec plusieurs degrés d’intervention (cf. les modes principaux d’action décrits dans les paragraphes précédents) : des mesures au niveau de l’accessibilité économique (colis alimentaires, bons alimentaires), des mesures incluant en outre un accompagnement (épiceries sociales proposant des activités), ainsi que des formes incluant des actions visant à l’empowerment des personnes.

 

Les limites de ces différents programmes d’intervention dépendent directement de leurs niveaux de contraintes :

– Sur le plan des conditions de recrutement de la population ciblée (démarches de justification des revenus, contrôles plus ou moins intrusifs sur la gestion du budget, obligation de contreparties sur le plan de l’insertion sur le marché du travail…) qui sous-tendent la participation (importance du non-recours, et de la stigmatisation) ;

– Sur le plan de la mise en œuvre des programmes, c’est-à-dire des modalités d’accès aux produits alimentaires (contraintes de choix des produits et des lieux d’achat, présence d’accompagnement).

Le Tableau 4 présente également les effets induits sur l’offre de travail et sur la redistribution des revenus mentionnés dans le paragraphe précédent.

Les dispositifs de transferts de revenu, qu’ils soient généralistes ou ciblés sur l’alimentation, s’opposent ainsi selon qu’ils sont universels et inconditionnels (revenu universel, sécurité sociale de l’alimentation) ou qu’ils s’adressent à une population particulière et éventuellement conditionnels (revenu minimum, allocation pour l’alimentation).

L’évaluation économique et le mode de financement de ces différents dispositifs de transferts de revenu, y compris de l’allocation alimentaire proposée par la SSA, sont des éléments constitutifs de ces propositions. Ils ont fait l’objet de plusieurs rapports officiels dans le cas des transferts de revenus (OCDE, Banque Mondiale), mais ce n’est pas le cas de la SSA, qui existe pour l’instant à titre de proposition portée par plusieurs associations et collectifs (ISF-Agrista, Collectif Démocratie Alimentaire…voir 4.2.1.). De ce fait, l’étude des coûts économiques directs de la SSA et de ses effets divers (sur l’offre alimentaire, sur le tissu agricole, sur l’emploi, etc.), juste initié par l’une de ces associations (ISF-Agrista), a vocation à être approfondie dans le futur, notamment lorsque cette question sera appréhendée par des projets de recherche. Les principaux enjeux en sont :

  • Le montant de l’allocation universelle : son caractère universel n’empêche pas qu’elle pourrait être conditionnelle au revenu dans la logique de l’universalisme proportionné ;
  • Le ciblage sur certains produits ou modes de production ;
  • La temporalité de sa mise en œuvre ;
  • La capacité de l’offre alimentaire à répondre à cette nouvelle demande et sa régulation : quels volumes ? à quels prix ? ;
  • Les modalités de financement : cotisation sociale, fiscalité…

Il est clair que la refonte du système agro-alimentaire (offre et demande) qui est le cadre nécessaire d’un tel type de dispositif comporte de multiples coûts et bénéfices, tant du point de vue économique que social et sanitaire. Elle doit aborder les questions de l’emploi, de la rémunération des acteurs, de la durabilité des pratiques, des politiques de prévention…

C’est l’ensemble de ces coûts au regard de l’ensemble de ces bénéfices qu’il faudra mettre en balance pour évaluer l’opportunité de la SSA. Il paraît donc urgent que cette voie soit explorée sous tous ces aspects et que l’on puisse disposer des données chiffrées qui font aujourd’hui défaut pour que les débats puissent progresser. Dans ce rapport, nous ne sous-estimons pas l’importance de ce volet, mais nous ne disposons pas à l’heure actuelle de ces éléments.

Cette palette des modes d’action déployés et l’hétérogénéité des critères d’intervention conduisent à s’interroger sur leur pertinence afin de dépasser les limites du système actuel. Sur cette base, nous dégageons dans la section suivante les principes directeurs et les options les mieux à même de répondre aux défis/enjeux d’une sécurité alimentaire durable.

 

4. Quel dispositif pour une sécurité alimentaire durable ?

4.1. Principes directeurs pour une sécurité alimentaire durable

Sur la base de l’analyse des dysfonctionnements du système actuel d’aide alimentaire (Partie 2) et des dispositifs existants, conventionnels et alternatifs (Partie 3), nous proposons dans ce rapport des principes directeurs pour un dispositif et un contexte politique favorables à une sécurité alimentaire durable (Figure 2).

Trois niveaux sont à prendre en considération : les cibles d’action du dispositif, l’organisation du dispositif et un contexte politique démocratique favorable à l’instauration d’une sécurité alimentaire durable. Les cibles d’action et l’organisation relèvent de l’opérationnalité et de la mise en œuvre d’une réponse à l’insécurité alimentaire, tandis que l’échelle politique relève des principes et messages à porter afin d’évoluer vers des conditions favorables à une sécurité alimentaire durable. Les questions d’opérationnalité et de contexte politique évoluent à des rythmes différents (temporalités), mais nécessitent d’être travaillées simultanément car elles sont interdépendantes.

 

 

Définitions :

Alimentation durable : Alimentation choisie et désirable, culturellement acceptable, en accord avec les valeurs, les préférences et les pratiques alimentaires, de bonne qualité sanitaire, nutritionnellement adéquate, respectueuse de l’environnement, économiquement viable et équitable.

Sécurité alimentaire : « La sécurité alimentaire est assurée lorsque tous les êtres humains ont à tout moment un accès matériel, social et économique à une alimentation suffisante, sûre et nutritive qui répond à leurs besoins alimentaires et à leurs préférences et qui leur permet de mener une vie saine et active (Comité de la Sécurité Alimentaire mondiale, 2012).

L’Insécurité alimentaire : Il y a Insécurité alimentaire « lorsque la disponibilité d’aliments sûrs et adéquats sur le plan nutritionnel ou la possibilité d’acquérir des aliments appropriés par des moyens socialement acceptables est limitée ou incertaine » (Core indicators of nutritional state for difficult-to-sample populations, 1990).

Sécurité alimentaire durable : Suivant les définitions précédentes et les différentes strates du modèle socio écologique des déterminants de comportements de santé, la Sécurité alimentaire durable existe lorsque tous les individus ont un accès (économique, physique et social) égalitaire à une alimentation durable de manière coordonnée et pérenne.

Empowerment : processus par lequel un individu ou un groupe acquiert les moyens de renforcer ses pouvoirs d’être, de décider, d’agir, et ainsi, de s’émanciper (définition inspirée de Bacqué, Biewener, 2013). L’empowerment doit être présent à chaque niveau des principes directeurs énoncés plus haut

4.1.1. Cibles d’action du dispositif

Il est indispensable que le dispositif regroupe un ensemble de mesures agissant sur l’accessibilité économique, l’accessibilité physique, l’empowerment individuel et le lien social, tout en incluant une réponse aux situations d’urgence ainsi qu’une démarche « d’aller-vers » pour limiter le non-recours. Pour cela, il s’agit d’inclure :

  • Au moins une action visant à améliorer l’accessibilité économique, via la proposition d’aliments à prix réduits (groupements d’achats, épiceries sociales) ou des transferts monétaires (chèques alimentaires, aide monétaire directe…). Les contraintes budgétaires étant une des premières problématiques pour une grande majorité des personnes en situation d’insécurité alimentaire, agir sur l’accessibilité économique est un élément incontournable à inclure, quel que soit le dispositif.
  • Une ou des actions spécifiques, en fonction des territoires, visant à améliorer l’accessibilité physique, en termes de mobilité (livraison, offre alimentaire de proximité) et/ou d’équipements (cuisine collective…).
  • La réalisation d’actions visant à accroître l’empowerment, qui permettront aux personnes de reprendre le pouvoir sur leur contexte de vie, de prendre des décisions, de mener des actions, de renforcer l’image de soi et l’estime de soi, de participer à la solidarité et d’appartenir à un collectif. Ces actions permettront par exemple de favoriser le lien social, d’accéder à l’information et à des ateliers thématiques, de pouvoir échanger, cuisiner, jardiner… Des outils pédagogiques comme la mallette pédagogique Opticourses® sont déjà disponibles (voir Encadré 4). Un lieu dédié par territoire (éventuellement partagé par plusieurs structures) est propice à la proposition et à la réalisation de ces actions. Concernant les dispositifs comme les jardins collectifs, notons que nous savons désormais que leur seule implantation n’est pas suffisante pour induire un changement au profit d’attitudes et de comportements plus en phase avec les principes de l’alimentation durable[129]. Pour qu’ils puissent devenir de véritables outils de promotion de la sécurité alimentaire durable, un certain nombre de prérequis est probablement nécessaire[130].

De plus, face à la diversité des publics concernés par l’insécurité alimentaire, il semble essentiel d’inclure une réponse à l’urgence, garantissant une prise en charge immédiate et inconditionnelle.

 

Encadré 4 : Opticourses, un programme de promotion de la santé sur l’alimentation et le budget[131]

Certains foyers pauvres réussissent à avoir une alimentation équilibrée sans avoir besoin de se tourner vers l’aide alimentaire : malgré un faible budget alimentaire[132] (néanmoins supérieur au strict minimum nécessaire pour avoir une alimentation nutritionnellement adéquate estimé à 3,85€ par jour pour un adulte[133]), ils y arrivent en sélectionnant préférentiellement des aliments de bonne qualité nutritionnelle et de bon prix[134]. Les pratiques adoptées par ces foyers, qui font preuve d’une compétence certaine dans leurs choix alimentaires leur permettant une meilleure atteinte de l’équilibre nutritionnel malgré les contraintes physiques et financières auxquelles ils sont soumis, peuvent être inspirantes pour d’autres foyers qui se situent eux aussi dans une situation économique et matérielle difficile[135]. C’est sur ces principes que s’appuient les ateliers collectifs Opticourses®[136], un programme pédagogique sur l’alimentation et le budget en phase avec les principes de promotion de la santé (non jugement, respect des personnes, prise en compte de leurs savoir-faire…). Co-construit entre habitants, professionnels et chercheurs dans le cadre d’une recherche interventionnelle[137], ce programme est considéré comme une « action probante » en nutrition par Santé publique France[138] car il a fait les preuves de sa pertinence et de son efficacité sur le terrain. Il est actuellement en cours de mutation pour intégrer plus pleinement et plus explicitement les principes de l’alimentation durable. Il pourrait ainsi participer à l’empowerment des personnes et des groupes dans le cadre d’un dispositif visant à promouvoir une sécurité alimentaire durable, pour une reprise en main sur les approvisionnements alimentaires afin que ceux-ci soient plus équilibrés, mais aussi plus durables.

4.1.2. Organisation du dispositif

Différents principes d’organisation sont à prendre en considération au sein du dispositif (organisation interne) mais également en termes de coordination[139] avec les dispositifs existants de lutte contre la précarité alimentaire sur un territoire et les autres dispositifs sociaux (organisation externe), en particulier dans le cadre du Comité national de coordination de la lutte contre la précarité alimentaire (Cocolupa) mis en place le 8 sept 2020[140]

  • un accès égalitaire au dispositif afin que chaque personne puisse trouver facilement des solutions adaptées en fonction de sa situation d’insécurité alimentaire. Pour éviter le non-recours, il est nécessaire de favoriser la mise en place de démarches « d’aller-vers » et de faciliter les conditions d’accès au dispositif par une simplification, standardisation et harmonisation des démarches, voire qu’il n’y en ait pas, étant donné qu’il est déjà difficile pour les personnes de faire le pas d’une demande d’accès. Il s’agit aussi de communiquer efficacement afin de rendre visible le dispositif et d’adapter cette communication aux différents publics (ex : traduction en différentes langues), ainsi que de rendre accessible le dispositif aux personnes à mobilité réduite.
  • une implication des personnes via leur participation dans les prises de décisions et le fonctionnement du dispositif.

Au niveau de l’organisation externe, il s’agit de veiller à une coordination territoriale qui crée du lien avec les autres dispositifs existants de lutte contre la précarité alimentaire, qui tienne compte de l’environnement des personnes (transports en commun, isolement…) et qui incite les structures à se coordonner pour articuler leurs actions pour le bénéfice des populations concernées. Une coordination territoriale peut ouvrir la possibilité d’une mutualisation de la logistique (locaux, approvisionnements, transport, etc.). et une coordination avec les autres dispositifs sociaux (aide au logement…) afin d’harmoniser le diagnostic, l’identification des besoins et l’orientation des personnes. Un dispositif de lutte contre la précarité alimentaire peut ainsi jouer le rôle de porte d’entrée pour l’ouverture de droits plus globaux (accès aux soins, logement…).

 

4.1.3. Principes transversaux ou prérequis

Parallèlement aux actions mises en œuvre, il est important de créer les conditions de la disponibilité d’une offre alimentaire sur le territoire, mais également que cette offre réponde aux attentes des individus, qu’elle soit accessible physiquement (maillage des territoires par des lieux de distribution)[141] et qu’elle permette d’aller vers une alimentation plus durable.

A titre d’exemple, on pourrait imaginer un maillage du territoire français par des « Maisons Interculturelle de l’Alimentation et des Mangeurs »[142] qui respecteraient les différents principes directeurs énoncés ci-dessus et qui seraient adaptées aux différentes caractéristiques des territoires, permettant un accès pratique et égalitaire à une offre alimentaire de qualité afin de lutter contre les situations d’insécurité alimentaire et d’en prévenir l’émergence, notamment en cas de crise.

La réalisation de diagnostics locaux de façon systématique selon un processus démocratique impliquant les publics pour identifier les besoins (niveaux d’urgence, diversité des publics, critères d’une alimentation de qualité, etc.), l’offre alimentaire disponible, les actions et structures existantes sur un territoire apparait comme un élément essentiel et préalable à la mise en œuvre de réponses efficientes[143]. L’expérience des PAT, à travers les nombreux diagnostics partagés, pourrait être une ressource.

Il s’agit aussi de s’assurer de la stabilité dans le temps, à la fois en termes de pérennité du dispositif (non dépendance au bénévolat, aux dons…) et de pérennité de l’impact (accès au dispositif non limité dans le temps, complétude de l’aide…) pour garantir une sécurité alimentaire durable. La capacité d’anticipation, d’adaptation et la résilience du dispositif au regard des changements de contexte sont des éléments essentiels à prendre en considération. Il s’agit d’anticiper les changements et de prévoir des solutions (diversification des sources d’approvisionnements, constitution de stocks-tampon…) permettant de s’adapter rapidement et d’être en mesure de maintenir une réponse ininterrompue aux situations d’insécurité alimentaire.

En ligne avec le récent avis n° 89 du CNA (Encadré 5), qui recommande de mener de front « la mise en place d’un socle alimentaire fondamental » et « l’amélioration des dispositifs d’aide alimentaire existants », et par analogie avec le système de santé, nous pensons que, pour promouvoir l’émergence d’une sécurité alimentaire durable, le dispositif doit intégrer une approche curative (incluant une réponse à l’urgence) et une approche préventive, avec un objectif de réduction progressive du curatif en faveur du déploiement d’une approche préventive.

 

Encadré 5 : Dans le cadre du retour d’expérience suite au premier confinement[144], le CNA en appelle à la mise en place d’un droit à l’alimentation durable

Dans son récent avis n° 89, le CNA préconise d’« assurer les conditions de mise en œuvre d’une démocratie alimentaire et d’un droit à l’alimentation afin de mettre en place une politique intégrative garantissant à tous et partout l’accès à une alimentation saine et durable » (volet 4 des recommandations), avec pour objectifs et moyens concrets :

– l’inscription du droit à l’alimentation dans le droit français et européen (4.1., p 42)

– la reconnaissance d’une exception agri-alimentaire au niveau européen et français, notamment dans le cadre des échanges commerciaux, afin de permettre d’éviter la spéculation sur les matières premières agricoles au niveau mondial (4.2., page 42 et note de bas de page 81).

– la reconnaissance du rôle social de la restauration collective, en reconnaissant un droit à la restauration collective pour tous (4.4., page 43)

Une autre préconisation est de « Repenser la lutte contre la précarité alimentaire à l’échelon français et porter les évolutions nationales au niveau européen (volet 5 des recommandations), avec pour objectifs et moyens concrets :

– la mise en place d’un socle alimentaire fondamental, en plaçant la personne humaine au cœur du dispositif (5.1) », à travers notamment la mise en place d’une réflexion autour
d’un dispositif de type « sécurité sociale de l’alimentation » dans le cadre d’un groupe de concertation à venir.

– l’amélioration des dispositifs d’aide alimentaire existants (5.2.), notamment à travers les chèques alimentaires, en particulier valables dans des circuits considérés comme plus durables.

Dans l’avis, les points 4.1 et 5.1 sont regroupés sous le terme « droit à l’alimentation durable » (page 62).

 

4.1.4. Contexte politique favorable

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le statut de consommateur adossé à la montée en puissance du salariat, est celui qui permet d’être inclus socialement, au besoin avec l’aide de l’État et des revenus de transfert. Ceux-ci a eu un rôle fondamental dans l’équipement des familles et personnes en situation de précarité pour rester dans cette sphère de la consommation. Associé aux droits civils et politiques, ce statut de consommateur est devenu partie intégrante de la citoyenneté et partie prenante d’un contrat social comportant des droits et des devoirs.

L’ensemble des politiques publiques menées en France et en Europe ont eu comme conséquence le développement du modèle agro-industriel au détriment d’une agriculture dite familiale. Les produits alimentaires sont traités de la même manière que les autres produits de consommation et font l’objet d’accords internationaux. Or, la Politique agricole commune (PAC) avait comme objectif initial de protéger les prix agricoles pour permettre la modernisation des systèmes agricoles européens[145] et leur stabilité.

Les entreprises de l’agroalimentaire répondent par de nouveaux segments de marché aux demandes émergentes. Le consommateur ne peut alors se manifester qu’à travers le fait d’acheter ou de ne pas acheter. Tout cela demeure structuré par le marché, dans lequel le choix individuel, même organisé en action collective, n’a pas la main.

A partir de ce constat, le concept de « démocratie alimentaire » prend toute sa force. Il représente la revendication des citoyens de reprendre le pouvoir sur la façon d’accéder à l’alimentation, dans la reconnexion entre celle-ci et l’agriculture, et plus largement, les conditions de sa production (économiques, sociales et environnementale). La démocratie alimentaire émerge comme un terreau particulièrement propice à la construction d’une nouvelle citoyenneté, dans laquelle les citoyens retrouvent les moyens d’orienter l’évolution de leur système alimentaire à travers l’ensemble de leurs décisions et pas uniquement celles qui concernent leurs actes d’achat[146]. A la différence du ‘consomm’acteur’ qui reste ancré dans une démarche d’achat et de consommation, le concept de démocratie alimentaire ouvre la perspective d’une citoyenneté alimentaire (food citizen) basée d’une part sur le droit à une alimentation durable pour chaque individu et d’autre part sur une réappropriation de la décision démocratique de façon collective quant aux choix des systèmes alimentaires.

Cependant, pour que la démocratie alimentaire s’incarne dans des réponses de la vie ordinaire des citoyens et citoyennes, il est nécessaire de s’appuyer sur une compréhension systémique et multifonctionnelle de l’alimentation, qui n’est pas seulement physiologique (couvrir les besoins nutritionnels), mais également sociale (être ensemble et se reconnaître dans une égale « citoyenneté alimentaire »), identitaire (liée à l’appartenance à une famille, une culture, des traditions, une communauté, etc.) et hédonique. En outre, les règles sociales liées au modèle alimentaire du pays où nous vivons[147] sont à prendre en compte pour comprendre les différences, les résistances, les contraintes, etc. Ainsi, pour les Français, le fait de manger ensemble reste une règle importante, et le goût des aliments prime sur l’origine des produits (à la différence des Italiens par exemple).

Considérer ces trois aspects – système alimentaire, multi-fonctions de l’alimentation et modèle alimentaire – constitue les fondements de connaissances actionnables pour la démocratie alimentaire. Cependant, ces connaissances sont segmentées, non seulement par la structuration même des services publics à travers différents ministères, mais également par une vision technicienne qui est loin des réalités du quotidien des habitants dans leurs territoires de vie. Ces connaissances ont tendance à être banalisées parce qu’elles sont enfouies dans l’espace domestique (et non public) et majoritairement portées par les femmes[148].

La démocratie alimentaire[149] peut nous donner le cadre à la fois de pensée et d’actions collectives pour promouvoir une sécurité alimentaire durable et engager la lutte contre les inégalités liées à l’alimentation[150]. Plus globalement, la démocratie alimentaire se pense dans une dynamique de réduction des inégalités sociales et territoriales pour que l’ensemble de la population puisse vivre décemment dans des bassins de vie normalement équipés et avec des revenus suffisants.

L’Avis n° 89 du CNA fait la proposition d’un droit à l’alimentation durable à l’échelle nationale et européenne, ancrée dans les droits humains à l’échelle internationale. Il fait bien la différence avec un droit à être à l’abri de la faim et insiste sur les aspects de dignité et de durabilité tant dans la protection de l’accès que dans la durée et dans la qualité des aliments produits dans un système alimentaire respectant à la fois les humains, les animaux et l’environnement. Pour ce faire, la proposition du CNA est de mettre en œuvre une exception agri-alimentaire dans l’ensemble des traités commerciaux. Notons cependant que l’effectivité du droit à l’alimentation inscrit dans les droits humains à l’échelle internationale reste dépendante des relations de marché et de concurrence. Par ailleurs, le CNA met en avant un droit à la restauration collective et c’est une avancée compte tenu de son rôle potentiel de levier pour faire évoluer favorablement l’offre alimentaire dans les territoires.

Le CNA propose de se référer au modèle d’une « exception agri-alimentaire »[151], fondé sur celui de l’exception culturelle. Or le contexte du secteur de la culture n’est pas du tout le même que celui du secteur agro-alimentaire : les enjeux économiques portés par les multinationales agro-alimentaires, bien plus nombreuses que dans le secteur de la culture et largement relayées par les propriétaires des ressources des systèmes agricoles et alimentaires induisent des rapports de force face auxquels les Etats et les citoyens sont largement démunis. D’où l’importance du concept de démocratie alimentaire qui ramène dans le champ politique les possibilités de changement : par exemple, une proposition législative qui serait basée sur l’avis du CNA devrait donc être davantage en rupture pour ramener les systèmes alimentaires dans le champ de l’intérêt général et engager le développement de propositions relevant de démocratie économique articulées avec de la démocratie sociale dans le marché réel. Et dans ce contexte, une attention particulière doit être accordée aux dispositifs démocratiques de décision sur la place des femmes et des familles à petits budgets.

 

4.2. La piste de la sécurité sociale de l’alimentation

Un dispositif universel de Sécurité Sociale de l’Alimentation (SSA) est débattu depuis deux ans dans un collectif qui regroupe plusieurs organisations (Collectif Démocratie Alimentaire, ISF-Agrista, la Confédération Paysanne, Réseau Salariat, etc.)[152]. En s’inscrivant dans les pas du régime général, trois principes guident la Sécurité Sociale de l’Alimentation : le droit à l’alimentation durable[153] garantissant un accès universel, la cotisation comme mode de financement, le conventionnement des acteurs du système alimentaire par le biais d’une démocratie locale (Figure 3).

La proposition de SSA respecte les principes directeurs identifiés dans ce rapport et apparait comme une piste pour promouvoir une sécurité alimentaire durable. Ceci est en phase avec les préconisations du CNA (Encadré 5), qui propose justement, pour construire le « socle alimentaire fondamental », de mener une réflexion autour d’un dispositif de type « sécurité sociale de l’alimentation » dans le cadre d’un groupe de concertation à venir. Nous espérons que ce rapport apportera des éclairages à cette réflexion.

La SSA propose comme ligne directrice et comme fondement le fait d’aller vers un dispositif universel d’accès à une alimentation durable pour garantir une sécurité alimentaire durable. Cette dynamique nécessite de penser simultanément des dispositifs de « Transition » et une construction de dispositifs de « Transformation » des systèmes alimentaires. La Transition consiste en une phase provisoire du processus permettant d’aller vers la phase de Transformation, elle-même évolutive. En accord avec cette dynamique, la filière de l’aide alimentaire ne saurait être supprimée sans mettre en œuvre des dispositifs transitoires et sans proposer aux opérateurs de cette filière un changement de rôle au service d’une démarche de construction d’un accès universel à une alimentation durable (incluant un dispositif d’assistance alimentaire d’urgence) impliquant de nouvelles formes d’accompagnement.

 

4.2.1. Histoire et principes de la Sécurité Sociale de l’Alimentation

En retenant le cadre de la démocratie alimentaire comme façon de ré-impliquer l’ensemble des habitants et des habitantes, la Sécurité sociale de l’alimentation[154] est une proposition politique basée à la fois :

– sur une critique du système alimentaire agro-industriel dont l’objectif est de produire en s’accaparant les ressources sans prendre en compte les effets sur la destruction de la planète et de ses conséquences pour les générations futures.

– sur l’impossibilité pour une partie de la population (dont certains agriculteurs) de se nourrir en respectant leurs besoins et leurs identités

En France, nous avons l’expérience depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale de la Sécurité sociale de la santé[155] comme forme politique et de gestion concrète d’un accès à un système de santé ouvert à l’ensemble de la population. La proposition de Sécurité sociale de l’alimentation se fonde sur le modèle du régime général de la sécurité sociale tel qu’il existait avant 1967, date à laquelle une première réforme change le modèle démocratique[156]. L’intérêt de cette proposition de SSA est qu’elle s’appuie sur de l’existant et sur une longue expérience du régime de sécurité sociale. Ainsi nous pouvons en tirer les leçons tant du point de vue de la démocratie sociale (conventionnement des professionnels et gestion des caisses primaires) que de la démocratie économique (financement basé sur une cotisation sociale).

Dans ce contexte, la proposition vis-à-vis de la filière de l’aide alimentaire est d’accompagner la population captive de ce mode d’accès à l’alimentation vers le droit commun, à savoir le droit à l’alimentation durable. De plus, la proposition de SSA se situe dans les réflexions engagées d’une part par le Conseil National de l’Alimentation (cf avis n° 89) et d’autre part dans le courant « One Health »[157] (santé humaine, santé animale et de l’environnement connectées). L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) situe ses travaux dans cette approche transversale[158].

 

4.2.2. Deux temporalités : « Transition » et « Transformation »

Partant du constat de la segmentation des dispositifs existants, la proposition de SSA vise à mettre en place un dispositif de droit commun. Cette SSA permettrait de mettre en œuvre deux démarches simultanées nécessaires mais dont la temporalité n’est pas la même : celle d’une Transition et celle d’une Transformation alimentaire.

La Transformation vise à atteindre la sécurité alimentaire durable, c’est-à-dire à garantir un accès égalitaire (économique, physique et social) de l’ensemble de la population à une alimentation durable de manière coordonnée et pérenne. Ce processus participerait à la diminution du poids des systèmes alimentaires dans le changement climatique et à la promotion de la santé des êtres humains présents et à venir ainsi que celle de la planète. Ainsi, la sécurité alimentaire durable implique la prise en compte des besoins alimentaires (individuels et collectifs) tout en obligeant à un changement de l’offre alimentaire. En effet, il ne pourrait y avoir de Transformation sans changement radical de l’offre alimentaire. Cependant cette Transformation ne peut se mettre en œuvre immédiatement et le passage par une Transition est nécessaire.

La Transformation vers des systèmes alimentaires durables se base sur deux éléments fondamentaux : d’une part, la mise en œuvre d’un conventionnement des acteurs du système, comme cela existe aujourd’hui pour les acteurs du système de santé (médecins, para médicaux, pharmaciens, etc.) ; d’autre part, le financement via une cotisation sociale. La cotisation sociale n’est pas un impôt mais un pourcentage de la socialisation de la valeur créée par le travail de tous et toutes. En d’autres termes, c’est du salaire (ou de la rémunération) mutualisé(s) pour financer un accès à des services répondant à nos besoins fondamentaux : c’est le cas, aujourd’hui pour la santé.[160]

Une carte (qui pourrait s’appeler « Vitalim » par analogie avec la Carte Vitale) permettrait un accès universel à une alimentation durable comme nous l’avons aujourd’hui dans l’accès aux soins.[161] Des études plus fines sont nécessaires pour proposer des masses financières précises permettant de financer cette allocation alimentaire universelle.

En l’état de la réflexion, c’est davantage le processus de démocratie économique qui importe, car en soi, il transforme fondamentalement l’accès et surtout engage un changement dans l’appareil de production agricole et alimentaire. De la même façon que le régime général de la sécurité sociale a permis de construire des hôpitaux[162] (dont beaucoup sont encore d’actualité) grâce à la pérennité du financement par la cotisation sociale, le financement de la SSA par le conventionnement inciterait des acteurs et des activités du système alimentaire à aller vers plus de durabilité, en particulier en réinvestissant une partie de sa valeur ajoutée dans la transformation écologique. En outre, ce financement permettrait aux différents acteurs de bénéficier d’une rémunération juste.

La mise en place d’un système de démocratie sociale est nécessaire à cette démocratie économique[163] : le droit à l’alimentation durable inscrit dans la loi[164] en est la pierre angulaire. Des dispositifs démocratiques appelés Groupes locaux d’alimentation durable (GLAD)[165], à l’image du réseau des caisses primaires de sécurité sociale, seraient mis en œuvre à l’échelle des bassins de vie et non en suivant les découpages administratifs qui sont de plus en plus « éloignés » des lieux de vie quotidienne. Ces instances devraient être diversifiées et ne pas s’appuyer uniquement sur la représentation comme fondement démocratique, comme c’est le cas aujourd’hui dans l’ensemble des institutions publiques (par exemple, le CNA). Prêter attention à la présence des populations habituellement exclues des lieux de décision est indispensable : la diversité de dispositifs démocratiques en est la seule garantie[166] (démocratie concrète à partir des besoins des habitants et habitantes par des groupes de pairs, mandat impératif, représentation, tirage au sort, délégation tournante, élection de représentants sans candidat…). Les instances régionales et nationales, qui coordonneraient les GLAD, auraient comme attribution la gestion des points nécessitant des moyens mutualisés plus larges et d’assurer la régulation des systèmes alimentaires pour que l’égalité territoriale d’accès à une alimentation durable soit garantie, le tout sous mandat et en lien avec les GLAD.

 

La Transition consiste à élaborer des réponses qui s’appuient sur l’existant et cherchent à le moderniser en vue de respecter le droit à l’alimentation durable. Pour autant, cette Transition n’aurait pas vocation à perdurer car l’offre alimentaire doit évoluer pour permettre le respect des principes d’un accès universel à une alimentation durable comme droit commun. Ainsi, la filière de l’aide alimentaire évoluerait vers un dispositif d’assistance alimentaire d’urgence. Le terme « assistance alimentaire » est employé plutôt que celui d’aide alimentaire car il s’agirait non seulement de distribuer des denrées alimentaires et/ou de l’aide monétaire, mais bien de prendre en compte l’ensemble de la situation nutritionnelle de la personne ou du groupe et de proposer des interventions complémentaires : par exemple de quoi faire la cuisine (combustible, matériel de cuisson), un accès à de l’eau potable, des services d’hygiène et de santé, etc.

 

4.3. Lecture de la SSA à l’aune de la santé publique : du curatif vers le préventif

Alors que le système actuel basé sur l’aide alimentaire est totalement curatif, notre lecture de la SSA avec une vision de santé publique nous amène à identifier et à distinguer des approches Curative et Préventive au sein de la SSA.

En lien avec les principes directeurs que nous avons identifiés (Partie 4.1.) pour promouvoir une sécurité alimentaire durable, la SSA comprendrait un axe Préventif et un axe Curatif (Figure 4). L’axe Préventif aurait vocation universelle et concernerait l’ensemble de la population. L’axe Curatif permettrait de maintenir une réponse pour les personnes actuellement destinataires de l’aide alimentaire et de commencer à mettre en œuvre leur sortie de cette filière. Petit à petit, la population actuellement destinataire de l’aide alimentaire ne dépendrait plus de l’axe Curatif pour être orientée vers l’axe Préventif.

Dans le cadre de la Transition, il n’est pas possible de supprimer la filière actuelle de l’aide alimentaire, surtout dans le contexte sanitaire que nous connaissons. Cependant la différenciation des cibles de l’assistance alimentaire d’urgence est à mettre en œuvre rapidement afin de cesser de traiter les situations des familles et personnes en situation de précarité à l’aune de la grande précarité. Ainsi, il faudrait distinguer : i) les foyers et personnes à petits budgets dont la seule et unique raison du recours à l’aide alimentaire actuelle est un problème économique dont elles peuvent s’affranchir dès la mise en place d’un revenu dédié à l’alimentation durable ; ii) les foyers et personnes à petits budgets inscrites de façon récurrente dans ce mode d’accès à l’alimentation ; iii) les foyers et personnes à petits budgets dans des situations d’urgence.

– i) Dans une perspective de prévention en direction des foyers et personnes à petits budgets qui n’ont pas aujourd’hui habituellement recours à l’aide alimentaire (en dehors des périodes de crise généralisée comme celle de la crise COVID), la réponse principale serait le soutien financier par l’octroi d’une allocation monétaire pour garantir leur autonomie alimentaire.

– ii) Pour les foyers et personnes aujourd’hui utilisatrices de l’aide alimentaire de façon récurrente, des dispositifs pédagogiques devraient être mis au service de leur empowerment pour qu’elles gagnent en autonomie par rapport à la filière de l’assistance alimentaire et rejoignent un accès ordinaire à une alimentation durable.

– iii) Pour les personnes en situation d’urgence (environ 700.000 à 1 million de personnes)[167], la nécessité d’une assistance alimentaire reste entière, et il est essentiel qu’elle respecte d’une part la dignité comme principe des droits humains et d’autre part la qualité nutritionnelle d’une alimentation durable.

L’axe Curatif, c’est-à-dire la réponse d’urgence en direction des personnes en situation de grande précarité (iii), devra donc demeurer pour prendre en compte les situations d’urgence.

Le mode d’intervention alimentaire depuis 1985 est pensé en référence à la grande précarité. Le traitement des populations se fait à l’aune de cette vision et justifie la distribution de denrées alimentaires. Même si nous savons que le choix de distribuer des denrées est fortement lié au modèle productiviste agroalimentaire, la justification des opérateurs de l’aide alimentaire, reconnue par les institutions publiques, est de lutter contre ce qui est nommé « précarité alimentaire », et non de soutenir un accès ordinaire pour ceux et celles qui ont de petits revenus. Les réponses les plus récentes continuent principalement à aller dans le sens de « la solidarité auprès de publics précaires » basée sur l’aide alimentaire et sans remettre en cause l’existence de cette précarité en France. Les nouvelles mesures consistent en une modernisation du dispositif d’aide alimentaire, notamment à travers un recours plus fréquent à une aide monétarisée. Ainsi, sur la base d’une proposition de la Convention citoyenne pour le climat, la mise en place de chèques « alimentation durable 100% local, bio et durable » qui seront attribués par les CCAS (et autres acteurs locaux) à des personnes utilisatrices de l’aide alimentaire a été annoncée mi-décembre 2020 par Emmanuel Macron[168] (mais ne devrait finalement pas voir le jour, en tout cas pas au cours du mandat présidentiel actuel[169]). De même, lors du lancement, le 8 juillet 2021, du « plan d’actions de transformation de l’aide alimentaire et de lutte contre la précarité alimentaire » issu du « Cocolupa » (Comité national de coordination de la lutte contre la précarité alimentaire) le ministre de la Santé Olivier Veran a plus spécifiquement listé des mesures à destination des enfants[170] telles que la distribution gratuite de petits déjeuners dans des écoles primaires volontaires en zone « Rep » et « Rep+ » situées dans des QPV et des territoires ruraux fragiles[171], le renforcement du soutien de l’Etat aux mesures de tarification sociale des cantines scolaires, notamment pour les communes rurales défavorisées[172], ainsi que le déploiement national du programme Malin, un dispositif ciblant des femmes enceintes en situation de précarité et leurs enfants à naître (jusqu’à leurs 2 ans)[173]. Le dispositif Malin présente l’intérêt d’agir simultanément sur l’accessibilité économique (bons de réduction pour des produits alimentaires[174]), sur l’empowerment (site délivrant des conseils adaptés à l’âge de l’enfant, formation de professionnels de la petite enfance, mise en réseau des parents entre eux), et sur l’accessibilité physique (les bons sont utilisables dans tous les magasins vendant les produits concernés). De plus, son impact est évalué dans le cadre d’une recherche interventionnelle, l’étude ECAIL, actuellement en cours de réalisation[175]. En ce qui concerne la tarification sociale des cantines, si elle était généralisée avec des modalités de mise en œuvre homogènes sur le territoire, elle pourrait tendre vers le principe d’universalisme proportionné (voir Annexe 8), mais avec la limite que toutes les communes ne sont pas tenues de proposer un service de restauration scolaire. On pourrait proposer d’en faire une obligation légale dans le cadre de la SSA.

 

4.3.1. Axe Curatif

4.3.1.1. Cibles d’action de l’axe Curatif

Dans un premier temps, l’axe « Curatif » regrouperait des dispositifs proposant un ensemble de mesures agissant sur l’accessibilité économique, l’accessibilité physique, l’empowerment individuel et le lien social, tout en permettant de répondre à des situations d’urgence dès maintenant, tel que décrit dans les principes directeurs d’action (voir section 4.1.). Il ne faut pas perdre de vue que ces actions ont également vocation à accompagner les personnes vers un accès universel. Ces actions seraient progressivement réduites au fur et à mesure de la mise en place de l’axe Préventif sous forme d’un droit commun à l’alimentation durable s’appliquant à l’ensemble des citoyens et citoyennes, tout en continuant à servir un axe Curatif permettant de répondre aux situations d’urgence.

4.3.1.2. Organisation de l’axe Curatif

Concernant l’organisation de l’axe Curatif, il est nécessaire de veiller à l’organisation interne des dispositifs (accès égalitaire, implication des personnes) mais également à la coordination avec les dispositifs existants de lutte contre la précarité alimentaire sur un territoire et les autres dispositifs sociaux, tel que décrit dans les principes directeurs d’organisation (voir section 4.1.2). Cette coordination des dispositifs de l’axe « Curatif » est nécessaire mais elle n’est pas suffisante pour favoriser le changement d’échelle pour aller vers une sécurité alimentaire durable. Une mission centrale de cette coordination serait d’associer les opérateurs actuels de l’aide alimentaire de façon à ce qu’ils soient inclus aux côtés des autres acteurs du système alimentaire pour participer à la construction de l’axe Préventif, dans un objectif de réduction progressive des utilisateurs de l’axe Curatif.

 

4.3.2. Axe Préventif

4.3.2.1. Cibles d’action de l’axe Préventif 

La mise en place de la SSA permettrait la création d’une Allocation universelle alimentation durable disponible sur la carte « Vitalim » (cf. ci-dessus). Le collectif Démocratie Alimentaire propose que cette allocation soit basée sur le modèle des allocations familiales qui sont octroyées à l’ensemble des familles résidant en France et dont le montant est modulé pour les revenus les plus élevés[176]. Le montant de cette allocation est à définir et devrait tenir compte des budgets calculés dans l’étude ONPES pour un niveau de vie minimum décent (estimé, pour l’alimentation, entre 75% et 85% du budget alimentaire moyen, selon la composition du foyer)[177], du coût strictement minimum nécessaire pour respecter l’ensemble des recommandations nutritionnelles en protéines, fibres, vitamines, minéraux acides gras essentiels, et sans excès en sucres, en graisses et en sel (estimé à 3,85 €/j pour un adulte[178]), et, plus spécifiquement, du budget nécessaire pour respecter la recommandation du PNNS (Programme National Nutrition Santé) de consommer « au moins 5 fruits et légumes par jour »[179].

Cette allocation contribuerait à changer la demande et l’offre alimentaires pour aller vers une alimentation plus durable, et participerait ainsi à la Transformation. Pour concrétiser la Transformation, une proposition serait de mettre en place un processus d’attribution de l’allocation dans la temporalité suivante : d’abord sans condition (utilisation possible de l’allocation pour tout type d’offre alimentaire), puis progressivement dirigée, d’abord en partie puis en totalité, vers des produits issus de systèmes alimentaires plus durables. Ceci permettrait d’accompagner le changement vers des systèmes alimentaires plus vertueux, et de prendre le temps nécessaire à mettre en place le système de conventionnement (définition des critères que devraient respecter les « produits issus de systèmes alimentaires plus durables » et des modalités du suivi du respect de ces critères). Compte tenu de l’urgence climatique, il ne faudrait pas que l’ensemble du processus prenne plus de 10 ans.

Cette allocation donnerait du pouvoir aux familles pour leurs approvisionnements alimentaires. De plus, l’accès à ce droit leur permettrait également par l’information et la sensibilisation de prendre leur place dans les espaces démocratiques tels que les GLAD mais servirait dans le même pas de temps, de levier pour agir sur l’offre alimentaire. Dans ce cadre, le rôle des opérateurs de l’aide alimentaire pourrait évoluer de façon à soutenir cette Transition et pourrait aller jusqu’à prendre une place dans les systèmes alimentaires durables : par exemple, le réseau des épiceries sociales et solidaires pourrait rejoindre les distributeurs « ordinaires ».

Les Projets Alimentaires Territoriaux (PAT) pourraient prendre une place importante dans la Transition en se mettant au service de cette SSA, notamment dans la préfiguration des GLAD. La loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre 2014, dans son article 39 institue la création de ces PAT dont l’objectif est de relocaliser l’agriculture et l’alimentation dans les territoires en soutenant l’installation d’agriculteurs, les circuits courts ou les produits locaux dans les cantines. Le cadre est celui de l’incitation à la mise en route de coopérations entre les différents acteurs du système alimentaire local. Ce dispositif institutionnel se multiplie rapidement depuis sa création. Cependant, la dimension sociale, pourtant présente dans les attendus, est peu effective en pratique. De plus, lorsqu’elle existe, les réalisations sont toujours appuyées sur une approche spécifique pour les familles à petits budgets et rarement pensées dans une démarche de Transition qui amènerait ces familles dans une situation de droit commun.

Cependant le cadre des PAT[180] et l’expérience acquise au cours de ces six dernières années seraient des atouts précieux pour la fabrication du processus démocratique (économique et social) de la SSA pour les deux axes, à savoir l’axe Préventif et l’axe Curatif tant dans l’élaboration du conventionnement des acteurs et des produits issus des systèmes alimentaires durables relocalisés, que dans la réflexion des nécessaires hybridations qu’il faut imaginer entre circuits longs et circuits courts et de proximité, produits transformés et produits frais, etc.[181]

Parallèlement à l’action principale sur l’accessibilité économique, il s’agira également, dans l’axe Préventif, d’agir sur l’accessibilité physique et de favoriser l’empowerment des personnes et des groupes (Figure 2). Le déploiement de dispositifs pédagogiques visant au partage des connaissances et des apprentissages collectifs participe de l’empowerment des personnes et des groupes, y compris l’empowerment des professionnels de l’action sociale. Le retour réflexif de ces lieux d’apprentissage collectif est également utile pour faire évoluer demande et offre alimentaires tant sur le plan des productions que sur celui des décisions démocratiques. Des outils pédagogiques comme la mallette pédagogique Opticourses® sont déjà disponibles (voir Encadré 4), ou la marque collective ici.C.local® destinée à tracer de façon participative l’origine des produits vendus sur les marchés de plein vent[182]. D’autres sont en train d’être finalisés comme le jeu Démocralim©[183] dont l’objectif est d’une part de comprendre le système alimentaire et d’autre part de trouver des solutions coopératives à partir d’un scénario comme par exemple « territoire zéro aide alimentaire ». Tous ces outils d’accompagnements ont été conçus à partir des besoins exprimés au travers de recherches actions ou interventionnelles.

L’axe Préventif contribuerait à la transition environnementale, en mettant en œuvre une logistique sobre et une économie circulaire (incluant la gestion du gaspillage et le recyclage) qui traverse l’ensemble du système alimentaire, concernant tous les mangeurs quel que soit leur budget. Le volet pédagogique participe aussi à la transition environnementale en favorisant l’évolution des régimes alimentaires vers une alimentation plus durable.

4.3.2.2. Organisation de l’axe Préventif

L’organisation de l’axe Préventif serait d’abord et avant tout basée sur les Groupes locaux d’alimentation durable (GLAD). Ces GLAD, à l’image des caisses primaires de sécurité sociale, seraient mis en œuvre à l’échelle des bassins de vie. Ainsi ils s’adapteraient aux différents territoires, aux environnements et paysages alimentaires (dont l’accessibilité physique) et soutiendraient, par le biais du conventionnement, des produits et des professionnels s’inscrivant dans une perspective de systèmes alimentaires durables. La SSA devra organiser une réflexion quant aux critères de conventionnement dans un processus démocratique et mettre en place une organisation garantissant l’application de ces critères de façon égalitaire à l’ensemble des territoires tout en prenant en compte les spécificités locales.

Nous suggérons quelques pistes :

– Cette Transition vers un accès universel, égalitaire et solidaire pourrait s’appuyer sur l’ensemble des dispositifs publics existants comme par exemple les PAT évoqués ci-dessus, mais également des dispositifs moins habituels comme les MIN (Marché d’Intérêt National) dans leur mission de régulation et de répartition de l’offre alimentaire.

– Plus globalement, les plans de politique alimentaire et nutritionnelle (Programme National Alimentation et Programme National Nutrition Santé) seraient des parties prenantes de la SSA.

– La restauration collective a un rôle non négligeable (souligné par l’Avis n° 89 du CNA) dans la façon dont elle pourrait permettre de soutenir une politique universelle d’accès à l’alimentation en élargissant son rôle. Aujourd’hui, cette restauration fournit au maximum 4 à 5 repas/semaine pour les enfants scolarisés qui la fréquentent et pour les travailleurs qui ont accès à un restaurant d’entreprise. On pourrait élargir son offre en l’ouvrant plus largement à tous les publics, non seulement le midi mais aussi pour le repas du soir. Les compétences, les ressources matérielles sont déjà présentes sur tout le territoire ; il suffirait de les ouvrir en direction des populations habitant dans son périmètre. Cela pourrait contribuer à renforcer un levier de transformation des systèmes alimentaires.

 

En[ND4]  conclusion, il s’agit de passer du système actuel d’aide alimentaire, qui apporte une solution partielle aux plus précaires sans réussir à les atteindre tous[184] vers un dispositif universel de prévention de l’insécurité alimentaire. Pour ce dispositif universel, la proposition d’une Sécurité Sociale de l’Alimentation incluant un axe curatif et un axe préventif apparait comme une piste répondant aux principes directeurs que nous avons identifiés pour garantir une sécurité alimentaire durable à l’échelle du territoire, et possiblement à l’échelle européenne, et de façon pérenne. Cependant bien des aspects de cette SSA, en particulier le volet économique, restent à finaliser pour constituer une proposition complète.

La recherche publique dans une approche multidisciplinaire peut contribuer à élaborer une approche structurée d’analyse et de co-construction des deux axes (curatif et préventif) de la Sécurité Sociale de l’Alimentation, d’évaluation de l’impact et de son suivi.

 

5. Liste des encadrés, tableaux, et figures

ENCADRÉS

Encadré 1. Crise sanitaire et insécurité alimentaire en France (synthèse des constats de l’Avis n° 89 du Conseil National de l’Alimentation)

Encadré 2. La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire du 10/02/2020

Encadré 3. Proposition de critères que devrait remplir un dispositif favorable à une sécurité alimentaire durable

Encadré 4. Opticourses, un programme de promotion de la santé sur l’alimentation et le budget

Encadré 5. Dans le cadre du retour d’expérience suite au premier confinement, le CNA en appelle à la mise en place d’un droit à l’alimentation durable

TABLEAUX

Tableau 1. Répartition des denrées, selon leur origine, en 2018, pour les 4 opérateurs historiques de la filière de l’aide alimentaire (données calculées à partir d’informations du rapport IGAS 2019).

Tableau 2. Motifs de non-conformité dans l’exécution des budgets FEAD (adapté du rapport IGAS 2019)

Tableau 3. Classement des dispositifs en fonction de leur cible d’action principale (agit sur quoi ?) et des critères d’éligibilité (prévu pour qui ?)

Tableau 4. Dispositifs d’interventions généralistes et ciblant l’alimentation : critères de mise en œuvre et effets induits

FIGURES

Figure 1. Aide alimentaire (AA) et politiques publiques de lutte contre la précarité alimentaire en France et en Europe

Figure 2. Principes directeurs pour un dispositif et un contexte politique favorables à une sécurité alimentaire durable (et définitions)

Figure 3. Représentation schématique de la Sécurité Sociale de l’Alimentation

Figure 4. La Sécurité Sociale de l’Alimentation à l’aune de la santé publique

 

6. Annexes

6.1. Annexe 1 - Le programme Uniterres : la précarité alimentaire des usagers des épiceries sociales à l’épreuve de la précarité des agriculteurs

Quelques expérimentations sociales se sont déroulées où l’objectif était à la fois d’approvisionner les dispositifs d’aide alimentaire ens fruits et légumes de proximité et de soutenir la production locale (approvisionnement des Restos du Cœur de l’Hérault depuis 2011). Contrairement à certains dispositifs mis en place pour l’aide alimentaire[185], il s’agit de soutenir la production déjà existante pouvant aller jusqu’à prendre en compte la situation de précarité de certains agriculteurs.

Cette démarche a été au cœur du programme Uniterres dont l’objectif était de distribuer dans le réseau des épiceries sociales de l’ANDES des produits issus de production maraîchères d’agriculteurs en difficulté : soit pour des raisons d’installation, soit pour des raisons de reconversion en bio, soit pour des raisons de fragilité liées au modèle économique de la ferme. La précarité de ces agriculteurs[186] était donc en regard de celles des destinataires de l’aide alimentaire distribuée dans les épiceries et celle des bénévoles également précaires économiquement. Lorsque nous avons analysé ce qui se passait pour les agriculteurs mobilisés par Uniterres, nous avons fait l’hypothèse qu’il s’agissait d’un dispositif de care : care pour les agriculteurs et care pour les utilisateurs des épiceries. Les éléments analysés ne permettent pas de parler de ce qui se passe pour les utilisateurs mais de ce qu’en pensent les agriculteurs.

 

Un souci et une prise en charge des besoins des utilisateurs de l’aide alimentaire par les agriculteurs

Poser l’hypothèse que l’investissement des agriculteurs dans le programme Uniterres repose sur un rapport de care aux utilisateurs des épiceries solidaires implique de clarifier la manière dont ils portent attention aux besoins alimentaires de ces acteurs, l’attention étant, comme le souligne Tronto[187] l’une « des qualités les plus difficiles à instaurer en pratique » et reconnaissent la nécessité d’y répondre dans le cadre de leur travail et de l’exercice de leur métier.

Trois types de solidarité ont été identifiés comme formes d’engagement des agriculteurs ainsi que l’élaboration d’un indice global de résilience.

La première des formes de solidarité que nous qualifions de solidarité distante, ne se caractérise pas par un souci et une prise en charge des besoins des utilisateurs des épiceries solidaires. L’engagement dans le programme repose sur une attention aux attentes d’autres acteurs, eux-mêmes impliqués dans le programme. Les agriculteurs ne s’investissent pas dans le programme par préoccupations morales des besoins des bénéficiaires, bien qu’ils reconnaissent de manière plus générale la nécessité d’y répondre. Il s’agit de soutenir d’autres acteurs qui font partie de leur système de relations professionnelles. Il s’agit de soutenir un pair dans sa professionnalité et dans son épreuve de professionnalisation avec lequel des liens ont été préalablement construits.

En outre, les résultats de l’étude montrent que la participation d’autres agriculteurs au programme Uniterres est fondée sur un souci et une prise en charge des besoins des personnes démunies qui ont recours à l’aide alimentaire. Ils témoignent d’une attention au problème de l’accès à une alimentation de qualité pour les personnes défavorisées, et de la reconnaissance d’une réponse à ce problème par une transformation du travail en agriculture.

La deuxième forme est celle que nous avons qualifiée de solidarité réciproque : les agriculteurs dressent le constat de besoins alimentaires qui ne sont pas satisfaits pour les personnes démunies. Le problème de l’accès à une alimentation de qualité est traité par les agriculteurs à partir de préoccupations d’ordre professionnel et personnel liées à ce problème dans l’exercice de leur métier. D’abord, les agriculteurs, dont les activités agricoles s’inscrivent dans le monde professionnel de l’agriculture biologique, attestent de l’existence d’inégalités d’accès à la consommation de leurs productions, qu’ils jugent nécessaire, voire indispensable à la santé humaine. La configuration de leurs réseaux de commercialisation participe de la production de ces inégalités. Les circuits courts qu’ils développent et privilégient, tels que les marchés de plein vent ou les associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap), limitent l’accès à la consommation des biens alimentaires qu’ils produisent aux personnes appartenant à des classes sociales moyennes et aisées. Le choix de ce type de configuration est décrit comme nécessaire. La dépendance économique et sociale à l’égard de ces catégories sociales de consommateurs est un moyen de résorber la fragilité de leurs activités agricoles, et ainsi de répondre à leurs besoins professionnels et personnels par le travail. Mais l’exclusion des personnes défavorisées de ces circuits, en raison des prix de vente de leur production, en est une conséquence. Leurs discours et débats à propos de la démocratisation de la consommation de biens alimentaires issus de l’agriculture biologique révèlent que la prise en charge des besoins des personnes démunies – dont les utilisateurs de l’aide alimentaire – peut se faire à partir d’une redéfinition de l’agriculture biologique, notamment d’une reconfiguration de leurs réseaux de relations aux consommateurs. Il s’agit d’ouvrir ces réseaux à ceux qui sont dans le besoin, qui sont confrontés à la faim et l’insatisfaction alimentaire du fait de la pauvreté et de la précarité. L’investissement dans le programme Uniterres permet d’opérer ce travail d’inflexion de l’agriculture biologique, et de construire un nouveau rapport entre agriculture et aide alimentaire fondé sur le care.

Ensuite, l’expression d’un sentiment de commune vulnérabilité de la part agriculteurs envers les utilisateurs de l’aide alimentaire révèle le constat de l’existence de besoins alimentaires chez les personnes démunies. Ces besoins existent, de leur point de vue, et il est nécessaire d’y répondre. Les trajectoires socio-professionnelles des agriculteurs – dans le cas de la solidarité réciproque, il s’agit de trajectoires de reconversion et requalification professionnelles en agriculture biologique – se caractérisent par des processus de fragilisation marqués par une dégradation plus ou moins forte de leur capacité à subvenir à leurs propres besoins personnels par le travail. À l’instar des utilisateurs de l’aide alimentaire, la vulnérabilité accrue des agriculteurs, que celle-ci relève d’une situation passée ou actuelle, se caractérise par l’émergence du problème de la précarité alimentaire. Toutefois, comme le soulignent des agriculteurs, leur métier leur permet de disposer de ressources alimentaires par l’autoconsommation de leur production et des formes d’échanges avec leurs pairs. La précarité alimentaire a moins trait à la privation et à l’absence qu’à la réduction des choix alimentaires. L’altération de leur capacité à répondre à leurs besoins personnels est une expérience de la vulnérabilité des agriculteurs, qui participe d’une attention et d’une prise en charge des besoins des usagers des épiceries solidaires. S’investir dans le programme Uniterres est une manière concrète d’agir pour y répondre.

En revanche, dans la troisième forme que nous avons qualifiée de solidarité rapprochée dans ce programme, le souci et la prise en charge des besoins des usagers des épiceries solidaires s’enracinent dans une expérience de la précarité la plus prégnante, liée au phénomène d’exclusion sociale qui caractérise leurs trajectoires socio-professionnelles, et leur statut de bénéficiaire de l’aide alimentaire dispensée par l’A.N.D.E.S.

Le problème de l’accès à l’alimentation est vécu à la première personne par les agriculteurs qui sont eux-mêmes pris en charge par des épiceries solidaires. Le souci des « autres » et le souci de « soi » se chevauchent en raison d’un statut commun de bénéficiaire des épiceries solidaires. Le care pour autrui est aussi en partie un care pour soi-même. Les résultats de l’étude montrent la possibilité d’un conflit entre un rôle, d’un côté, de pourvoyeur d’un soin par l’alimentation pour des personnes vulnérables et, de l’autre, de récipiendaire de ce même soin en tant qu’individu confronté à une vulnérabilité accrue.

 

Les agriculteurs du programme Uniterres : souci de soi et prise en charge de leurs besoins

Cette étude reposait sur une deuxième hypothèse de recherche, selon laquelle la participation des agriculteurs au programme Uniterres est fondée sur un rapport de care à soi-même.

Les résultats mettent en évidence que tous les agriculteurs ne s’engagent pas dans le programme Uniterres pour répondre à des besoins. Le souci de soi diffère selon qu’ils se définissent, ou non, comme des agriculteurs en difficulté, une catégorie centrale dans la définition du programme Uniterres. L’existence de besoins diffère, selon qu’ils se situent ou non, de leur point de vue, dans un rapport de vulnérabilité accrue, à savoir, d’une dégradation forte de leur capacité à subvenir à leurs besoins par le travail. Par conséquent, les agriculteurs ne se saisissent pas de la même manière du dispositif pour répondre à leurs besoins.

Les résultats mettent en évidence que des agriculteurs qui ne se considèrent pas comme des agriculteurs en difficulté s’investissent dans le programme Uniterres pour répondre à des attentes identitaires. Dans le modèle de la solidarité réciproque, les agriculteurs dans des trajectoires de requalification et de reconversion professionnelle en agriculture biologique, pour qui la vulnérabilité accrue se conjugue au passé – mais reste toujours un risque dans l’exercice de leur métier – se saisissent du programme Uniterres pour substituer des circuits de vente qui ne répondent pas à une exigence normative du « local » – proximité géographique et social avec les consommateurs -, par une vente d’une partie de leur production agricole aux épiceries solidaires situées en région Midi-Pyrénées. On peut considérer qu’il s’agit moins de besoins, que d’attentes en termes d’identité professionnelle. Le programme Uniterres est un moyen de réaliser une idéologie du métier d’agriculteur où la norme du « local » constitue une norme professionnelle. La substitution opérée n’affecte pas leurs ressources économiques. Les prix négociés avec les acteurs du programme Uniterres leur garantissent une valeur économique jugée satisfaisante. La substitution n’affecte pas non plus la configuration de leurs réseaux de commercialisation, les circuits de vente jugés privilégiés étant préservés.

Par ailleurs, d’autres agriculteurs qui ne se définissent pas comme des agriculteurs en difficulté, participent au programme Uniterres pour répondre à des attentes relatives à l’organisation du travail. Il s’agit d’améliorer leurs conditions de vie au travail par divers changements de pratiques. La substitution de circuits de commercialisation jugés contraignants en termes déplacements, par des ventes aux épiceries solidaires via le programme Uniterres, permet de réduire la charge de travail des agriculteurs. La prise en charge par les coordinateurs d’Uniterres de la livraison et de la facturation de leur production est un aspect logistique du dispositif Uniterres qui leur permet d’effectuer cette substitution. Un autre changement de pratique consiste à créer une nouvelle production sur leur exploitation agricole, non seulement pour répondre à une demande des acteurs du programme – donc aux besoins des épiceries solidaires – mais aussi pour augmenter leurs ressources économiques. Celles-ci servent soit à fluidifier leur trésorerie, soit à réduire leur charge de travail par la prise en charge des services par le coordinateur.

Quant aux agriculteurs qui se définissent comme des agriculteurs en difficulté, leur attention porte sur la satisfaction de besoins fondamentaux. Participer au programme Uniterres est un moyen d’augmenter leurs ressources économiques afin de répondre à des besoins qui ont trait à la protection de soi et/ou au fonctionnement de leur exploitation agricole. Bien que l’étude ne permette pas de mettre clairement en évidence cet aspect, on peut penser que ces ressources supplémentaires sont mobilisées pour subvenir à des besoins fondamentaux: se soigner, se nourrir, se loger. Les processus de fragilisation qui se produisent dans les trajectoires socio-professionnelles des agriculteurs mettent en évidence un rapport entre la vulnérabilité accrue et l’alimentation. Ce rapport est prégnant dans le cas des agriculteurs dans des trajectoires de réinsertion sociale par l’agriculture, et, pour certains, de reconversion professionnelle en agriculture. De plus, ces ressources économiques supplémentaires obtenues par le soutien du programme Uniterres contribuent à des modifications de l’organisation du travail – par exemple, un investissement dans une serre en plastique pour le maraîchage – pour augmenter en quantité leurs productions agricoles, et par voie de conséquence, leurs ressources économiques par la vente de ses productions. Ces modifications améliorent ou restaurent leur capacité à répondre à leurs besoins personnels par le travail. Pour prendre en charge et traiter ces besoins, les agriculteurs en difficulté réalisent des changements de pratiques. Lorsque les agriculteurs peuvent augmenter leur production agricole, les ventes aux épiceries solidaires par le programme Uniterres s’ajoutent aux autres circuits de vente de leur réseau de commercialisation. Lorsqu’ils ne peuvent augmenter leur production, ils substituent des circuits de commercialisation jugés instables et peu rémunérateurs par les ventes aux épiceries solidaires. Dans les deux cas de figure, la participation au programme Uniterres est vue comme un point de passage obligé pour augmenter leurs ressources économiques, mais de façon temporaire.

En outre, les agriculteurs en difficulté se saisissent du programme Uniterres pour produire des appuis cognitifs et pratiques. Il s’agit, notamment pour les agriculteurs en reconversion professionnelle, d’expérimenter des connaissances et des pratiques afin de les rendre plus efficaces. L’enjeu de la participation au programme est d’améliorer leur maîtrise de la conduite de leurs cultures. Pour cela, ils profitent de la souplesse de la coordination de leurs productions avec l’approvisionnement des épiceries solidaires. Cette modalité d’engagement dans le programme Uniterres participe d’un souci de soi et d’une prise en charge de ses besoins. Elle vise à augmenter leur capacité à répondre à leurs besoins par le travail, notamment à pouvoir vivre de leur activité agricole.

 

6.2. Annexe 2 – Les principaux acteurs impliqués dans l’aide alimentaire en France

 

Acteur

Rôle

Acteurs publics

Europe

Financement FEAD (voir Annexe 4)

État (DGCS, DGAL, DGS, …)

Politiques publiques et Financement

FranceAgriMer

Marchés publics liés aux fonds européen

Collectivités (CCAS, CIAS, conseils régionaux, …)

Pilotage local, aide aux démunis et aide aux associations

Acteurs économiques et particuliers

 Agriculteurs

Dons agricoles

Entreprises (IAA, Restauration collective, GMS)

Dons de denrées et de mécénat de compétences

Entreprises ESS

Intermédiation entre les gisements de denrées des entreprises et les associations, distribution de l’aide aux utilisateurs

Fondations

Dons financiers et mécénat

Particuliers

Dons financiers, dons en denrées pendant les collectes, bénévolat

Associations caritatives et chantiers d’insertion

4 associations historiques : FFBA, Restos du cœur, Secours populaire français, Croix rouge

Gestion logistique et redistribution des denrées achetées par FranceAgrimer avec les fonds européens (FEAD)

15 associations habilitées sur le plan national, en complément des 4 associations historiques

Distribution de denrées alimentaires aux utilisateurs (des grandes associations nationales avec leurs réseaux d’antennes régionales et locales, jusqu’aux associations locales) : plus de 8000 associations locales

Associations « fournisseurs/Grossiste »

Fourniture de denrées aux associations distributrices :

  • FFBA, Restos du cœur, Croix rouge, Secours populaire (reçoivent les denrées du FEAD)
  • ReVivre : rôle de Grossiste/ prestataire logistique au profit des associations (ne reçoit pas les denrées du FEAD)
  • Solaal : association dont le but est de faciliter les dons entre le secteur agricole et les associations d’aide alimentaire nationales et habilitées.

Deux associations regroupant des épiceries sociales

Réseaux d’épiceries sociales et de chantiers d’insertion par la récupération de fruits et légumes dans les marchés de gros pour l’aide alimentaire :

-SAF-ANDES : Solidarité alimentaire France regroupant les épiceries du réseau ANDES (Association nationale des épiceries solidaires)

-UGESS : Union des Groupements des épiceries sociales et solidaires.

Associations non habilitées

Associations locales qui ne peuvent pas recevoir les denrées du FEAD et ne peuvent pas faire bénéficier leurs donateurs de la défiscalisation des dons

6.3. Annexe 3 – Dispositifs existants, conventionnels et alternatifs, d’aide alimentaire et d’accompagnement

Dispositifs conventionnels

Colis alimentaires

Distribution de denrées brutes ou élaborées, sous forme de colis ou paniers qui peuvent être élaborés par la personne elle-même selon des règles de composition pré-établies ou bien préparés à l’avance. Remise inconditionnelle et sans contribution financière

Epiceries sociales (avec ou sans animations collectives)

Epiceries portées par une collectivité ou une association fournissant des denrées alimentaires exclusivement destinées aux publics en difficulté (sur critères financiers) en échange d’une participation financière, dans un lieu et selon des principes de fonctionnement qui se rapprochent de ceux d’un commerce de proximité. L’accès est généralement limité dans le temps.

Epiceries solidaires (avec ou sans animations collectives)

Epiceries ayant un fonctionnement qui repose sur la mixité des publics et une double tarification (avec des achats au prix du commerce classique ou à un prix plus élevé pour permettre à d’autres de bénéficier d’une tarification sociale. Accès au tarif réduit sous conditions de ressources, et généralement limité dans le temps.

Ateliers cuisine

Atelier d’échange sur la préparation des aliments (recette, transformation…) et l’équilibre alimentaire, généralement suivi d’un repas partagé.

Cuisinette mobile

Cuisinette sur roulettes transportable dans un utilitaire permettant de faire des ateliers cuisine dans des structures ne possédant pas de cuisine homologuée (ex. cuisinette mobile des Banques Alimentaires)

Distribution de repas

Distribution de denrées prêtes à être consommées, servies dans des centres fixes ou mobiles (camionnettes itinérantes). Remise inconditionnelle et sans contribution financière.

Restaurants sociaux

Restaurant accessible sur critères financiers, avec participation financière.

Restaurants sociaux et solidaires

Restaurant ouvert à tous, avec double tarification. Accessibilité au tarif « solidaire » se fait selon des critères financiers (critères contrôlés en amont par le 115, une association de lutte contre la pauvreté, etc.).

Chèque d’accompagnement personnalisé (CAP) ou chèques service pour alimentation, bons alimentaires

Chèques, tickets ou bons alimentaires attribués sur critères financiers et permettant l’achat de produits alimentaires dans des magasins partenaires.

Aide en espèce

Aide financière d’urgence

Dispositifs alternatifs

Paniers solidaires

Paniers de produits alimentaires (généralement bio) constitués en partenariat direct avec des producteurs locaux, à tarif réduit pour les personnes en situation de précarité (orientées vers ce dispositif par des structures sociales).

Groupements d’achats dans les QPV

Achats groupés de produits (alimentaires entre autres) bio (ou non) et en circuit court, dans les quartiers populaires d’un territoire. Commandes proposées mensuellement. Livraison et reconditionnement des produits organisés dans chaque quartier (généralement dans un centre social) par et pour les habitants, par ex : VRAC.

Supermarché coopératif

Supermarché à but non lucratif, accessible aux coopérateurs et auto-géré, i.e. les coopérateurs participent au financement, à la gouvernance et s’occupent de toutes les tâches nécessaires au fonctionnement.

Marché de plein vent dans les QPV

Marché de plein vent assuré majoritairement par des revendeurs et situé dans les quartiers de la politique de la ville (QPV)

Cuisine collective

Lieu mettant à disposition du matériel nécessaire pour cuisiner.

Ateliers thématiques

Ateliers de sensibilisation, information, échange, pour aller vers une alimentation durable par ex: ateliers nutrition, ateliers Opticourses (approvisionnements équilibrés avec un petit budget), Démocralim (comprendre le système alimentaire), ateliers sur le gaspillage alimentaire, etc.

Jardin partagé dans les QPV

Jardin regroupant des parcelles individuelles et/ou collectives cultivées par les jardiniers, et gérées avec le soutien de la municipalité et/ou d’une association de quartier.

Camion cuisine

Camion itinérant proposant des ateliers cuisine

Epicerie sociale mobile

Epicerie sociale itinérante se déplaçant pour aller vers les personnes isolées, en zone rurale notamment.

Tiers lieux liés à l’alimentation dits « nourriciers »

Les Tiers-Lieux[188] sont des espaces de vie qui ne relèvent ni du domicile ni du travail, qui associent fabrication, services et réseau d’échanges, dans un cadre convivial et accessible, créateur de liens. Une partie des tiers-lieux liés à l’alimentation dits « nourriciers » portent une attention aux publics vulnérables.

Listes de courses de la grande distribution

Proposition par la grande distribution de listes de courses hebdomadaires à faible coût et équilibrées (ex: proposition de Leclerc de listes d’achat pour 21 repas à 21€).

Programme Malin

Le programme Malin[189] est un dispositif mixte (« aller-vers », accompagnement, accessibilité financière, accessibilité physique) destiné aux enfants de 6 à 24 mois de familles précaires et à leurs parents. Il est en phase d’essaimage à l’échelle nationale.

Restauration scolaire avec tarification sociale

La tarification des repas scolaires différente selon les conditions de ressources est ancienne. La nouveauté est d’une part la tentative d’homogénéisation des modalités et d’autre part sa généralisation (voir Annexe 8).

 

 

 

 

6.4. Annexe 4 – Le financement européen de l’aide alimentaire : Le PEAD (1987–2014), FEAD (2014–2020) et FSE+ (depuis 2021)

Le Conseil européen crée en 1987 le Programme Européen d’Aide aux Démunis (PEAD). Le PEAD reposait sur un mécanisme de trocs de certaines matières premières (viande, lait, sucre, riz etc.) destiné à gérer les excédents des stocks d’intervention de la PAC. A partir de 1992, il est nécessaire de compléter les surplus par des achats de denrées et l’Europe alloue des budgets pour cela. Plus la réforme de la PAC porte ses fruits, moins l’agriculture européenne génère de surplus et plus il faut compenser par des budgets fléchés pour l’achat de denrées pour les plus démunis. Le budget de 100 Millions€ en 1987 atteint 500 Millions€ en 2010, à savoir 0,9% du budget de la PAC.

En 2011, une décision de la Cour de justice européenne (CJUE)[190] reconnaît le PEAD comme une action sociale et le transfère dans le Fonds Social Européen. Le Fond Européen d’Aide aux plus Démunis (FEAD) prend ainsi le relais du PEAD en 2014.

Le FEAD[191] reprend les objectifs du PEAD et y ajoute une assistance matérielle de base aux plus démunis (vêtements, chaussures, produits d’hygiène…).

Cette assistance matérielle doit s’accompagner de mesures d’assistance non matérielle et d’intégration sociale, notamment des services de conseil et d’assistance visant à aider les personnes à sortir de la pauvreté et à s’insérer dans la société.

Sur la période 2014–2020, le FEAD a été doté d’un budget de 3,8 milliards d’euros. Pour bénéficier de ces fonds, les pays de l’UE s’engagent, entre autres, à :

    • compléter les montants du FEAD à concurrence (a minima) de 15% ;
    • rendre compte très précisément de la manière dont ces budgets sont dépensés ;
    • s’assurer que les denrées alimentaires (et autres produits) achetés par le FEAD ne soient jamais vendus aux utilisateurs de l’aide alimentaire ;
    • s’assurer de la traçabilité des flux de denrées issues du FEAD.

 

En France, la totalité des fonds européens sont consacrés à acheter des denrées alimentaires. La France met en route une procédure d’habilitation nationale et régionale. Pour simplifier les procédures de contrôle du bon usage des deniers publics, les quatre associations historiques (les Restaurants du Cœur, la Croix Rouge française, le Secours populaire français et la Fédération française des banques alimentaires) sont habilitées au niveau national à recevoir des contributions publiques provenant des financements européens. De plus, neuf nouvelles associations sont habilitées à l’échelle nationale en 2014 et elles sont au nombre de 19 en 2021 (les quatre associations historiques comprises).

Cependant, dans le cadre du FEAD la distribution des produits (denrées alimentaires, produits d’hygiène, vêtements, etc.) doit être gratuite. Les 729 épiceries sociales et solidaires alors existantes en 2014 dont l’objectif est de vendre à bas coût, sont donc exclues de ce financement. La France met en place une ligne budgétaire pour continuer de les subventionner : le Crédit National Epiceries Sociales (CNES). L’Etat a également gardé le principe d’un financement pour ses services déconcentrés en direction des associations de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale qui ne sont pas directement concernées par les financements de l’aide alimentaire : par exemple les Centres d’Hébergement et Réinsertion Sociale. Le budget en 2014 est de 15,5 Millions € réparti à 50% pour chacun de ses deux types interventions.

A chaque campagne annuelle du FEAD, les crédits sont répartis entre ces quatre associations. Elles décident alors, en fonction de leurs besoins, comment les répartir entre la trentaine de denrées qu’il est possible d’acheter via FranceAgriMer (organisme public Français chargé de la passation des marchés publics de produits « étiquetés FEAD »). Ces associations distribuent ensuite ces denrées via leurs réseaux propres ou d’autres associations (locales et habilitées). L’accès à cette aide alimentaire est prescrit par les travailleurs sociaux employés par les Conseils Départementaux, CCAS et les CIAS et les associations habilitées (par exemple, les travailleurs sociaux de Médecins du Monde).

A partir de l’année 2021, le FEAD est intégré au Fond Social Européen + (FSE+). Début 2020, les associations, soucieuses de la pérennité de leurs ressources, craignaient une possible baisse des montants alloués, voire leur suppression ou dilution dans d’autres formes d’action. La crise du Covid et ses impacts actuels et surtout futurs sur la précarité alimentaire a orienté le choix vers la conservation, au sein du FSE+, d’un programme spécifique consacré à l’aide alimentaire et à l’accompagnement des personnes les plus démunies, dans le cadre de l’objectif 11 « lutter contre la privation matérielle en apportant une aide alimentaire et/ou une assistance matérielle aux personnes les plus démunies, y compris en prenant des mesures d’accompagnement ».

In fine, les montants alloués ont fortement progressé. Avec une dotation de 869 millions d’euros sur l’horizon 2021–2027, la France voit son financement augmenté de 50% environ[192]. Il a été choisi de reproduire à l’identique l’organisation et la gestion de ces fonds[193].

 

6.5. Annexe 5 – Des habitantes et des professionnelles du secteur social s’expriment sur l’insécurité alimentaire dans leur quartier

De nombreuses idées sont discutées actuellement pour améliorer l’accès de tous à une alimentation durable mais les débats associent trop peu les personnes concernées et prennent difficilement en compte les réalités territoriales. L’objectif du projet Sécalim était de leur donner la parole : la question de la lutte contre l’insécurité alimentaire a fait l’objet d’une réflexion collective au sein de groupes de discussion organisés en février et mars 2021 sur deux territoires de la Métropole Aix-Marseille-Provence[194]. Les participantes[195] ont échangé sur la question de l’accès à l’alimentation dans leur quartier et sur les moyens, existants ou à inventer, pour lutter contre l’insécurité alimentaire. Les conclusions définitives du projet seront disponibles fin 2021, mais il nous a semblé important de rendre compte sans tarder des graves situations d’insécurité alimentaire et d’indignité relatées dans ces groupes de discussion.

A Marseille, les réunions se sont tenues à Frais-Vallon. Un groupe a réuni des professionnelles du secteur social et deux groupes ont été formés avec des habitantes du quartier. Frais-Vallon est un quartier prioritaire situé au Nord Est de Marseille. De la taille d’une petite ville de 6000 habitants, c’est l’un des quartiers les plus pauvres de la ville, avec plus de la moitié des habitants vivant sous le seuil de pauvreté. Alors que la crise sanitaire s’est durablement installée depuis un an, c’est à plus de dix ans en arrière que sont spontanément remontées les habitantes comme les professionnelles pour expliquer la dégradation de l’accès à l’alimentation dans leur quartier. Un magasin discount était précédemment implanté au pied d’un des bâtiments mais il a fermé en 2008 et le local est resté vacant depuis. C’est ce manque d’un commerce de proximité proposant une offre alimentaire (et d’hygiène) diversifiée – à des prix considérés comme abordables pour la majorité des habitants – qui a été spontanément cité à plusieurs reprises comme le point noir en termes d’accès à l’alimentation à Frais Vallon. L’absence de commerces alimentaires pénalise en premier lieu les personnes âgées, les femmes seules avec enfants, et celles et ceux qui ne possèdent pas de moyen de transport personnel.

Ceci n’est pas sans rappeler le concept anglo-saxon de « désert alimentaire »[196], mais ce terme ne doit pas masquer le fait que l’offre alimentaire n’est pas le seul service qui fasse défaut dans les quartiers pauvres. Dans un rapport très récent sur l’attractivité des quartiers prioritaires[197], la Cour des Comptes fait mention d’une « dévitalisation » du tissu économique et commercial de ces quartiers, très marquée au cours des dernières années. La forte concentration de ménages pauvres et le manque de « critères de commercialité » attendus par les opérateurs (visibilité depuis les voies principales, accessibilité piétonne et automobile, ouverture à l’espace public…) rebute les investisseurs. Le rapport stipule explicitement : « Alors que le développement des supermarchés répond potentiellement aux attentes des habitants des quartiers, le faible pouvoir d’achat sur place et la persistance d’enjeux de sécurité aigus rendent ces derniers peu rentables pour les grandes enseignes de distribution ».

A la question « qu’est-ce qui est accessible en termes d’alimentation sur Frais Vallon ? », les habitantes répondent en décrivant l’existence de distribution d’aliments dans la rue, à même le sol ou au « cul du camion ». Certaines de ces distributions relèvent de l’aide alimentaire, d’autres pas (revente en pied d’immeuble de produits achetés dans la grande distribution par exemple), mais dans tous les cas, ce qui frappe et ce qui est unanimement dénoncé dans les groupes de discussion, c’est le manque de locaux adaptés à ces activités, et l’indignité de ces pratiques : "Et puis c’est indécent. On pose la marchandise à même le sol. Il y a du goudron. On dirait que c’est pour les chiens. C’est pas pour les humains. Et ça c’est dégradant. Moi quand je vois ça, j’ai envie de pleurer. » (Habitante).

Les professionnelles soulignent le manque de transparence de ces pratiques (« Justement, c’est beaucoup trop opaque pour dire de quoi il en retourne exactement »). Certains de ces vendeurs ambulants passent par le circuit classique d’achats auprès du Marché d’Intérêt National, mais d’autres vendent des produits qui leurs sont donnés (par des distributeurs comme Casino ou Carrefour ou des « grandes entreprises ») du fait de leur agrément avec une association d’aide alimentaire. Ces produits sont souvent en fin de vie ou périmés, et pas beaucoup moins chers que les produits d’entrée de gamme du supermarché.

Dans la rue, il y a aussi des distributions gratuites. Mais les habitantes décrivent des pratiques qui sont au pire opaques, et au mieux désorganisées. L’information se fait parfois par voie d’affichage, mais le plus souvent c’est le bouche-à-oreille qui fonctionne. Une habitante témoigne : « Ils donnent même à ceux qui ne sont pas du quartier. On voyait tout le monde redescendre avec des colis. On demandait ce que c’était. On ne nous répondait pas. Et après, un jeune homme nous a dit : mais pourquoi, quand même, toi aussi, pourquoi tu n’y vas pas ? Alors il a pris notre numéro de téléphone et il a appelé ». Elles sont plusieurs à confirmer ce manque de transparence : « On est mal renseignées ». « On est au courant de rien ». Plusieurs dénoncent une forme de favoritisme : « Je vais vous dire, ils ont leurs têtes ». « C’est toujours les mêmes parce qu’elles ont le numéro de téléphone, 10 femmes ou 15 femmes. C’est toujours les mêmes têtes. Et c’est les premiers servis ». Une autre corrige : « Non pas les premiers ! Les premiers qu’ils connaissent ». Une autre renchérit : « On a la haine. Ils n’aident pas les gens qu’il faut ».

La critique des conditions dans lesquelles se déroulent ces distributions est sans appel : c’est désorganisé (« Le premier qui arrive, il choisit, il a le droit ». « On attend de 9h jusqu’à 13h et on n’a rien du tout. Sa méthode, elle est pas la bonne. » une habitante), ce n’est pas équitable (« Il y en a qui prennent 10 packs de lait, et après y en a plus » une habitante), il n’y a pas de confidentialité (« Il y a des vingtaines de personnes qui attendent. Ils sont collés et le camion n’est pas là, il faut un local » une habitante), et la dignité n’est pas respectée (« Les enfants passent, ils voient leurs parents faire la queue pour récupérer des trucs", une professionnelle). L’hygiène ( »A côté des poubelles, laisser les gens s’agglutiner…" une habitante) et la sécurité sanitaire (« Parfois on n’a pas le choix, même si c’est périmé, on est content » une habitante) ne sont pas assurées. Ces pratiques se sont intensifiées du fait de la crise sanitaire, en particulier du fait du premier confinement, en mars-avril 2020, mais elles existent depuis longtemps, et semblent s’être développées « en réponse » à la fermeture du commerce alimentaire discount en 2008.

Les professionnelles expriment une forte frustration de ne pas pouvoir répondre aux difficultés des habitants. Elles sont prises dans un dilemme très inconfortable : faut-il dénoncer ces pratiques douteuses au risque d’aggraver les difficultés des familles qui y ont recours (« Mais en même temps, ça rend un vrai service ». « On n’a rien à mettre à la place ». « Ma question c’est qu’est-ce qu’on pourrait mettre en place pour que les habitants puissent acheter dignement, et pas cher, voilà, moi c’est ça ma question, mais j’ai pas la réponse, hein ! »).

A propos de ces ventes, qualifiées de « ventes sauvages », une professionnelle résume ainsi la situation : « En fait c’est devenu un commerce, un business, et la personne qui aurait besoin de son petit colis à 3 euros… et bien il n’existe plus sur le quartier » (une professionnelle). Une association nouvellement installée dans les locaux de la maison de quartier (équipement municipal) distribue bien des colis à ses adhérents, mais l’adhésion (qui permet aussi l’accès à d’autres services) est payante. « Moi je dis, les gens, y en a qui ne peuvent pas payer, par exemple l’adhésion, c’est 33 euros, pour aller chercher, une fois par mois, un colis. Qu’ils demandent des adhésions pour le reste » (une habitante). Une autre association donne de temps en temps un colis, mais c’est une aide ponctuelle et aléatoire. « Ça dépend de ce qu’ils ont. Parfois c’est beaucoup, parfois rien. On ne peut pas compter dessus" (une habitante).

En ce qui concerne l’aide alimentaire classique, la directrice du centre social où se sont déroulés les groupes de discussion Sécalim à Martigues résume le problème en un mot : « décalage ». Il y a un décalage temporel, car l’aide arrive souvent trop tard par rapport aux besoins de la personne et il y a un décalage de contenu, car ce qui est donné ne répond pas toujours aux attentes, besoins et/ou possibilités des personnes. Les colis peuvent ne pas être adaptés à la taille du foyer, ou bien contenir des produits qui ne font pas partie du répertoire alimentaire des personnes, ou qu’elles ne sont pas en mesure de stocker ou de préparer. Elle cite aussi le cas de « dispositifs qui ne rencontrent pas leurs publics », notamment pour certaines initiatives innovantes : ainsi, une AMAP avait été montée au pied du centre social de Martigues, mais cela n’a pas tenu. A Frais Vallon, une professionnelle confirme « Les dossiers à monter pour bénéficier d’une aide alimentaire sont très lourds, c’est plutôt pensé pour des personnes qui sont déjà dans des systèmes d’aide. Les migrants et les Roms sont exclus de ces systèmes. ». Les étudiants et les travailleurs journaliers bénéficient aussi plus difficilement de colis alimentaires.

Ces décalages et cette inadaptation sont une des raisons du non-recours à l’aide alimentaire. Des personnes qui en auraient besoin n’y ont pas droit du fait de critères administratifs restrictifs (« Les Restos du cœur, c’est bien organisé, mais il faut juste y avoir droit, ça c’est compliqué », une habitante). L’impression de n’être pas concerné, le manque d’information, les difficultés d’accès (éloignement, horaires et périodes d’ouverture restreints…) expliquent aussi le non-recours[198]. Mais un autre frein, explicitement évoqué par plusieurs habitantes des groupes de discussion, c’est tout simplement la honte : « Y a plus que moi. Ils ont beaucoup moins que moi. C’est pour ça que je laisse. J’ai honte de m’adresser à des trucs comme ça ». « De toutes façons, les gens qui n’ont pas les moyens, ils vont nulle part. Ils ont honte. Moi je le vois comme ça. Ils ont honte. »

En réalité, les multiples raisons du « non-recours » à l’aide alimentaire et l’inadaptation de cette aide à la diversité des attentes, besoins et possibilités des personnes en situation d’insécurité alimentaire, sont connus depuis longtemps et ont fait l’objet d’analyses détaillées et de préconisations, notamment en 2014 dans le cadre d’une étude financée par le programme ministériel du ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de forêt (MAAF) et par FranceAgriMer[199]. Mais force est de constater que ces préconisations n’ont pas été suivies d’effets dans les territoires, comme en témoigne le cas – peut être emblématique, mais sûrement pas isolé – de Frais Vallon.

Face à un système qui porte atteinte à la dignité et à l’autonomie des personnes, des professionnelles ont exprimé leur révolte : « Aujourd’hui on est dans la culpabilité à l’extrême : Ah ouais, tu touches le RSA, alors tu dois démontrer que tu le mérites… mais nous on parle d’équité ! ». L’une d’elle conclut que ce problème devrait être abordé de façon radicalement différente, sous l’angle du droit : « Rien que le nom  »aide"… je vais t’aider…non, l’objectif c’est de rétablir des droits pour des gens qui sont en grandes difficultés, avec un s !".

 

Annexe 6 – Guide d’aide au remplissage : Remontées de données trimestrielles et départementales sur l’aide alimentaire, pour le dispositif de suivi de l’aide alimentaire mis en place en février 2021[200]

 

Annexe 7 – A propos de la notion d’empowerment

En nous appuyant sur les travaux de Baqué et Biewener[201], nous proposons une définition de l’empowerment comme processus par lequel un individu ou un groupe acquiert les moyens de renforcer ses pouvoirs d’être, de décider, d’agir, et ainsi, de s’émanciper. Cette définition s’inscrit dans une vision historique et une critique de la façon dont différents acteurs et secteurs s’approprient cette notion.

Historiquement la notion d’empowerment apparaît au milieu du XIXe siècle et signifie à la fois la description des rapports de pouvoir et les actions pour accéder aux pouvoirs. Le pouvoir est central dans la notion d’empowerment et « s’accompagne d’un processus socio-politique qui articule une dynamique individuelle d’estime de soi et de développement de ses compétences avec un engagement collectif et une action sociale transformatrice » (Bacqué, Biewener, p. 144).

Son appropriation dans une multiplicité de champs, repris tant en Amérique du Nord, en Amérique latine, en Asie du sud-est, en Afrique du Sud qu’en Europe (et entre autres en France) en a fait une notion dont les frontières sont devenues floues. Pour autant, le fondement de l’empowerment est bien le pouvoir et le processus pour y parvenir. Cette notion a donc une trajectoire éprouvée à travers l’histoire, en particulier dans les luttes sociales (droits civiques aux Etats-Unis, mouvements féministes nationaux et transnationaux, mouvement des sans-terre au Brésil, etc.). Cette actualisation de la notion à partir des années 1970 la met dans une « chaîne d’équivalence » selon les acteurs qui se l’approprient, à savoir l’action sociale, les politiques publiques et le développement international. L’assimilation de la notion d’empowerment par les politiques publiques et le développement international y injectent une approche gestionnaire qui fige le processus, qui devient ainsi une série de procédures pour faire de l’empowerment. Ces procédures permettent aux institutions et aux politiques publiques de définir des méthodologies d’intervention : par exemple, la participation des usagers est requise comme façon d’évaluer la pertinence et l’impact des programmes sociaux. Ainsi, la participation et l’approche participative sont quantifiées en vue de résumer l’empowerment, mais en même temps l’appauvrissent de son contenu. L’empowerment est alors convoqué par les acteurs institutionnels des politiques publiques de façon lisse, empêchant les relations conflictuelles liées au rapport social comme celui des bénévoles distributeurs de l’aide alimentaire sur les utilisateurs de celle-ci. Au nom du pouvoir d’agir, il s’agit plutôt du « pouvoir faire » des populations et certainement pas « du pouvoir sur » une alimentation choisie et sa reconnexion aux conditions de sa production. En outre, quand ce « pouvoir sur » est mis en avant par les associations ou structures parapubliques, il s’agit pour les publics destinataires d’accepter les intermédiaires et la délégation leur est imposée. Si toutes les approches dites d’empowerment reconnaissent une réappropriation individuelle (ou personnelle), il ne s’agit jamais du pouvoir politique englobant le pouvoir économique, c’est-à-dire de décision collective sur les conditions de satisfaire les besoins ordinaires (manger, se loger, se soigner, se déplacer, etc.).

 

Annexe 8 – La cantine scolaire : un enjeu de justice sociale ?

D’après l’introduction bibliographique du manuscrit de thèse de Mme Romane Poinsot. « Place de l’offre végétarienne en restauration scolaire pour concilier nutrition et environnement : le cas français ». Thèse sous la direction de Nicole Darmon, Présentée par Romane Poinsot le 30 septembre 2021. UMR MOISA, Ecole Doctorale GAIA, Université de Montpellier.

 

En France, depuis le 27 janvier 2017, l’accès à la cantine scolaire doit être garanti pour tous les enfants, selon l’article L. 131–13 du code de l’éducation qui indique que « L’inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés. Il ne peut être établi aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille. »[202]. Le problème est que les élèves issus de milieux défavorisées sont 40% à ne pas manger à la cantine contre 22% des enfants issus de milieux favorisés et 17% parmi les très favorisés[203]. Notons cependant que les raisons financières ne sont pas les seules à expliquer la non fréquentation de la cantine. En effet, selon une étude sur les consommations alimentaires et apports nutritionnels dans la restauration hors foyer en France basée sur les données de l’étude INCA3, seulement 8,7% des enfants qui ne déjeunaient pas à la cantine (en maternelle et primaire) ne le faisaient pas à cause d’un prix considéré comme trop élevé par leurs parents[204]. Les raisons de non fréquentation plus souvent invoquées sont la présence du parent à la maison, l’éloignement de l’école, la disponibilité des grands-parents… (mais l’étude ne précise pas comment ces réponses se distribuent en fonction du statut socio-économique des enfants).

La tarification sociale de la restauration scolaire qui permet aux enfants de bénéficier de repas à un coût dépendant du revenu de leurs parents constitue un levier intéressant en termes de lutte contre les inégalités de santé (même si, comme nous l’avons indiqué ci-dessus, les contraintes budgétaires ne sont pas les seules à expliquer la non-fréquentation de la cantine). En effet, si la tarification sociale était généralisée avec des modalités de mise en œuvre homogènes sur le territoire, elle pourrait répondre au principe d’universalisme proportionné, qui consiste à promouvoir des politiques et des interventions dont l’intensité est proportionnelle aux besoins des groupes dans la population[205]. Une étude de l’Association des Maires de France (AMF) indique que trois quarts des communes de moins de 10 000 habitants étaient encore dépourvues de tarification sociale en 2020[206]. Depuis avril 2019, une nouvelle politique a été enclenchée par l’Etat pour favoriser la mise en place par les communes de mesures de tarification sociale de la cantine : pour chaque repas facturé 1€ (ou moins) aux familles des enfants en maternelle et élémentaire, l’Etat verse une subvention de 2€ aux communes éligibles à la fraction « Péréquation » de la dotation de solidarité rurale qui en font la demande[207]. La grille tarifaire de restauration scolaire doit prévoir au moins trois tranches dont une à moins de 1€ et une à plus de 1€ et une délibération doit fixer cette tarification sociale, avec une durée fixe ou illimitée. En janvier 2021, la subvention est passée de 2€ à 3€ par repas. Les repas à 1€ s’inscrivent dans le cadre de la stratégie de prévention de lutte contre la pauvreté. En mai 2021, une commune sur cinq avait mis en place une tarification sociale des cantines et 1,4 million de repas à 1€ ou moins ont été servis à 18 000 élèves dans 241 communes[208]. Notons que le déploiement a été ralenti par la crise sanitaire et que cette initiative connait quelques freins dans les petites communes où la gestion peut être difficile et où les familles ne souhaitent pas toujours communiquer leurs revenus.

 

7. Liste des acronymes

AFSSA : Agence française de sécurité sanitaire des aliments

ANSES : Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail

BSN : Baromètre santé nutrition

CCAS : Centres communaux d’action sociale

CNA : Conseil national de l’alimentation

CNES : Crédit national des épiceries sociales

COCOLUPA : Comité national de coordination de la lutte contre la précarité alimentaire

FEAD : Fonds européen d’aide aux plus démunis

FES+ : Fonds européen de solidarité +

FFBA : Fédération française des banques alimentaires

GLAD : Groupements locaux d’alimentation durable

MIN : Marché d’intérêt national

PAT : Projets alimentaires territoriaux

PEAD : Plan européen d’aide aux plus démunis

PNNS : Programme national nutrition santé

SSA : Sécurité sociale de l’alimentation


[1] Le seuil de pauvreté monétaire, fixé à 60 % du niveau de vie médian, est égal à un revenu disponible de 1 063 euros par mois pour une personne seule, 1 594 euros pour un couple sans enfant et 2 231 euros pour un couple avec deux enfants de moins de 14 ans. Voir Revenus et patrimoine des ménages, Insee Références, Edition 2021. https://www.insee.fr/fr/statistiques/5371304

[2] Rey-Lefebvre I, Gagnebet P, Rof G, Schittly R, Keltz, Pouille J, « Covid-19 : la crise sanitaire a fait basculer un million de Françaises et de Français dans la pauvreté », Le Monde, 6 octobre 2020.

[3] https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/communique-de-presse/suivi-mensuel-des-prestations-de-solidarite-pendant-la-crise-sanitaire-5

[4] Alessandrin A, Meidani A. « Les quartiers prioritaires sont les grands perdants de la crise sanitaire », The Conversation, 31 mars 2021, https://theconversation.com/les-quartiers-prioritaires-sont-les-grands-perdants-de-la-crise-sanitaire-157000

[5] Trostiansky O, Joseph D. Crise sanitaire et inégalités de genre, Avis du Conseil Economique et Social, 24 mars 2021. https://www.lecese.fr/travaux-publies/crise-sanitaire-et-inegalites-de-genre

[6] Stettinger V, Danet M. « Comment la pandémie fragilise les enfants pauvres », The Conversation, 11 avril 2021 https://theconversation.com/comment-la-pandemie-fragilise-les-enfants-pauvres-150404 

[7] Dress/Insee. Communiqué de presse du 26 juillet 2021. Aide alimentaire : une hausse prononcée des volumes distribués par les associations en 2020. https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/communique-de-presse/aide-alimentaire-une-hausse-prononcee-des-volumes-distribues-par-les

[8] L’avis n° 89 du CNA indique que « le gouvernement français a débloqué 39 millions d’euros pour l’aide alimentaire en avril 2020, puis 55 millions d’euros en juillet 2020 pour l’achat de denrées pour les associations et financement des tickets services (bons alimentaires) permettant à des sans-abris ou à des ménages fragilisés par la crise sanitaire d’acheter des produits de première nécessité. »

[9] https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/cp_-_lancement_du_plan_d_actions_de_transformation_de_l_aide_alimentaire_et_de_lutte_contre_la_precarite_alimentaire___08_juillet_2021.pdf 

[10] « Retour d’expérience de la crise Covid 19. Période du premier confinement national », Avis n° 89 du CNA adopté le 7 juillet 2021.

[11] Production (pertes et gaspillages augmentés, baisse de revenu des producteurs…) ; distribution (avec des répercussions sur la disponibilité et le prix des produits…) ; restauration (fermeture des restaurants et de la restauration collective et scolaire) et consommation (baisse de la fréquentation des hypermarchés, augmentation des approvisionnements en circuits courts et des achats en ligne…).

[12] Anonymous. Core indicators of nutritional state for difficult-to-sample populations. J Nutr 1990, 120 (suppl 11): 1559–1600.

[13] Il s’agit d’une des nombreuses définitions de la sécurité alimentaire, telles qu’exposées dans le document du Comité de la Sécurité Alimentaire mondiale : « S’entendre sur la terminologie ». Rome (Italie), 39e session. 15–20 octobre 2012. http://www.fao.org/3/md776f/md776f.pdf

[14] Wresinski, J (1987) Grande pauvreté et précarité économique et sociale. Avis et rapports du Conseil Economique et Social, séance des 10 et 11 février, JOF n° 6, p. 6.

[15] Dominique Paturel. Insécurité alimentaire et précarité alimentaire. Etats Généraux de l’Alimentation, Atelier 12, Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. FRA., Oct 2017, Paris, France. 5 p. https://hal.inrae.fr/hal-02791270

[16] Afssa (2009). Etude Individuelle Nationale des Consommations Alimentaires 2 (INCA 2) (2006–2007). Rapport Afssa

[17] Bocquier A, Vieux F, Lioret S, Dubuisson C, Caillavet F, Darmon N. Socioeconomic characteristics, living conditions and diet quality associated with food insecurity in France. Public Health Nutr. 2015;18(16):2952–2961.

[18] Darmon N, Bocquier A, Lydié N. « Nutrition, revenus et insécurité alimentaire » -pp272–301, in Baromètre Santé Nutrition 2008 dir. Escalon H., Bossard C., Beck F. Saint-Denis, coll. Baromètres santé, 2009 : 424 p.

[19] Anses, Troisième étude individuelle nationale des consommations alimentaires (Etude INCA3). Avril 2017. https://www.anses.fr/fr/content/inca-3-evolution-des-habitudes-et-modes-de-consommation-de-nouveaux-enjeux-en-mati%C3%A8re-de 

[20] Caillavet F, Dufour A, Lucas E, Pierrard L, Schneider E, Volatier JL, Huneau JF, Dubuisson C. Consommations alimentaires et apports nutritionnels des adultes en situation d’insécurité alimentaire dans l’enquête individuelle nationale des consommations alimentaires 3. Journées Francophones de Nutrition. Rennes 27–29 Novembre 2019.

[21] Caillavet F, Castetbon K, Darmon N. « Insécurité alimentaire » pages 203–226, in Expertise collective INSERM « Inégalités sociales de santé en lien avec l’alimentation et l’activité physique ». (Editions INSERM, avril 2014, ISBN 978–2–85598–914–3).

[22] Caillavet F, Dufour A, Lucas E, Pierrard L, Schneider E, Volatier JL, Huneau JF, Dubuisson C. Consommations alimentaires et apports nutritionnels des adultes en situation d’insécurité alimentaire dans l’enquête individuelle nationale des consommations alimentaires 3. Journées Francophones de Nutrition. Rennes 27–29 Novembre 2019.

[23] Darmon N, Bocquier A, Lydié N. « Nutrition, revenus et insécurité alimentaire » -pp272–301, in Baromètre Santé Nutrition 2008 dir. Escalon H., Bossard C., Beck F. Saint-Denis, coll. Baromètres santé, 2009 : 424 p.

[24] Bocquier A, Vieux F, Lioret S, Dubuisson C, Caillavet F, Darmon N. Socioeconomic characteristics, living conditions and diet quality associated with food insecurity in France. Public Health Nutr. 2015;18(16):2952–2961.

[25] Darmon N. « Coût et qualité nutritionnelle de l’alimentation » pages 275–306, in Expertise collective INSERM « Inégalités sociales de santé en lien avec l’alimentation et l’activité physique ». (Editions INSERM, avril 2014).

[26]Grange D, Castetbon K, Guibert G, Vernay M, Escalon H, Delannoy A, Féron V, Vincelet C. Alimentation et état nutritionnel des bénéficiaires de l’aide alimentaire. Etude Abena 2011–2012 et évolutions depuis 2004–2005. Année de publication 2013. 184 p. https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/nutrition-et-activite-physique/documents/rapport-synthese/alimentation-et-etat-nutritionnel-des-beneficiaires-de-l-aide-alimentaire.-etude-abena-2011–2012-et-evolutions-depuis-2004–20052

[27] ObEpi. (2012). Enquête épidémiologique nationale sur le surpoids et l’obésité. http://www.roche.fr/content/dam/corporate/roche_fr/doc/obepi_2012.pdf . A notre connaissance, il n’existe pas de données publiées plus récentes concernant la prévalence de l’obésité de l’adulte en fonction du revenu en France.

[28] Cameron, A. J., Spence, A. C., Laws, R., Hesketh, K. D., Lioret, S., & Campbell, K. J. (2015). A Review of the Relationship Between Socioeconomic Position and the Early-Life Predictors of Obesity. Current Obesity Reports, 4(3), 350–362. https://doi.org/10.1007/s13679–015–0168–5

[29] Darmon N. « Plus on est riche, moins on risque d’être obèse », l’Humanité des débats, 20 février 2010.

[30] Inserm. (2014). Inégalités sociales de santé en lien avec l’alimentation et l’activité physique. Collection Expertise Collective, 747.

[31] Universalisme proportionné : « Pour réduire la pente du gradient social de santé, les actions doivent être universelles, mais avec une ampleur et une intensité proportionnelles au niveau de défaveur sociale. C’est ce que nous appelons universalisme proportionné. Une plus grande intensité d’action sera probablement nécessaire pour ceux qui ont un plus grand désavantage social et économique, mais se concentrer uniquement sur les plus défavorisés ne réduira pas le gradient de santé et ne s’attaquera qu’à une petite partie du problème ». (Marmot, M., Fair society, healthy lives. Strategic review of health inequalities in England post-2010. The Marmot Review, February 2010).

[32] ANSES, Troisième étude individuelle nationale des consommations alimentaires (Etude INCA3). Avril 2017. https://www.anses.fr/fr/content/inca-3-evolution-des-habitudes-et-modes-de-consommation-de-nouveaux-enjeux-en-mati%C3%A8re-de

[33] US Household Food Security Survey Module six-item short form, HFSSM, développé par l’US Department of Agriculture (USDA). https://www.ers.usda.gov/media/8282/short2012.pdf . Les 6 items traduits de la version courte du HFSSM, incluses dans le questionnaire relatif à l’insécurité alimentaire utilisé dans l’enquête INCA3 (en face à face), étaient les suivants :

Pour chacune de ces affirmations, dites-moi si elle a concerné souvent, parfois, ou jamais vous/votre foyer pendant les 12 derniers mois : 1) La nourriture que j’ai achetée n’a pas duré assez longtemps et je n’ai pas eu assez d’argent pour en racheter d’autre ; 2) Je n’ai pas eu les moyens de manger des repas équilibrés ; 3) Vous est-il déjà arrivé de réduire la taille de vos repas ou de sauter des repas parce que vous n’avez pas eu assez d’argent pour la nourriture ? ; 4) (si oui) A quelle fréquence cela est-il arrivé –presque chaque mois, quelques mois mais pas chaque mois, ou au cours d’1 ou 2 mois seulement ? ; 5) Durant les 12 derniers mois, vous est-il arrivé de manger moins que ce que vous pensiez avoir besoin de manger parce qu’il n’y avait pas assez d’argent pour la nourriture ? ; 6) Durant les 12 derniers mois, vous est-il arrivé d’avoir faim mais de ne pas manger parce qu’il n’y avait pas assez d’argent pour la nourriture ?

[34] 15e Baromètre de la pauvreté du Secours Populaire Français Secours Populaire Français & IPSOS. (2019). Résultats du 15e Baromètre de la pauvreté. Edition 2021. (Echantillon de 1000 personnes, représentatif de la population française âgée de 16 ans et plus). https://www.secourspopulaire.fr/atom/21949

[35] Marajo-Petitzon E, Paturel D, Chiffoleau Y (2015) La précarité alimentaire des agriculteurs in, revue Pour 2015/1 (n° 225), pages 77 à 81– https://www.cairn.info/revue-pour-2015–1-page-77.htm

[36] Note de conjoncture n° 52, MSA Février 2020. [en ligne] https://statistiques.msa.fr/publication/note-conjoncture-n52-economie-agricole-sante-at-prime-dactivite-rsa-2/

[37] Le Morvan F, Wanecq F. La lutte contre la précarité alimentaire Evolution du soutien public à une politique sociale, agricole et de santé publique. RAPPORT IGAS N° 2019–069R. décembre 2019. http://www.igas.gouv.fr/spip.php?article754

[38] Il y a deux échantillons dans l’étude INCA3 : l’échantillon des enfants et celui des adultes. Dans l’échantillon des enfants, 2,3% des ménages ont déclaré avoir eu accès, au cours du dernier mois, à une aide alimentaire gratuite (repas ou distribution de paniers) et/ou 2,4% à une aide aux achats alimentaires (épicerie sociale ou solidaire ou distribution de bons d’achat pour l’alimentation). Dans l’échantillon des adultes, les chiffres s’élevaient à 2,4% pour l’aide gratuite et 1,9% pour l’aide aux achats. Sachant que 1% des adultes ont eu recours (personnellement ou un membre du foyer) à ces deux types d’aides à la fois, il y aurait ainsi 2,4+1,9 –1= 3,3% de personnes appartenant à un foyer ayant utilisé une aide alimentaire au cours du moins précédent l’enquête. Par ailleurs, une enquête de la DREES indique qu’en 2018 seulement 5% des bénéficiaires de revenus minima garantis ont eu recours, durant le mois précédant l’enquête, à des dons de denrées par des associations d’aide alimentaire (https://data.drees.solidarites-sante.gouv.fr/explore/dataset/les-conditions-de-vie-des-beneficiaires-de-minima-sociaux-enquete-bms-2018/information/)

[39] Dispositif de suivi de l’aide alimentaire par l’INSEE et la DREES, en collaboration avec le secteur associatif et l’Union Nationale des Centres Communaux et intercommunaux d’Action Sociale (UNCCAS) https://www.insee.fr/fr/metadonnees/source/serie/s2016

[40] Philippe Warin, Héléna Revil, Laurie Boussaguet, Sophie Jacquot, Pauline Ravinet. Dictionnaire des politiques publiques, 5e édition revue et corrigée, Presses de Sciences Po, p .398–404, 2019.

[41] Badia B, Brunet F, Carrera A, Kertudo P, Tith F, avec la collaboration de France Caillavet. Inégalités sociales et alimentation. Quels sont les besoins et les attentes en termes d’alimentation des personnes en situation d’insécurité alimentaire et comment les dispositifs d’aide alimentaire peuvent y répondre au mieux ? Dec 2014, rapport d’une étude réalisée par la FORS-Recherche Sociale, financée par le programme ministériel du ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de forêt (MAAF) et par FranceAgriMer. https://agriculture.gouv.fr/inegalites-sociales-et-alimentation 

[42]AREAS – Association de Recherche et d’Echanges en Anthropologie et en Sociologie. ORS – Observatoire Régional de la Santé. Rapport de l’étude sur Le non recours et le renoncement à l’aide alimentaire en Poitou-Charentes, 2016. https://www.ors-na.org/wp-content/uploads/2016/07/RenonAA_16.pdf  

[43] Darmon N, Andrieu E, Bellin-Lestienne C, Dauphin AG, Castetbon K. Enquête auprès des Associations d’Aide Alimentaire (E3A) : mode de fonctionnement des structures et valeur nutritionnelle des colis et repas distribués. Cahiers de Nutrition et de Diététique, 2008; 43:243–250.

https://www.researchgate.net/publication/250766033_Enquete_aupres_des_associations_d%27aide_alimentaire_E3A_mode_de_fonctionnement_des_structures_et_valeur_nutritionnelle_des_colis_et_repas_distribues

[44] Faciliter l’accès à la restauration collective et améliorer la qualité nutritionnelle en restauration rapide. Rapport de l’ANSES, fev 2021. https://www.anses.fr/fr/content/faciliter-l%E2%80%99acc%C3%A8s-%C3%A0-la-restauration-collective-et-am%C3%A9liorer-la-qualit%C3%A9-nutritionnelle-en

[45] Darmon N, Gomy C, Saïdi-Kabeche D. La crise du Covid-19 met en lumière la nécessaire remise en cause de l’aide alimentaire. The Conversation. 29 juin 2020 https://theconversation.com/la-crise-du-covid-19-met-en-lumiere-la-necessaire-remise-en-cause-de-laide-alimentaire-140137

[46] Paturel D. De l’aide alimentaire à l’aide humanitaire. Récit d’un dérapage social. En ligne [https://utaa.fr/2020/05/18/de-laide-alimentaire-a-laide-humanitaire-recit-dun-derapage-social/ ]

[47] Ainsi, l’Action 15 du PNNS 4 (2019–2023) (« Améliorer l’accès à une alimentation favorable pour la santé pour les personnes en situation de précarité alimentaire ») prévoit d’atteindre cet objectif en se basant sur l’aide alimentaire et sur les autres dispositifs ciblés soutenus par la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la précarité, comme le programme Malin, les petits déjeuners gratuits et les repas à 1 euro dans certaines écoles (https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/cp_- _lancement_du_plan_d_actions_de_transformation_de_l_aide_alimentaire_et_de_lutte_contre_la_precarite_alimentaire___08_juillet_2021.pdf ).

[48] Paturel D (2013) Aide alimentaire et accès à l’alimentation. https://inra.academia.edu/DominiquePATUREL

[49] Banque Alimentaire de Paris et Ile de France (BAPIF) rassemble 5 associations (’Armée du Salut, Emmaüs, le Secours Catholique, le Centre d’Action Sociale Protestant et l’Entraide d’Auteuil).

[50] Golberg (1968) cité par Bencharif A, Rastoin JL in Concepts et Méthodes de l’analyse de filières agroalimentaires, Working paper n° 7, 2007.

[51] https://www.franceagrimer.fr/FranceAgriMer2/Qui-sommes-nous2

         [52] Défiscalisation plafonnée.

         [53] http://www.panierdelamer.fr/

[54] Le gaspillage en France est estimé à 10 millions de tonnes de produits par an, dont production 32%, transformation 21%, distribution 14% et consommation 33% (ADEME, Pertes et gaspillages alimentaires : l’état des lieux et leur gestion par étapes de la chaîne alimentaire, 2016).

[55] A. Bazin et E. Bocquet (2018), « Rapport d’information fait au nom de la commission des finances sur le financement de l’aide alimentaire » ; https://www.senat.fr/rap/r18–034/r18–0341.pdf

[56] Fond Européen d’Aide aux plus Démunis : financement européen de l’aide alimentaire (voir Annexe 3)

[57] https://www.assemblee-nationale.fr/commissions/cfin-enquete-CC-aide-alimentaire.pdf

[58] F. Le Morvan et T.Wanecq (2019), « La lutte contre la précarité alimentaire : évolution du soutien public à une politique sociale, agricole et de santé », Rapport IGAS (p. 31).

[59] Stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants, divers projets liés au PNA et PNNS, crédits pour les repas des personnes hébergées dans certains centres d’hébergement, etc.

[60] Rapport d’exécution du Programme opérationnel français FEAD (PO1) 2014–2020, page 22. https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/rae_2019_publie.pdf

[61] Rapport FORS 2014 (https://onpes.gouv.fr/IMG/pdf/RAPPORT_ONPES_Publics_invisibles.pdf ) p. 55 ; étude ABENA2 2013 (https://www.mangerbouger.fr/pro/IMG/pdf/2013-abena2-rapport.pdf ) p. 68. 

[62] Op cit., « Retour d’expérience de la crise Covid 19 – Période du premier confinement national », Avis n° 89 du CNA adopté le 7 juillet 2021.

[63] Op. cit., p. 74.

[64] Crédit National des Épiceries Solidaires

[65] Apparition d’initiatives entrepreneuriales de lutte anti-gaspillage comme Too Good To Go, Phenix, Optimiam, ; mise en place de bac et frigos promotionnels dans les magasins ; pédagogie auprès des consommateurs sur les notions de DLC et DDM ; etc.

[66] Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, Évaluation de l’application des dispositions de la loi du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, et du décret d’application du 28 décembre 2016, Synthèse, novembre 2019 ; https://agriculture.gouv.fr/telecharger/116049?token=64c9ae982aa4ecfc0030dc6cb70e1e91ab932aa03aae821b26671efb73ecc3cd

[67] Ce colis de référence (parfois appelé « camembert de l’aide alimentaire ») a été spécialement conçu à la demande des associations. Le respect de ces recommandations permet de couvrir l’ensemble des besoins nutritionnels. Darmon N., « Recommandations pour un colis d’aide alimentaire équilibré », Information Diététique, 2008, 4 : 24–31.

[68] Darmon N, Andrieu E, Bellin-Lestienne C, Dauphin AG, Castetbon K. « Enquête auprès des Associations d’Aide Alimentaire (E3A) : mode de fonctionnement des structures et valeur nutritionnelle des colis et repas distribués ». Cahiers de Nutrition et de Diététique, 2008; 43 (5):243–250 ; Nicole Darmon, E3A : Enquête auprès des Associations d’Aide Alimentaire, Rapport pour la Direction Générale de la Santé, Ministère de la Santé.

[69]Darmon N. « Coût et qualité nutritionnelle de l’alimentation », pp. 275–306, in Expertise collective INSERM « Inégalités sociales de santé en lien avec l’alimentation et l’activité physique » (Editions INSERM, avril 2014, ISBN 978–2–85598–914–3).

[70] Rapport IGAS (op. cit.)

[71] Le FEAD a instauré un contrôle strict autour de la distribution gratuite des denrées achetées avec ce fonds en rappelant aux Etats qu’ils devaient rapporter les preuves de cette gratuité. Cette obligation qui existait déjà dans le PEAD s’est renforcé avec le FEAD et a exclu, en particulier, les épiceries sociales : d’où la nécessité pour la France de les financer par le biais du CNES.

[72] L’association Revivre (qui a la capacité d’acheter une partie des denrées qu’elle distribue) a mis en place, dans les hôtels d’hébergement d’urgence, des bacs de récupération des produits non utilisés pour que les autres utilisateurs à l’hôtel puissent en profiter ou qu’ils soient récupérés par l’association ce qui permet non seulement de limiter les gaspillages mais aussi d’orienter les futurs achats de l’association en fonction des préférences des usagers.

[73] Rapport d’activité FFBA 2019

[74] Dans le cadre du « dispositif de suivi de l’aide alimentaire » récemment mis en place par l’INSEE et la DREES, en collaboration avec le secteur associatif et l’Union Nationale des Centres Communaux et intercommunaux d’Action Sociale (UNCCAS). Publication en ligne : DRESS, « Le dispositif de suivi de l’aide alimentaire en France », Ressources et Méthodes, 7 mai 2021, mis à jour le 22 juillet 2021. https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/ressources-et-methodes/le-dispositif-de-suivi-de-laide-alimentaire-en-france

[75] Sommes qui ne seront pas remboursées par l’UE à FranceAgriMer et restent donc à la charge de la France.

[76] Recalculées à partir des données du rapport IGAS 2019 (op. cit.).

[77] Cette étude a été amorcée à l’occasion d’un projet d’étudiants d’Agroparistech commandité par l’association ReVivre. Des premiers résultats, sur le cas du lait, montrent que les frais de logistique assumés par les associations, peuvent largement compenser, voire excéder la différence entre le coût des denrées du FEAD et les prix de la grande distribution.

[78] Op. cit.

[79] Ce paragraphe reprend une partie d’une note collective pour EAPN France par M. Ramel et D. Paturel, en réponse à la demande de la FAO qui interroge régulièrement les sociétés civiles quant à l’avancement du droit à l’alimentation dans leur pays. https://eapn.fr/eapn-france-sengage-reconnaissance-dun-droit-a-lalimentation-france/

[80] Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) est un traité international multilatéral adopté en décembre 1966 par l’ONU. Les Etats signataires s’engagent à agir pour que les droits économiques, sociaux et culturels inscrits dans le Pacte soient assurés dans leur pays : le droit à l’alimentation en fait partie. La France est signataire en 2012.

[81] Comité DESC, « Liste des points concernant le quatrième rapport périodique de la France », 13 mars 2015, E/C.12/FRA/Q/4

[82] Comité DESC, « Liste des points concernant le quatrième rapport périodique de la France – Réponses de la France à la liste des points », 7 avril 2016, E/C.12/FRA/Q/4/Add.1, §102–105.

[83]Voir, FAO, « Le droit à l’alimentation autour du globe. Reconnaissance constitutionnelle du droit à une alimentation adéquate », http://www.fao.org/right-to-food-around-the-globe/fr/

[84] Ils reçoivent par obligation, à la suite d’une demande auprès d’institutions publiques ou para-publiques : soit ils acceptent l’ensemble de la procédure, soit ils refusent et n’accèdent pas aux denrées de l’aide alimentaire. Envisager cette procédure comme un don, qui ne leur donne aucun choix quant à l’accès à l’alimentation, est une conception utilitariste. En outre, il ne faut pas perdre de vue que ces dons, en réalité, prennent place dans une filière d’aide alimentaire adossée à un système productiviste : ces dons font donc partie intégrante d’échanges marchands.

[85] Ramel M, Boissonnat Pelsy H, Sibué-de-Caigny C, Zimmer MF. (2016). Se nourrir lorsqu’on est pauvre – Analyse et ressenti de personnes en situation de précarité. ATD Quart Monde Ed. ; https://www.atd-quartmonde.fr/produit/se-nourrir-lorsquon-est-pauvre-analyse-et-ressenti-de-personnes-en-situation-de-precarite/

[86] Cela mériterait une enquête plus spécifique sur ces pratiques d’accès à l’alimentation inscrites dans l’économie informelle, complexes à saisir.

[87] Avis n° 89 du CNA, op cit.

[88] La loi EGAlim prévoit un ensemble de mesures concernant la restauration collective publique et privée, secteur qui constitue un levier d’action essentiel du Programme national pour l’alimentation (2019–2023) pour favoriser l’accès de tous à une alimentation plus saine, sûre et durable. Elle fixe notamment des objectifs quantitatifs et qualitatifs pour les approvisionnements (50% de produits de qualité et durables au 1er janvier 2022 dont au moins 20% de produits biologiques), de la diversification des sources de protéines et substitution des plastiques.

[89] Les sept domaines d’actions de l’économie circulaire (cf. norme expérimentale AFNOR XP X 30–901) sont : l’approvisionnement durable, l’éco-conception, la symbiose industrielle, l’économie de la fonctionnalité, le consommation responsable, l’allongement de la durée de vie et la gestion efficace des matières ou produits en fin de vie).

[90] https://www.supagro.fr/PrecaAlim/?PagePrincipale

[91] https://www.mouvement.leclerc/precarite-alimentaire-eleclerc-lance-la-semaine-de-repas-equilibres-21-repas-pour-21-euros-soit-1

[92] https://www.programme-malin.com/malin-cest-quoi/

[93] Op. cit., Comité de la Sécurité Alimentaire mondiale : « S’entendre sur la terminologie ». Rome (Italie), 39e session. 15–20 octobre 2012. http://www.fao.org/3/md776f/md776f.pdf

[94] Op. cit. selon les définitions de la FA0 en 2010 (http://www.fao.org/ag/humannutrition/25916–0f23e974a12924600117086270a751f60.pdf) et de la FAO/OMS en 2019 (http://www.fao.org/3/ca6640en/ca6640en.pdf)

[95]Booth SL, Sallis JF, Ritenbaugh C, Hill JO, Birch LL, coll. Environmental and societal factors affect food choice and physical activity: rationale, influences, and leverage points. Nutr Rev 2001, 59 : S21–39. Consulter aussi: https://www.senat.fr/rap/r05–008/r05–00816.html

[96] Bacqué, Marie-Hélène, Biewener Carole (2013), L’empowerment, une pratique émancipatrice ?, Editions La découverte.

[97] Gittelsohn J., Trude A.C.B., Kim H. 2017. Pricing strategies to encourage availability, purchase, and consumption of healthy foods and beverages : a systematic review, Preventing Chronic Disease 14 :170213 ;

[98] Bihan H., Méjean C., Castetbon K., Faure H., Ducros V., Sedeaud A. et al. 2012. Impact of fruit and vegetable vouchers and dietary advice on fruit and vegetable intake in a low-income population. European Journal of Clinical Nutrition 66(3) : 369–75 ; Buscail C., Margat A., Petit S., Gendreau J., Daval P., Lombrail P., Hercberg S., Latino-Martel P., Maurice A., Julia C. 2018. Fruits and vegetables at home (FLAM) : a randomized controlled trial of the impact of fruits and vegetables vouchers in children from low-income families in an urban district in France. BMC Public Health 18 : 1065.

[99] McFadden, A., Green, J.M., Williams, V. et al. Can food vouchers improve nutrition and reduce health inequalities in low-income mothers and young children: a multi-method evaluation of the experiences of beneficiaries and practitioners of the Healthy Start programme in England. BMC Public Health 14, 148 (2014). https://doi.org/10.1186/1471–2458–14–148) sur le programme Healthy Start au Royaume-Uni ; Gittelsohn et al. 2017 (cité plus haut) pour une revue de la littérature ; Rummo P.E., Noriega D., Parret A., Harding M. Hesterman O., Elbel B.E. 2019. Evaluating A USDA program that gives SNAP participants financial incentives to buy fresh produce in supermarkets. Health Affairs  38 (11) : https://doi.org/10.1377/hlthaff.2019.00431

[100] Tharrey M, Darmon N. Participation à un jardin collectif urbain et santé : revue systématique de la littérature. Cahiers de Nutrition et de Diététique. 2021, https://doi.org/10.1016/j.cnd.2021.04.002

[101] Tharrey M., Sachs A., Perignon M., Simon C., Mejean C., Litt J., Darmon N. 2020. Improving lifestyles sustainability through community gardening: results and lessons learnt from the JArDinS quasi-experimental study. BMC Public Health 20: 1798.

[102] Voir définitions des dispositifs dans Annexe 3

[103] L’évaluation de l’attractivité des quartiers prioritaires – décembre 2020 Cour des comptes – www.ccomptes.fr – @Courdescomptes

[104] Collectif Alerte PACA. Ultra-précarité en région PACA (p9), oct 2020. https://www.alerte-exclusions.fr/sites/default/files/Fichiers/Publications/ALERTE%20PACA%20-%20Ultrapr%C3%A9carit%C3%A9%20en%20r%C3%A9gion%20PACA.pdf

[105] Action Contre la Faim, Intérêt des transferts monétaires dans la lutte contre la précarité, 12 mai 2020, p. 4.

[106] Programme opérationnel français FEAD (PO1) 2014–2020. Rapport d’exécution 2019, https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/rae_2019_publie.pdf

[107] Les produits concernés sont les suivants : beurre doux surgelé, coquillettes, escalopes de poulet surgelées, farine de blé type 55, lait écrémé UHT, riz long étuvé, steak haché surgelé de bœuf 15% MG, sucre en morceaux n° 4, huile de tournesol, portions de filet de poissons blanc surgelés, café moulu, céréales type étales au chocolat, chocolat en poudre petit déjeuner, confiture extra de fraises, emmental, flageolets verts extra-fins, haricots verts très fins, lentilles cuisinées, petits pois très fins -carottes, purée de pommes bananes sans sucre ajouté, purée de pommes de terre en flocons déshydratés, ratatouille, raviolis bolognaise, sardines à l’huile, thon entier au naturel, velouté de poireaux pommes de terre.

[108] https://solidarites-sante.gouv.fr/affaires-sociales/lutte-contre-l-exclusion/lutte-contre-la-precarite-alimentaire/article/fonds-europeen-d-aide-aux-plus-demunis-fead#Les-rapports-annuels-d-execution

[109] https://agribalyse.ademe.fr/

[110] https://agriculture.gouv.fr/les-mesures-de-la-loi-egalim-concernant-la-restauration-collective

[111] Les produits de qualité et durables sont, au-delà des produits issus de l’agriculture biologique, les produits suivants : produits bénéficiant des signes officiels d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO), label rouge, IGP, AOP issu d’une exploitation à haute valeur environnementale fermier, produit de la ferme ; produits issus de la pêche bénéficiant de l’écolabel pêche durable ; produits bénéficiant du label région ultrapériphérique ou issus du commerce équitable ou de PAT (bien qu’ils ne soient pas comptabilisés dans les 50%)

[112] https://www.strategie.gouv.fr/publications/une-alimentation-saine-durable-rapport-lassemblee-nationale

[113] Sur ce sujet, on pourra se reporter à Allègre G., Sterdiniak H. (coord.). 2017. Revenu universel : l’état du débat. OFCE ebook, https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/ebook/ebook_10–03–2017.pdf ; Cayol 2019. Les expérimentations de revenu(s) de base. Multitudes 2019 n° 74, pp. 92–98. https://www.cairn.info/revue-multitudes-2019–1-page-92.htm ; Gentilini U., Grosh M., Rigolini J., Yemtsov R. (eds). 2020. Exploring Universal Basic Income: A Guide to Navigating Concepts, Evidence, and Practices. Washington, DC: World Bank. doi:10.1596/978–1–4648–1458–7 ; OECD 2017. Basic income as a policy option: can it add up? Policy Brief on the Future of Work, Paris.

[114] BIEN (Basic Income Earth Network) 2021. https://basicincome.org/a-short-history-of-bien/ 

[115] OFCE 2020. L’expérimentation finlandaise de revenu universel https://www.ofce.sciences-po.fr/blog/peut-on-tirer-des-enseignements-de-lexperimentation-finlandaise-de-revenu-universel/ et https://www.kela.fi/web/en/basic-income-experiment

[116] de Basquiat M., Petit V., Koenig G. 2020 : Plaidoyer pour un socle citoyen, Tribune dans l’OBS, Publié le 04 mai 2020 à 16h32, https://www.nouvelobs.com/coronavirus-de-wuhan/20200504.OBS28348/tribune-plaidoyer-pour-un-socle-citoyen.html. de Basquiat M., 2020 : https://www.atlantico.fr/article/decryptage/socle-citoyen—l-assemblee-nationale-vote-pour-l-exploration-d-un-revenu-universel-qui-ne-dit-pas-son-nom-mais-demeure-une-tres-bonne-idee-marc-de-basquiat  

[117] France Stratégie 2021. Comité d’évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Rapport mars 2021.

[118] Secours Catholique 2020. Sans contreparties – pour un revenu minimum garanti. https://www.secours-catholique.org/sites/scinternet/files/publications/rapport_revenusans_contreparties.pdf

[119] Médiapart 2020. Le projet corse de revenu de base, blog 12 août 2020.

[120] Gentilini U., Grosh M., Rigolini J., Yemtsov R. (eds). 2020. Exploring Universal Basic Income: A Guide to Navigating Concepts, Evidence, and Practices. Washington, DC: World Bank. doi:10.1596/978–1–4648–1458–7. Voir également OECD 2017. Basic income as a policy option: can it add up? Policy Brief on the Future of Work, Paris.

[121] Universalisme proportionné : « Pour réduire la pente du gradient social de santé, les actions doivent être universelles, mais avec une ampleur et une intensité proportionnelles au niveau de défaveur sociale. C’est ce que nous appelons universalisme proportionné. Une plus grande intensité d’action sera probablement nécessaire pour ceux qui ont un plus grand désavantage social et économique, mais se concentrer uniquement sur les plus défavorisés ne réduira pas le gradient de santé et ne s’attaquera qu’à une petite partie du problème ». (Marmot, M., Fair society, healthy lives. Strategic review of health inequalities in England post-2010. The Marmot Review, February 2010)

[122] Inserm. (2014). Inégalités sociales de santé en lien avec l’alimentation et l’activité physique. Collection Expertise Collective, 747.

[123] Bartholo L. 2016. Le programme Bolsa Familia et l’autonomie des femmes : que révèlent les études qualitatives ? International Policy Research Brief, Centre for Inclusive Growth, novembre 2016.

[124] OECD 2017, cité plus haut.

[125] Gundersen C. 2021. Viewpoint : A proposal to reconstruct the Supplemental Nutrition Assistance Program (SNAP) into a universal basic income program for food. Food Policy, https://doi.org/10.1016/j. foodpol.2021.102096

[126] Ingénieurs Sans Frontières-Agrista 2020. Pour une sécurité sociale de l’alimentation. https://www.isf-france.org/sites/default/files/2020.05.10_pour_une_securite_sociale_de_lalimentation.pdf

[127] Dans le domaine des interventions sur l’environnement alimentaire s’adressant à l’ensemble de la population, on peut mentionner aussi les politiques de prix et d’information. Des travaux montrent que ces politiques impactent de manière différenciée les diverses populations et ne sont pas forcément progressives (Caillavet F., Fadhuile A. 2020. Inégalités et politiques publiques pour une alimentation durable. INRAE Sciences Sociales n° 1, avril 2020; Gittelsohn J, Trude ACB, Kim H. Pricing Strategies to Encourage Availability, Purchase, and Consumption of Healthy Foods and Beverages: A Systematic Review. Prev Chronic Dis. 2017 Nov 2;14:E107. doi: 10.5888/pcd14.170213; Régnier F., Masullo A. 2009). Obésité, goûts et consommation. Intégration des normes d’alimentation et appartenance sociale. Rev Fr Soc 50(4) : 747–773). Plus efficace pourrait être la réglementation de l’offre alimentaire visant un approvisionnement de bon rapport qualité/prix.

[128] Ingénieurs Sans Frontières-Agrista 2020. Pour une sécurité sociale de l’alimentation. https://www.isf-france.org/sites/default/files/2020.05.10_pour_une_securite_sociale_de_lalimentation.pdf ; voir aussi SSA. Les trois piliers du mécanisme de SSA. https://securite-sociale-alimentation.org/la-ssa/les-trois-piliers-du-mecanisme-de-ssa/

[129] Tharrey M, Darmon N. Les jardins partagés peuvent-ils promouvoir des modes de vie plus durables ? So What ? Policy Brief N° 13 • janvier 2021, Chaire UNESCO Alimentations du monde. https://www.chaireunesco-adm.com/No13-Les-jardins-partages-peuvent-ils-promouvoir-des-modes-de-vie-plus-durables

[130] Tharrey M, Ghestem F, Darmon N. Transformer les jardins collectifs en outils de promotion de la santé. in Comprendre, accompagner et outiller les acteurs de l’agriculture urbaine -Contributions de la recherche. Ouvrage Coordonné par C Aubry, G Giacchè, F Maxime, C Soulard, Collection « Savoir Faire » Editions QUAE. (sous presse)

[131] https://www.chaireunesco-adm.com/Mallette-pedagogique-Opticourses

[132] Marty L, Dubois C, Gaubard MS, Maidon A, Lesturgeon A, Gaigi H, Darmon N. Higher nutritional quality at no additional cost among low income households: insights from food purchases of ‘positive deviants’. Am J Clin Nutr 2015; 102: 190–198.

[133] Maillot M, Vieux F, Delaere F, Lluch A, Darmon N. Dietary changes needed to reach nutritional adequacy without increasing diet cost according to income: An analysis among French adults. PLoS One 2017; 12: e0174679.

[134] Darmon N. Coût et qualité nutritionnelle de l’alimentation. Chapitre 14 de l’Expertise Collective « Inégalités sociales de santé en lien avec l’alimentation et l’activité physique » 2014; INSERM Ed.:329–70.

[135] Prosaïquement qualifiés de « malins » dans la vie de tous les jours, ces foyers, suivant la théorie de la déviance positive, peuvent être considérés comme des « déviants positifs » car ils sont différents des autres foyers qui se trouvent comme eux dans une situation difficile, mais positivement différents

[136] Opticourses est une marque collective déposée par l’INRAE

[137] Dubois C, Gaigi H, Perignon M, Maillot M, Darmon N. Co-construction et évaluation d’un programme de promotion de la santé pour conjuguer nutrition et budget au quotidien : les ateliers Opticourses. Cahiers de Nutrition et de Diététique, 2018, 53, 161–170. https://hal.inrae.fr/hal-02790346/document[138] Santé publique France. Programme Opticourses. Portail des actions probantes en nutrition. https://portaildocumentaire. santepubliquefrance.fr/exl-php/cadcgp.php?CMD=CHERCHE&MODELE=vues/spf___internet_registre/tpl-r.html&WHERE_IS_DOC_REF_LIT=REG00000094&&TABLE=SPF_REG

[139] L’Agence nouvelle des solidarités actives (ANSA) vient de mettre à disposition une boîte à outils afin de coordonner localement la lutte contre la précarité alimentaire. https://www.solidarites-actives.com/fr/nos-projets/une-boite-outils-pour-coordonner-localement-la-lutte-contre-la-precarite-alimentaire

[140] https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/actualites-du-ministere/article/cocolupa-le-comite-national-de-coordination-de-la-lutte-contre-la-precarite%3E

[141] La préoccupation ici est de faire en sorte qu’il n’y ait pas de quartiers, de village sans possibilité de s’approvisionner dans un rayon de 400 mètres à pied en milieu urbain et 10km en milieu rural (Définition donnée par le ministère de l’agriculture des Etats-Unis).

[142] https://letsfoodideas.com/fr/initiative/la-maison-interculturelle-de-lalimentation-et-des-mangeurs-miam/

[143] Mousty A (2020) Envie, besoin, limite de la participation dans le diagnostic alimentaire de territoire in Paturel D, Ndiaye P (eds) Le droit à l’alimentation durable en démocratie. Nîmes : Champ Social.

[144] Op. cit. Retour d’expérience de la crise Covid 19 – Période du premier confinement national », Avis n° 89 du CNA adopté le 7 juillet 2021.

[145] En particulier en permettant aux français et aux cinq autres pays européens fondateurs de créer une souveraineté alimentaire grâce au marché unique, la préférence communautaire et la solidarité financière.

[146] La littérature foisonne d’initiatives. La création du Réseau Mixte Technologique « Alimentation locale » en 2015 et son renouvellement jusqu’en 2024 est un bon indicateur de cette tendance.

[147] Fischler C., Masson E (2008) Manger : Français, Européens et Américains face à l’alimentation. Paris : Editions Odile Jacob

[148] Ces connaissances sont basées sur le concret du quotidien : planifier les menus et l’équilibre alimentaire, faire les courses, ranger les denrées alimentaires, stocker et anticiper la gestion du stock, faire la cuisine, laver et ranger la vaisselle, etc… ; ces activités sont considérées comme subalternes et la majorité d’entre elles est assurée par les femmes.

[149] Lang, T (1998) Toward food democracy in Griffiths, S., Wallace, J. Consuming passions: food in the age of anxiety, Manchester University Press, pp13–23. Voir également Both, S., Coveney, J. (2015) Food democracy: from consumer to food citizen, Singapore : Springer.

[150] Ndiaye P, Paturel D (2020) Le droit à l’alimentation durable en démocratie. Nîmes : Champ Social, pp 17–47

[151] Collart Dutilleul F (2013). Penser une démocratie alimentaire. (vol. I), Inida (Costa Rica). [en ligne] hal-00930245.

[152] La liste de toutes les organisations est disponible ici : https://securite-sociale-alimentation.org/la-ssa/les-membres-du-collectif/

[153] Le Collectif Démocratie Alimentaire propose qu’au fondement de cette SSA, il y ait existence et inscription du droit à l’alimentation durable dans la Constitution de façon à ce que celui-ci garantisse ce socle commun. En effet, la démocratie française repose sur la loi qui incarne la volonté générale et institue les droits.

[154] Cette proposition de SSA est débattue depuis dans un collectif qui regroupe plusieurs organisations et collectifs. Le Collectif Démocratie Alimentaire en fait partie. Les schémas 3 et 4 sont issus des travaux de ce collectif.

[155] Qu’est-ce que le régime général de la sécurité sociale ? [en ligne] https://www.vie-publique.fr/fiches/24184-le-regime-general-de-la-securite-sociale

[156] Les ordonnances de 1967 prévoient une séparation du régime général en trois branches (maladie, famille, vieillesse) et la nomination d’un directeur national par le gouvernement alors que ces risques avaient été conçus de façon holistique et donc réglés de façon égalitaire par des droits « universels » (valable pour tous et toutes, quels que soit leurs lieux de vie sans distinction hiérarchique entre les risques). https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000339812/

[157] Le concept est instauré par l’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO), l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’organisation mondiale de la santé animale (OIE). Une note conceptuelle intitulée « Le partage des responsabilités et la coordination des actions globales pour gérer les risques sanitaires à l’interface des écosystèmes homme-animal » fait office d’accord tripartite et a été signée en 2010. Cet accord se renforce en mai 2018 par la signature d’un protocole d’accord. https://oiebulletin.com/?officiel=8–3–1-protocole-daccord-signe-par-la-fao-loie-et-loms&lang=fr

[158]https://www.anses.fr/fr/content/one-health

[159] Schéma issu des travaux du Collectif Démocratie Alimentaire

[160] Il existe un débat, notamment au sein du collectif pour une SSA, d’une part sur l’assiette (soit la valeur ajoutée soit les salaires) et d’autre part sur le pourcentage de cette cotisation sociale.

[161] Ce n’est pas tout à fait exact puisque, dans le cas de la sécurité sociale de la santé, un financement par l’impôt CSG et CRDS s’ajoute à la cotisation sociale.

[162] Bernard Friot. Ne nous laissons pas voler la Sécu ! Pratiques, Cahiers de la médecine utopique. N° 81 – avril 2018. https://pratiques.fr/Ne-nous-laissons-pas-voler-la-Secu

[163] Friot, B. (2012) Un droit fondateur de la démocratie économique, in Le sujet dans la cité n° 3, pp 92–107.

[164] Le Collectif Démocratie Alimentaire suggère qu’il soit inscrit dans la constitution, le plaçant ainsi au même niveau que le droit à la santé.

[165] Cette dénomination GLAD est issue des travaux du Collectif Démocratie Alimentaire. Le terme de « caisses primaires » de sécurité sociale de l’alimentation n’est pas repris parce que le point d’appui administratif de ces groupes n’est pas le découpage administratif classique ; en effet, le découpage classique ne recoupe pas le réel de la vie des habitants et habitantes et nous préférons la notion de bassin de vie telle qu’elle est définie par l’Insee [en ligne] https://www.insee.fr/fr/information/2115016

[166] Bertand MN, Paturel D (2020) Manger. Plaidoyer pour une Sécurité Sociale de l’Alimentation. Paris : Editions Arcanes.

[167] Ces chiffres sont construits à partir des données statistiques émanant des structures d’aide humanitaire et alimentaire (par exemple sur Paris, ceux du Samu social) concernant le nombre de personnes vivant à l’hôtel, dans la rue, dans les foyers d’hébergement d’urgence et les bidonvilles. Ils sont donc approximatifs. Cependant le rapport 2020 de la Fondation Abbé Pierre, par le même type d’approche, arrive au chiffre de 902000 (p369).

[168] https://franceurbaine.org/actualites/vers-la-mise-en-place-dun-cheque-alimentation-durable-la-rentree

[169] https://www.franceculture.fr/emissions/les-bonnes-choses/bien-manger-a-petit-prix-c-est-possible 

[170] https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/cp_-_lancement_du_plan_d_actions_de_transformation_de_l_aide_alimentaire_et_de_lutte_contre_la_precarite_alimentaire___08_juillet_2021.pdf

[171] https://www.education.gouv.fr/des-petits-dejeuners-dans-les-ecoles-pour-favoriser-l-egalite-des-chances-1061

[172] Depuis la mise en place de cette mesure en avril 2019, ce sont près d’1,9 millions de repas à 1€ ou moins qui ont été servis aux enfants des familles modestes. Face aux demandes des collectivités, en avril 2021 l’Etat a augmenté son soutien financier de 2 à 3€ par repas au tarif social et multiplié par trois le nombre de collectivités désormais éligibles.

[173] Le programme Malin a été initié en 2009 par des acteurs du monde associatif (Croix -Rouge française, Société française de pédiatrie, Association française de pédiatrie ambulatoire, Action tank entreprise et pauvreté ) et l’entreprise Danone/Blédina (rejointe par la suite par d’autres entreprises privées), en lien étroit avec les pouvoirs publics (Commissariat aux solidarités actives, Ministère de la Santé). Son déploiement national s’appuie sur un réseau d’acteurs locaux de l’action sociale, de la santé et de la petite enfance tels que des CAF, des PMI, des crèches, des maternités (https://www.programme-malin.com/)

[174] Dans le cadre du déploiement national du programme Malin, l’inscription au programme se fait en réponse à un mail systématiquement envoyé par la CNAF à tous les futurs parents dont l’indice CAF est inférieur à 85, ou suite à un repérage par un professionnel de PMI ou d’autre structure locale (et dans ce cas sans autre preuve à apporter que la lettre d’orientation par le professionnel). Les bons de réduction concernent des produits adaptés à l’âge de l’enfant (de 6 à 24 mois) et validés par les sociétés savantes de pédiatrie (laits de croissance 2ième âge, petits pots, assiettes et compotes), et des produits pour l’alimentation de la famille (yaourts, volaille, huiles végétales), ainsi que des offres pour de l’équipement en petit électroménager (mixer, cocotte…).

[175] Les défis de la mise en œuvre de l’étude ECAIL. Cahiers de Nutrition et de Diététique, 2017, 52, p94_99.

[176] https://www.mes-allocs.fr/guides/allocations-familiales/allocations-familiales-modulees/ Pour rappel, cette modulation par rapport aux revenus touche 1/10ème des allocataires de la CAF et le plafond de revenu est de 5500€ par mois.

[177] Budgets de référence ONPES. Étude réalisée par le Credoc et l’Ires à la demande de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPES). Rapport final. Juillet 2014

[178] Maillot M, Vieux F, Delaere F, Lluch A, Darmon N. Dietary changes needed to reach nutritional adequacy without increasing diet cost according to income: An analysis among French adults. PLoS One 2017; 12: e0174679

[179] Selon Familles Rurales, « Observatoire des prix des fruits et légumes », 2021 (https://www.famillesrurales.org/observatoire-familles-rurales-prix-fruits-et-legumes-2020) : « en juin 2021, pour manger l’ensemble des 18 fruits et légumes frais contenus dans notre panier en respectant le PNNS, une famille de 2 adultes et 2 enfants a dû dépenser entre 99€ et 195€ (soit entre 8 et 16% d’un SMIC net mensuel). En retenant les 5 fruits et légumes les moins chers de notre panier, la même famille ne dépensera « plus que » 52€ à 86€ (soit entre 4 et 7% d’un SMIC net mensuel). »

[180] Pour l’instant, les PAT restent dans une approche institutionnalisée, peu ouverte à une réelle démocratie alimentaire. Ils n’ont pas fait la preuve d’un changement ni sur les processus de décisions pour transformer le(s) système(s) alimentaires, ni dans la prise en compte des populations à petits budgets.

[181] Nous n’abordons pas dans ce rapport les nécessaires réflexions concernant les enjeux économiques des systèmes alimentaires aux différentes échelles (nationales, européennes, Nord/Sud, internationale, etc.).

[182] https://iciclocal.fr/

[183] Jeu en phase de test et initié par le Collectif Démocratie Alimentaire

[184] Pour rappel, les données de l’étude INCA3 indiquent que seule une personne sur 4 en situation d’insécurité alimentaire en France a fait appel à une aide alimentaire durant le mois précédant l’enquête. Voir note 40 page 18 de ce rapport.

[185] Par exemple, le Réseau Cocagne est habilité nationalement comme opérateur de l’aide alimentaire depuis 2016.

[186] Pour rappel, la Mutualité Sociale Agricole fait état d’un tiers des agriculteurs au RSA en 2017.

[187] Tronto J (2009) Un monde vulnérable. Pour une politique du care. Paris : Editions de la Découverte.

[188] Les Tiers-Lieux en facilitant la rencontre, le partage, la collaboration, la fertilisation croisée entre différents publics, sont des vecteurs potentiels de créativité, d’émergence de nouveaux possibles et d’innovation (https://drapps-occitanie.fr/wp-content/uploads/2019/05/Recherche-action-LERIS-tiers-lieux.pdf). Différents types de tiers-lieux en lien avec l’agroécologie et l’alimentation, ou « tiers-lieux nourriciers », ont été identifiés en France (http://fablim.org/wp-content/uploads/2020/12/FABLIM_Brochure_tiers_lieux_nourriciers_HD.pdf) : les tiers-lieux nourriciers « justice alimentaire » (tiers-lieux généralistes qui s’intéressent, entre autres activités, à l’alimentation pour démocratiser le bien-manger et ses déclinaisons (approvisionnement local, fait-maison, produits hors-calibre et savoirs culinaires), avec une attention particulière aux publics vulnérables), les tiers-lieux nourriciers « alimentation citoyenne » (ces tiers-lieux mobilisent des citoyens principalement intéressés par le sujet de l’alimentation : reprendre la main sur l’approvisionnement, développer des savoir-faire maraichers, apprendre à transformer les produits bruts. Ce sont des outils de proximité créés par les citoyens et pour les citoyens), et les tiers-lieux nourriciers « coopération au travail » (tiers-lieux qui réunissent une communauté pour du coworking (espace partagé entre plusieurs travailleurs indépendants) ou cofarming (terrain partagé entre plusieurs agriculteurs indépendants).

[189] Le programme Malin cible l’accessibilité économique à une alimentation équilibrée (via des bons de réduction pour des aliments adaptés à l’âge de l’enfant, et pour l’alimentation de l’ensemble de la famille). Il agit aussi sur l’accessibilité physique car ces aliments sont disponibles dans des commerces conventionnels et de proximité. L’inscription au programme et l’éligibilité à l’offre budgétaire se fait selon une approche d’ « aller vers » (au niveau national : mail de la CNAF sous conditions de ressources ; dans les territoires : orientation possible par un professionnel et pas nécessairement sous conditions de ressources). Enfin, le programme cible l’empowerment, en délivrant des formations aux professionnels de la petite enfance, et en proposant sur son site aux parents (y compris à ceux ne bénéficiant pas des bons de réduction) des conseils et des astuces (sur l’alimentation, le sommeil, les écrans…) ainsi que des outils visant à faciliter la mobilisation des professionnels et la mise en réseau et la participation des familles à l’orientation du programme.

[190] Paturel D (2019) Reprendre la main sur l’alimentation passe par des processus démocratiques, in Revue Européenne de Droit de la Consommation, n° 2, pp 43–58

[191] https://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=1089&langId=fr

[192] https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/201103_-_cp_-_o.veran_-_c.beaune_-_financements_europeens_a_l_aide_alimentaire-2.pdf  

[193] https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/programme_operationnel_national_fse_.pdf

[194] Le projet SECALIM, « Quelle alimentation pour tous pour lutter contre l’inSECurité ALIMentaire ? » s’est donné pour objectif, en s’appuyant sur la parole des premiers concernés, de dresser les grandes lignes de ce que pourrait être un nouveau dispositif de réponse à l’insécurité alimentaire. Le projet, qui se déroule sur deux territoires de la Métropole Aix-Marseille-Provence (Marseille et Martigues-Port-de-Bouc), est en cours et donnera lieu à un rapport final en sept 2021. Il est financé par la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté (DRDJSCS-PACA), porté par l’association NUTR’ IN MED, et a pour partenaires l’INRAE, le bureau d’études Regards Santé, et un collectif d’associations à Frais Vallon à Marseille, ainsi qu’à Martigues et Port-de-Bouc.

[195] Les groupes étant très majoritairement constitués de femmes, le texte fait référence aux professionnelles et aux habitantes.

[196] Walker RE, Keane CR, Burke JG. Disparities and access to healthy food in the United States: A review of food deserts literature Health & Place 16 (2010) 876–884.

[197] L’évaluation de l’attractivité des quartiers prioritaires – décembre 2020 Cour des comptes – www.ccomptes.fr – @Courdescomptes

[198]AREAS – Association de Recherche et d’Echanges en Anthropologie et en Sociologie. ORS – Observatoire Régional de la Santé. Rapport de l’étude sur Le non recours et le renoncement à l’aide alimentaire en Poitou-Charentes, 2016. https://www.ors-na.org/wp-content/uploads/2016/07/RenonAA_16.pdf

[199] Badia B, Brunet F, Carrera A, Kertudo P, Tith F, avec la collaboration de France Caillavet. Inégalités sociales et alimentation. Quels sont les besoins et les attentes en termes d’alimentation des personnes en situation d’insécurité alimentaire et comment les dispositifs d’aide alimentaire peuvent y répondre au mieux ? Dec 2014, rapport d’une étude réalisée par la FORS-Recherche Sociale, financée par le programme ministériel du ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de forêt (MAAF) et par FranceAgriMer. https://agriculture.gouv.fr/inegalites-sociales-et-alimentation

[200] https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2021–05/Guide%20de%20remplissage%20-%20remont%C3%A9es%20trimestrielles.pdf

[201] Bacqué, Marie-Hélène, Biewener Carole (2013) L’empowerment, une pratique émancipatrice ? Editions La découverte.[202] République Française (2017). LOI no 2017–86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté. Journal Officiel de La République Française. https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf?id=0yxRDEjbo8W8kePWERoji4iX_erjixoTD_Jy3A VXRFk=

[203] Cnesco (2017). Contribution sur la restauration scolaire : une disparité en termes d’accès et de service. http://www.cnesco.fr/wp-content/uploads/2017/10/171002_Restauration_scolaire_VF.pdf

[204] Anses (2021). Consommations alimentaires et apports nutritionnels dans la restauration hors foyer en France. https://www.anses.fr/fr/system/files/OQALI2018SA0291Ra.pdf

[205] Inserm (2014). Inégalités sociales de santé en lien avec l’alimentation et l’activité physique. Collection Expertise Collective, 747.

[206] AMF, Association des Maires de France (2020). Panorama de la restauration scolaire après la loi EGalim. https://www.amf.asso.fr/documents-panorama-la-restauration-scolaire-apres-la-loiegalim/

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[207] Délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté. Avril 2021. Cantines à 1€. Tarification sociale des cantines. Présentation de la mesure. https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/tarification_sociale_cantines.pdf  

[208] Délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté. 19 mai 2021. La cantine à 1€. Dossier de presse. https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dp_cantines_a_1eur_2021_vf.pdf

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