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Revue de presse

Louis-Cyrille Trébuchet : « L’offre de l’audiovisuel public est très riche mais éparpillée »

Pour survivre à l’ère numérique, France Télévisions, Arte et l’INA devraient se doter d’une plateforme commune selon ce spécialiste de la transformation numérique des médias.
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Ancien directeur adjoint de la production et des antennes de Radio France, Louis-Cyrille Trébuchet a créé LCT Conseil afin d’accompagner les médias audiovisuels dans leur transformation numérique. Il vient de publier pour le compte du think tank Terra Nova un rapport sur l’offre numérique de l’audiovisuel public.

Comment pourrait-on résumer l’évolution actuelle des usages de la télévision ?

La nouvelle télévision qui s’esquisse sera de moins en moins un média de flux et de plus en plus un média de stock, avec une consommation de programmes à la demande sur une multitude de supports. Si on mesure encore mal les répercussions de cette mutation radicale des usages sur le paysage audiovisuel français (PAF), on voit déjà à quel point cela révolutionne la relation au téléspectateur. Car si les chaînes continueront toujours à s’adresser à un public en général avec une cible plus ou moins définie, cette relation disséminée sur différents écrans sera également de plus en plus personnalisée et interactive.

Ce qui signifie concrètement ?

Les chaînes payantes, comme Canal +, ou les nouveaux services de vidéo à la demande, comme Netflix, ont intégré cette nouvelle donne en investissant dans la relation client. Canal propose, par exemple, une consommation à la carte et de plus en plus « délinéarisée » de ses programmes dans lesquels on vient se servir en films et séries comme on choisit un livre dans une bibliothèque. Netflix, lui, met en avant ses outils de recommandation pour aider ses clients à faire leur choix parmi les nombreux contenus. Mais dans les grandes chaînes généralistes et les petites de la TNT, cette relation plus interactive et personnalisée est encore balbutiante. Il s’agit pour TF1, M6 ou France Télévisions de développer et fidéliser leurs communautés de téléspectateurs en leur offrant de nouveaux services et formats adaptés à chaque contexte de consommation et en proposant à chacun le bon programme au bon moment.

Dans votre rapport, vous critiquez la stratégie de l’audiovisuel public sur Internet en expliquant que son offre en ligne est trop fragmentée. Comment y remédier ?

Alors que la plupart des grandes entités de l’audiovisuel ont regroupé leur offre numérique à partir d’un portail unique [myTF1, mycanal, 6play, etc.],  l’audiovisuel public pêche par manque d’intégration d’une offre numérique très riche mais encore éparpillée sur différents sites thématiques et de marque.

Permettre l’accès à l’ensemble des contenus du service public à partir d’une seule entrée et sur tous les écrans est un enjeu essentiel pour atteindre une masse critique garante d’une plus grande visibilité et d’un meilleur référencement des programmes. C’est aussi un meilleur service rendu au public qui sera plus à même de saisir l’exhaustivité de l’offre de l’audiovisuel public.

Pourtant le site Francetv Pluzz donne un accès global aux programmes de France Télévisions…

Je ne nie pas qu’il existe des portails de qualité et déjà en partie transversaux au sein de France Télévisions, mais l’on pourrait aller bien plus loin en intégrant également France Médias Monde, Arte, l’INA, etc. D’autre part, sans nier l’identité éditoriale de chaque chaîne et leur capacité à développer des sites propres, les contenus doivent s’organiser autour d’offres thématiques verticales communes. C’est une nouvelle approche éditoriale mais également organisationnelle et technologique dans la mesure où l’ensemble des services numériques de l’audiovisuel public, y compris Radio France, pourrait s’appuyer sur cette infrastructure commune pour l’hébergement et la publication des contenus et services.

Le danger n’est-il pas, en l’absence de structures numériques fortes, que ce soient les réseaux sociaux et les plateformes comme YouTube qui deviennent le vecteur privilégié de diffusion des programmes des chaînes ?

C’est le risque, d’autant plus fort que cet usage est déjà très répandu dans la nouvelle génération des « natifs » du numérique. A terme, on pourrait craindre une forte dilution des marques de télévision aujourd’hui engagées dans une bataille pour garder la maîtrise de leur offre et ne pas se faire « desintermédier » comme on dit dans l’économie numérique. Cet enjeu de « souveraineté » est encore plus stratégique pour le service public dont les missions bien spécifiques, notamment en faveur de la diversité et de l’universalité, ne pourront continuer à être remplies que s’il réussit à devenir un acteur fort de la distribution des contenus à l’ère numérique. Si la redevance servait un jour à financer des programmes majoritairement vus, monétisés et parfois triés par Facebook ou YouTube, on serait en droit de s’interroger sur la persistance d’un financement public de l’audiovisuel.

Christophe Alix

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