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Étude

Faire du logement une stratégie universitaire

Cette étude de Terra Nova aborde la question du logement étudiant, dont le manque est criant. Il n’est pas seulement une question d’égalité des chances mais aussi un élément structurant de la vie universitaire, des dynamiques intellectuelles et sociales qui se créent entre étudiants, de leurs conditions de travail, en particulier de leur accès aux cours, aux bibliothèques, aux équipements collectifs, à la vie culturelle.

Publié le 

INtroduction [1]

Pendant des décennies, notre pays a sous-financé l’enseignement supérieur, en particulier les universités. Une conséquence notable en est le manque criant de logements pour les étudiants, dont ceux-ci font douloureusement l’expérience au début de chaque année universitaire en raison d’une forte pénurie et de prix très élevés dans la plupart des villes universitaires [2] . Pour les étudiants « décohabitants [3]  », qu’ils le soient par nécessité, leur famille habitant loin du lieu d’études, ou par le choix de l’autonomie, le poste logement est, et de très loin, ce qui pèse le plus lourd dans leur budget. Ainsi, le problème du logement joue un rôle important dans la décision d’entreprendre ou de poursuivre certaines études : certains étudiants doivent renoncer à tel ou tel cursus parce que le logement est trop cher dans la zone recherchée. Le logement se trouve donc au centre des problématiques d’égalité des chances. C’est pourquoi il faut imaginer des solutions pour qu’il cesse d’être un instrument de discrimination pesant sur les choix d’orientation des étudiants issus des milieux les moins favorisés.

Mais le logement des étudiants n’est pas seulement une question d’égalité des chances. Il est aussi un élément primordial de la vie universitaire, des dynamiques intellectuelles et sociales qui se créent – ou pas – entre étudiants, de leurs conditions de travail, en particulier de leur accès aux cours, aux bibliothèques, aux équipements collectifs, à la vie culturelle. Partant, c’est aussi l’efficacité des enseignements et la réussite étudiante qui sont en jeu.

C’est pourquoi notre réflexion et nos propositions sur le logement étudiant s’inscrivent dans une réflexion d’ensemble sur la politique universitaire.

L’enjeu n’est pas simple. Car il faut tout d’abord faire face à une urgence : augmenter rapidement à la fois l’offre de logements étudiants à caractère social et l’offre de logements étudiants dans le secteur privé, et agir sur le coût des loyers et sur la capacité des étudiants à les payer. Mais comme souvent dans la conception des politiques publiques, il faut veiller à ce que l’urgence n’aille pas à l’encontre des objectifs à plus long terme. Si le plus urgent est bien l’augmentation du parc social étudiant, et donc des capacités des résidences universitaires, il nous paraît indispensable d’amorcer sans attendre un processus aboutissant, à terme, à la pleine responsabilité des établissements universitaires (le plus souvent à travers les COMUE : Communautés d’universités et d’établissements) sur la politique du logement de leurs étudiants . En effet, si les résidences étudiantes ne doivent pas être seulement des logements, mais aussi des outils de la réussite étudiante et de la vie sociale, il est de la responsabilité des universités de mettre en place les conditions pratiques de cette réussite. C’est pourquoi nous proposons (cf. plus bas, partie III C) que les universités aient à terme la charge d’établir les partenariats nécessaires avec les collectivités territoriales et les organismes chargés de la construction en redéfinissant le rôle des CROUS et leurs relations avec eux. Mais elles devront aussi imaginer les moyens concrets pour favoriser l’épanouissement des étudiants sur leurs lieux de vie, comme l’organisation de système de tutorat assuré par des étudiants plus avancés (en master ou en doctorat) logés eux-mêmes dans la résidence.

Naturellement, nous ne partons pas de zéro. Le bilan du quinquennat de François Hollande en matière de logement étudiant apparaît même dès maintenant comme nettement positif. Dès le début de son quinquennat, le Président de la République avait pris l’engagement de mettre en œuvre un plan national pour la vie étudiante qui n’en négligerait pas les aspects les plus pratiques. Lors de ses vœux à la jeunesse à Grenoble en 2013, il a renouvelé sa promesse de campagne de créer « une garantie universelle et solidaire des risques locatifs », destinée à bénéficier notamment aux étudiants. Cette mesure a été généralisée en septembre 2014 sous le nom de Caution Locative Etudiante (« Clé ») : elle permet aux étudiants de moins de 28 ans (et plus pour les doctorants et post-docs étrangers) disposant d’un revenu de bénéficier d’une garantie de l’État en cas d’impayés [4] moyennant une cotisation à hauteur de 1,5 % du loyer. Quant à la loi ALUR, il est encore trop tôt pour en mesurer les effets sur le logement étudiant. Parallèlement, au mois de mai 2013, Geneviève Fioraso, à l’époque Ministre en charge de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, annonçait un plan de construction de 40 000 logements étudiants d’ici 2017, qui semble, il faut le souligner, en passe d’être réalisé. Dans le cadre de ce plan, le caractère spécifique du logement étudiant par rapport au logement social en général a été enfin reconnu, ce qui est une avancée importante, même si l’intervention de plusieurs ministères reste un frein à une action rapide et spécifique. Nous pensons que l’effort de construction de logements sociaux étudiants doit être poursuivi  : nous proposons de prolonger le plan 40 000 par un « plan 100 000 » de construction de logements collectifs étudiants, incluant 25 000 logements de type PLUS.

Notre réflexion porte également sur la politique fiscale et les aides sociales. En matière de politique fiscale, deux mécanismes sont concernés :

le dispositif « Censi-Bouvard » de défiscalisation des investissements [5] , qui stimule la construction de résidences privées pour étudiants ;

la demi-part fiscale dont bénéficient les parents d’étudiants restant rattachés à leur foyer fiscal.

Les aides sociales spécifiques au logement, appelées Aide personnalisée au logement (APL) et Allocation de logement sociale (ALS), qu’on confond parfois sous le nom générique d’APL, permettent aux étudiants (sans condition de ressource dans beaucoup de cas, compte-tenu de la non-déclaration des transferts familiaux) de couvrir une partie du loyer.

Nous proposons une seule réforme, mais très importante : l’obligation pour les étudiants et leurs parents de choisir entre le bénéfice de la demi-part fiscale et l’APL/ALS. L’idée est que l’Etat ne paye pas deux fois la même chose, une fois aux parents et une fois aux enfants, afin de réaffecter de manière plus équitable l’économie ainsi réalisée aux étudiants eux-mêmes.

On voit qu’il s’agit d’un dossier complexe, touchant à de nombreux aspects de la vie étudiante, de la qualité générale de l’expérience universitaire, de la réussite étudiante mais aussi du financement des études ; il concerne plus généralement l’efficacité et la place de l’enseignement supérieur dans notre pays. Il a une dimension fiscale et met en jeu des budgets considérables au titre des aides au logement (APL et ALS) [6] , mais relève aussi de la politique de développement urbain. Il implique des ministères différents, ainsi que les collectivités territoriales, qui obéissent à des logiques différentes – tout cela freine les projets et en menace la cohérence. Nos propositions, dont nous avons esquissé les principales ci-dessus, sont parfois techniques car elles doivent rendre compte de cette complexité. Mais elles cherchent toujours à s’inscrire dans une double perspective en faveur des étudiants : l’égalité des chances et la réussite de leurs études.

1 – Le constat quantitatif : la confrontation des besoins à l’offre révèle des tensions qui ont des effets néfastes

1.1 – La demande

L’évaluation des besoins est complexe. Si c’est souvent la pénurie qui est pointée, celle-ci n’est pas généralisée : la situation du logement étudiant est contrastée. La France compte presque 2,4 millions d’étudiants [7] . Au niveau national, on estime que presque un tiers d’entre eux habitent le foyer parental (contre presque la moitié à la fin des années 1990) [8] , alors que deux tiers occupent un logement distinct. Autour de 1,6 millions d’étudiants ont donc besoin d’un logement chaque année. Les deux tiers ont recours à l’offre locative privée de logement, soit presque la moitié de la population totale des étudiants. 160 000 d’entre eux se tournent vers les résidences sociales, soit 10 % des étudiants « décohabitants ». Les étudiants restant habitent dans du logement social non résidence, des internats ou encore les résidences des grandes écoles.

1.2 – L’offre

Quelle offre cette demande rencontre-t-elle ? Le premier constat est que cette offre, diverse, est difficile à évaluer. Elle se décompose pour l’essentiel de la manière suivante : résidences sociales (gérées le plus souvent par le CROUS – Centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires – mais certaines d’entre elles sont gérées par des associations, voire directement par un bailleur de logements sociaux), résidences étudiantes privées et logements locatifs privés « classiques ».

L’offre de résidences sociales pour étudiants est insuffisante quantitativement, surtout en Ile-de-France

Si elle n’est pas connue avec une absolue précision en raison de la diversité des acteurs publics impliqués et d’une approche segmentée entre acteurs, notamment entre ministères, l’offre en résidences sociales, qui porte sur des chambres individuelles ou petits studios, et aussi depuis peu sur des petites colocations en résidences, est, d’une manière générale, meilleur marché que les offres du secteur privé [9] .

Le CNOUS – Centre national des œuvres universitaires et scolaires – gère, par l’intermédiaire des CROUS, un peu plus de 160 000 logements. On compare en général cette offre au nombre de boursiers : c’est en effet ce public, aux besoins particuliers, qui est visé en premier lieu. Or le CNOUS dénombre plus de 620 000 boursiers, tous échelons de bourse confondus [10] . En l’état actuel, l’offre de résidences étudiantes publiques ne peut donc accueillir qu’un peu plus d’un quart des boursiers, soit moins de 10 % des étudiants décohabitants, soit encore à peine plus de 6 % de la population totale des étudiants. Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche évalue lui-même le manque de logements étudiants collectifs entre 165 000 et 180 000 logements. Le CNOUS, qui se fixe l’objectif urgent de loger entre 30 et 35 % des boursiers, considère pour sa part qu’il manque environ 60 000 logements.

Mais ce manque de logements collectifs étudiants ne se fait pas sentir partout de la même manière. La pénurie est particulièrement forte en Ile-de-France, qui compte plus de 635 000 étudiants, dont presque 114 000 boursiers, et encore plus à Paris qui compte 330 000 étudiants, dont 52 000 boursiers, alors qu’il y a en Ile-de-France à peine 20 000 logements dans le logement collectif étudiant public, et moins de 5 100 places à Paris [11] . Effectivement, le parc immobilier estudiantin parisien ne peut prendre en charge que 10 % des boursiers, alors que la concentration de formations y attire beaucoup d’étudiants décohabitants. Hors de l’Ile-de-France, la situation est légèrement moins tendue avec des taux autour de 20 %, soit 1/3 des boursiers.

On est donc très loin de pouvoir loger tous les étudiants boursiers décohabitants dans le parc social, et a fortiori tous les étudiants. Selon une règle empirique fréquemment invoquée, si l’habitat collectif public pouvait accueillir le tiers des boursiers, la tension sur le marché de l’offre privée individuelle deviendrait plus supportable – c’est ce qui justifie la détermination de cet objectif intermédiaire d’urgence qu’était le plan 40 000.

L’offre de résidences étudiantes collectives privées et le parc privé diffus

Il est normal que l’offre privée joue un rôle, en particulier pour les étudiants plus avancés dans le parcours universitaire. Il est en revanche contestable qu’une partie de la population décohabitante se trouve piégée, dans les zones tendues, par une offre privée onéreuse, qui bénéficie alors d’une demande captive. Cette offre se divise en deux volets :

les résidences privées pour étudiants qui bénéficient d’incitations fiscales (Censi-Bouvard). Cette offre est hétérogène, en général plus onéreuse que l’offre collective publique et proche des niveaux de prix du marché général ;

le parc locatif privé diffus, qui accueille le reste des étudiants décohabitants qui n’ont pas voulu ou n’ont pas pu se loger dans des résidences sociales ou privées. Sur ce segment du marché, les prix ont connu une forte hausse depuis dix ans, en particulier les loyers pratiqués pour les petites surfaces fréquemment relouées. Le ministère du logement estime que les loyers à la relocation ont ainsi augmenté de 50 % en dix ans à Paris, ville la plus chère (autour de 750 euros en moyenne pour un studio) avec une hausse annuelle entre 8 et 10 %. L’immense majorité des grandes villes universitaires connaissent des loyers entre 500 et 600 euros en moyenne par studio et un renchérissement de 5 % en moyenne par an. Si la hausse des loyers a semblé se stabiliser en 2013–2014, c’est sans doute que l’on est arrivé à un plafond, après une décennie de hausse. Les villes où les prix augmentent le plus dans le parc privé sont aussi celles où la pénurie est la plus forte, les villes universitaires les plus attractives et qui rassemblent près d’un million d’étudiants : Paris, Toulouse, Lille, Lyon. Il est donc probable que la pénurie de l’offre de résidences sociales provoque une tension inflationniste sur le marché locatif privé [12] .

1.3 – Conséquences de la pénurie et des coûts élevés

Pour mesurer les conséquences d’un logement étudiant rare et cher, il faut revenir au rôle social particulier qu’il joue. Pour l’étudiant, ou le futur étudiant, le logement, et singulièrement la question de la « décohabitation » d’avec les parents, est l’un des paramètres de l’accès aux études supérieures, du choix des études, et de leur réussite. Dans beaucoup de cas, la décohabitation s’impose à l’étudiant ou au futur étudiant en raison de l’éloignement entre le domicile familial et le lieu des études envisagées. Il est évident que les chances de décohabitation sont plus élevées pour les études les plus sélectives, comme la médecine ou les CPGE (classes préparatoires aux grandes écoles), et pour les études de niveau master, car ces formations sont concentrées géographiquement. La décohabitation est moins fréquente pour les Sections de Technicien Supérieur (STS), qui sont généralement des études de proximité [13] . Pour mener les études de son choix, particulièrement lorsque celles-ci sont sélectives, l’étudiant doit souvent quitter le domicile familial. La répartition inégale, mais tout à fait logique, des formations sur le territoire doit alors être mise en relation avec la distribution géographique inégale des groupes sociaux. Moins souvent parisiens, habitant davantage en périphérie des grandes villes ou dans le monde rural, les bacheliers issus de classes populaires doivent plus fréquemment décohabiter, sous peine de limiter leurs choix à l’offre locale qui risque de ne pas correspondre à leurs aspirations ou à leurs possibilités. La décohabitation ne répond pas seulement à l’éloignement géographique mais aussi à « la distance par rapport à la culture scolaire » du milieu d’origine [14] . Sans surprise donc, les étudiants en STS (et dans une moindre mesure de l’Université) vivent beaucoup plus au domicile familial que les étudiants des IUT (Instituts universitaires de technologie), des CPGE, de Médecine. Il y a donc bien un localisme des études les moins sélectives, dont le choix est trop souvent un choix contraint. Ce sont donc les étudiants issus des milieux populaires qui auraient le plus souvent besoin de décohabiter. Or, ce sont eux qui le font le moins, en raison du coût que représente le fait d’habiter indépendamment de leur famille (le logement est le premier poste dans le budget d’un étudiant, représentant quasiment 50 % du budget total). D’ailleurs, la présentation statique de la demande à partir du nombre d’étudiants décohabitants masque une demande dissimulée : combien des 800 000 étudiants qui restent chez leurs parents subissent-ils une contrainte économique qui les empêche de quitter le domicile familial ?

Les études montrent que plus le logement étudiant est cher, plus ce coût sera désincitatif à la décohabitation, non pas pour les étudiants issus des milieux les plus favorisés, mais pour les étudiants issus des milieux les plus fragiles. On mesure alors mieux la mission sociale cruciale du logement étudiant collectif : faire diminuer au maximum l’impact du logement dans les inégalités devant l’enseignement supérieur . Ni les résidences étudiantes privées, ni a fortiori le logement locatif individuel, ne constituent une alternative viable en raison de leur cherté. Etant donné les implications sociales de la question du logement étudiant, il est légitime que la collectivité prenne en charge, d’une manière ou d’une autre, une partie des coûts : la politique du logement étudiant est au cœur d’une véritable égalité des chances .

Le coût du logement étudiant pose bien sûr la question de la précarité étudiante. En pratique, les études montrent que les boursiers aux échelons élevés, issus des milieux les plus fragiles, sont relativement bien solvabilisés : l’accès au logement social étudiant, conjugué à l’aide au logement et aux bourses, leur permet de s’en sortir, surtout s’ils peuvent accéder à un éventuel travail l’été. A l’autre bout du spectre, les étudiants issus des milieux favorisés bénéficient de transferts familiaux importants. C’est autour de l’échelon 0 des bourses (30 000/45 000 euros de revenus familiaux selon les situations individuelles), et juste au-dessus, que la situation est plus critique. Dans les zones les plus tendues, l’étudiant concerné n’aura peut-être pas accès au logement social et devra se loger au prix fort sur le marché privé, alors même que l’aide au logement n’est pas suffisante, qu’il ne touche pas de bourses et que les transferts familiaux sont forcément limités.

Dans les zones tendues, le déficit de logements sociaux a d’autres conséquences néfastes. Le report d’une part importante de la demande sur le parc privé, outre la tension inflationniste, est aussi problématique en raison de l’inadéquation des caractéristiques de l’offre à la demande (besoin du logement seulement dix mois sur douze, fréquents changements de logement…). Un autre effet pervers de la pénurie est qu’elle réserve de fait, dans les zones concernées, les résidences étudiantes sociales aux étudiants boursiers, et aux plus fragiles socialement d’entre eux. Elle ne rend donc pas possible la mixité sociale. Il y a même un cercle vicieux puisque ce constat diminue l’attractivité de ce type de logements pour un autre public, plus favorisé, quand bien même il pourrait y avoir accès. Si les résidences étudiantes n’ont pas vocation à accueillir tous les boursiers (qui d’ailleurs n’ont pas ou ne ressentent pas forcément tous le besoin de décohabiter, ou qui préfèrent d’autres solutions de logement), elles n’ont pas non plus vocation à n’accueillir que des boursiers. Il nous semble que les politiques devraient avoir pour objectif que les logements collectifs étudiants soient accessibles à tous et non réservés prioritairement aux boursiers – ce qui n’est, en général, pas possible actuellement, car un effort massif de construction serait alors nécessaire. Mais, dans le même temps, on ne peut pas ignorer qu’un des atouts des grandes écoles est le logement collectif à caractère universel. Il est un élément fort des dynamiques collectives qui se créent en leur sein et qui favorisent la réussite des étudiants et leur insertion professionnelle.

1.4 – Inadéquation de l’offre

L’offre de résidences sociales n’est pas toujours adaptée qualitativement

L’offre de résidences sociales, suffisante ou non quantitativement, n’est pas non plus exempte de tout reproche. Si beaucoup a été fait pour moderniser et réhabiliter le parc, l’effort est loin d’être achevé. Si les trois quarts des étudiants se déclarent satisfaits de leur logement, c’est le cas de seulement un quart de ceux qui vivent en résidence universitaire [15] . Plus généralement, le positionnement du logement étudiant par rapport à la communauté universitaire est problématique. Pour des raisons historiques, la gestion des résidences sociales pour étudiants est largement déléguée aux CROUS, sous le contrôle du CNOUS au niveau national. Les universités n’interviennent que très peu dans les décisions, que ce soit au niveau régional ou national.

L’Université en France s’est désintéressée du logement étudiant, considérant sans doute qu’il s’agit d’un aspect pratique qui ne la concerne pas. Cela a des conséquences à deux niveaux. D’une part, il existe un risque que les décisions prises par l’organisme de gestion du logement collectif (nouvelles constructions, type de logements, réhabilitations) ne correspondent pas aux besoins de la communauté universitaire locale. D’autre part, la non-implication de l’Université dans un aspect aussi crucial de la vie étudiante affaiblit la communauté universitaire à plusieurs niveaux, empêchant par exemple le logement étudiant de jouer le rôle socialisateur qu’il devrait avoir. Privée de ce catalyseur, la communauté estudiantine se construit, certes, mais elle n’est sans doute pas aussi inclusive qu’elle pourrait l’être. De plus, ce désintérêt limite le rapport que construit l’étudiant avec son université et en détache la communauté estudiantine. Si cette dernière était garante, dans une certaine mesure, des conditions de vie de l’étudiant, les liens avec l’étudiant en seraient plus intenses. Ce point est crucial car cela touche à un des problèmes de l’université en France : la faiblesse de sa relation avec les étudiants. Il reste donc encore à faire des logements étudiants un cadre satisfaisant de vie et d’étude.

L’Université gagnerait donc à s’intéresser au logement de ses étudiants. Mais c’est aussi le cas des collectivités territoriales. Les universités ne sont pour le moment pas associées à l’élaboration du plan local de l’habitat, par lequel les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale définissent leur action en matière de politique du logement, alors que les campus ont un rôle structurant dans le développement urbain. Ils représentent souvent une fraction substantielle de la population (étudiants et personnels associés), ce qui induit de l’activité économique. Ils sont même souvent à l’origine d’entreprises créées par les anciens étudiants ou par transfert technologique (voir l’exemple de Louvain-la-Neuve, ville nouvelle créée en 1970 autour de l’université catholique de Louvain, scission francophone de l’université de Leuven).

Problèmes dans le parc locatif privé

Un facteur de tension sur le marché du logement étudiant, tous segments confondus, réside dans l’inadaptation de certains aspects de la législation des baux aux particularités de la demande de logements étudiants. Le premier paramètre est que l’année universitaire est plus courte que l’année civile. L’étudiant décohabitant, surtout les premières années, n’a bien souvent besoin d’un logement indépendant qu’au maximum 8 à 10 mois par an. Dans le parc public, cela veut dire que les logements sont vides presque un tiers de l’année. Dans le parc privé diffus, cette contrainte est désincitative à la location étudiante. De plus, la demande est de plus en plus volatile. Par exemple, le CROUS de Paris estime que chaque chambre est en moyenne occupée successivement par plus de deux étudiants par an. Aménagement des cursus, séjours à l’étranger de courte ou moyenne durée, stages en région : l’étudiant change souvent de logement. Cette instabilité pèse sur les bailleurs et peut se retourner contre le locataire si la législation ne l’accompagne pas : c’est d’ailleurs la principale justification des avantages fiscaux accordés aux propriétaires acquéreurs de résidences privées

1.5 – Éléments de comparaison internationale

Sans procéder ici à une analyse exhaustive des conditions de logement des étudiants en Europe, on peut donner quelques éléments de référence. L’étude Social and Economic Conditions of Student Life in Europe 2012–2015 [16] permet de comparer, pour un nombre important de pays européens, dont la France, l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Italie, les conditions de logement. Les deux tableaux ci-dessous donnent, pour le premier, les pourcentages d’étudiants vivant avec leurs parents, seuls, en couple ou en colocation, que ce mode de logement soit dans le cadre du parc général de logements ou de résidences étudiantes. Le second donne la proportion d’étudiants vivant en résidences étudiantes.

Situation du logement étudiant selon les pays

Etudiants vivants en résidence étudiante selon les pays

On voit que la France se caractérise par un niveau comparativement faible d’étudiants en colocation (15 %) et un nombre élevé d’étudiants habitant seuls (37 %), dans un contexte général où le logement en résidence étudiante est peu fréquent (13 %). En Allemagne, ce que révèlent également les chiffres du Deutsches Studentenwerk , les étudiants se logent de la manière suivante : 10 % dans des résidences universitaires, 29 % en colocation ( Wohngemeinschaft ), 17 % vivent seuls, 29 % en couple et 25 % dans leurs familles. Pour ceux qui payent un loyer, le loyer moyen est de 298 euros ; en résidence universitaire, le loyer est de 218 euros. On voit donc que, par rapport à l’Allemagne, le nombre de logements en résidences étudiantes est supérieur de 3 points, mais qu’en Allemagne, la faiblesse du logement en résidence est compensée par l’importance du logement collectif d’initiative privée que sont les colocations.

2 – Les actions deja engagees

2.1 – Les actions en faveur de l’offre

Le soutien à la construction engagé par l’Etat

L’Etat n’est pas resté inactif face à la tension sur le marché du logement étudiant, essentiellement en faveur des résidences sociales. Plusieurs plans se sont succédé ces dernières années (dont le Plan Anciaux de 2004 et le Plan Campus de 2007). En mai 2013 a été lancé le plan 40 000 qui vise à la construction d’au moins 40 000 nouveaux logements jusqu’en 2017, dont la moitié en Ile-de-France. Les premiers résultats de ce plan sont perceptibles : environ 6 000 logements ont été livrés en 2013 comme en 2014. Et le rythme devrait s’accélérer jusqu’en 2017 pour atteindre 14 300 nouveaux logements en 2015.

Mais cet effort, réel et bienvenu, ne sera malheureusement pas suffisant pour soulager les zones les plus tendues : à Paris, ce sont 6 300 nouveaux logements qui vont sortir de terre, bien loin des 12 000 places supplémentaires qui seraient nécessaires pour n’accueillir qu’un tiers des boursiers, sans parler des 333 000 étudiants parisiens non boursiers [17]  ; à Lyon, ce sont 6 500 logements qui vont être construits ce qui correspond à peu près aux besoins pour loger un tiers des boursiers soit 10 % de la population estudiantine lyonnaise. Le plan 40 000 va donc dans le bon sens. Dans certaines villes il permettra de dépasser les 10 % d’étudiants logés en résidence sociale. Pourtant, dans les zones les plus tendues (Paris, Lille et Lyon), la difficulté à trouver du foncier disponible semble rendre improbable une augmentation suffisante du nombre de logements.

D’une manière générale, l’objectif de loger 10 % de la population étudiante dans des résidences sociales est déjà très ambitieux. Malgré les difficultés que cela pose, nous pensons qu’il faut accentuer cet effort et nous faisons plus bas des propositions précises en ce sens. Mais le secteur privé continuera de toute façon à jouer un rôle essentiel. Certaines mesures ont visé à inciter le secteur privé à la construction pour soulager un marché tendu. Depuis les années 1990, divers dispositifs fiscaux ont eu pour but de favoriser l’investissement locatif en général [18] . Si ces mesures n’ont pas été totalement inefficaces au niveau national, elles n’ont pas porté les résultats escomptés dans les zones les plus tendues, notamment en raison du coût et de la rareté du foncier disponible.

Parallèlement, le dispositif Censi-Bouvard, dont l’un des objectifs affichés était de favoriser la construction par le secteur privé de résidences, fait l’objet de vives critiques, en raison de son coût pour la collectivité et de son manque d’efficacité. Un récent rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale des finances (IGF) [19] propose d’ailleurs d’y mettre fin. La participation du secteur privé à la création de logements collectifs étudiants n’est toutefois pas négligeable : par exemple à Paris, les résidences privées compteraient autant de places que le CROUS [20] . En revanche, les résidences construites et gérées par le secteur privé semblent très hétérogènes et pratiquent des prix très divers. Pour ce qui concerne Paris, les prix semblent plus proches de ceux pratiqués dans le parc privé individuel que dans le parc social. Ainsi, en l’état actuel, l’incitation à l’augmentation de l’offre privée collective ne permet pas de remédier à la pénurie de logements collectifs sociaux en proposant des logements à des prix accessibles, moindres que ceux pratiqués dans le secteur privé individuel.

Favoriser la colocation

La colocation permet d’augmenter le nombre de logements sur lesquels la demande étudiante (avec ses particularités) peut se reporter. Les tableaux présentés dans le paragraphe I.E. ci-dessus montrent que la colocation est à un niveau substantiellement inférieur à ce qu’elle est dans d’autres pays comme l’Allemagne. Or son développement pourrait apporter des solutions intéressantes, non seulement en limitant le coût du logement pour les étudiants mais aussi en leur permettant d’éviter une forme d’isolement. S’efforcer de promouvoir ce type de solution pourrait contribuer à désegmenter le marché.

La loi ALUR du 24 mars 2014 a déjà tenté de corriger certains aspects de la législation qui compliquaient le recours à la colocation pour les locataires : notamment, la solidarité au bail d’un des colocataires qui donne son congé prend fin lorsqu’un nouveau colocataire est inscrit sur le bail ; chaque caution doit désormais être identifiée pour chaque colocataire, et non plus pour la totalité du loyer. Cette souplesse évite qu’un nouveau bail ne doive être rédigé à chaque changement de colocataire, ce qui est facteur de frais et d’augmentations de loyers. La désegmentation est donc réelle. En revanche, dans les zones les plus tendues, il semble que le prix des surfaces moyennes ait déjà intégré le surcroît de demande, au détriment sans doute des familles modestes. Il n’existe pas de statistiques précises sur ces phénomènes d’impact des colocations sur les loyers mais il est évident que ceux-ci sont avant tout déterminés pour l’essentiel par la situation générale de l’offre et de la demande sur le marché local du logement. De plus, lorsque les propriétaires acceptent la colocation, il est probable qu’ils pratiquent des prix un peu plus élevés que pour un bail traditionnel. Enfin si ces aménagements sont favorables aux locataires, ils affaiblissent relativement la position du bailleur qui pourrait être tenté de se détourner de la colocation pour louer selon le mode traditionnel. La tension sur le marché des moyennes surfaces lui donne en effet le choix.

2.2 – Les actions en faveur de la demande

Les aides à la personne

Une part majeure de la politique du logement étudiant passe par la solvabilisation de la demande via les aides au logement, qui ne sont pas spécifiques à la population étudiante.

Ces aides sont :

l’aide personnalisée au logement (APL). Elle est destinée aux locataires de logements conventionnés par l’Etat, tels que les résidences universitaires et les habitations à loyer modéré. Environ 110 000 étudiants la perçoivent, ce qui représente un coût global pour l’Etat de 250 millions d’euros.

l’allocation de logement sociale (ALS). Elle est versée aux étudiants logés dans le parc privé. Le nombre d’étudiants n’est pas connu avec exactitude, mais on sait que 619 000 jeunes célibataires sans enfants en bénéficient, pour un coût d’1,4 milliard d’euros.

Comme l’a souligné un rapport publié par l’IGAS en mai 2012, les aides personnelles constituent un outil de solvabilisation efficace et participent largement à la redistribution en faveur des ménages les plus modestes. Toutefois, si les ménages qui perçoivent les aides personnelles sont en général les plus pauvres, tel n’est pas le cas pour les étudiants, puisque les aides sont aujourd’hui versées en fonction des seules ressources propres des étudiants, c’est-à-dire sans tenir compte du revenu de leurs parents et des transferts familiaux.

Le rapport Pupponi de mai 2015 note que seuls 32,9 % des bénéficiaires étudiants des aides au logement sont boursiers (le système a dû être adapté avec la création d’un plancher de revenu forfaitaire pour prendre en compte les étudiants vivant de transferts familiaux, considérés comme des libéralités non imposables, et qui ne déclarent en conséquence que des ressources imposables nulles).

Le rapport de la Cour des comptes présenté en septembre 2015 note « L’aide au logement est la principale source de financement des étudiants des classes moyennes et peut être considérée comme une aide à l’autonomie des étudiants. »

Il est important de noter que l’aide peut être versée directement au propriétaire qui déduit son montant du loyer. Elle constitue donc aussi un outil de sécurisation des propriétaires vis-à-vis des populations les plus fragiles, et donc d’accroissement de l’offre de logement [21] .

Plafonnement des loyers et logement des étudiants

L’autre mesure qui vise à solvabiliser la demande est le plafonnement des loyers. Le décret Duflot de 2012 a déjà instauré un plafonnement de l’augmentation des loyers à la relocation et au renouvellement du bail qui limite cette augmentation à l’indice de référence des loyers [22] dans 38 villes. Cette mesure est particulièrement utile dans la mesure où les étudiants changent très souvent de logements et donnent ainsi aux propriétaires l’occasion d’augmenter régulièrement les loyers. Toutefois si cette augmentation s’est stabilisée depuis 2012, il n’est pas certain que ce soit en raison de l’efficacité de ce dispositif, assez peu connu des locataires [23] et qui ménageait des exceptions [24] . L’encadrement des loyers a été envisagé en tant que tel par la loi ALUR [25] dans 28 villes où le marché locatif est particulièrement tendu, mais le gouvernement a décidé de ne l’appliquer dans un premier temps qu’à Paris et à Lille, à titre expérimental, pour laisser le temps à des observatoires fiables de se monter. Le décret organisant le dispositif a été publié au Journal officiel le 12 juin 2015 et prévoit la mise en place de l’encadrement à partir du 1er août 2015 [26] . Un observatoire des loyers, qui se met d’abord en place à Paris, fixe le montant du loyer de référence, par type de biens et par zone. Les loyers ne peuvent pas dépasser un plafond de 20 % au-dessus de ce prix, mais des rattrapages sont autorisés pour les loyers inférieurs de 30 % au prix de référence [27] . Cette mesure concerne aussi les colocations, ce qui permettra, à Paris tout d’abord, de s’assurer que les prix pratiqués dans les colocations ne dépassent pas les prix des logements hors colocation. Cette mesure, qui n’est pas propre au logement étudiant, est très populaire auprès des étudiants et de leurs syndicats [28] – il est très important de s’assurer qu’elle aboutira effectivement à une baisse ou, au moins, à une modération des loyers, d’autant qu’au vu du décalage décrit plus haut entre l’offre et la demande, et des singularités de la vie étudiante (besoin parfois de trouver un logement dans l’urgence, etc.), il sera difficile pour certains étudiants de dénoncer ou contester certains abus. Il est trop tôt pour préciser l’impact des mesures de contrôle des loyers sur l’offre de logements, même si l’OLAP (observatoire des loyers de l’agglomération parisienne) estime que 20 % des nouveaux contrats de location à Paris devraient se traduire par une baisse du loyer. Les loyers, même réglementés, restant rentables en zone tendue, les logements qui restent ou deviennent vacants s’expliquent par d’autres causes (convenance personnelle par exemple).

Autres mesures

La solvabilisation de la demande passe aussi par une série de mesures plus limitées : prêt à taux zéro pour financer le dépôt de garantie qu’exigent les propriétaires lors de la signature d’un bail ; caution locative étudiante par laquelle l’Etat se porte garant [29]  ; limitation des frais d’agence lors de la mise en location d’un logement (entre 11 et 15 euros, état des lieux compris, selon les zones géographiques). Si ces mesures vont dans le bon sens, elles n’auront pas pour effet de faire baisser de manière significative le niveau de prix pratiqué dans le secteur privé.

2.3 – Rôle des institutions d’enseignement supérieur

Une avancée très positive de la loi Fioraso est la reconnaissance du rôle des établissements d’enseignement supérieur en matière de logement étudiant : « l’établissement d’enseignement supérieur chargé d’organiser la coordination territoriale (…) élabore avec le réseau des œuvres universitaires et scolaires un projet d’amélioration de la qualité de la vie étudiante et de promotion sociale sur le territoire. Ce projet doit présenter une version consolidée des besoins des établissements d’enseignement supérieur implantés sur le territoire en matière de logement étudiant, de transport, de politique sociale et de santé et d’activités culturelles, sportives, sociales et associatives » [30] . Comme nous le développons ci-dessous, il s’agit maintenant de s’assurer que cette disposition législative s’inscrive dans les faits, ce qui est encore loin d’être le cas.

En conclusion, la politique du logement étudiant consiste donc à agir à deux niveaux : la construction de logements dans les zones tendues et la solvabilisation de la demande, essentiellement par l’aide au logement. Il apparaît cependant que, de ces deux points de vue, les efforts consentis restent insuffisants. De plus, cette politique n’a pas encore intégré la place majeure que doivent jouer les institutions d’enseignement supérieur.

3 – propositions

Le constat que nous venons de dresser appelle une stratégie forte, renforçant quantitativement l’offre et faisant du logement un élément d’une stratégie universitaire, abordé ainsi comme un élément clé de la réussite de la vie étudiante.

3.1 – Une condition préalable : mieux connaître l’état de l’offre et de la demande

Les pouvoirs publics manquent largement d’instruments statistiques et de tableaux de bord pour maîtriser le développement du logement étudiant. Un premier pas a été fait avec le Plan 40 000 qui a donné lieu à la mise en place d’un recensement annuel des livraisons de résidences universitaires, mais on ne connaît pas précisément le stock existant de logements pour étudiants en dehors des 160 000 logements des CROUS. En particulier, les logements gérés par des associations ou par des bailleurs sociaux ne sont pas identifiés et recensés comme du logement pour étudiants. On ne connaît pas non plus le stock des demandes non satisfaites. La construction de nouvelles résidences se fait donc sur une base estimative, en prenant en compte le nombre d’étudiants et de boursiers, ce qui ne répond pas de façon satisfaisante à une définition rationnelle des besoins, les pratiques de vie des étudiants variant fortement selon les régions et les marchés du logement étant souvent très différents. Un observatoire regroupant tous les acteurs de la construction de logements étudiants (Ministères, CNOUS, CPGE, CPU, organismes de logements sociaux, associations des collectivités locales) pourrait améliorer considérablement la connaissance des segments publics et privés de l’offre et des besoins régionalisés.

Propositions :

demander à l’administration de distinguer le stock de logements sociaux pour étudiants dans son répertoire permanent du logement social et charger le CNOUS d’établir un bilan annuel des besoins et de l’offre en matière de logements des étudiants ;

mettre en place un dossier logement unique pour les étudiants, avec un fichier informatique partagé entre tous les offreurs de logements pour étudiants, de manière à la fois à simplifier les démarches des étudiants et à se doter d’une connaissance des demandes non satisfaites permettant de mieux cibler la stratégie de construction de résidences universitaires nouvelles.

3.2 – Accroître l’offre de logements pour les étudiants

Le renforcement de l’offre, déjà entamé, doit être fortement accéléré. Compte tenu des contraintes budgétaires actuelles, il doit s’appuyer sur un redéploiement de moyens grâce à une mesure de justice dans les aides personnelles, pour amplifier la construction de résidences sociales et utiliser mieux le parc privé.

Introduire davantage de justice dans les aides personnelles pour financer la construction

Malgré les nombreuses critiques qu’il encourt, le dispositif des aides au logement auquel peuvent avoir recours les étudiants ne doit pas être remis en cause à court terme [31]  : sa suppression brutale aurait un coût social extrêmement élevé, tant ce dispositif est devenu une composante essentielle du budget de l’étudiant et de son autonomie, et un élément de nature à lever les appréhensions des propriétaires vis-à-vis d’une population atypique pour un bailleur.

En revanche, le système est d’autant plus coûteux et injuste qu’il cumule deux dispositifs pour les ménages qui paient l’impôt sur le revenu (soit la moitié des ménages qui a les revenus les plus élevés) :

l’aide au logement perçue par l’étudiant

la possibilité de déduire une demi-part supplémentaire de l’impôt sur le revenu (IR) des parents dont les enfants étudiants sont rattachés à leur foyer fiscal.

Empruntons le graphique suivant au rapport de la Cour des comptes, qui lui-même reprend les chiffres de l’Insee :

Répartition des différentes aides monétaires aux étudiants par décile

Source : INSEE 2011 « La répartition des dépenses publiques de l’enseignement supérieur et des aides associées »

Les propositions de réforme s’articulent autour de deux pistes : la diminution, voire la suppression de l’aide au logement pour les étudiants ; la suppression du cumul de la perception de l’aide au logement et de la demi-part fiscale dont bénéficient les parents.

Le rapport Pupponi se rattache à la première piste, en recommandant « de mieux cibler les aides vers les étudiants qui en ont le plus besoin et de les moduler en fonction de trois critères : le revenu des parents, l’éloignement géographique et les cas de rupture familiale ». La Cour des comptes se réfère à la deuxième piste, en préconisant « d’instituer un droit d’option entre le bénéfice des aides personnelles au logement pour l’étudiant et le rattachement de celui-ci au foyer fiscal parental ».

Sans exclure la possibilité d’améliorer le barème des aides personnelles au logement de étudiants, nous préconisons, pour notre part, de supprimer le cumul aide personnalisée au logement / demi-part fiscale.

Dans le cadre de cette note, nous ne développerons pas notre défense et illustration des aides personnelles au logement, mais nous placerons du point de vue de l’étudiant et de sa légitime revendication d’autonomie. En effet, la perception d’une aide par un individu majeur ne doit dépendre que de sa situation, et non de celle de ses parents (de même que nous trouvons regrettable que des propriétaires demandent à de jeunes locataires la caution de leurs parents, même lorsque ces jeunes sont autonomes financièrement). Cette voie nous paraît plus respectueuse de l’autonomie des étudiants, effective ou à construire.

Par ailleurs, la mesure fiscale nous paraît également plus juste : pour les ménages les plus imposés, le choix se portera sur le maintien de la demi-part ; pour les ménages les plus modestes, non imposés sur le revenu, cette nouvelle règle ne modifiera rien. Concrètement, les enfants majeurs qui demandent, comme actuellement, le rattachement au foyer fiscal devraient préciser qu’ils ne bénéficient pas d’aide personnelle au logement.

Proposition : Supprimer le cumul entre la perception d’une aide personnelle au logement par l’étudiant et le bénéfice d’une demi-part fiscale supplémentaire pour ses parents.

La mise en place d’un observatoire des loyers, dans le cadre plus général du plafonnement des loyers, devrait aussi permettre de limiter le versement de l’aide au logement aux loyers « raisonnables » pour une zone donnée.

Proposition : Là où existe un observatoire reconnu au titre de la loi ALUR, ne plus attribuer l’APL ou l’ALS en cas de loyer abusif (ex : plus de 33 % au-dessus du loyer jugé « raisonnable » par ledit observatoire).

Les deux mesures ci-dessus pourrait avoir un effet budgétaire de l’ordre de 300 millions d’euros [32] qu’il s’agirait alors de réaffecter en totalité de manière plus équitable aux étudiants : l’effet négatif sur les budgets de parents de classe moyenne serait ainsi compensé par l’augmentation des bourses pour les étudiants aux échelons les plus bas (par la création d’une allocation pour les boursiers à l’échelon 0 et une revalorisation pour les autres bas échelons), c’est-à-dire ceux dont les revenus familiaux sont juste au-dessus du seuil d’éligibilité à la bourse. Ainsi, l’interdiction du cumul de l’APL/ALS et de la demi-part fiscale pèserait seulement sur les familles les plus aisées et développerait l’autonomie des étudiants.

Proposition : utiliser la moitié des sommes ainsi dégagées (150 millions d’euros) pour améliorer le barème des bourses des boursiers à l’échelon 0 et juste au-dessus.

Amplifier la construction de résidences sociales

Le plan des « 40 000 » fera passer les logements dédiés aux étudiants de 160 000 à 200 000 pour 620 000 boursiers, dont on peut estimer qu’ils seraient prioritaires. Il faut poursuivre le plan au-delà de 2017, pour qu’en cinq années supplémentaires 100 000 autres logements soient construits, à raison de 20 000 par an. Ceci suppose de préparer l’accélération actuelle du plan qui prévoit 14 300 livraisons en 2017. Il s’agit d’un des (rares) outils où les pouvoirs publics peuvent lutter directement contre le chômage, compte tenu de la forte intensité en emplois du secteur du bâtiment.

Sur ces 20 000 résidences par an, 5 000 devraient respecter les critères et loyers PLUS, en dessous des loyers actuels des résidences étudiantes. A cette fin, une subvention de 30 000 euros / logement PLUS serait nécessaire, soit 150 millions d’euros par an. L’affectation de la moitié des réajustements sur les aides personnelles prévus ci-dessus permettrait de subventionner cet effort.

Ainsi, le parc de logements spécifiques serait presque doublé en dix ans, permettant d’accueillir près de la moitié des boursiers, soit plus que le tiers présenté comme nécessaire pour faciliter l’accès des boursiers et autorisant donc une ouverture de ces logements aux non boursiers. De plus, un parc de 25 000 logements étudiants très sociaux serait ainsi créé. La mixité d’origine sociale y serait accentuée par les non-boursiers et les étudiants de familles très modestes.

Proposition : Poursuivre le « plan 40000 » au delà de 2017 en préparant dès maintenant un « plan 100 000 » de construction de logements collectifs étudiants, incluant 25 000 logements de type PLUS.

Faciliter l’accès au parc locatif privé

À court terme, et sans modification législative, il serait possible de sensibiliser les propriétaires aux possibilités qu’offre la législation d’accommoder les contraintes de la demande de logements étudiants.

Dans les zones tendues, il faut encourager les propriétaires de logements vacants à louer à des étudiants. La location à des étudiants peut susciter des craintes chez certains propriétaires, réticents à l’idée de louer à des jeunes qu’ils réduiraient un peu trop facilement à leur cliché. Pourtant, cette location peut avoir de très nets attraits : elle permet notamment, par la rotation plus rapide des occupants, de récupérer plus facilement son logement.

Proposition : inciter les CROUS à lancer des campagnes d’information auprès des bailleurs privés et des agents immobiliers sur les avantages de la location aux étudiants.

D’autres propriétaires ont pris le risque d’enfreindre la loi en transformant leurs logements en meublés touristiques permanents pour les rentabiliser au maximum. Alors que la répression dans ce domaine va s’accroître (la ville de Paris a recruté de nouveaux contrôleurs et la jurisprudence répressive commencent à produire ses effets), une formule leur permettrait de revenir dans la légalité : il s’agirait de maintenir la vocation normale de leur logement en louant au moins 9 mois par an à des étudiants et le reste du temps en meublé touristique. Cela pourrait augmenter l’offre locative pour les étudiants en zone tendue sans couper l’accès au marché touristique aux propriétaires à la saison la plus attractive.

Proposition : informer les propriétaires louant illégalement leurs logements en meublés touristiques qu’il est possible de revenir dans la légalité en louant le logement par bail d’au moins neuf mois à des étudiants et de compléter par une location meublée touristique le reste de l’année.

3.3 – Organiser une forte implication des universités dans le logement des étudiants

L’implication des universités dans le logement des étudiants est un volet majeur de leur implication dans la vie étudiante à côté des aspects sociaux, sanitaires, sportifs, culturels, économiques. Cet engagement, nécessaire mais encore insuffisant, est destiné à favoriser l’égalité des chances des étudiants ainsi que de meilleures relations entre professeurs et étudiants, de bonnes conditions de vie et d’épanouissement personnel qui contribuent à la qualité des études, à l’attractivité de l’Université et à une bonne transition vers la vie active.

L’implication dans le domaine du logement est d’autant plus importante :

que celui-ci constitue une clef importante de l’égalité des chances (comme il a été démontré ci-dessus) ;

que les universités, par leur connaissance des besoins quantitatifs et qualitatifs présents et à venir, peuvent très utilement orienter la programmation des différents types d’accueil ;

qu’elles peuvent intégrer ces besoins dans leur stratégie d’implantation et de développement ;

qu’elles sont en mesure de peser pour la prise en compte des besoins de locaux collectifs, d’animation et de bonne implantation des nouvelles capacités d’accueil ;

qu’elles disposent parfois de réels atouts fonciers et immobiliers susceptibles de participer à l’apport de programmation.

À ce niveau de nos propositions, il est important de réfléchir à la bonne échelle de l’intervention des universités en matière de logement. La loi « Fioraso » a créé les Communautés d’universités et d’établissements (COMUE) qui ont succédé aux anciens pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES). Regroupant les établissements d’enseignement supérieur et de recherche à l’échelle des bassins de vie, ce sont à notre avis ces COMUE qui représentent le bon niveau pour traiter des questions de logement, faisant ainsi le pendant avec les regroupements de communes.

L’organisation de cet engagement accru des universités dans le logement des étudiants passe par plusieurs mesures à court et long termes.

Renforcer l’implication des universités dans le CNOUS et les CROUS

Dans de nombreux pays, les universités sont impliquées dans les aspects pratiques de la vie étudiante. Notamment, elles interviennent, directement ou indirectement, dans les conditions de logement de leurs étudiants, considérant, à raison, qu’il s’agit d’une condition indispensable à la réussite universitaire. En France, le CNOUS et les CROUS sont des établissements publics opérateurs chargés de mettre en œuvre la politique du logement étudiant [33] . Il ne leur appartient pas de la définir au niveau stratégique, les caractéristiques évolutives des cursus universitaires étant largement de la responsabilité des universités. Cette politique et cette stratégie doivent être définies par celles-ci. Au grand minimum, il serait souhaitable de renforcer dans les conseils d’administration du CNOUS et des CROUS la représentation des universités qui doivent jouer un rôle de véritables décideurs de la politique du logement étudiant.

A plus long terme, il faudrait aller plus loin encore. Le logement doit être considéré comme l’un des éléments constitutifs des cursus universitaires et non comme un à-côté accessoire de la stratégie d’enseignement. L’université doit envisager l’étudiant comme une personne accueillie et accompagnée globalement en fonction de ses besoins éventuels et non comme un simple hôte de passage dans ses amphithéâtres et laboratoires. Elle doit préparer l’étudiant à la vie active, ce qui passe aussi par une vie sociale, au-delà des heures de cours et des examens. A terme, il faut prévoir que ce sont les universités elles-mêmes qui assureront la mise en œuvre de la politique du logement étudiant, avec l’aide du CNOUS et des CROUS qui disposent de l’expertise nécessaire. Ce sont les universités, ou les groupements géographiques d’universités qui existeront alors, qui devront s’occuper de la gestion des logements étudiants, prendre les décisions de constructions et être les interlocuteurs principaux de l’étudiant en ce qui concerne son logement. Il ne s’agit pas ici de minimiser le rôle et les succès du CNOUS et des CROUS dans l’exécution de leurs missions. Pour autant, le système actuel qui déconnecte le logement étudiant de l’université n’est pas satisfaisant. Ce passage de flambeau n’est pas sans poser certaines questions, ni susciter quelques inquiétudes, mais il semble indispensable à une véritable politique universitaire du logement étudiant. Tout au long de ce processus, il ne faut pas pour autant négliger le rôle des collectivités territoriales qui ont un poids important dans l’urbanisme universitaire, dans la construction de résidences nouvelles, dans le financement des opérations de construction et de réhabilitation de logements pour étudiants, dans la mise en place de transports publics permettant aux étudiants de rejoindre rapidement et facilement leurs lieux d’enseignement.

Propositions :

A court terme :

renforcer la représentation des universités et autres établissements d’enseignement supérieur au CA du CNOUS en leur donnant un rôle décisif

donner aux établissements d’enseignement supérieur, à travers les Communautés d’universités et d’établissements, la majorité dans le Conseil d’administration des CROUS, et y assurer une présence significative des collectivités territoriales

A long terme :

Prévoir une transition progressive de l’exécution de la politique du logement étudiant aux universités, en partenariat avec le CNOUS, les CROUS et les collectivités territoriales.

Renforcer la collaboration des universités et des régions

Les compétences des régions vont à l’avenir se développer et s’affirmer dans le domaine de l’action en faveur du développement économique (cf. le rôle de chef de file dans le cadre de l’élaboration du Schéma Régional de Développement économique, d’Innovation et d’Internationalisation – SRDEII – institué par l’article 2 de la loi du 7 aout 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe).

Il importe donc qu’elles aussi puissent contribuer à l’attractivité de la formation et de l’enseignement supérieur pour agir sur la création, le développement économique et le rayonnement national voire international du territoire.

Si la diversité et la qualité de l’enseignement sont à ce titre des enjeux majeurs, le logement étudiant participe aussi de l’attractivité des sites universitaires et constitue de plus en plus un critère discriminant de choix.

Proposition : mettre en place un schéma régional du logement étudiant obligatoire [34] ayant vocation à préciser la politique de la région en direction du logement étudiant (développement d’une offre nouvelle de logements, requalification durable des habitats dédiés aux étudiants et aux jeunes, sécurisation de l’accès au logement, information, etc..) en complément du schéma régional de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation [35] qui détermine les principes et les priorités d’interventions de la région.

En complément des COMUE, les collectivités territoriales et les intercommunalités accueillant des sites universitaires ou des établissements de recherche seraient associées à l’élaboration de ce schéma régional. Les orientations générales inscrites dans le schéma régional de logement étudiant en matière de développement de l’offre de logement discutées avec les intercommunalités lors de l’élaboration du schéma auraient ensuite un caractère prescriptif vis-à-vis des programmes locaux de l’habitat dont les intercommunalités ont la charge.

Restituer au logement social étudiant une fonction directe dans la problématique de la vie et de la réussite étudiante

Le lien doit être réalisé prioritairement à deux niveaux : dans l’attribution ou la libération des logements, dans la définition des résidences pour étudiants comme lieux d’étude.

On pourrait envisager la possibilité de différencier l’accès aux résidences étudiantes en fonction du niveau d’études. Par exemple, on pourrait donner une priorité au logement des étudiants en première année de chaque cycle, afin qu’ils se connaissent et connaissent la ville. Les années suivantes, une partie significative d’entre eux est naturellement amenée à se loger dans le parc privé, pour des raisons sociales ou économiques.

Il faudrait également assurer une meilleure articulation entre décision d’admission en licence (dispositif APB) ou en master, et processus d’admission en résidences sociales étudiantes. Ainsi, lorsque le futur étudiant exprime ses choix d’orientation après le bac, l’université devra lui fournir des informations sur la situation du logement étudiant dans sa zone géographique (nombre de places en logement collectif, probabilité d’en obtenir une et prix pratiqués dans le secteur privé). A un stade ultérieur, éventuellement lors de son admission à l’inscription, l’université devrait du même coup proposer à l’étudiant un logement collectif, lorsque cela est possible ou nécessaire au vue de la situation de l’étudiant. Il n’y a rien de scandaleux à faire de la situation du logement un critère de choix pour l’étudiant.

Proposition : Assurer que la politique d’attribution des logements sociaux soit en complète cohérence avec la politique des établissements concernés.

Associer les universités, à travers les COMUE, à la programmation en matière d’urbanisme et de logement

Les évolutions en cours dans le domaine des compétences locales en matière d’urbanisme et de logement qui seraient progressivement transférées au niveau des agglomérations et des intercommunalités rationalisées sont de nature à faciliter l’implication des COMUE et des universités. Celles-ci devraient être a minima systématiquement consultées pour l’élaboration des PLU et des PLH.

Ainsi les universités pourraient apporter leurs connaissances des besoins actuels et futurs des différents types d’accueil des étudiants mais aussi des chercheurs et des stagiaires.

Dans le cadre de la préparation du PLU et du PLH, elles informeraient de leur potentiel foncier et immobilier disponible pour la construction, la transformation ou la réhabilitation, ainsi que de leurs projets et de leur programmation. Elles pourraient aussi plaider auprès des collectivités pour une amélioration des transports collectifs permettant de desservir un plus vaste bassin d’habitat ; en retour, elles pourraient aussi mettre en place une modulation des horaires, comme ce qu’a mis en place l’université de Rennes 2, où, en dédoublant les horaires de début de cours, la pointe du matin a été résorbée [36] . L’objectif de ces échanges serait de promouvoir un véritable urbanisme universitaire, associant lieux de recherche, locaux d’enseignement, équipements culturels et sportifs, lieux de vie étudiante et habitat.

Au sein de chaque université, les associations étudiantes gagneraient, comme c’est souvent le cas à l’étranger, à s’impliquer dans la politique du logement étudiant, par exemple dans le cadre du Conseil académique.

Plus globalement, cette association à l’élaboration des documents d’urbanisme pourrait permettre aux universités de mieux s’inscrire dans le développement futur des agglomérations et de faire valoir les éléments favorisant la constitution de campus à la française, des communautés universitaires en milieu urbain vivant, comme l’exemple de Louvain-la-Neuve (voir encadré plus haut) le montre de façon très convaincante.

Nous devons mieux réfléchir à l’insertion des campus universitaires dans le tissu urbain et périurbain, le développement induit par l’environnement des institutions d’enseignement supérieur et de recherche. Sans quoi, les campus continueront d’être des lieux désertés en dehors des heures et périodes de cours, et l’environnement ne sera pas favorable pour le développement économique.

Proposition : Lancer un appel à projets d’urbanisme pour faire des propositions générales et particulières sur l’insertion des campus dans la ville et le développement urbain autour des campus.

A terme, confier la décision de construire des logements publics pour les étudiants aux COMUE

À terme, une fois stabilisées les réformes en cours au niveau des collectivités locales et bien développées les implications accrues des universités dans le logement des étudiants proposées ci-dessus, il faut confier la décision de construire des logements publics pour les étudiants aux COMUE. Elles s’appuieraient sur les capacités techniques du CNOUS au niveau national. Au niveau régional, les CROUS seraient soit intégrés aux COMUE, soit resteraient des agences extérieures, mais dans les deux cas, le pilotage et la gestion des aides financières seraient confiées aux établissements ou aux Communautés d’établissements.

Impliquer l’université dans la vie des logements étudiants collectifs et publics

L’une des manifestations de la non-implication actuelle de l’Université pour le logement de ses étudiants est l’absence d’encadrement scientifique et pédagogique dans les cités universitaires. Pour que le logement étudiant ne soit pas seulement un logement social, il est crucial que la présence universitaire s’y fasse sentir, afin de créer des dynamiques de travail et des dynamiques sociales comme celles qui peuvent s’observer dans les résidences des écoles d’ingénieurs intégrées et les internats des CPGE. Par exemple, dans les CPGE qui disposent d’un internat, une partie des élèves y sont logés ce qui favorise une certaine cohésion. Le modèle de l’internat permet aussi de proposer des heures d’études, souvent encadrées, de même qu’il décharge l’élève de certains aspects de la vie pratique afin que celui-ci puisse se consacrer à son travail. Pour prendre un autre exemple, l’Ecole Centrale de Paris propose sur son campus autour de 1 300 logements de plusieurs catégories (chambre individuelles ou à deux pour étudiants célibataires, chambres pour étudiants mariés), sous la forme d’une résidence privée, indépendante de l’école (mais dont cette dernière est le principal actionnaire) et sous statut HLM. Les loyers pratiqués y sont très modérés (366€ mensuels pour une chambre simple). Ce logement est le lieu d’une vie sociale et associative très intense. Cela montre bien un exemple de logements étudiants gérés en lien très étroit avec l’établissement d’enseignement qui permet une socialisation importante de l’étudiant et l’existence d’une véritable communauté universitaire et estudiantine. On pourrait très bien imaginer, une fois le logement étudiant identifié par l’université (les étudiants de telle université occupent tel logement) que l’université concernée organise l’encadrement de période d’études, à destination des étudiants les plus jeunes, par les étudiants les plus avancés, notamment les doctorants, qui pourraient à ce titre bénéficier de conditions de logement facilitées. Etant donné la diversité des matières représentées, il ne pourrait bien sûr s’agir que d’un encadrement méthodologique ou de tutorats portant sur des matières fondamentales. Cette mesure suppose aussi l’existence sur place d’espaces de travail. Un universitaire plus avancé pourrait se charger de la direction scientifique de cet encadrement, en en contrôlant la qualité, notamment par le recrutement. Cette mesure pourrait aussi revaloriser le logement collectif public, aux yeux d’une population qui se tourne plus volontiers vers le marché privé. Elle aurait aussi pour conséquence de favoriser le lien social au sein de chaque résidence.

Proposition : Les résidences étudiantes doivent inclure des lieux de travail collectif et favoriser la mise en place d’un encadrement pour les plus jeunes étudiants.

***

Comme nous l’avons montré, la question du logement constitue un élément central pour l’organisation de l’enseignement supérieur et pour la réussite des étudiants. Elle est aujourd’hui l’un des principaux freins à la démocratisation des études supérieures et à une égalité des chances réelles. Mais si important soit-il, le logement n’est qu’un des aspects de la vie étudiante et du financement des études. Il reste à mener une réflexion globale sur le financement des études post bac afin de donner à notre enseignement supérieur les moyens dont il a besoin et permettre aux étudiants de toutes origines d’avoir également accès aux études, indépendamment de leur origine sociale. C’est l’intérêt des publics les plus modestes, mais c’est aussi, sans aucun doute, l’intérêt du pays dans son ensemble.

  1. L’introduction est ici une reprise de la synthèse, qui présentait le mouvement global de ce travail.

  2. Sondage CCLV : 80 % des personnes (18–27 ans) interrogées ont rencontré des difficultés pour accéder à un logement, majoritairement en raison de loyers trop élevés (43,7 %), du peu d’offres disponibles (23,9 %) mais aussi du mauvais état des logements proposés (22,9 %).

  3. Étudiants quittant le domicile familial.

  4. Il faut bien voir que les plafonds inscrits dans le dispositif en diminuent l’efficacité : 500 euros pour une personne seule en province, 600 euros en Ile de France, 700 euros à Paris.

  5. Un acquéreur d’un logement dans une résidence étudiants, qui conclut un bail de 9 ans avec une société d’exploitation offrant aux résidents des services hôteliers, récupère la TVA et obtient une réduction d’impôt sur l’achat du logement hors taxes de 11 % étalée sur 9 ans dans la limite de 300 000 euros (plusieurs lots sont possibles). Ce dispositif entre dans le cadre du plafonnement général des avantages fiscaux de 10 000 euros par an.

  6. Cette question fait l’objet de nombreuses réflexions et propositions. Pour ne citer que les plus récentes : une commission de l’Assemblée nationale, présidée par François Pupponi, a remis un rapport sur ce sujet le 26 mai 2015 ; la Cour des comptes a rendu public, le 16 septembre 2015, un rapport sur les aides personnelles au logement demandé par la commission des finances du Sénat. Nous y revenons dans le corps de la note.

  7. Source Tableaux de l’Économie Française – Édition 2014 – avril 2014

  8. Les chiffres de ce paragraphe proviennent du rapport OVE 2013.

  9. A titre d’exemple : les loyers pratiqués, hors aide au logement, par le CROUS de Paris ne dépassent jamais 20 euros du m² alors que le secteur privé peut pratiquer des prix allant jusqu’à 35 euros et plus pour les petites surfaces. Le loyer mensuel pour une chambre meublée gérée dans chaque région par le CROUS, sur les campus des universités de France, dans les résidences universitaires (10 m² en moyenne) est d’environ 115 euros. Dans les résidences universitaires les plus récentes, les CROUS proposent des studios de 18 m² à 23 m². Les prix pratiqués par les résidences privées sont hétérogènes, mais plus élevés que ceux pratiqués par les CROUS, la qualité des logements étant en général supérieure avec parfois des services compris ou possibles dans le coût du logement (wifi, laverie, ménage, …) : pour des 18 m², les loyers sont en moyenne compris entre 600 et 900 euros à Paris, 500 euros à Marseille, 400 euros à Bordeaux…

  10. Le montant des bourses offertes aux étudiants varient en fonction des revenus familiaux. Les bourses à l’échelon 7, le plus élevé, représentent un montant annuel de 5539€ ; alors que les bourses à l’échelon 0 ne donnent droit à aucun revenu, mais uniquement à l’exonération du paiement des droits universitaires dans les établissements publics et du paiement de la cotisation à la sécurité sociale étudiante.

  11. Pour souligner les difficultés du recensement, si le Crous de Paris propose un parc de 5 800 logements, il faut y ajouter les 5300 places de la Cité Internationale Universitaire ; à cela s’ajoutent encore 5900 places dans des résidences privées (associations confessionnelles, internats des grandes écoles, internats des Classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE), ou encore résidences privées), ce qui porterait le nombre total de places en résidences étudiantes à Paris à 17 300.

  12. La FAGE considère, dans un communiqué daté du 4 septembre 2014, que « 1,12 million d’étudiants se logent dans le parc privé, faute de logements sociaux »

  13. Les chiffres de ce paragraphe sont issus du rapport OVE sur le logement étudiant de 2003.

  14. Rapport OVE 2003.

  15. Rapport OVE 2013, p. 19. Satisfaction générale. Seulement un tiers des étudiants décohabitants se déclarent très satisfaits de leur logement contre un peu plus de la moitié des cohabitants.

  16. Deutsches Zentrum für Hochschul- und Wissenschaftsforschung et Eurostudent 2015.

  17. Pour Paris, il faut aussi compter avec le fait que les académies limitrophes de Versailles et Créteil vont se retrouver légèrement « excédentaires » (par rapport à l’étalon que semble être le tiers des boursiers) et pourront mutualiser environ 400 logements (sur un total de 5600 à Créteil et 8300 à Versailles).

  18. Les dispositifs Quilès Méhaignerie (réduction d’impôt sur les revenus locatifs) puis l’amortissement Périssol (déduction des revenus fonciers, sous forme d’amortissement, d’une partie de la valeur d’acquisition des logements qui doivent être loués à usage d’habitation principale) ont favorisé au cours de la décennie 1990 l’éclosion d’un parc de studios et de résidences pour étudiants. De même pour les dispositifs Borloo, Scellier Duflot puis Pinel.

  19. Rapport de mi-2014 non publié mais disponible sur le site des Echos depuis le 29 janvier 2015 http://www.lesechos.fr/29/01/2015/lesechos.fr/0204119469632_logement-—le-plan-choc-soumis-au-gouvernement.htm

  20. 5900 places en résidence privées contre moins de 5500 en résidence CROUS (si l’on exclut la Cité internationale universitaire CIU).

  21. Une question très discutée parmi les experts du logement et parmi les économistes est celle des effets inflationnistes des aides au logement ; voir à ce sujet la Note Insee Analyses N° 19 – novembre 2014 : http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ia19 . Le rapport Pupponi de mai 2015 note de son côté « l’effet fortement inflationniste [de l’APL] sur les loyers des petites surfaces dans les grandes agglomérations. » Parmi les tenants de la thèse inflationniste, on peut aussi mentionner un rapport 2015 de l’Institut des politiques publiques commandité par la Cour des comptes : « A. Bozio, G. Fack, J. Grenet, M. Guillot, M. Monnet et L. Romanello, Réformer les aides personnelles au logement. », et, des mêmes auteurs, l’étude 2015 du Cepremap « les allocations logemenbt, comment les réformer ? » Voir aussi le paragraphe suivant de la présente note sur les moyens de contenir l’inflation des loyers.

  22. Fixé par l’INSEE : au 3e trimestre 2014, la variation annuelle est fixée à 0,47 %.

  23. C’est au locataire de contester le loyer devant la commission départementale de conciliation, puis, éventuellement en justice. Cela suppose qu’il ait accès au loyer pratiqué avant son arrivée. Or aucune mesure d’information ne semble prévue.

  24. En cas notamment de loyers sous-évalués dans le bail précédent.

  25. La loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové du 24 mars 2014, encore appelée loi Duflot

  26. Le dispositif est applicable aux baux signés après le 1er août 2015.

  27. Si le loyer dépasse le plafond de loyers, il doit être ramené au montant maximal autorisé mais le propriétaire peut appliquer un complément de si le logement présente « des caractéristiques de localisation ou de confort par comparaison avec les logements de même catégorie situés dans le même secteur géographique ». Le montant de ce complément peut-être contesté par le locataire à travers une procédure ad hoc dans les trois mois de la signature du bail.

  28. Selon une enquête menée par la CLCV, association nationale de défense des consommateurs et usagers, en 2013 : parmi les 16 propositions de réforme suggérées, les jeunes enquêtés privilégient à 33,4 % l’encadrement des loyers, l’augmentation des aides au logement à 26,4 %, l’instauration d’un système d’aide aux démarches à 25 %, suivies par la construction de logements à 21,3 % et la création d’un système de cautionnement pour les jeunes à 20 %.

  29. La caution locative étudiante, expérimentée en 2013 et mise en place en 2014, a un impact très limité, peut-être en raison de son coût pour les étudiants. Au terme de l’année 2015–2016, il faudra en faire le bilan et le cas échéant amender le dispositif.

  30. Article L 718–4 du Code de l’éducation.

  31. A moyen terme, on pourrait envisager, dans le cadre d’une concertation avec les organisations étudiantes, une mise à plat complète des aides aux étudiants avec comme objectif de les rendre plus justes et de mieux permettre l’autonomie des étudiants. L’Institut des Politiques Publiques propose, dans son récent rapport Réformer les aides personnelles au logement une refonte totale du système, excluant les étudiants de l’aide au logement et envisageant de « réformer le système actuel de bourses sur critères sociaux afin d’améliorer la redistributivité globale du système d’aide aux étudiants » (p. 8).

  32. Soit 250 millions d’euros pour la suppression du cumul, avec la suppression d’environ 100 000 aides personnelles, et 50 millions d’euros pour le non versement d’environ 20 000 aides personnelles pour loyers excessifs.

  33. Ainsi que la restauration, les fameux « RU » (restaurants universitaires)

  34. À ce stade, seule la région Ile-de-France bénéficie d’un tel schéma (article L. 822–1 du code de l’éducation).

  35. Institué par l’article L. 214–2 du code de l’éducation.

  36. Anne Chemin, « La ville à mille temps », Le Monde , 2 avril 2015 – http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2015/04/02/la-ville-a-mille-temps_4608462_3224.html

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