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Note

La recherche sur les embryons et les cellules souches embryonnaires

Le projet de loi portant révision de la loi bioéthique sera présenté en conseil des ministres mercredi prochain. Il porte sur l’assistance médicale à la procréation : Terra Nova a publié au printemps un rapport sur le sujet, signé par Geneviève Delaisi de Parseval et Valérie Sebag-Depadt. Dans cette note, Valérie Sebag-Depadt examine l’autre sujet sensible de la révision : la recherche sur les embryons et les cellules souches. La loi de 1994 avait posé un principe d’interdiction absolu. La loi de 2004 avait ouvert des dérogations sous condition de « progrès thérapeutiques majeurs ». La note estime qu’il est temps, désormais, de consacrer un principe général d’autorisation de la recherche scientifique sur les embryons surnuméraires.
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Parmi les sujets les plus sensibles qui seront soumis au vote du législateur figure celui de la recherche sur les embryons et les cellules embryonnaires.

La loi de 1994 avait posé un principe d’interdiction absolu de toute recherche sur l’embryon.

La loi de 2004 a atténué la rigueur de l’interdiction en assortissant cette dernière d’une dérogation. Ella a permis que, pour une durée de cinq ans, des recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires puissent être menées sur les embryons surnuméraires, à titre exceptionnel, aux deux conditions cumulatives de permettre des progrès thérapeutiques majeurs et de ne pouvoir être poursuivies par une méthode alternative d’efficacité comparable en l’état des connaissances scientifiques.

A l’occasion de la révision de 2010, l’heure est venue d’achever cette évolution et de consacrer le principe de la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.

Sur le plan éthique, il faut bien retenir que la création d’embryons à des fins scientifiques demeure interdite. La conception d’embryons in vitro n’est autorisée que dans le cadre de protocoles d’assistance médicale à la procréation (AMP) : le débat ne porte donc que sur les embryons surnuméraires conçus dans le cadre de protocoles d’AMP mais ne faisant plus l’objet d’un projet parental. Le droit actuel prévoit leur destruction dans un délai de cing ans. L’enjeu éthique de la recherche sur l’embryon n’est donc pas la « destruction » d’une personne humaine potentielle : les embryons surnuméraires sont déjà détruits aujourd’hui. L’alternative se pose de la manière suivante : destruction ou utilisation pour la recherche scientifique. Dans ce cadre, il nous paraît légitime d’autoriser l’instrumentalisation à des fins d’intérêt général (la recherche scientifique) de ces embryons surnuméraires.

Sur le plan scientifique, il ne fait guère de doute que les recherches sur les cellules embryonnaires sont porteuses de grands espoirs dans le traitement des grands brûlés, des leucémies ou des maladies génétiques et neuro-dégénératives comme la maladie d’Alzheimer ou de Parkinson. Or les conditions posées pour pouvoir mener de telles recherches aujourd’hui sont limitantes : le critère de « progrès thérapeutique majeur » rend difficile les dérogations pour la recherche fondamentale, pourtant essentielle, mais pour laquelle on ne peut déterminer les implications thérapeutiques ultimes.

Sur le plan juridique, l’article 16 du code civil interdit toute atteinte à la dignité de la personne et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie. Cette protection est étendue à l’embryon. Mais une décision du Conseil constitutionnel du 27 juillet 1994 estime que cette protection n’est pas applicable à l’embryon in vitro. Le Conseil constitutionnel ouvre ainsi la voie à une consécration du principe d’autorisation de la recherche sur les embryons.

La loi de 2004 s’inscrit d’ailleurs dans cette logique. Le régime dérogatoire qu’elle instaure est un régime transitoire : un temps d’expérience, destiné à évaluer si l’ouverture à la recherche n’entraînait pas des abus. En cas de bilan positif, l’esprit de la loi était de basculer dans un régime d’autorisation. Or le bilan est, de l’avis général, très positif : les dérives n’ont pas eu lieu.

On ne peut totalement ignorer, enfin, l’argument industriel. Ces recherches nécessitent de lourds investissements. Or le maintien d’un régime d’exception fragilise la position de la France au sein de la communauté internationale, en générant la méfiance des investisseurs, inquiets de l’incertitude et du manque de lisibilité de la loi française.

Le passage à un principe d’autorisation ne signifie pas le laissez-faire sans contrôle. La Convention d’Oviedo dispose que la loi doit assurer une « protection adéquate » de l’embryon : elle doit, en d’autres termes, définir un « statut de l’embryon ». En pratique, la procédure mise en place par l’Agence de biomédecine pour instruire les demandes de dérogation s’est avérée très satisfaisante. Elle devra être maintenue dans le cadre du régime d’autorisation.

Le principe d’interdiction, dès lors qu’il est assorti d’une exception, ne fournit pas plus de garanties contre les dérives et les abus que ne le ferait un principe d’autorisation. Tout au contraire, l’abandon du régime d’exception permettrait de concentrer la réflexion sur les modalités d’application de la recherche, dont certaines, en l’état actuel du droit, s’avèrent insatisfaisantes ou lacunaires. Et la consécration d’une autorisation, précisément encadrée et soumise à conditions, serait le signe d’une évolution maîtrisée, pleinement justifiée, révélatrice de la volonté nationale d’assumer sa responsabilité en conciliant la protection de l’embryon avec l’intérêt général servi par la recherche.

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