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Note

Le recours à la force en Côte d’Ivoire : la solution du pire

Dans un tribune publiée dans Libération le 4 janvier dernier, William Leday, coordonnateur du pôle International et Défense de Terra Nova, revient sur la stratégie à privilégier en Côte d’Ivoire : le rapport de force entre Alassane Ouattara, proclamé vainqueur du scrutin présidentiel par la Commission électorale indépendante, imbu d’une reconnaissance internationale, et Laurent Gbagbo, président sortant, remis en selle par un conseil constitutionnel aux mains de ses affidés, tend aujourd’hui à se figer. Une situation telle que le CEDEAO et le camp du président vainqueur envisagent le recours à la force : une épreuve pour un pays dont l’unité est de plus en plus formelle, et dont les répercussions géopolitiques à l’échelle de la sous-région seront notables.
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Toutes les voies pacifiques seraient prétendument épuisées en Côte-d’Ivoire. Face à Laurent Gbagbo résolu à la « guerre civile », la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), soutenue par la communauté internationale, la France et tout ce que la Côte-d’Ivoire compte d’acteurs extérieurs, semble envisager la voie des armes afin de forcer le président sortant à déposer les siennes. Pourtant, ce type d’intervention représente à bien des égards la solution du pire.

Le fait que la CEDEAO prenne part à la gestion politique et militaire de la crise ivoirienne semble conforme à l’idée que la France se fait de sa nouvelle politique africaine. Chaque organisation sous-régionale représenterait l’échelon le plus légitime dans le domaine de la sécurité collective. A cet effet, la France soutient, depuis 2007, l’émergence des Forces africaines en attente (FAA). Cette conception participe de la logique d’« appropriation africaine » de la gestion des crises, concept clé d’une dynamique hésitant entre désengagement, indifférence, affairisme et activisme en coulisse. Or la brigade en question n’étant pas opérationnelle, il s’agira d’une force composite majoritairement pourvue et pilotée par le Nigeria, adversaire déclaré de Gbagbo. En outre, les forces de paix de la Cedeao ont souvent été au mieux spectateurs impuissants, au pire parties prenantes des crises, preuve que l’appropriation africaine est un concept certes prometteur mais encore en gestation.

Laurent Gbagbo dispose quant à lui d’un potentiel armé non négligeable. En plus des forces de sécurité contrôlées par ses affidés, il peut compter sur les milices de l’Ouest que la mission de l’ONU n’est jamais parvenue à désarmer. A Abidjan, les « patriotes » font office de police politique ou de force d’appoint pour peu qu’ils soient payés. Fort de cet avantage sur le terrain, Gbagbo peut brandir à loisir la menace d’une confrontation armée et prendre ainsi en otage les 26% de la population ivoirienne « réputée » étrangère qui fera à nouveau l’objet d’outrages injustifiés.

Si les risques de massacres sont élevés, doit-on pour autant parler de génocide comme l’a fait le représentant spécial de l’ONU ? N’en déplaise à Choi Young-jin, la Côte-d’Ivoire n’est pas le Rwanda et de telles déclarations relèvent de l’irresponsabilité dans un pays où la pratique du verbe haut induit des effets sur le rapport de forces. Ce sont l’intensité, la durée de la confrontation et la Côte-d’Ivoire comme entité politique viable qui posent question. In fine, un volet de mesures visant l’asphyxie financière du camp de Gbagbo et la paralysie des institutions, mêlées de gestes d’ouverture à l’égard des éléments modérés du Front populaire ivoirien, semblent être la stratégie à privilégier. Cela requiert de la part des acteurs en présence tact, intelligence et hauteur. Il est capital qu’Alassane Ouattara, qui a remporté une élection à bien des égards exemplaire, initie son mandat pacifiquement et non par un bain de sang.
 

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