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Revue de presse

Pour une véritable logique de démocratisation de la réussite scolaire

L’école est au cœur de la campagne électorale. Les Français la placent en tête de leurs priorités. Les candidats à la présidentielle s’en sont saisis et en font un sujet central de leurs propositions. En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/03/08/terra-nova-pour-une-veritable-logique-de-democratisation-de-la-reussite-scolaire_1653814_3232.html#Bmpv4dOzfPThSKFg.99
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Cette préoccupation est due à la crise de l’avenir que traverse notre société : nous ne savons plus si nous pourrons assurer un avenir meilleur à nos enfants et nous investissons d’autant plus dans l’éducation. Or on constate une dégradation objective des résultats et de l’ambiance de l’école hexagonale. La France chute dans les évaluations internationales PISA menées par l’OCDE. La part des élèves en difficulté à l’âge de 15 ans est passée de 15 % à 20 % sur la décennie. Le nombre de bacheliers est en régression, à 63 % d’une classe d’âge. 150 000 adolescents sortent sans diplôme du système scolaire et sont condamnés au chômage et au précariat. La réussite dans l’enseignement supérieur ne s’est pas démocratisée : moins de 40 % d’une classe d’âge, contre plus de 60 % dans les pays les plus avancés.

Ce déclin de l’école, les gouvernements successifs depuis 2002 en ont la responsabilité directe. La France est le seul pays au monde – à l’exception des pays en guerre – à avoir baissé son effort éducatif : les « dépenses intérieures d’éducation » sont passées de 7,5 % à 6,5 % du PIB en dix ans – une baisse de vingt milliards d’euros. 150 000 postes d’enseignants ont été supprimés sur la décennie. La scolarisation des enfants de deux ans a fortement régressé, de 30 % à 13 %, alors que toutes les études montrent l’importance de cette pré-scolarisation pour l’acquisition du « capital cognitif ». L’école primaire a perdu une demi-journée de cours par semaine, ce qui pèse sur les élèves en difficulté. La formation des enseignants et les IUFM chargés de la mener ont été réduits à leur plus simple expression. Le passage du recrutement des enseignants au niveau Bac+5 (« mastérisation ») a entraîné un effondrement du vivier des candidats. La volonté présidentielle de déréguler la carte scolaire a accéléré la ghettoïsation des établissements. Signe inquiétant de celle-ci, la violence scolaire a progressé sur la période 2007–2012, particulièrement pour les collèges et les lycées professionnels. La gouvernance de l’école a été modifiée, avec le renforcement des prérogatives de la hiérarchie, au détriment des équipes pédagogiques. C’est notamment le cœur du projet Eclair, qui vise à remplacer l’éducation prioritaire.

Face à cette situation alarmante, le candidat Sarkozy s’inscrit dans la continuité du président Sarkozy. Il vise la contraction de l’école et propose de maintenir la réduction du nombre d’enseignants dans le secondaire. Il a annoncé par ailleurs une « revalorisation » de 25 % du revenu des enseignants du secondaire contre une augmentation des obligations de service de 18 heures à 26 heures, sur la base du volontariat. C’est une nouvelle version du « travailler plus pour gagner plus ». Une erreur stratégique en période de crise : l’objectif prioritaire n’est pas d’améliorer le sort de ceux qui ont déjà un emploi, mais d’en donner un à ceux qui l’ont perdu ou qui en cherche. C’est par ailleurs un marché de dupe : une augmentation de salaire de 25 % pour une augmentation de travail de 40 %. Les heures supplémentaires sont normalement payées à taux majoré ; avec cette mesure, elles sont payées à taux minoré. Une mesure sur fond de stigmatisation, une nouvelle fois, des fonctionnaires et de l’éducation nationale, qui ne travailleraient pas assez. Un mythe qui a la vie dure : les enseignants travaillent peu sur place, du fait notamment de l’absence de bureaux, mais ils travaillent beaucoup en dehors (correction des copies, préparation des cours, travail informatique pour la vie scolaire…).

François Hollande a proposé quant à lui le recrutement de 60 000 personnes supplémentaires dans l’éducation nationale. On voit là une alternative stratégique : avec le même effort budgétaire (1 à 2 milliards d’euros par an en rythme de croisière), vaut-il mieux payer des heures supplémentaires aux enseignants déjà présents ou augmenter le nombre d’enseignants ? Cette mesure est destinée à une triple priorité d’affectation : éducation prioritaire, école primaire et formation des enseignants. Ce sont précisément les secteurs qui ont été repérés, soit par les enquêtes internationales, soit par les travaux hexagonaux, comme étant à la fois les secteurs en crise et les leviers nécessaires de réforme de l’école française. L’enjeu est de casser le malthusianisme élitiste du système français pour basculer dans une véritable logique de démocratisation de la réussite scolaire. La priorité est dès lors d’aider les élèves en difficulté, par un soutien personnalisé, notamment dans le primaire où se cristallisent les destins scolaires, et par un effort accru dans les quartiers difficiles.

Terra Nova a publié son rapport sur l’éducation nationale en septembre 2011, en anticipation de la campagne présidentielle. Celui-ci, fruit d’un travail collectif d’acteurs de l’école, a mis l’accent sur les difficultés croissantes de notre système éducatif, privé des moyens nécessaires à son bon fonctionnement mais aussi d’une ambition d’équité, avec pour objectif affirmé la généralisation de l’enseignement supérieur et l’absence de sortie sans qualification du système scolaire. Nous pensons en effet que la France a tout à perdre à trier sa jeunesse et à rogner les moyens de l’école de la République.

Ismael Ferhat est co-auteur avec François Dubet de Ecole 2012 : faire réussir tous les élèves (Terra Nova, septembre 2011).

Olivier Ferrand, président de Terra Nova et Ismael Ferhat, coordinateur du pôle « éducation » de Terra Nova


 
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