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Revue de presse

Crise des réfugiés : « Le droit d’asile est en danger en Europe »

Le dossier des migrants divise l’Europe. Thierry Pech, directeur du laboratoire d’idées Terra Nova, propose avec l’institut Montaigne des mesures pour bouger les lignes.
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Le think tank Terra Nova et l’Institut Montaigne publient ce jeudi un rapport intitulé « Sauver le droit d’asile » et conçu comme un appel aux dirigeants européens qui se réunissent jeudi à Bruxelles.

Vingt-quatre heures de négociations entre Européens sur l’accostage de l’Aquarius, qui transportait… 58 migrants. Comment en est-on arrivé là ?

THIERRY PECH. On a passé le pic de la crise des réfugiés, générée par les guerres au Proche et au Moyen Orient. Mais maintenant, on est dans le pic de la crise politique. Le moindre bateau transportant des naufragés devient l’occasion d’un affrontement politicien. C’est pour cela que le droit d’asile est en danger dans le continent qui l’a vu naître !

Pour quelles autres raisons ?

Il y a une Convention de Genève, mais autant d’applications que d’Etats membres. Tout le monde essaie de se débarrasser du problème sur le voisin. Que ce soit en dehors de l’Union (Turquie, Libye…) ou au sein de l’Union. Le règlement de Dublin veut que le pays responsable du traitement de la demande d’asile soit le pays de première entrée. Cela permet aux Etats de deuxième ligne de se décharger du problème sur les Etats de première ligne. C’est un facteur majeur de désordre.

Il y a aussi la question de la répartition entre Etats membres…

Le système de relocalisation, mis en place en 2015, n’a pas marché, notamment à cause du refus catégorique de certains pays. Aujourd’hui, le problème c’est que les forces populistes, hongroises, italiennes, ne veulent pas trouver de solution. Leur intérêt est de faire durer le problème et d’épuiser sa rentabilité électorale.

Et les dirigeants non-populistes ? Ils cherchent vraiment une solution ou ils sont paralysés par la crainte que leurs propres populistes progressent ?

Je pense que tous les autres ont intérêt à trouver une solution intelligente. Et à la trouver vite !

Quel appel lancez-vous aux dirigeants européens, qui se réunissent aujourd’hui ?

Qu’ils définissent l’horizon vers lequel ils veulent progresser, qu’ils se mettent d’accord sur le fait que la solidarité entre eux est la condition d’un traitement plus digne et plus efficace des demandeurs d’asile.

Que proposez-vous ?

Une refonte complète du système européen du droit d’asile. Il est capital que les autorités nationales qui gèrent les questions de l’asile, type Ofpra, soient des autorités indépendantes du pouvoir politique. Sinon, c’est la loterie ! On parle d’un droit fondamental, il n’est pas normal qu’il soit prisonnier de la conjoncture politique.

Et concernant le règlement de Dublin ?

Il faut mettre fin à la clause du pays de première entrée. Laisser le choix au demandeur d’asile de demander la protection de tel ou tel Etat membre en fonction de ses affinités, de son histoire, de ses capacités linguistiques… Evidemment, si l’on fait cela, des pays seront beaucoup plus demandés que d’autres. Donc, il faut que cela soit géré équitablement.

Comment ?

Il faut créer un Office du droit d’asile en Europe, l’ODAE, qui coordonne les autorités nationales, donne des lignes directrices. Mais qui ait aussi la capacité de répartir les dossiers en cas de surcharge, de demander des comptes, voire de prononcer des sanctions. Par ailleurs, l’Europe devrait prendre une part plus grande aux discussions sur les procédures de renvoi. Il faudra, à terme, aller vers une diplomatie européenne de la migration.

Quelles mesures d’urgence préconisez-vous ?

Des gens meurent en Méditerranée. C’est le problème numéro un, le syndrome Aquarius, celui qui divise les Etats.

Que faire ?

Nous proposons de créer des centres d’accueil et de traitement dans tous les pays méditerranéens européens. On nouerait une double solidarité. Entre les pays riverains de la Méditerranée, en répartissant le premier accueil des secourus en mer entre les différents centres. Et avec les pays dits de deuxième ligne, qui participeraient à l’examen des demandes d’asile et à l’accueil des réfugiés.

Vous avez testé ces propositions auprès de Macron ?

Tous les progressistes ont vocation à porter en urgence et avec vigueur des propositions de ce type. Et si certains pays ne veulent pas participer, très bien ! Mais on va leur demander de l’argent, et ça leur coûtera deux ou trois fois ce que leur aurait coûté l’accueil.

Vous avez l’espoir d’être suivis ?

Si on ne veut pas le succès des nationalistes aux élections en mai prochain, il faut montrer aux populations que l’on peut gérer cette question. L’idée selon laquelle on pourrait fermer les écoutilles du continent européen ne tient pas debout.

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