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Note

Discriminations : s’unir pour ne plus subir

Pour lutter contre les discriminations en France, il apparaît aujourd’hui essentiel de prendre en compte leur caractère systémique et diffus et de doter les individus des moyens effectifs de se défendre. Défis cruciaux pour l’intégration républicaine, ce sont ceux auxquels s’efforce de répondre le recours collectif, défendu par cette note de Louis-Georges Tin, Mehdi Thomas Allal et Sophie Lemaire.

Publié le 

La lutte contre les discriminations concerne potentiellement tous les Français, étant donné la multiplicité des critères retenus par la loi.

Malheureusement, les condamnations demeurent aussi rares que peu dissuasives. Dans un contexte de crise économique, les discriminations représentent un phénomène pourtant de plus en plus prégnant : qu’il touche des femmes ou des minorités, les victimes sont souvent démunies pour mener une action en justice ayant des chances d’aboutir. Le recours collectif apparaît comme une réponse pertinente dans la mesure où il permet à un groupe de personnes de s’associer et de mutualiser leurs moyens afin de réparer le préjudice qu’elles ont subi. Le dispositif juridique antidiscriminatoire actuellement en vigueur en France constitue en effet une réponse peu appropriée aux discriminations collectives, souvent indirectes, qui correspondent à un phénomène diffus, invisible, et à des situations où le traitement mis en cause est en apparence neutre ou anodin, aux yeux mêmes parfois de ceux qui le commettent.  Les discriminations collectives sont en effet souvent dues à des pratiques, parfois involontaires voire inconscientes, mais qui ont des conséquences pratiques parfois lourdes, par exemple un moindre niveau de salaires et des évolutions de carrière ralenties ou bien stoppées.

Cet engagement de campagne de François Hollande existe déjà dans le système législatif d’un certain nombre de pays de l’Union européenne, bien qu’il concerne surtout le droit de la consommation. Deux propositions de loi ambitieuses ont été déposées dans ce sens depuis un an : l’une au Sénat par Esther Benbassa et le groupe écologiste ; l’autre à l’Assemblée nationale par Razzy Hammadi et le groupe socialiste. Le secteur associatif n’est pas en reste depuis l’appel lancé dans le journal Libération en juillet 2013 à l’initiative de l’association République & Diversité, et relayé par l’Association des Paralysés de Frace, le Conseil représentatif des associations noires de France, Graines de France ou encore Terra Nova…

Notre plaidoyer en faveur des recours collectifs s’inscrit donc dans le droit fil du rétablissement de l’égalité républicaine, tant la lutte contre les discriminations ressemble à un combat disproportionné entre d’un côté une personne isolée, psychologiquement fragile, démunie socialement, et, de l’autre, une entreprise ou une institution. C’est donc un combat inégal dans lequel de nombreux plaignants potentiels, pensant qu’il est perdu d’avance, n’agissent pas, .

Or l’action de groupe en matière de discriminations présente de nombreux avantages pour les victimes. Elle permet d’abord de surmonter ses peurs et le risque de représailles, dans un contexte souvent fermé à l’extérieur. Elle permet ensuite de mettre en commun leurs moyens matériels pour aller jusqu’au bout de la procédure, qui est parfois longue et coûteuse. Par ailleurs, le retentissement et l’impact médiatiques de certaines affaires peuvent jouer comme une « arme de dissuasion massive » vis-à-vis de certains grands groupes soucieux de leur réputation. Enfin, le recours collectif augmente les bénéfices judiciaires dans la mesure où le montant alloué pour dédommager les victimes sera plus conséquent. De nombreux acteurs de la société civile ont vocation « naturellement » à être habilité à ester en justice. Alors que le récent rapport « Pécaut-Rivolier » remis à la Garde des Sceaux propose de limiter ce recours aux syndicats représentatifs, nous pensons au contraire qu’il faut garantir un large accès et étendre ce droit aux associations qui ont accumulé une expertise irremplaçable dans la lutte contre le racisme et les discriminations.

Pour ne pas inquiéter outre mesure les entreprises, en particulier les PME et les TPE, nous proposons également de mettre en place un calendrier progressif d’entrée en vigueur de cette procédure, en en fixant dès maintenant les étapes, de manière à ce que chacun puisse s’organiser en conséquence. Car le but poursuivi n’est pas d’effrayer par la sanction, mais de rendre la société française plus juste et plus respectueuse de la promesse d’égalité qui en fonde la cohésion.

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