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Rapport

La lutte contre les discriminations liées aux origines dans le monde du travail : faire cesser une injustice sans en commettre une autre

Les discriminations liées aux origines réelles ou supposées dans le monde du travail cristallisent un intense débat public. Les actions de « testing » menées par le ministère du Travail, les rapports du Défenseur des Droits et de multiples recherches académiques ont établi la réalité du phénomène. De leur côté, les entreprises ont engagé des actions sous la forme de chartes et de labels de qualité. Mais ces initiatives restent déclaratives et ne font pas l’objet d’évaluations partagées. Les recours individuels devant le Défenseur des droits ne permettent pas une réponse adaptée à un problème qui apparaît systémique. Au final, personne ne parvient à formuler une proposition opérationnelle et de grande échelle pour lutter contre ces discriminations. Pour sortir de cette situation, nous proposons de confier la lutte contre les discriminations au travail à une institution ad hoc (inspirée de l’Equal Employment Opportunity Commission aux EU). Cet office central de lutte contre les discriminations répondrait à plusieurs questions.
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Pour lutter contre les discriminations, il faut avoir une image de la composition de la main d’œuvre des entreprises et des organismes publics.  La loi française interdit de répertorier la population française en fonction de critères d’origine. Mais il n’est pas nécessaire de classer l’ensemble de la population pour observer ce qui se passe à l’échelle d’une entreprise. Il suffit de pouvoir comparer les politiques de recrutement et de gestion de carrière d’une entreprise par rapport à elle-même dans le temps et par rapport à d’autres entreprises, notamment de sa branche ou de son secteur.

Il n’est pas non plus nécessaire d’assigner chaque individu à une catégorie, ce qui reviendrait à fixer les stéréotypes contre lesquels on veut précisément lutter. Il serait en revanche conforme à l’objectif de lutte contre les discriminations de demander aux individus comment ils pensent qu’ils sont perçus (auto-hétéro-perception) en les invitant à répondre à une question ouverte : « D’après vous, comment les autres vous perçoivent-ils ? »

Plusieurs moments clés au cours d’une vie professionnelle sont propices à recueillir ces données personnelles. Pour les entrants sur le marché du travail, nous proposons de les orienter vers le site de l’agence de lutte contre les discriminations afin de s’y inscrire. Ils remplissent alors un questionnaire très succinct et reçoivent un numéro d’identification unique qu’ils conserveront tout au long de leur carrière. Ce numéro n’est partagé que par l’employeur (qui ne peut pas identifier le salarié à partir du numéro et qui ne sait pas comment le salarié a répondu au questionnaire) et l’agence de lutte contre les discriminations, à l’exclusion de tout autre organisme public. Les salariés qui sont déjà dans l’entreprise sont invités lors de leur entretien annuel d’évaluation à aller s’inscrire sur le site. Il ne s’agit en effet pas seulement de lutter contre les discriminations à l’embauche mais aussi contre celles qui freinent les promotions au cours de la carrière. Un recueil systématique des données améliore la qualité de l’information et par conséquent l’efficacité de l’action publique. Ce qui pose la question de l’obligation de s’inscrire.

L’agence recueille les données de l’ensemble des salariés/fonctionnaires/agents… Elle en garantit la confidentialité, la sécurité et le bon usage. Son rôle est de produire des études statistiques par entreprise et par branche. Elle n’agrège pas les données au niveau national.

Chaque année, l’entreprise ou l’organisme public, dans le cadre des déclarations sociales obligatoires, transmettent à l’agence un fichier indiquant pour chaque numéro individuel le poste occupé et les informations liées à son parcours (une procédure allégée est prévue pour les entreprises de moins de 100 salariés). En retour, chaque année, l’agence envoie aux entreprises un rapport sur le recrutement et la gestion des ressources humaines (promotion, formation professionnelle) qui montre l’évolution de l’entreprise et sa situation par rapport aux autres entreprises de son secteur.

La mission de l’agence est d’aider (gratuitement) les entreprises à lutter contre les stéréotypes et à améliorer leur politique de ressources humaines. Elle objective la situation des salariés. Elle situe les progrès de l’entreprise par rapport à son évolution propre et par rapport à son secteur d’activité, en tenant compte des contraintes liées à sa taille et à son activité. Elle propose des formations aux responsables RH. Elle fait connaître des méthodes de recrutement (tests, mises en situation) efficaces dans la lutte contre les discriminations. Elle délivre, après audit, un label « égalité et inclusion » pour les entreprises qui ont adapté leur politique RH. Les entreprises les plus mal classées et qui refuseraient de mettre en œuvre un plan d’action dans les trois ans pourraient se voir sanctionner par une pénalité financière. 

L’opérateur public aurait également un rôle de conseil auprès des autorités de contrôle, notamment l’Inspection du travail et le Défenseur des droits.

Le rapport présenté annuellement aux entreprises sur leur action contre les discriminations est confidentiel. Mais les entreprises auront à rendre des comptes sur leur volonté de prendre en compte la lutte contre les discriminations. C’est l’objet de la démarche de labellisation. Les entreprises ont déjà l’obligation de présenter leur plan d’action contre les discriminations dans le cadre de la déclaration de performance extra-financière. La labellisation « égalité et inclusion » devra être prise en compte par les agences de notation extra-financières.

Ce dispositif ne permet pas de lutter contre toutes les discriminations. L’accès au logement ou les contrôles d’identité ne peuvent pas être pris en charge de la même manière. Pour sortir des débats abstraits qui bloquent la réflexion sur ce sujet depuis de trop nombreuses années, il faut accepter de séparer les sujets et ne pas traiter la question en population générale. Un dispositif ciblé moins ambitieux a plus de chances de faire évoluer les pratiques.

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