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Revue de presse

Terra Nova et l’Institut Montaigne veulent « sauver le droit d’asile » en Europe

Dans un rapport publié jeudi, Terra Nova et l’Institut Montaigne préconisent notamment la fin de la règle du traitement de l’asile par le premier pays d’entrée.
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Mettre fin à la règle du premier pays d’entrée, transformer les offices de l’asile en agences indépendantes de toute interférence politique, créer des centres de traitement de la demande d’asile pour les migrants secourus en mer… Dans un rapport rendu public jeudi 18 octobre, les think tanks Terra Nova et Institut Montaigne formulent une série de propositions pour « sauver le droit d’asile » en Europe.

Le texte, qui se veut transpartisan, paraît le jour où le Conseil européen doit aborder les questions migratoires à Bruxelles. Les Etats sont toutefois très loin d’un accord autour de l’asile et devraient se concentrer sur le renforcement de l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures ou l’accélération des renvois dans les pays d’origine, alors que depuis le mois de juin, ils achoppent sur la prise en charge des migrants secourus en mer.

Face aux « égoïsmes nationaux », à la montée des populismes et à l’« engorgement » des procédures, l’asile est « clairement en danger », s’inquiètent les auteurs du rapport. Même si la demande d’asile est en diminution en Europe, « le niveau de la vindicte n’a jamais été aussi haut », souligne Jean-Paul Tran Thiet, de l’Institut Montaigne. En outre, le reflux des demandes est pour partie lié à des politiques d’endiguement menées par l’Europe avec les pays de transit, tels que la Turquie et la Libye.

Enfin, le pic de 1,4 million de demandeurs en 2015 continue de produire des effets dans les Etats. Ainsi, en France, la demande d’asile augmente d’environ 20 % en 2018, en provenance notamment de migrants qui ont déjà été enregistrés ou ont demandé l’asile dans un autre Etat membre. En cause : le système de Dublin, considèrent les auteurs du rapport, qui se joue des distorsions entre Etats membres en matière d’asile.

Le règlement de Dublin, « vache sacrée et poison »

Le règlement de Dublin III prévoit qu’un seul Etat membre – le pays de première entrée – est responsable de l’examen d’une demande d’asile dans l’Union européenne. Cette responsabilité tombe au terme d’un délai de six à dix-huit mois. Ce système fait non seulement peser un poids disproportionné sur les pays situés aux frontières extérieures, en particulier l’Italie et la Grèce, mais il est aussi à l’origine d’importants mouvements secondaires en Europe.

En 2017, pour 121 200 demandes d’asile, la France a ainsi enregistré 41 500 « procédures Dublin ». « La France est le pays de rebond le plus ouvert, explique Didier Leschi, directeur de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Sur 132 000 demandes d’asile en cours aujourd’hui, entre 25 000 et 30 000 personnes sont déjà passées par un autre Etat. Cela embolise le système. »

Le directeur de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), Pascal Brice, abonde : « Parmi les dublinés présents en France, 60 % sont des déboutés d’autres Etats et 40 % n’ont jamais demandé l’asile nulle part. Au total, dans 90 % des cas, ils vont finir par saisir l’OFPRA au terme de six à dix-huit mois d’attente donc autant accélérer les choses. »Pour M. Brice,  « Dublin est à la fois une vache sacrée et un poison ».

« On fabrique des errants »

Coauteur du rapport, Jean-François Rial, PDG de Voyageurs du monde, appuie : « Au-delà de la fabrique des populismes, Dublin génère l’indignité des demandeurs d’asile et le désordre. On fabrique des errants. La plupart des gens dans les camps sont des dublinés. »

Le rapport de Terra Nova et de l’Institut Montaigne préconise donc de « supprimer la clause du pays de première entrée du règlement de Dublin et de permettre à chaque demandeur d’asile de solliciter la protection de l’Etat membre de son choix, tout en continuant à interdire les demandes multiples ». En cas de surcharge d’un pays, un Office du droit d’asile en Europe pourrait réorienter des demandeurs vers d’autres Etats.

Corollaire de cette proposition, le rapport encourage une harmonisation du système d’asile en Europe, afin de limiter notamment le risque d’« asylum shopping ». Aujourd’hui, « une même demande a des chances d’être acceptée qui peuvent varier dans des proportions inacceptables », écrivent ses auteurs. Ils invitent les Etats à créer un « socle » de droits communs et à « transformer en agence indépendante l’autorité nationale en charge des demandes d’asile » pour « empêcher toute interférence politique ».

« Quand on voit l’Allemagne ouvrir ses frontières à près de 900 000 personnes en 2015 et les refermer avec environ 200 000 demandes d’asile en 2017, c’est la preuve d’une absence d’indépendance », avance Jean-Paul Tran Thiet. En France, l’OFPRA pourrait ainsi récupérer les réceptions des demandes d’asile et le suivi administratif des personnes, aujourd’hui rattachés aux préfectures.

D’autres propositions sont formulées et notamment des mesures dites d’urgence, comme la création, dans les pays membres ayant une façade maritime, de centres européens d’accueil et de traitement des demandes d’asile des personnes secourues en mer Méditerranée. Les réfugiés seraient répartis depuis ces centres entre les Etats. Une proposition qui ressemble à celle déjà envisagée par la Commission européenne, depuis la fermeture des ports italiens cet été, mais sur laquelle les pays membres ne parviennent pas encore à se mettre d’accord.

Julia Pascual

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