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Note

De Grenoble à St-Aignan: des questions et des leçons

A l’occasion de l’installation du nouveau préfet de l’Isère, Terra Nova revient sur les événements de Grenoble et Saint-Aignan. Pour Jean-Jacques Urvoas, maître de conférence en droit public, ils signent, au-delà des dysfonctionnements qu’ils révèlent, l’échec d’une politique de sécurité toute entière. Centralisée, spectaculaire, déconnectée de réponse judiciaire adéquate, elle est désormais à bout de souffle. Il est plus que temps d’assumer la complexité des enjeux.

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Au moment même où Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux doivent faire face au délitement visible de leur politique de sécurité, et alors que leur discours de fermeté est chaque jour davantage démenti par les faits, il peut s’avérer particulièrement utile d’analyser les dernières violences survenues à Grenoble et Saint Aignan.

En réalité, parce qu’elles sont intervenues simultanément à Grenoble, en milieu urbain, au coeur d’un quartier populaire, et à Saint-Aignan, dans une commune de 3 400 habitants du Loir-et-Cher, elles interrogent la politique de sécurité et son efficacité sur l’ensemble du territoire national.

Grenoble et Saint Aignan portent la signature de la même politique de sécurité, celle voulue et mise en oeuvre par Nicolas Sarkozy. Au travers de ces deux situations d’une violence extrême, des défaillances et dysfonctionnements qu’elles ont mises au jour, se lit aussi et surtout l’échec d’une politique publique toute entière.

Une fois dépassé l’écran de fumée que constituent les rodomontades et autres appels martiaux à la « guerre contre le crime », les sanctions administratives en trompe l’oeil et la désignation hâtive de boucs émissaires, qu’apprend-on concrètement de ce qui s’est passé à Grenoble et à Saint-Aignan ?

Les mêmes éléments avancés hier comme les piliers de la politique de sécurité constituent aujourd’hui les raisons de son échec patent.

D’abord, Grenoble et Saint-Aignan, c’est un pouvoir sans cesse plus autarcique, centralisé, recroquevillé sur le Palais de l’Elysée, qui, oubliant la hiérarchie gendarmique et policière, réduit les préfets à leur seul rôle en matière de sécurité publique et les sanctionne au gré de décisions qui relèvent autant du pouvoir discrétionnaire que du plus pur arbitraire.

Ensuite, Grenoble et Saint Aignan, c’est une nouvelle démonstration qu’en matière de sécurité publique, le spectaculaire est souvent l’ennemi de l’efficacité. Derrière une conception toujours plus répressive de l’ordre public et une surenchère dans les moyens policiers déployés ponctuellement, se cache une politique de cache-misère et la paupérisation rampante des commissariats et brigades de gendarmerie. A Grenoble, le Raid est employé au maintien de l’ordre, là même où la police nationale, à court de crédits, voit ses effectifs diminuer de près de 20%, au point de ne plus assurer de patrouilles quotidiennes…

Enfin, Grenoble et Saint-Aignan illustrent l’une des marques de fabrique de la politique « sarkozyste » : la déconnection entre l’activité policière et la réponse judiciaire. Autrement dit l’absence de toute réflexion en termes de cohérence pénale et le développement inquiétant de l’impunité. Dans les deux cas, sous la pression du chiffre, on a surtout cherché, au-delà de la recherche de liens avec les violences commises, à interpeller le plus de personnes possibles… Dans ces conditions, le travail de la justice devient compliqué et la sanction, hypothétique.

Il est certes souvent périlleux de juger une politique publique à l’aune de cas isolés. Pourtant, il peut arriver que certains faits soient si emblématiques d’une méthode d’action qu’ils finissent par faire sens. C’est le cas des violences survenues à Grenoble et à Saint-Aignan les 18,19 et 20 juillet 2010 ; elles sont un « révélateur » autant qu’un condensé de la politique sarkozyste en matière de sécurité. Une politique à bout de souffle.

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