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Note

Les enjeux locaux de sécurité : un partenariat inachevé entre l’Etat et les communes

La progression régulière des effectifs des polices municipales pose la question de leur rôle pour la sécurité du quotidien. Quelle présence sur le terrain ? Quelles complémentarités avec les services de l’Etat ? Quelles réponses aux attentes des citoyens ?

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Introduction

La sécurité est souvent présentée comme la « première des libertés ». Elle en est plus exactement une condition sine qua non. Longtemps, durant le XXe siècle, et plus encore depuis la Seconde Guerre mondiale, les citoyens se sont tournés vers l’Etat[1] dans sa fonction régalienne pour garantir cette sécurité. Or, on observe que, depuis les années 1980, les collectivités locales sont revenues dans le débat sur la sécurité, encouragées d’un côté par les gouvernements successifs, parfois désireux d’alléger la charge des services de l’Etat et, de l’autre, par les attentes plus pressantes de l’électorat local au sujet de la sécurité quotidienne.

A rebours d’un sentiment communément répandu, les travaux des spécialistes ont montré qu’il n’y a pas d’explosion de la délinquance : « l’homicide se situe (hors attentat terroriste) à un niveau d’étiage, les agressions physiques oscillent depuis le milieu des années 1990 dans un ordre de grandeur inchangé (2,5 à 3 % sur deux ans), les atteintes aux biens baissent, principalement en raison du repli des vols de et dans les véhicules »[2].

Pourtant, des disparités fortes se constatent selon les territoires ; une part des faits échappe à la comptabilisation statistique ou ressort de l’infra-pénal ; les incivilités et les sujets quotidiens de sécurité inquiètent, qui font de la tranquillité publique un enjeu local de premier plan, à l’origine de multiples problématiques : quel partenariat de terrain organiser pour mieux coordonner le travail de la police nationale, de la gendarmerie nationale et des polices municipales ? Et pour quelle finalité ? Quel type de police pourrait exercer son action au plus près des besoins des habitants et même en tenant compte de leurs avis ?

Précision méthodologique. La présente note est relative au partenariat local en matière de sécurité. Elle se focalise sur la dimension de la tranquillité publique autour de laquelle police nationale/gendarmerie nationale et polices municipales sont potentiellement sur un champ partagé d’intervention. A contrario, elle laisse de côté les domaines du renseignement et de l’enquête judiciaire qui, dans le droit positif actuel, ne relèvent pas de la compétence municipale.

La sécurité privée n’est pas abordée. Bien que son importance numérique (175 000 agents selon le conseil national des activités privées de sécurité) et son implication dans l’organisation de l’événementiel et du sportif soient désormais incontournables, il n’en reste pas moins que ce secteur n’est pas prescripteur en matière de sécurité et qu’il est d’abord et avant tout un prestataire des autorités publiques.

La bonne articulation des forces entre les échelles locale et nationale reste donc à trouver. Avant de proposer trois scénarios d’évolution possible, la présente note propose d’abord un diagnostic de la situation autour de quatre constats majeurs : 

  • 1°) La moindre présence des forces de sécurité intérieure dans l’espace public a contribué à accroitre le sentiment d’insécurité – alors que les faits de délinquance sont plutôt en baisse ou stables, globalement, dans les dernières décennies.
  • 2°) La réponse apportée par la forte croissance des polices municipales est réelle mais paradoxale : par mimétisme ou volonté explicite de concurrence, ces dernières tendent à leur tour parfois vers le répressif au détriment d’une priorité aux actions préventives.
  • 3°) Les modalités de la coordination locale sont défaillantes, entre les forces de sécurité de l’Etat (250 000 policiers et gendarmes) et celles des villes (25 000 agents) : elles ont varié dans leurs dénominations – empilement de dispositifs – mais ne constituent pas un vrai partenariat de travail ; les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, en place depuis 20 ans, pourraient pourtant en fournir le cadre.
  • 4°) Non assumée côté Etat, une police de proximité est bien mise en œuvre dans de nombreuses villes par les polices municipales, en intégrant nombre d’expériences positives de liens avec les populations. Les dispositifs créés par l’Etat comme les délégués police population ou les intervenants sociaux en commissariats, innovants quand ils ont été créés il y a 15 ans et qui ont montré leur pertinence, pourraient être bien davantage soutenus, afin d’améliorer les liens police-population.

Trois scénarios se dessinent pour une gouvernance locale des forces :

  • À droit constant, seule une volonté politique des gouvernements de négocier vraiment permettrait une convention de coordination locale entre PN/PM efficace
  • Un deuxième scénario consisterait à élargir les compétences juridiques des polices municipales pour accroître leurs capacités d’action et remédier aux doublons et lacunes constatés aujourd’hui dans la coordination avec les services étatiques ;
  • Un scénario de rupture prônerait l’unification des services actuels au sein d’une police territoriale unique rendant compte selon les sujets au préfet et au maire (ou au président de l’intercommunalité).

A travers ces questions, une conception de la sécurité est en jeu : le cadre national, à l’inverse d’une démarche descendante, doit promouvoir des actions de proximité qui n’ont de sens qu’en lien avec les habitants et les territoires. La relation police-population, dégradée aux yeux d’une majorité de la population, appelle de nouvelles réponses. L’urgence est de sortir de l’approche verticale pour re-territorialiser la sécurité du quotidien.

 

1. Le constat initial : des forces de sécurité plus éloignées du terrain et insuffisamment coordonnées à des polices municipales en forte croissance

Plus les forces, côté Etat, se sont éloignées d’une intervention de proximité, plus les élus ont éprouvé le besoin de développer les polices municipales : en estimant que certaines missions étaient moins remplies par les forces de sécurité, en regrettant des modes opératoires reléguant la proximité et la prévention à l’arrière-plan ou en constatant la limite des exercices permettant de rendre compte devant les habitants.

1.1. Des forces de sécurité plus éloignées du terrain

Ministres de l’Intérieur et élus locaux se rejoignent pour constater que les services de sécurité intérieure (SSI = police nationale et gendarmerie nationale[3]) mènent un travail au quotidien contre toutes les formes de délinquance, mais toutefois selon des modalités qui les amènent à s’éloigner de la population, en délaissant la présence dissuasive régulière dans l’espace public au profit de l’intervention ponctuelle. C’est en partie la raison pour laquelle la notion de sentiment d’insécurité est si présente dans le débat public, au-delà des chiffres de la délinquance eux-mêmes[4]. Des éléments objectivent cette diminution de la présence sur le terrain des services de sécurité intérieure.

 

Graphique : évolution du taux d’engagement sur le terrain des effectifs de police et de gendarmerie, depuis 2011

Source : Cour des comptes, La gestion des ressources humaines au cœur des difficultés de la police nationale, 2021.

Lecture : Le taux d’engagement met en rapport le nombre d’heures consacrées aux activités hors des locaux de police et le nombre d’heures totales d’activité (colonne de gauche le taux pour la gendarmerie, colonne de droite le taux pour la police nationale).

Comme le relève la Cour des comptes dans une note récente[5], « l’évolution du taux d’engagement des effectifs sur le terrain depuis 2011 met en évidence une baisse continue de la présence sur la voie publique, davantage marquée pour la police nationale que pour la gendarmerie. Nouvelle doctrine d’emploi annoncée en août 2017, la « police de la sécurité du quotidien » ne s’est pas, pour l’instant, traduite par une plus grande présence policière sur le terrain.  »

Lors de son discours prononcé le 14 septembre 2021 en clôture du Beauvau de la sécurité, le Président de la République a déclaré : « La première exigence et ambition, je l’ai parfois d’ailleurs dit en ces termes, je vous le répète : plus de bleus sur le terrain. Ce qu’attendent nos compatriotes, c’est en effet une présence accrue de policiers et de gendarmes sur la voie publique parce que c’est rassurant pour eux et dissuasif pour les délinquants… Et je veux nous fixer un horizon : augmenter significativement, c’est-à-dire doubler sous 10 ans, la présence des policiers et gendarmes sur la voie publique. »

L’objectif n’est pas critiquable ; il n’est pourtant que la réitération d’une attente qui s’exprime dans les rapports officiels depuis plus de 40 ans, que ce soit sur la place des citoyens dans le débat sur la sécurité ou sur l’action elle-même des forces de l’ordre. Dès 1977, la commission Peyrefitte sur la police nationale émet une série de recommandations. Et notamment :

"Améliorer les relations entre la police et les citoyens :

  • Développer l’information des citoyens sur l’activité de la police et les contraintes auxquelles elle est soumise et sur les suites données aux abus pouvant se produire à l’occasion d’opérations de police ;
  • Approfondir la formation professionnelle et civique des fonctionnaires de la police ; privilégier auprès d’eux les impératifs liés à leurs missions de sécurité et leur attitude vis-à-vis du public".

Le rapport Bonnemaison (1982) fait déjà état de plaintes de maires sur le manque de présence effective des policiers dans la rue, la nuit et le jour. Il préconise ainsi de confier aux services municipaux un certain nombre de tâches pouvant être assurées dans le cadre légal des pouvoirs de police du maire, le développement des polices municipales étant le corollaire d’une présence accrue des policiers nationaux sur le terrain.

Quatre décennies plus tard, ces questions demeurent d’actualité et aucune réponse satisfaisante n’y a été apportée dans la durée. Les maires se plaignent régulièrement d’un déficit de présence d’effectifs de police en uniforme sur la voie publique et de la prévalence du modèle de police d’intervention, au détriment d’une police de proximité.

Les services de police, et, dans une certaine mesure, celles de gendarmerie, délaissent en partie la lutte contre la « petite » délinquance et les incivilités. D’une part parce que, globalement, eux-mêmes y accordent une faible considération. D’autre part, parce qu’elle n’est pas valorisée par les gouvernements successifs, qui, malgré leurs discours enjoignant aux forces d’être plus présentes sur le terrain, encouragent dans les faits une politique du chiffre et ont pu, notamment dans les années suivant les attentats de 2015, allouer l’essentiel des moyens de renforts aux services spécialisés plutôt qu’aux unités de sécurité du quotidien. Or, les taux d’élucidation sont plus faibles contre la délinquance moyenne et faible, comme le rappelle le rapport précité de la Cour des comptes : « La police judiciaire, qui doit faire face à 3,9 millions de procédures par an, est également en difficulté. Elle n’attire plus les policiers confirmés et ses résultats sont marqués par un faible niveau d’élucidation des délits de bas et milieu de spectre, correspondant pour nos concitoyens à la délinquance du quotidien. » (Cour des Comptes, 2021, p. 12). Au contraire, il leur est demandé de se concentrer en priorité sur le « haut du spectre ».

A ces éléments s’ajoute une donnée plus structurelle : une attente plus forte de la population vis-à-vis des services de sécurité, qu’elle sollicite d’emblée pour traiter un spectre croissant de tensions de la vie quotidienne, là où la société, auparavant, se régulait d’abord elle-même. Or, ces tensions ne relèvent pour la plupart pas du champ pénal ni même contraventionnel, ce qui limite d’autant la capacité à agir des services de sécurité. Il en résulte une frustration importante de la population en même temps qu’une exaspération du côté des services, qui peuvent négliger le traitement de signalements pourtant sensibles[6].

1.2. La rapide émergence des polices municipales

Depuis le début des années 2000, la nouveauté dans le paysage de la sécurité est l’émergence de la police municipale, ou plus exactement des polices municipales.

Les effectifs ont beaucoup augmenté : le rapport Bonnemaison (1982) recensait en son temps 4 146 policiers municipaux (et 9 362 gardes champêtres) ; ils étaient 21 500 en 2015 ; en 2021, on compte plus de 25 000 policiers municipaux. La Cour des Comptes évalue à 38 % la hausse des effectifs sur la période 2002–2010 et de à 24 % celle sur la seule période 2010–2018. Cette accélération est à mettre en relation avec l’émergence des questions de sécurité dans le débat public local et un contexte post-attentats.[7]

Cette progression continue des effectifs de police municipale ne semble pas ralentir. Avant les dernières élections municipales de 2020 et pour mieux cerner les besoins des collectivités, le CNFPT a lancé une enquête auprès d’un échantillon représentatif de 500 communes : 50 % des communes interrogées ayant une police municipale, ou souhaitant en créer une, envisagent de recruter des policiers municipaux avant la fin de mandat. Au vu des intentions exprimées d’ici 2026, 9000 nouveaux agents pourraient rejoindre les rangs de la police municipale.

Les policiers municipaux représentent désormais 10% des effectifs des forces de sécurité qui comptent 250 000 personnels (150 000 policiers nationaux et 100 000 gendarmes).

Au moment où l’attente portée par les maires est reprise par le président de la République – « plus de bleus » sur le terrain ! » – il est donc difficile d’imaginer à la fois en termes d’utilisation des ressources humaines et en termes d’efficacité opérationnelle que la complémentarité entre police nationale, gendarmerie nationale et police municipale ne soit pas mieux structurée. Dans les villes, désormais, les effectifs de PM représentent 15 à 30% des effectifs de PN ce qui est loin d’être négligeable. Dans certaines grandes villes emblématiques dont le nombre augmente, comme Nice, les agents de police municipale dépassent désormais 50% des effectifs de PN.

Or, ces nouveaux moyens ont un coût. Si la Cour des comptes a regretté dans son rapport précité l’absence de mesure globale du coût des services de police municipale, certaines données sont disponibles sur le coût de la rémunération des policiers municipaux[8]. En 2020, il s’élevait à 27,2 M€ à Nice, 16,2 M€ à Lyon, 15,8 M€ à Marseille, 9,7 M€ à Cannes, près de 5 M€ à Béziers… Il n’est pas certain que ce surcroît de dépenses publiques se soit partout traduit par une amélioration effective et à due proportion des résultats du service public de sécurité. Dans un contexte de rareté des ressources budgétaires, un usage optimal des deniers publics pousse logiquement au rapprochement des forces de police.

La diversité des missions pouvant être exercées par ces forces de polices municipales, la logique « sécuritaire » qui s’est imposée dans les débats publics ainsi que dans les représentations des agents recrutés expliquent un phénomène de mimétisme : le risque du tout répressif et de l’éloignement du terrain gagne, à leur tour, les polices municipales.

La loi du 15 avril 1999 relative aux polices municipales fournit le cadre de référence qui a permis l’émergence, la structuration et la professionnalisation des polices municipales. La circulaire du ministre de l’Intérieur de l’époque, Jean-Pierre Chevènement, résume parfaitement la volonté du gouvernement : « les polices municipales participent aux missions de sécurité aux côtés et en complément des forces de l’Etat. Cette complémentarité trouve son domaine d’élection dans la police administrative, spécialement la surveillance des voies publiques et l’ilotage, qui contribuent à la police de proximité ».

Le cadre d’intervention des polices municipales est fixé par l’article L. 2212–1 du Code Général des Collectivités Territoriales qui dispose ainsi que  « la police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ». Il est précisé par les articles L.2215–1 (pouvoirs de police propre du préfet, en cas de carence des autorités municipales où lorsque les problématiques de sécurité et d’ordre publics concernent plusieurs communes) et L. 2214–1 et suivants (adaptation de la répartition des compétences dans les communes où la police est dite « étatisée »[9]).

On note cependant que la création d’un service de police municipal ayant vocation à assister le maire dans ses responsabilités de police municipale n’est qu’une faculté à la discrétion du conseil municipal. Aucune obligation n’existe en la matière, ce qui explique que des villes très peuplées aient longtemps pu refuser de créer un tel service[10]. Selon la même logique, si la loi pose les limites des prérogatives de l’autorité municipale, d’une part, et des agents de police municipale placés sous son autorité, d’autre part, elle n’impose pas un éventail minimum d’actions à ces derniers. Une commune peut donc décider de ne mobiliser ses agents de police que sur une partie seulement des domaines d’actions qu’ils sont juridiquement aptes à traiter.

De fait, les services de police et de gendarmerie doivent ajuster leurs action et champ d’intervention aux décisions des maires et des conseils municipaux, susceptibles de varier sur ces sujets, au gré des changements de majorité[11].

Dans ce cadre légal à la fois précis et lâche, certains maires ont fait évoluer de manière radicale l’activité de leur police municipale au profit d’une police qui copie la police nationale, jugée trop absente sur le terrain, au risque d’une concurrence entre polices sur un même territoire ou de délaisser certains pans de la tranquillité ou encore d’apporter une contribution plus limitée aux politiques de prévention portées habituellement par les communes.

Certaines municipalités ont considérablement développé leurs polices municipales[12], bien souvent les ont armées, les ont fait travailler de nuit… Et si le modèle de complémentarité entre police nationale et police municipale reste majoritaire (Lille, Rennes, Bordeaux…), nous voyons apparaître un modèle de substitution, à savoir une police municipale d’intervention, qui émerge dans des villes telles que Nice, Cannes, Woippy, Saint-Etienne, Aix-en-Provence ou encore Hénin-Beaumont, où la police municipale va jusqu’à concurrencer la police nationale sur certaines missions répressives.

Cette concurrence s’appuie notamment sur les dispositions de l’article 73 du code de procédure pénale, selon lequel : « Dans les cas de crime flagrant ou de délit flagrant puni d’une peine d’emprisonnement, toute personne a qualité pour en appréhender l’auteur et le conduire devant l’officier de police judiciaire le plus proche ». C’est sur ce fondement (dont n’importe quel citoyen peut se prévaloir) que les policiers municipaux peuvent interpeller eux-mêmes les auteurs de faits de délinquance avant de procéder à leur « mise à disposition » des policiers et gendarmes nationaux.

Mais dans les communes aux polices municipales les plus interventionnistes, cette disposition procédurale n’est que le vecteur d’une volonté politique explicite. Ainsi, le maire de Nice en présentant le bilan 2020 de l’activité de la police municipale a souligné le chiffre de « 5 700 interpellations pour des faits criminels ou délictuels (soit près de 35% de plus qu’en 2019) »[13].

La présentation de l’action de la police municipale sur les sites internet des collectivités fait aussi ressortir ces représentations différenciées de leur approche. A Bordeaux[14], « la police municipale intervient au sein de la commune pour veiller au respect de l’ordre public, afin d’assurer la qualité de vie des habitants et une atmosphère de sécurité. Ses actions, à la fois préventives et répressives, sont conduites par plusieurs services (stationnement, objets trouvés…) et brigades (cynophile, VTT, moto…). »

« La police municipale de Lille[15] compte aujourd’hui une centaine d’agents. Ses effectifs continuent d’augmenter, la sécurité et la tranquillité des habitants constituant l’une des priorités de la municipalité. Une mission que les policiers municipaux exercent au quotidien en application des pouvoirs de police du Maire et en étroit partenariat avec la Police nationale. Les policiers municipaux ont en effet progressivement vu leurs champs d’action s’élargir depuis la création de leur service en 1971. Ils veillent à maintenir des liens de proximité avec la population, par une présence visible, active et rassurante dans les quartiers. »

Nice[16] a une présentation différente, s’agissant notamment des outils développés :

  • « Brigade mobile d’intervention (BMI) qui intervient sur les saisines du centre et sur l’ensemble des missions dédiées aux territoires. De façon générale, lorsqu’elle n’est pas sollicitée par le biais des saisines, sa présence sur la voie publique lui permet de relever les problèmes et d’assurer des missions générales de sécurité.
  • BAC PM Nuit. Il s’agit d’une unité d’intervention rapide qui intervient essentiellement pour des flagrants délits, et des mises à disposition à l’Officier de Police Judiciaire la nuit.
  • La Brigade Mobile d’Intervention pour la Tranquillité Publique (BMITP). Cette brigade, créée en mars 2012, a pour mission de lutter contre les incivilités et nuisances nocturnes troublant la tranquillité des riverains. »

A ces lectures, on se demande encore ce qui différencie les deux services, alors même que la loi établit une claire distinction entre les prérogatives de chacun : les policiers et gendarmes nationaux sont des agents de police judiciaire, au sens de l’article 20 du code de procédure pénale ; les policiers municipaux des agents de police judiciaire adjoints, au sens de l’article 21.

Un récent article de la Gazette des Communes[17] résume bien les tensions qui traversent les polices municipales : « Qu’il s’agisse d’impératifs de lutte contre la délinquance, de la prise en compte de la menace terroriste depuis 2015 ou de l’appui apporté aux missions de maintien de l’ordre, comme ce fut le cas au cours de la crise des « gilets jaunes », les policiers municipaux ont vu leurs missions se durcir. Au détriment de la proximité, de la prévention et du contact avec la population. »

Le risque réside dans une évolution du positionnement des polices municipales et des services de sécurité étatiques peu ou mal organisés, avec le risque de doublon des missions – et dans cette hypothèse quelle plus-value à maintenir deux organisations distinctes sur un même territoire d’intervention ? – ainsi que dans un activisme générant un surcroit d’activité procédurale parfois non pertinent pour des services étatiques déjà sous tension. A contrario, ces derniers ne peuvent compenser l’insuffisance des moyens de police municipale mobilisés par certaines communes pour, au minimum, assurer l’exécution des arrêtés du maire.

1.3. Des instruments de régulation insuffisants

1.3.1. Les limites de la convention de coordination, dernier outil en date

L’outil contractuel qui doit régler les relations entre police nationale et police municipale ne répond pas à la question sur le sens du partenariat mené par ces deux entités, ne s’engage pas sur les résultats à atteindre et, au final, ne garantit en rien une qualité minimale de service public de sécurité.

Le Code Général des Collectivités Territoriales ne détaille pas de manière précise la répartition des rôles entre la police municipale et les services de police et de gendarmerie nationale.

Sur un plan réglementaire, la convention de coordination PM/PN est ainsi le seul document obligatoire dès lors qu’une police municipale compte au moins 3 policiers municipaux. L’article L512–6 du code de sécurité intérieure dispose que  « la convention de coordination des interventions de la police municipale et des forces de sécurité de l’Etat précise, après réalisation d’un diagnostic préalable des problématiques de sûreté et de sécurité auxquelles est confronté le territoire, les missions complémentaires prioritaires, notamment judiciaires, confiées aux agents de police municipale ainsi que la nature et les lieux de leurs interventions, eu égard à leurs modalités d’équipement et d’armement. Elle détermine les modalités selon lesquelles ces interventions sont coordonnées avec celles de la police et de la gendarmerie nationales. Elle précise la doctrine d’emploi du service de police municipale. »

On peut s’étonner que la définition de la doctrine d’emploi d’un service de police municipale figure dans une convention désormais cosignée par le Préfet et par le Procureur de la République, côté Etat, et le maire, alors même qu’il s’agit d’un service municipal qui demeure sous l’autorité hiérarchique du maire. Cette convention est obligatoire dès lors que la PM est armée et / ou intervient la nuit.

Rédigée en suivant la trame d’une convention-type, cette convention détaille les priorités d’action de la PM et décrit majoritairement des procédures : instances de coordination, identification des correspondants (État-major, OPJ…), mise à disposition d’une personne interpellée. À aucun moment n’est engagée une discussion sur les effectifs engagés de part et d’autre, et plus généralement sur le sens de l’intervention poursuivie en commun. La notion d’engagements réciproques fait le plus souvent défaut dans ce document technique.

Côté Etat, l’autorité préfectorale ne dispose pas d’une marge de manœuvre suffisante pour entrer dans une négociation réelle avec les élus, dès lors que chaque contenu sensible (effectifs en particulier) du contrat de sécurité intégrée « remonte », au moins pour les collectivités les plus importantes, pour validation au ministère de l’intérieur. Dans ce domaine de la sécurité, comme pour d’autres politiques publiques, s’observe une forme de reconcentration du pouvoir de décision, au détriment du préfet, qui nuit à la territorialisation de l’approche et à une bonne coordination des forces de police localement. Les négociations des contrats de sécurité intégrée qui se déroulent à l’échelon local illustrent cette tendance lourde, les arbitrages définitifs sur les effectifs de police nationale et les contreparties demandées aux communes venant directement de l’échelon central.

Le secret bien gardé des effectifs de police nationale (PN) dans les villes.

Le nombre des effectifs de PN dans une circonscription de police donnée est un sujet sensible, sur lequel le flou est soigneusement entretenu par l’Etat local, qui ne souhaite pas faire face aux demandes des élus sur ce sujet. Le secret est gardé à dessein sur le détail des différentes catégories d’agents de la PN, le nombre des adjoints de sécurité (ADS), des personnels administratifs, les évolutions d’une année sur l’autre en brut ou en net (arrivées de nouveaux agents nettes des départs )… Il semble que tous les moyens soient bons pour ne pas donner d’éléments précis ni de vision globale de l’état des forces de PN.

Les villes ayant récemment signé des contrats de sécurité intégrée (CSI, cf. infra pour une discussion des CSI) en 2021 ont eu le privilège de prendre connaissance des effectifs de police nationale présents sur leur territoire. Toutefois la transparence trouve vite ses limites et aucun document public ne détaille les effectifs policiers dans chacune des circonscriptions de sécurité publique[18], ni leur évolution dans le temps.

A l’inverse, vis-à-vis des habitants, les villes affichent leurs efforts en matière d’effectifs de PM : leur nombre, ainsi que celui des caméras de surveillance installées dans les villes, sont communiqués régulièrement et font partie du débat public.

Plusieurs écueils apparaissent sur le terrain. Et la convention de coordination atteint rapidement ses limites dans ce contexte.

Le premier écueil est celui d’un dialogue asymétrique avec des services de sécurité intérieure (police et gendarmerie) qui délaissent de facto certaines interventions qu’elles estiment « indues » selon les termes fréquemment cités dans les discours politiques et syndicaux. En face, la police municipale ne dispose pas forcément des capacités opérationnelles pour pallier ce désengagement ou un maire peut également estimer qu’il n’a pas à intervenir dans le champ d’action délaissé. Au final, c’est le citoyen qui pâtit de la situation[19].

Le deuxième écueil apparaît avec une police municipale d’intervention. Tout d’abord, le risque évoqué précédemment de surcharger les services de police nationale dans la mesure où la qualification judiciaire des policiers municipaux comme « agent de police judiciaire adjoint » leur interdit toute mesure d’enquête et leur fait obligation de solliciter systématiquement l’avis de l’officier de police judiciaire lors d’interpellations.

Tout dépend alors du rapport de force instauré entre les élus de la municipalité et l’Etat local : dans certaines villes, la police nationale a dû s’adapter, par force, à l’activisme de la police municipale, et donc aux priorités fixées par les élus ; ailleurs, le basculement de la police municipale vers les actes répressifs accentue les tensions en matière d’effectifs, côté police nationale, notamment ceux d’OPJ, et souligne son manque de moyens pour faire face aux interpellations. Tel est le cas par exemple concernant la consommation de stupéfiants, ou encore les ivresses manifestes sur la voie publique, face au manque de cellules de dégrisement, et aux effectifs de police nationale réduits la nuit.

Par ailleurs le risque est réel pour les polices municipales de s’éloigner progressivement d’un modèle de proximité avec les citoyens en basculant dans l’intervention, avec les limites de ce modèle, qui laisse peu de place au dialogue et à la prévention.

D’une ville à l’autre, les équilibres diffèrent et le service public de sécurité n’est donc pas assuré de façon « équitable ».

1.3.2. L’empilement des dispositifs sans amélioration de la coordination

Alors même qu’une nouvelle génération de conventions de coordination apparaît opportune, tant dans le contenu que dans les attendus, nous assistons en parallèle à une floraison d’initiatives, le plus souvent descendantes, sans que la logique globale de l’action publique émerge ni soit partagée.

Depuis les années 2000, nous connaissons une accumulation de réformes et de dispositifs, marquée par des revirements successifs d’approche sans évaluation digne de ce nom : une véritable politique de stop and go économique mais sans l’atteinte des objectifs. Cette frénésie de nouveaux dispositifs est d’autant plus dommageable qu’une structure a traversé toutes ces périodes et qu’elle a fait ses preuves en matière de partenariat : le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD).

Les zones de sécurité prioritaire (ZSP) sont apparues en 2012 prédéfinies « en fonction de critères objectifs de gravité déterminés par les directions générales de la police et de la gendarmerie nationale. Elles correspondent à des quartiers où la délinquance s’est durablement ancrée. Le fait de cibler avec précision les zones et les actions à mener permet une meilleure efficacité sur le terrain et une meilleure coopération entre les dispositifs d’intervention »[20]. Aucune évaluation globale de l’efficacité des 80 ZSP créées n’existe à ce jour.

En 2018 sont créés les quartiers de reconquête républicaine désormais au nombre de 76 en France pour lutter contre la délinquance et les trafics en déployant progressivement des moyens de police supplémentaires dans des lieux ciblés.

En parallèle sont mis en place en 2019 des groupes de partenariat opérationnels (GPO) qui se traduisent par la création de 941 secteurs de proximité dans les circonscriptions de sécurité publique[21].

Nous pouvons toutefois noter l’initiative innovante du « Lab’ pour la police de sécurité du quotidien » lancé en grande pompe par le ministre de l’Intérieur le 24 avril 2019[22] dans une optique d’évaluation de l’action menée et d’une réflexion élargie au monde universitaire. Mais, alors que cette annonce a suscité une forte attente, aucune activité visible de ce Lab’ n’apparaît, aucune publication, laissant croire à son oubli.

Enfin, une circulaire du Premier Ministre du 16 avril 2021[23] porte sur la mise en œuvre des contrats de sécurité intégrée censés « concrétiser à un niveau stratégique le partenariat et l’engagement entre l’Etat et les collectivités territoriales pour la sécurité de tous ».

Les collectivités territoriales se sont engagées dans ces dispositifs, principalement soucieuses de pouvoir bénéficier des renforts d’effectifs de policiers nationaux qui les accompagnaient. En réalité, ni les modalités d’intervention des forces côté Etat, ni les contenus des coordinations entre l’Etat et les villes n’ont été réellement modifiés par cette succession de « dispositifs », dotés à chaque fois de nouveaux noms, depuis 10 ans. À part les renforts d’effectifs de PN octroyés dans ces quelques territoires visés par les dispositifs particuliers (les 76 QRR recoupent plus ou moins les 80 ZSP préexistantes …), les modalités de partenariat PN/PM n’ont pas été améliorées.

Sur le volet préventif, existent depuis 1983 (!) les partenariats entre l’Etat et la ville, inscrits dans des contrats locaux de sécurité, confirmés en 2002 par l’instauration de conseils locaux de prévention de la délinquance (CLSPD) sous l’égide des maires, inscrits ensuite dans la loi et rendus obligatoires depuis 2007 dans les communes de plus de 10 000 habitants comprenant un quartier prioritaire, seuil qui a été abaissé à 5 000 habitants dans la loi pour une sécurité globale de mai 2021. Les CLSPD servent à recenser les actions de prévention menées localement, acter leur cofinancement, la mise en place de groupes de travail ad hoc qui permettent, entre autres, les échanges d’information entre professionnels dans un cadre sécurisé, voire définir une stratégie commune d’action entre matière de prévention et sécurité locale… Mais, faute d’incitations nationales aux préfets afin qu’ils se situent dans une posture réelle de négociation avec les maires, qui tiendrait compte des réalités locales, un CLSPD véritablement vivant et utile existe dans seulement un tiers des communes concernées.[24] L’administration centrale compétente, côté Etat, le SG-CIPDR, consacre depuis des années l’essentiel de ses forces à la lutte contre la radicalisation plutôt qu’à impulser la politique de prévention de la délinquance[25].

Enfin, l’empilement des dispositifs n’aide pas à comprendre l’intérêt de leur mise en œuvre : quelle cohérence d’ensemble, quand « les GPO et les GLTD sont parfois institués à la place des groupes de travail des CLSPD plutôt qu’en complément de ceux-ci », quand les effectifs, côté Etat, au sein des parquets et des préfectures, manquent pour alimenter les contenus, préparer les réunions de travail, et quand la rotation accélérée de ces agents oblige les services municipaux à retisser en permanence les liens avec de nouveaux interlocuteurs, privés de la mémoire du partenariat et de la connaissance de la ville (cf. rapport parlementaire ci-dessus sur les CSLPD) ?

1.3.3. L’absence d’instances de régulation et d’évaluation

Deux éléments sont absents dans la coordination des actions entre FSI et polices municipales.

Le premier est l’évaluation de la politique de sécurité locale. Trop souvent, elle est confondue avec le bilan annuel de la délinquance qui est un instantané des faits de délinquance recensés par les services sur un territoire. Si les éléments quantitatifs sont connus (par exemple le volume de contraventions dressées sur la base d’arrêtés municipaux), leur effet réel reste difficile à mesurer sur la délinquance locale[26].

Nous pouvons noter que les documents type convention de coordination et contrat de sécurité intégrée doivent obligatoirement comporter un diagnostic local de la délinquance sur le territoire concerné, a contrario les documents sur l’évaluation sont beaucoup moins diserts en mentionnant un bilan annuel des engagements sans plus de détails. L’inspection générale de l’administration du ministère de l’intérieur réalise pourtant chaque année plusieurs évaluations des politiques départementales de sécurité, qui ne sont cependant jamais rendues publiques.

Le second élément est l’absence d’une instance de régulation principalement dans l’hypothèse où certains types d’intervention seraient délaissées sur un territoire par les deux partenaires. Or, ce cas de figure n’est pas théorique. Le développement de services de médiateurs nocturnes, par exemple, répond à un besoin social de présence de personnes sur les nuisances et troubles de voisinage et il se substitue de facto à l’absence de réponse policière, du fait de la régulation des interventions des forces de sécurité ou de la police municipale sur des interventions jugées plus prioritaires. Une instance de régulation pourrait fournir le cadre de réflexion et de décision approprié pour éviter une couverture incomplète des situations à prendre en compte par l’un ou l’autre des partenaires ou par les deux.

1.3.4. Une gouvernance encore trop formelle

Les limites des outils conventionnels de partenariat traduisent au final la faiblesse de la gouvernance locale de la sécurité. Trop souvent, les concertations existantes restent formelles et sans effet réel sur l’orientation des actions. Ce résultat n’est pas tant lié aux personnes, qu’une conséquence intrinsèque de l’organisation des questions de sécurité :

  • d’un côté, les services étatiques qui répondent au préfet et celui-ci au ministre de l’Intérieur, d’abord et avant d’avoir de comptes à rendre aux élus et aux habitants du territoire concerné,
  • de l’autre une police municipale qui répond devant le maire, lui-même placé sous le regard de la population qui ne se prive pas de l’interpeller, sans pour autant avoir à traiter tout le spectre de l’insécurité.

Il est donc urgent de créer les conditions d’une redevabilité, c’est-à-dire d’un "devoir légal d’information à des instances locales, au maire, à la population, etc. » selon les termes employés par Sébastian Roché[27], dans un cadre où le préfet et le maire, sans confusion des rôles, agissent et coopèrent en partenaires de confiance, sur un même pied.

Si le CLSPD fournit le cadre stratégique de réflexion sur les questions de sécurité et de prévention de la délinquance à l’échelon local, il s’est toujours décliné selon une comitologie propre à chaque territoire. Ainsi par exemple les CLSPD sont invités à mettre en place un groupe restreint de travail pour associer les collectivités territoriales à la lutte contre la radicalisation. Un autre groupe de travail régulier pourrait donc tout fait réunir le préfet, le maire, le directeur départemental de la sécurité publique et le responsable de la PM pour acter une répartition des missions entre PM et PN et dresser un bilan de l’activité des unes et des autres. Le maire disposerait ainsi d’éléments généraux pour apporter des réponses aux attentes des citoyens, permettant de sortir du débat stérile de renvoi vers la police nationale dès lors que l’information n’est pas partagée entre les autorités.

Le contrat de sécurité intégré symbolise et résume l’action de l’Etat en matière de sécurité locale. Une approche qui reste avant tout quantitative, suscitant une inflation de moyens, en annonçant des renforts, face à des collectivités estimant qu’il ne s’agit que d’un rattrapage des effectifs qui avaient été supprimés les années antérieures. Une approche potentiellement génératrice d’inégalités entre territoires en conditionnant l’effort de l’Etat à un effort équivalent pour la collectivité en matière d’effectifs ou de nouvelles caméras de vidéo protection[28].

Une approche qui montre que l’action reste descendante : avec un dispositif ayant vocation à se décliner sans une réelle adéquation au territoire, le préfet n’ayant pas la main sur les points sensibles de la négociation (effectifs policiers et nombre de caméras exigé), et reléguant au second plan les débats sur les autres thèmes, dont la prévention de la délinquance.

Au final, cette « négociation » en oublie le sens de la politique publique de sécurité, au service des habitants, ou tout au moins ne le définit pas ou seulement de façon elliptique.

2. Pour un service public de la sécurité

La complémentarité entre les forces de sécurité est revenue dans le débat public avec une nouvelle dénomination, celle du « continuum de sécurité »[29]. Ce terme est apparu dans le rapport Fauvergue-Thourot, « D’un continuum de sécurité vers une sécurité globale » (septembre 2018)[30]. Et s’il prospère dans certaines publications officielles, il faut convenir qu’au-delà de sa dimension incantatoire il n’a aucune réalité opérationnelle. Le contenu n’en est pas défini, les différents interlocuteurs ne parlent pas de la même chose. Le concept met en outre délibérément sur un même pied des acteurs dont le statut et les responsabilités sont foncièrement différents : ainsi du statut réservé à la sécurité privée qui, pour nécessaire qu’elle soit, n’en est pas moins qu’un auxiliaire des personnes et institutions investies des responsabilités en matière de sécurité[31].

Ainsi l’invocation de ce continuum ne règle en rien la question de la répartition des missions entre services de sécurité intérieure et polices municipales alors que c’est un sujet majeur si l’organisation actuelle doit évoluer dans le sens d’un meilleur service rendu au public.

Nous proposons de lui préférer la notion de service public de la sécurité, d’en retrouver les principes fondamentaux, avec les caractéristiques attachées à cette notion : principe de continuité, principe d’égalité et principe de mutabilité.

Le service public est construit autour de la notion d’intérêt général. Dans le respect de sa finalité, il évolue en permanence pour s’adapter aux enjeux économiques, environnementaux, sociaux et sociétaux, pour être en adéquation avec les attentes des citoyens. La sécurité n’échappe pas à cette règle.

Le principe de continuité ne prête pas à débat. Tout juste faut-il noter que les policiers municipaux peuvent faire grève sous réserve de certaines restrictions, ce qui n’est pas le cas des fonctionnaires actifs de la police nationale ni des gendarmes dont le statut militaire interdit de faire grève.

Le principe de mutabilité exige du service public qu’il sache s’adapter en permanence aux nouvelles circonstances. En la matière, des progrès considérables reste à accomplir au regard de la rigidité des organisations policières, de la difficulté à accompagner concrètement les évolutions démographiques territoriales et à prendre en compte les demandes nouvelles.

Le principe d’égalité est plus complexe à analyser. Devons-nous considérer qu’il est vérifié dès lors que la police nationale ou la gendarmerie est bien présente sur tout le territoire ? Le développement asymétrique des polices municipales ne rebat-il pas les cartes ?

Ce débat a pris une tournure politique à l’occasion de la mise en œuvre des contrats de sécurité intégrée (CSI) qui se veulent des contrats d’engagements réciproques au premier rang desquels on compte de nouveaux effectifs de policiers nationaux en parallèle des créations de postes de policiers municipaux. Des élus de grandes villes y ont vu une rupture de l’égalité entre citoyens en estimant que seules les collectivités ayant la capacité budgétaire suffisante pouvaient contractualiser avec l’Etat un accord qui conditionne l’octroi de renforts à la création de postes de policiers municipaux, les autres étant réduites à la portion congrue.

A cadre institutionnel constant, le service public de sécurité en France peut incontestablement gagner en efficacité grâce à un partenariat encore approfondi entre les forces de sécurité de l’État et les autres acteurs de la sécurité, dans le respect des compétences et des spécificités de chacun.

2.1. Le partage nécessaire d’une notion commune de la police de proximité et de sécurité du quotidien

Sans entamer un débat stérile sur les dénominations les mieux adaptées, les deux expressions (« police de proximité » et « sécurité du quotidien ») désignent un même versant de l’activité policière. Pour autant, il n’y a pas de définition partagée de ces notions. En 2018, le directeur central de la sécurité publique au ministère de l’Intérieur, avait précisé qu’« il ne s’agit pas de la création d’une police spécifique mais d’un approfondissement (de ses) missions » avec trois objectifs : remettre « l’usager citoyen » au cœur de la police, développer une « démarche de résolution de problèmes » en développant des stratégies d’action, et développer les partenariats (y compris avec la sécurité privée).

Le ministre de l’Intérieur du gouvernement Jospin avait défini en 1999 quatre orientations en matière de police de proximité : polyvalence des policiers de la sécurité publique qui seront affectés à la police de proximité, avec l’extension aux gardiens de la paix des qualifications judiciaires ; « la prévention tant qu’on peut le faire et la répression dès que c’est nécessaire » selon la formule de Jean-Pierre Chevènement ; une police partenariale à travers des contrats locaux de sécurité signés avec les collectivités territoriales ; enfin, la proximité, qui place le citoyen au centre des préoccupations de sécurité publique. Si certains principes sont à préciser au regard du nouveau contexte sécuritaire vingt ans plus tard, d’autres restent plus que jamais d’actualité, tout particulièrement les questions du partenariat et de la relation au citoyen.

Côté Etat, la police de proximité subit une forme de malédiction : en parler toujours, ne la faire jamais. Promue dans les discours ministériels à la fin des années 1990, elle n’avait pas eu le temps (ou la volonté politique réelle ne manquait-elle pas, déjà, face aux tendances de fond qui se manifestaient au sein des forces ?) d’être traduite largement dans les faits, quand Nicolas Sarkozy a décidé de la supprimer en 2003. En déplacement à Toulouse le 3 février 2003, le ministre de l’intérieur Nicolas Sarkozy déclare en s’adressant aux policiers du commissariat de Bellefontaine : « la police n’est pas là pour organiser des tournois sportifs mais pour arrêter des délinquants : vous n’êtes pas des travailleurs sociaux ».

Depuis, malgré des velléités à intervalles réguliers dans les discours politiques, avec des variantes quant à la terminologie employée, dans une pseudo différenciation selon l’orientation politique, elle n’a pas davantage été mise en œuvre par la police nationale.

Pour la gendarmerie, le sujet se pose également : par essence, elle est au contact quotidien des populations, logeant même en casernes dans les communes. Toutefois, son évolution met à mal cette spécificité des forces en zone de gendarmerie (500 casernes ont déjà été fermées il y a 10 ans, dans une logique de regroupement qui éloigne du terrain[32]). De leur côté, peu de collectivités ont formalisé de manière détaillée ce qu’elles mettaient derrière la notion de proximité. Or, pour pouvoir expliquer et communiquer auprès du grand public, il est important de ne pas se cantonner à une affirmation sans consistance réelle aux yeux des habitants. La police de proximité doit être une réalité sur le terrain, et pas seulement une rhétorique.

L’action de proximité est tout à la fois une méthode et un état d’esprit. Il est possible de s’inspirer de ce qui a pu être formalisé par certaines collectivités pour caractériser les attendus de la police de proximité[33] :

  1. S’investir dans le quartier
  • Développer une bonne connaissance des caractéristiques du quartier
  • Développer une connaissance des acteurs et des partenaires présents sur le quartier (bailleurs sociaux, transporteurs, commerçants, associations de quartiers, médiateurs, éducateurs spécialisés, adultes relais dans les quartiers politique de la ville…)
  1. Créer un lien de confiance avec la population
  • Développer une bonne connaissance de la population du quartier
  • Entretenir un contact permanent avec la population
  • Rendre visible et lisible l’action de la Police Municipale auprès de la population
  1. Collecter de l’information et orienter les actions en conséquence
  • Savoir écouter et prendre en compte les attentes de la population et des acteurs du quartier
  • Adapter l’action de la Police Municipale au territoire, et aux attentes de la population et des acteurs du quartier
  1. Anticiper et prévenir les tensions
  • Identifier les problématiques sur l’ilot dans une logique proactive et préventive
  • Apporter en collaboration avec les partenaires des réponses adaptées, durables et graduées (prévention, médiation, répression, sanction)

La mise en œuvre sur le terrain de ces objectifs se traduit par de l’ilotage pédestre ou à vélo, par le fait d’emprunter les lignes de transport en commun, de développer des points de rencontre (permanences dans un équipement de quartier ou initiatives de bureau mobile), d’ouvrir des canaux de communication diversifiés avec la population- – en résumé, créer les conditions du dialogue direct entre la population et la police.

Notre intention n’est pas de nier toutes les initiatives prises dans ce domaine au sein des services de police et de gendarmerie – il faut saluer au contraire la créativité et l’engagement de nombre d’entre eux (voir encadré). Mais ces démarches sont encore trop individuelles et ne constituent pas une doctrine générale d’action et de présence dans les territoires.

Quelques exemples nouveaux de dialogues avec les habitants

« Apporter des réponses aux problématiques des gens au quotidien » : c’est ce que permet la création de « café-police » à Beauvais et à Compiègne par exemple, où les polices municipales viennent expliquer leur action, dialoguer et lever des malentendus.[34]

Des initiatives municipales de police de proximité impliquent, à certains endroits, la participation de la police nationale : exemple à La Rochelle, où un bus mené conjointement par police municipale et police nationale parcourt certains itinéraires, au-devant de la population. Au commissariat du Neuhof, à Strasbourg, c’est même à l’initiative de la police nationale que police nationale et police municipale organisent conjointement des rencontres autour d’un café, pour échanger avec des habitants.[35]

Toutefois, ces exemples restent isolés, dès lors qu’aucune consigne gouvernementale nationale, depuis 20 ans, ne demande pas à la police nationale de s’impliquer dans ces actions de terrain. Si une volonté réelle de développer une présence de police au plus près des habitants – et donc de donner un contenu au partenariat local entre forces étatiques et municipales – existait à l’échelle nationale, de telles initiatives de dialogue avec les habitants seraient au contraire valorisées, encouragées, et feraient l’objet d’évaluations, afin de mesurer les conditions permettant de les généraliser à l’ensemble des territoires.

Non loin de nous, la présentation de la police locale belge[36] traduit clairement son ambition politique en matière de proximité :

« La philosophie du « community policing », ou fonction de police orientée vers la communauté, se base sur une approche large de la sécurité et de la qualité de vie. Elle vise une police intégrée dans la société, au service des citoyens, et qui cherche, avec les communautés, des solutions axées sur les problèmes locaux qui sont sources d’insécurité. Elle concerne l’ensemble du service de police intégré.

La fonction de police orientée vers la communauté repose sur cinq piliers, qui sont :

1. L’orientation externe. La police ne se trouve pas face à la société, mais elle en fait partie. Elle connaît et comprend la situation et l’évolution de la société. C’est précisément grâce à cette intégration qu’elle prend rapidement et complètement conscience de ce qui se passe en matière de sécurité et de viabilité dans la société et qu’elle peut, par conséquent, y réagir à temps et adéquatement, voire anticiper.

2. Le travail orienté vers la résolution de problèmes. Ce pilier fait référence à l’identification et à l’analyse des causes potentielles de la criminalité et de conflits dans la (les) communauté (s). La police ne réagit pas seulement aux problèmes après qu’ils se sont produits ou après qu’ils lui ont été signalés, et elle n’attend certainement pas qu’ils dégénèrent. Elle essaie, grâce à un suivi, une identification et une analyse continues de la situation d’insécurité, de discerner à temps les problèmes, de les prévoir dans la mesure du possible et de les anticiper.

3. La justification. Celle-ci requiert la mise en place de mécanismes permettant à la police de rendre des comptes sur la manière de répondre aux questions et aux besoins des communautés qu’elle sert.

4. Le partenariat. Il fait référence au sentiment de la police qu’elle n’est pas la seule responsable de la sécurité et de la viabilité. Elle ne le souhaite d’ailleurs pas non plus. Le souci de la sécurité devient une chaîne dans laquelle chacun des partenaires forme un maillon de l’approche globale et intégrée.

5. L’empowerment ou l’implication capable. Cela signifie que des possibilités doivent être créées, tant pour les policiers que pour les divers groupes démographiques, pour aborder les problèmes communs de sécurité et de qualité de vie, fournir des services et instaurer l’ordre et la sécurité. L’empowerment implique, entre autres, que les policiers, aidés de leurs partenaires et de la population, aient une réflexion critique sur leurs propres tâches et sur la manière dont celles-ci sont effectuées. »

Depuis des années déjà, existent d’autres mécanismes intéressants, visant à améliorer les liens entre police et population, tout particulièrement dans les quartiers défavorisés. Ainsi, à la suite des émeutes de 2005, des délégués cohésion police-population (DCPP) ont été mis en place : il s’agit de fonctionnaires de police retraités chargés d’informer les populations, de tenir des permanences et de participer aux réunions partenariales comme les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Existent également des postes d’intervenants sociaux dans les commissariats et les unités de gendarmerie (ISCG), qui aident à la prise en charge des victimes. Dans les deux cas, ces personnes jouent un rôle de médiateurs, et souvent de « traducteurs », entre les forces de police et les habitants, forçant en quelque sorte l’institution à s’ouvrir, permettant de décoder son action[37].

Les délégués police-population et les intervenants sociaux savent écouter les demandes des habitants, établir un lien de confiance avec eux et, dès lors, leur expliquer le sens de l’action de la police et, réciproquement, expliquer aux agents de police le contexte d’un problème et les attentes des habitants.

Les postes financés, toutefois, sont cependant très loin de couvrir les besoins : 228 postes de DCPP en tout en 2021 (pour 1 500 quartiers en difficulté, regroupant 5 millions d’habitants), 357 intervenants sociaux en commissariat et gendarmerie (ISCG) fin 2020 et un objectif à atteindre en 2022 de 450[38], certes en hausse, mais faible…

Autre exemple, plus éloigné du cœur des activités de police mais très original par la modification de l’image des policiers qu’il induit, celui des centres de loisirs jeunesse (CLJ) : depuis plus de 30 ans, des policiers volontaires accueillent des jeunes de quartiers défavorisés en animant des activités sportives et culturelles, hors temps scolaire. Mal compris au départ des professionnels de la prise en charge des jeunes, ces 30 centres se sont professionnalisés, et souvent spécialisés dans l’accueil des jeunes très démunis : enfants issus de familles de gens du voyage semi-sédentarisés, sur la base de loisirs de Choisy-le-Roi dans le Val de Marne ; jeunes en décrochage scolaire à Rennes[39]. D’autres initiatives visant à améliorer les liens police-jeunes consistent par exemple à former aux gestes de secours, à faire passer le permis moto (Ligue nationale des clubs motocyclistes de la police nationale et disciplines associées…)[40].

Le constat est le même pour les DCPP, les ISCG et les CLJ : les dispositifs de rapprochement entre police et population existent, sont reconnus et donnent des résultats, mais ils restent peu développés. Innovants et prometteurs quand ils avaient été lancés, leur financement n’a pas suivi les besoins, y compris après que leur rattachement budgétaire a été transféré du ministère de la ville à celui de l’Intérieur[41]. Les gouvernements successifs, via le SG-CIPDR, en charge désormais de leur pilotage et de leur financement, privilégient en effet la vidéo-protection et la lutte contre la radicalisation, au détriment de la prévention de la délinquance[42].

Au-delà des formes que peut prendre la police de proximité, le constat reste l’absence de changement de la doctrine policière sur le terrain, qui met à mal les velléités d’évolution de l’action des forces de police. Le contraste peut être accru sur le terrain si d’un côté police nationale et de l’autre police municipale interviennent dans les mêmes quartiers selon des modalités opposées. La police de proximité bute, fondamentalement, sur les écueils que constituent les modes de recrutement et de formation de la PN, tournés vers une posture uniquement répressive[43]

Dans l’esprit de ses promoteurs, l’objectif initial de la PSQ ne se résumait pas à des effectifs supplémentaires de policiers dans certaines villes ou quartiers. Il s’agissait de transformer le travail des policiers, principalement dans leurs relations aux élus, aux associations, aux commerçants. Il était même précisé que les policiers seraient dotés de matériels informatiques performants (tablettes etc.) qui libérerait du temps administratif pour libérer plus de temps sur le terrain. Force est de constater que cet objectif n’a pas été atteint[44].

2.2. L’organisation du service public de la sécurité

Le débat actuel se heurte au final à un obstacle organique : les autorités publiques prescriptrices de politiques de sécurité (l’Etat et les communes) sont différentes, et les agents en charge de leur mise en œuvre répondent à des hiérarchies distinctes, sans lien de subordination entre elles, et dont les compétences juridiques sont différentes ainsi que le territoire d’intervention, la police municipale restant cantonnée aux limites administratives de la commune. Le service public de sécurité se présente ainsi comme structurellement composite et, plutôt que d’être une force, cette caractéristique devient une faiblesse du fait de la fragmentation institutionnelle et de la mauvaise coordination des actions.

Or, les citoyens sont demandeurs d’un service public de sécurité qui traite la délinquance, leur garantisse la tranquillité et l’ordre publics et qui leur assure à tous le même niveau de réponse, quel que soit le territoire où ils résident. La réponse actuelle entre l’Etat et les collectivités territoriales se résume trop souvent à une approche par les compétences et leur répartition entre acteurs qui conduit à perdre de vue la finalité de l’action publique[45].

Les conventions de coordination, les contrats de sécurité intégrée respectent formellement les compétences et les spécificités des FSI et des collectivités, pour autant cela ne garantit en rien un partenariat efficace au service d’un territoire.

Plusieurs scénarios peuvent être évoqués. Toutefois, deux postulats peuvent influer également sur leur approfondissement. Le premier est relatif au territoire pertinent d’intervention de ce service public. La limite d’action communale, fondée notamment sur l’exercice du pouvoir de police du maire, doit devenir un objet de discussion, compte-tenu des logiques de bassins de vie aujourd’hui dominantes. La détermination du territoire adapté à l’action affecte potentiellement la répartition entre zones de gendarmerie nationale et circonscriptions de sécurité publique et, pour les collectivités, pousse à dépasser les frontières traditionnelles.

Ce qui amène au second postulat, celui de la gouvernance en matière de sécurité. Dans la mesure où l’Etat et les communes concourent au service public de la sécurité, un nouveau mode de pilotage et de coordination reste à inventer dans ce domaine. En découle également la question de savoir à qui les autorités en charge de la sécurité doivent rendre compte de leur action.

2.3. Les scénarios du service public de la sécurité

Nous évoquons trois scénarios pour faire évoluer le paysage existant. Le premier, à droit constant, repose sur une maximisation du système actuel : s’il a le mérite de la simplicité, il est loin d’offrir des garanties suffisantes sauf à ce que l’état d’esprit entre FSI et collectivités évolue en profondeur dans le sens d’un rapprochement des objectifs poursuivis. Le second évoque l’élargissement des pouvoirs des polices municipales : ardemment défendue par certains élus, cette évolution soulève plus de questions qu’elle n’apporte de solutions.

Enfin un troisième scénario évoque une option en rupture avec le modèle vertical Intérieur-préfet-commissaire actuellement en vigueur, au profit d’un service de sécurité unifié, ancré dans un territoire, au service de ses habitants et qui leur rend des comptes localement.

2.3.1. Scénario 1 : une coordination renforcée

Construite autour d’échanges d’information et d’une convention de coordination qui soit un réel contrat entre l’Etat et la collectivité, cette coordination a le mérite de pouvoir être mise en œuvre dans le cadre des organisations actuelles. La convention de coordination s’inscrit alors dans le cadre du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance et n’est plus une convention-type du ministère de l’Intérieur.

Les groupes de partenariat opérationnels[46] imaginés dans le cadre de la politique de sécurité du quotidien initiée en 2018 peuvent utilement trouver à s’employer avec une souplesse intéressante, que ce soit sur le choix de l’échelle géographique d’intervention ou sur le choix des missions partagées.

La convention doit ainsi pleinement tirer les conséquences du principe de libre administration qui figure à l’article 72 de la Constitution et notamment de l’opportunité pour une collectivité de créer un service de police municipale, de décider des moyens qui lui sont affectés, tant humains que matériels, et surtout de déterminer la politique de sécurité qu’elle entend mener sur le territoire de sa commune.

Une convention organisant vraiment une coordination entre police nationale et police municipale supposerait un contrat, avec des engagements réciproques, comprenant une répartition de compétences précises, pour éviter redondances et lacunes d’interventions, ainsi qu’une gouvernance partagée, des échanges réguliers et structurés. Des modalités d’intervention des préfets et des commissaires devant les conseils municipaux et dans des réunions publiques pourraient ou devraient en faire partie, de façon régulière, inscrites dans une réglementation (pour ne pas dépendre des seules consignes nationales aléatoires). Pour toutes les raisons évoquées dans les développements de la première partie de cette  note, le statu quo n’offre aucune garantie d’évolution positive sur les limites observées actuellement. Des modalités concrètes de coordination, organisées sur la durée, telles que des formations en commun, seraient essentielles pour donner une traduction concrète à l’objectif d’une meilleure coordination, afin de faire évoluer les cultures respectives des services – les seuls instruments juridiques n’y suffisent pas.

2.3.2. Scénario 2 : une évolution des prérogatives des polices municipales

Dans ce scénario, la loi fait évoluer le cadre juridique existant. La qualification judiciaire des policiers municipaux pourrait évoluer d’« agent de police judiciaire adjoint » à « agent de police judiciaire », ce qui alignerait leurs prérogatives sur celles des policiers et gendarmes et leur ouvrirait par le même mouvement le champ des amendes forfaitaires qui se développe à marche forcée dans la période actuelle dans des domaines variés : consommation de stupéfiants, occupation illicite par les gens du voyage de certains terrains, occupations illicites de halls d’immeuble. Cette idée est défendue par des élus locaux : « Je milite depuis tant d’années pour que les policiers municipaux puissent contrôler les identités, accéder aux fichiers des personnes recherchées, bénéficier pour leur directeur d’une qualité d’officier de police judiciaire »[47] .

Ce scénario soulève une question juridique sensible sur la direction de ces nouveaux agents de police judiciaire : seront-ils agents territoriaux, sous l’autorité du Procureur, ou sous l’autorité du maire, lui-même officier de police judiciaire ? Dans ce scénario, si la direction opérationnelle n’est pas réglée de manière précise alors le risque d’une concurrence entre polices sur certaines affaires se pose et il n’y a pas de garanties que toutes les missions soient bien traitées par les deux forces de police.

Dans tous les cas, cette évolution juridique à elle seule serait insuffisante, ne réglant pas les problèmes de doublons, de concurrence entre police nationale et police municipale, et de revendication de « charges indues », les effectifs de police municipale tendant à leur tour à considérer certaines missions comme indues.

À tout le moins, un travail juridique approfondi reste à mener sur les évolutions imaginées et leurs répercussions tant légales et réglementaires pour les services étatiques, les polices municipales et les parquets, une approche systémique à compléter par la gouvernance politique de ce nouveau système.

2.3.3. Scénario 3 : scénario de rupture

Ce dernier scénario se traduit par la création d’un service unifié de police territoriale, par fusion des services de police nationale et de police municipale au sein d’une unité fonctionnelle sous l’autorité d’un responsable unique. Les unités spécialisées de maintien de l’ordre, de police judiciaire et les services de renseignement ne seraient pas concernés par cette évolution et continueraient à dépendre uniquement du préfet, du ministre de l’Intérieur ou du procureur de la République.

Ce responsable unique, nommé conjointement par le préfet et l’exécutif local, et rendrait compte au préfet, aux maires et au président de l’intercommunalité concernés pour son action de police administrative, lesquels lui fixeraient des objectifs conjoints au terme d’une concertation conduite dans le cadre du CLSPD.

Dans un schéma de cette nature, sur le territoire national la police nationale apporterait son expérience, sa maîtrise des procédures et de son côté la police municipale contribuerait par sa connaissance approfondie du territoire, son habitude de travail dans un partenariat large[48].

Ce scénario pourrait notamment prendre différentes formes :

  • celle d’un établissement public local au sein duquel les policiers nationaux, municipaux et gendarmes pourraient faire l’objet d’une mise à disposition au service d’un territoire élargi d’intervention. Ce schéma s’inspirerait pour partie du modèle actuel des services départementaux d’incendie et de secours,
  • celle d’une fusion complète des services étatiques et municipaux, avec maintien en interne au nouvel ensemble de différents corps aux prérogatives distinctes, dans l’optique d’une spécialisation des interventions selon leur degré de gravité.

Loin d’être purement fictionnel, ce schéma d’organisation présente de nombreux points communs avec celui existant en Belgique, depuis la très importante réforme des services de sécurité décidée au tournant des années 2000[49].

La police intégrée s’y décline en deux niveaux, sans lien hiérarchique entre les deux. Une police locale qui se voit confier sept tâches de base : travail de quartier, accueil, intervention, assistance policière aux victimes, recherche locale, maintien de l’ordre et sécurité routière. Elle peut réaliser également des missions locales de police judiciaire et assister la police fédérale qui prend le relais dans des domaines spécialisés ou pour des phénomènes dépassant le niveau local.

L’atout majeur de ce scénario, qui mériterait de plus amples développements, serait de rompre avec l’approche par les institutions au profit d’une approche intégrée des enjeux et de l’action. Le risque de concurrence ou, au contraire, d’inactions par défaut de coordination s’en trouverait supprimé. Un unique responsable rendrait compte aux autorités de police administrative et de police judiciaire. L’action serait de nouveau territorialisée au service de la population. Mais un tel scénario de rupture implique une transformation majeure et longue, à laquelle les esprits ne sont probablement pas prêts aujourd’hui, y compris chez les élus.

3. Au-delà de l’institutionnel, quelle place pour le citoyen dans le service public de la sécurité ?

L’ensemble des développements précédents portent en filigrane la question de l’association des habitants aux politiques de sécurité depuis leur information, la redevabilité devant eux sur l’action des forces de police, leur participation à la définition d’orientations générales en matière de sécurité et in fine à l’amélioration de la relation police-population.

Au-delà de réformes institutionnelles il y a nécessité d’associer plus et mieux les citoyens : cette attente est à la fois exprimée par les habitants et rendue nécessaire pour pacifier et objectiver les questions de sécurité à l’échelon local. Il existe déjà des outils pour cela mais il est important de les faire évoluer. Les conventions citoyennes pour le climat, les consultations sur internet, les ateliers collaboratifs… démontrent que la participation citoyenne connaît un nouvel essor grâce à ces outils. La sécurité ne doit pas échapper à cette tendance.

Les mentalités doivent évoluer car le ministère de l’Intérieur apparaît encore très éloigné de cette préoccupation alors même que des initiatives locales et des réflexions existent au sein même des services de sécurité étatiques. La tribune publiée dans Le Monde le 20 décembre 2020[50] porte, en dépit de certaines exagérations, un regard lucide sur le livre blanc de la sécurité intérieure lorsqu’elle dresse le constat suivant : « La première approche du document est trompeuse, aussi bien par son ton humaniste que par sa volonté affichée de tenir compte de l’avis des maires et du public. En réalité, s’il porte un diagnostic relativement juste sur la situation actuelle, il conduit sa réflexion avec deux partis pris : d’une part, l’ignorance délibérée du profond fossé qui s’est depuis longtemps créé avec la population et, d’autre part, l’adoption d’une stratégie autoritaire et non coopérative pour envisager l’avenir, en négation des bons principes affichés ».

L’implication des habitants dans le processus de co-production de la sécurité et de la tranquillité est une donnée essentielle. Elle permet d’abord une meilleure appropriation des réponses et des dispositifs mis en œuvre pour traiter les problèmes ; elle permet aussi aux habitants, victimes, témoins, ou encore riverains confrontés à certaines problématiques, de se sentir mieux soutenus, plus légitimes dans leurs recours, et également parties prenantes des réponses apportées.

Plus largement, la très forte attente des habitants de disposer d’informations fiables sur la teneur des problèmes et du travail mis en œuvre pour y répondre appelle de nouvelles réponses, l’expérimentation de nouveaux formats de rencontre et de nouveaux supports d’informations.

L’engagement des citoyens sur les questions de sécurité est réel et multiforme. Cependant, cette implication n’a que très peu de poids dans les prises de décision et dans la gouvernance des politiques de sécurité et se limite encore aux cercles de discussion dans des lieux de démocratie participative. Au niveau national, le constat est le même : pas de débat annuel au Parlement sur les orientations et les résultats de la politique de sécurité, pas de commission dédiée jusqu’à présent (l’annonce a été faite de la création d’une instance semblable à la délégation parlementaire au renseignement), quelques missions d’information seulement et, en cas de faits divers, des commissions d’enquête trop souvent sans lendemains.

La politique de sécurité doit redevenir un objet à part entière du débat démocratique. L’enjeu est de faire le lien entre les espaces existants de discussion et la mise en place concrète des mesures. On peut encore reprocher aux institutions un manque de consultation et de concertation en amont des stratégies politiques. En matière de production de la sécurité, les implications sont plus ou moins institutionnelles, plus ou moins engagées mais témoignent toujours d’une volonté de s’engager pour l’ordre et la nation[51].

L’enjeu est de créer les conditions d’une facilitation et d’une amélioration de la relation police-population dont des études comparatives montre qu’elle est dégradée aux yeux d’une majorité de la population. Des propositions pour l’améliorer existent, qui permettraient que la gouvernance locale de la sécurité soit véritablement participative[52].

Un consensus se dégage sur les déviances et sur les limites d’une politique de sécurité qui se résume à des chiffres. Pour autant la police de proximité/sécurité du quotidien est difficilement mesurable par les indicateurs habituels dans la mesure où sa réussite se traduit par une dimension de dissuasion et de prévention pour empêcher un passage à l’acte. Dans ce contexte, associer les habitants au travail de terrain mené par différents moyens (focus groupes, sondages…) peut contribuer au débat public sur l’amélioration du service public.

Redonner sa place au citoyen dans la politique de sécurité nous apparaît plus que jamais incontournable. C’est un gage de confiance, dans sa capacité à contribuer au débat sur ce que doit être une police dans une société démocratique. Et c’est une exigence dans le regard sur l’action des forces de l’ordre. Cette attention au citoyen doit irriguer la réflexion et l’action des autorités de police pour sortir d’une spirale dans laquelle faits divers, querelles partisanes et effets d’annonce occultent trop fréquemment les enjeux fondamentaux de la sécurité et de la tranquillité collectives.


[1] Ce qui est paradoxal car, depuis la loi des 17 et 24 août 1790 et jusqu’à la loi du 23 avril 1941 du gouvernement de Vichy portant organisation générale des services de police en France qui supprime les polices municipales au profit d’une étatisation de la police, ce sont bien les communes qui assuraient la sécurité des habitants, à l’exception notable de Paris. Le XIXe est traversé de ces hésitations entre police d’Etat et corps municipaux, au fur et à mesure des changements de régimes : on crée la direction de la sûreté générale en juin 1853, dans un contexte d’affirmation de l’Etat impérial, après avoir créé le ministère de la police générale en 1852 ; la IIIe République, à rebours, hésite à reprendre la structure, la transformant en sous-direction, quelques années durant et puis finalement, en 1903, on rétablit la direction de la sûreté générale qui évolue en direction de la sûreté nationale en 1934, sur fond de manifestations de ligues. Tout cela se fait sans remettre en cause l’héritage de la loi de 1790, qui est même confirmé par la loi de 1884 (non sans débats), mais en parallèle d’un processus erratique, marqué par des allers et retours, dans le cadre duquel l’Etat affirme une place : il nomme les commissaires dans les villes de plus de 5000 habitants, il supervise l’organisation des polices municipales dans les communes de plus de 40 000, il crée des offices spécialisés (brigades du Tigre…) au niveau national, il administre directement certaines communes au gré des constats d’échec et de carence…

[2] Renée Zauberman, Qu’en est-il de la criminalité et de l’insécurité en France, 2022, CESDIP, The Conversation (https://theconversation.com/portrait-s-de-france-s-insecurite-de-quoi-parle-t-on-172998). Voir plus généralement https://oscj2.cesdip.fr/nos-publications

[3] Nous préférons parler de « services de sécurité intérieure » (SSI), plutôt que de « forces de sécurité intérieure », pour souligner leur appartenance au service public de la sécurité (cf. infra).

[4] Le sentiment d’insécurité renvoie à la perception des personnes. Le sentiment d’insécurité est construit selon deux dimensions qui ne sont pas forcément corrélées. a) La peur personnelle, qui correspond à la peur vécue ou liée à la crainte d’être agressé ou volé ; elle dépend en partie du risque réel d’être victime mais aussi d’autres paramètres, comme les caractéristiques individuelles (genre, âge…) et environnementales. b) La préoccupation sociale pour l’insécurité, ou préoccupation « sécuritaire », qui se réfère à l’opinion de la personne sur l’importance qu’elle accorde aux problèmes de délinquance dans la société, par rapport à d’autres sources d’inquiétude (chômage, pauvreté, pollution, maladie…). Source : Institut Paris Région, Victimation et sentiment d’insécurité en Île-de-France, Rapport final de l’enquête 2019, décembre 2020.

[5] Cour des Comptes, Novembre 2021. La gestion des ressources humaines au cœur des difficultés de la police nationale (https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-gestion-des-ressources-humaines-au-coeur-des-difficultes-de-la-police-nationale).

[6] Les conflits de voisinage, rassemblements bruyants ou autres occupations intempestives de l’espace public sont au cœur de cette zone grise de faits « d’intranquillité publique ».

[7] La création d’une police municipale de 3400 agents à Paris en 2021 illustre cette tendance. N. Nordman, adjoint à la sécurité ville de Paris, La Gazette des Communes, 30 juin 2021. « https://www.lagazettedescommunes.com/752500/avec-la-police-municipale-de-paris-nous-proposons-un-modele-alternatif/ »

[8] https://www.lagazettedescommunes.com/758997/combien-coute-la-remuneration-des-policiers-municipaux/

[9] L. 2214–4 CGCT : « Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique, tel qu’il est défini au 2° de l’article L. 2212–2 et mis par cet article en règle générale à la charge du maire, incombe à l’Etat seul dans les communes où la police est étatisée, sauf en ce qui concerne les troubles de voisinage.

Dans ces mêmes communes, l’Etat a la charge du bon ordre quand il se fait occasionnellement de grands rassemblements d’hommes. Tous les autres pouvoirs de police énumérés aux articles L. 2212–2, L. 2212–3 et L. 2213–9 sont exercés par le maire y compris le maintien du bon ordre dans les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics ».

[10] Compte-tenu des éléments évoqués dans cette note, le nombre de ces villes tend à se réduire. Aujourd’hui, Brest est la seule ville de plus de 100 000 habitants à ne pas compter de service de police municipale.

[11] Rappelons que, conformément à l’article L.2214–3 CGCT, le maire a autorité fonctionnelle directe sur les services de police et de gendarmerie nationales pour exercer ses compétences de police municipale. A Brest comme à Lyon ou à Nice, les services étatiques sont ainsi tenus de concourir à l’exécution des arrêtés municipaux. En sens inverse, un agent de police municipale peut tout fait contribuer à faire respecter un arrêté préfectoral d’interdiction de consommation d’alcool sur la voie publique.

[12] Les maires de gauche initialement réticents y ont souscrit aussi à leur tour, progressivement.

[13] https://www.nicematin.com/vie-locale/84000-appels-5700-interpellations-17000-verbalisations-covid-19-les-chiffres-de-la-police-municipale-de-nice-en-2020–638062

[14] https://www.bordeaux.fr

[15] https://www.lille.fr/Vivre-a-Lille/Securite-et-prevention/Insecurite-qui-contacter

[16] https://www.nice.fr/fr/securite/les-differentes-unites

[17] https://www.lagazettedescommunes.com/749026/securite-les-policiers-municipaux-sur-tous-les-fronts/

[18] Le dernier rapport comportant les chiffres de la répartition territoriale des forces remonte à 2011 ; rapport thématique Cour des Comptes, « L’organisation et la gestion des forces de sécurité publique », juillet 2011.

[19] A l’inverse, on peut citer un sujet pour lequel les villes pourraient facilement et mieux prendre le relais : l’accueil des procurations en vue d’un vote, compétence qui encombre à intervalle régulier les commissariats, sans plus-value, a fortiori depuis qu’il n’est plus besoin d’invoquer un motif pour justifier une demande de procuration.

[20] https://www.interieur.gouv.fr/Archives/Archives-des-actualites/2013-Actualites/ZSP/Qu-est-ce-qu-une-ZSP

[21] Ministère de l’Intérieur, « Mise en œuvre des GPO », février 2021.

[22] https://mobile.interieur.gouv.fr/Actualites/Police-de-securite-du-quotidien/Lancement-du-Lab-de-la-Police-de-Securite-du-Quotidien

[23] https://www.circulaires.gouv.fr/download/pdf/circ?id=45196

[24] (https://www2.assemblee-nationale.fr/15/commissions-permanentes/commission-des-lois/missions-flash/evolution-et-refondation-conseils-de-securite-et-prevention-de-la-delinquance/(block)/72528 ; dans un tiers des villes en question il n’a jamais été mis en place, dans un dernier tiers il ne se réunit que de façon formelle, moins d’une fois par an. A Paris, le conseil de sécurité et de prévention coprésidé – cas unique, compte-tenu de la répartition des compétences – par le préfet de police et le maire de Paris, ne se réunit ainsi que très épisodiquement et ne constitue en aucun cas une instance de concertation et de coordination des orientations de l’action publique de sécurité. Or, Paris disposera à terme de la plus grande police municipale de France, avec 3 400 agents annoncés, soit plus de la moitié des effectifs de la direction territoriale de la sécurité de Paris de la préfecture de police. Les enjeux de coordination seront considérables.

[25]https://www.cipdr.gouv.fr/wp-content/uploads/2021/07/Juillet-2021_Organigramme_SG_CIPDR_totalement_anonymise-1.pdf

[26] Sans mentionner l’efficacité réelle de certains dispositifs, par exemple : "Stupéfiants : les deux-tiers des amendes forfaitaires ne sont pas recouvrées", Localtis, 21 septembre 2021.

[27] https://www.millenaire3.com/Interview/securite-et-service-public. Interview de Sebastian Roché à l’occasion de la parution de son ouvrage, De la police en démocratie, Grasset, 2016.

[28] Une étude financée par le Centre de Recherche de l’École des Officiers de la GN de septembre 2021 démontre toutes les limites de la vidéo protection via une évaluation scientifique. https://www.83–629.fr/2022/01/videoprotection-et-elucidation-des-enquetes-judiciaires-etude-du-creogn.html

[29] Le ministère de l’intérieur a multiplié ces dernières années les dénominations qui, sous prétexte de communication, suscitent plutôt de la confusion devant l’inflation de dispositifs et leur contenu réel : zone de sécurité prioritaire, quartier de reconquête républicaine, contrat de sécurité intégrée, bataillons de la prévention, groupe de partenariat opérationnel…

[30]https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2018/09/rapport_de_mme_alice_thourot_et_m._jean-michel_fauvergue_deputes_-_dun_continuum_de_securite_vers_une_securite_globale_-_11.09.2018.pdf

[31] La seule exception étant, depuis la « loi Savary » du 22 mars 2016, les services de sécurité des transporteurs collectif de voyageurs, notamment les agents de la sûreté ferroviaire (SUGE) de la SNCF et ceux de la RATP (GPSR) : ils peuvent effectuer des patrouilles et des interventions en civil, être porteurs d’armes, procéder selon certaines conditions à des fouilles de bagages ainsi qu’à des palpations de leur sécurité. Les effectifs du GPSR dépassent désormais ceux de la sous-direction régionale des transports de la préfecture de police.

[32] Le projet de LOPMI, qui sera prochainement discuté au Parlement, comporte l’objectif de recréation de 200 brigades de gendarmerie, dont certaines seront mobiles. L’intention est louable et restera à évaluer in concreto.

[33] Ce sont des thèmes abordés dans le précédent rapport de Terra Nova, Police et population. Pour des relations de confiance (J. de Maillard, L. Hollo, V. Malochet, M. Clouzeau, A. Maret), voir https://tnova.fr/societe/justice-securite/police-et-population-pour-des-relations-de-confiance/.

[34](https ://www.courrier-picard.fr/art/168615/article/2019–02–27/la-police-municipale-paye-le-cafe-aux-habitants-beauvais-et-compiegne

[35] https ://www.leparisien.fr/faits-divers/a-strasbourg-un-cafe-rencontre-au-commissariat-du-neuhof-pour-tenter-de-nouer-des-liens-entre-policiers-et-habitants-06–11–2021

[36] https://www.police.be/5998/fr/a-propos/police-integree/la-police-dexcellence

[37] Voir l’étude conduite par le Cesdip (Carole Gayet-Viaud, Jacques de Maillard et Fabien Jobard) sur les délégués à la cohésion police-population (https://www.cesdip.fr/delegues-cohesion-police-population/).

[38] Cf. le rapport de l’IGA procédant à une évaluation de ce dispositif (https://www.interieur.gouv.fr/content/download/129412/1031182/file/20107R%20-%20ISCG%20Tome%201.pdf)

[39] https://www.professionbanlieue.org/IMG/pdf/clj.pdf ; Le nombre de CLJ ne progresse pas. Le dispositif est pourtant devenu plus économe en policiers, dès lors que les équipes sont complétées par des animateurs jeunesse, des réservistes etc. Il fonctionne sur la base du volontariat, les CLJ sont associatifs, chaque directeur doit être de la police nationale.

[40] répertoire d’exemples : https://www.cipdr.gouv.fr/wp-content/uploads/2018/01/guide-am%C3%A9lioration-des-relations-entre-la-population-et-les-forces-de-s%C3%A9curit%C3%A9-de-l%C3%A9tat-1.pdf

[41] Sur les relations police-population, les travaux sont nombreux, voir pour une synthèse : Maillard, J. de, Gayet, C., Roché, S., Zagrodzki, M., « Les relations entre la population et les forces de l’ordre. Un état des lieux en France », in Observatoire national de la politique de la ville, Bien vivre dans les quartiers prioritaires. Rapport 2019, 2020, p. 88–121. Voir aussi Pierre Joxe, Sécurité intérieure, Paris, Fayard, 2021.

[42] La lecture de la circulaire du 11 février 2022 sur les orientations du FIPDR est sans ambiguïté en fixant en priorité une « un nouvel élan au déploiement de la vidéo protection de voie publique » ; https://www.cipdr.gouv.fr/le-cipdr/le-fipd/

[43] Voir « Recrutement et formation, enjeux cruciaux pour la qualité du service public de sécurité », Terra Nova, 5 octobre 2022

[44] La lecture du rapport de l’Institut Paris Région de juin 2021 de V. Malochet est instructive à ce sujet : « La police de sécurité du quotidien sous l’angle des partenariats locaux – regards croisés sur une réforme à portée variable » (voir aussi Jacques de Maillard, Valérie Icard, Les politiques locales de prévention de la délinquance et de sécurité publique : enjeux locaux et partenariats interinstitutionnels, rapport pour l’Institut des Hautes Études du ministère de l’intérieur, juin 2022).

[45] Voir à ce sujet le contentieux initié par des associations du quartier Château-Rouge à Paris, qui ont obtenu la condamnation solidaire de la préfecture de police et de la Ville de Paris pour carence dans l’exécution du service public de sécurité (https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000037599965/)

[46] Instance partenariale opérationnelle animée par le chef de secteur PN et les représentants des maires qui, de manière collégiale, recueille les besoins de sécurité, élabore les réponses transversales et procède à l’évaluation de ces dernières.

[47] Déclaration C. Estrosi à La Gazette des Communes, 7 septembre 2020.

[48] Un tel scénario n’est pas sans rappeler le mode de direction des polices locales prévalent sous la 3ème République (voir Tanguy Le Goff, Les maires, nouveaux patrons de la sécurité ?,  Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2008, p. 13–29).

[49] Voir notamment https://www.police.be/5998/sites/5998/files/downloads/cfp-adv-2009–05–29-f.pdf

[50]https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/12/17/le-livre-blanc-de-la-securite-interieure-est-un-reve-policier-orwellien_6063680_3232.html

[51] « La participation des citoyens en matière de sécurité locale : diversité des regards et des modes d’implication », étude IAU Ile de France, avril 2017, https://www.institutparisregion.fr/nos-travaux/publications/la-participation-des-citoyens-en-matiere-de-securite-locale/

[52] Voir aussi « Police et population : pour des relations de confiance » Terra Nova 2016 (https://tnova.fr/societe/justice-securite/police-et-population-pour-des-relations-de-confiance/).

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