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Revue de presse

Tout ce qu’on pourrait faire pour réparer le lien entre la police et la population

En plein malaise policier, le think tank Terra Nova rend public ce mercredi un rapport sur l’état « plutôt sombre » des relations police-population, et une série de préconisations visant à les améliorer.
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Au lendemain d’un nouveau rassemblement asyndicalde policiers à Paris, le think tank Terra Nova, proche du PS, rend public ce mercredi un rapport sur l’état des relations police-population. Le constat ? « Plutôt sombre. » Deux sondages, de janvier et mai, ont beau montrer que les Français ont dans l’ensemble une bonne image des forces de l’ordre, la défiance vis-à-vis de la police reste élevée, notamment parmi certaines catégories de la population, note Terra Nova.  

« Le jeune homme issu de l’immigration vivant en zone urbaine sensible et d’origine populaire est sans doute celui qui a le plus de chances d’avoir une position de défiance vis-à-vis de la police, la considérant au mieux comme violente et brutale, au pire comme raciste. »

Le rapport cite des enquêtes selon lesquelles 34% des jeunes « ne lui font pas confiance », quand 40% « jugent son attitude agressive et raciste. »

Pourquoi cette défiance

  • Des contrôles d’identités en question

La défiance est alimentée, entre autres, et sans grande surprise, par la façon dont sont perçus les contrôles d’identité. Terra Nova s’appuie parmi d’autres sur les travaux du sociologue Christian Mouhanna qui en octobre 2015, dix ans après la mort de Zyed et Bouna à Clichy-sous-Bois, résumait dans « l’Obs » l’évolution des relations police-population en ces termes : « Rien n’a changé. »

« Le contrôle d’identité cristallise tous ces problèmes de relations (…). Il illustre le rapport de force, fait de peur et de pression. » 
  • Les contrôles au faciès toujours en vigueur

La lutte contre les contrôles au faciès était une promesse du candidat Hollande. L’instauration de la remise d’un récépissé à chaque contrôle y aurait contribué. Mais Manuel Valls l’a très vite enterré. Après la première manifestation policière asyndicale à Paris, Christian Mouhanna nous confiait encore : 

« Le gouvernement a abandonné, sans que personne ne s’interroge sur les conséquences et le message négatif que cela produisait. On n’avance pas. »

A ce sujet, Terra Nova cite dans son rapport un ancien responsable d’une unité de la BAC :

« On fait encore des contrôles d’identité qui ne sont pas fondés… le code pénal est carré sur ça… quand ils nous demandent 'pourquoi tu me contrôles ?', on peut trouver une réponse facile du genre 'tu corresponds au profil d’une personne qui a agressé une vieille dame’ » (…) Le contrôle d’identité, c’est aussi emmerder, c’est faire perdre 5 minutes…" 
  • Les logiques d’action de la police en question

Cette défiance est alimentée par « la logique d’action de la police elle-même », note Terra Nova. Et le groupe de réflexion de pointer, par exemple, le fait que les plus jeunes policiers, donc les moins aguerris, sont souvent affectés « dans les territoires les plus difficiles », où ils sont « d’autant plus tendus (…) qu’ils y sont mal à l’aise et n’en maîtrisent pas les codes ». 

Les relations police-population sont en outre plus tendues en France que dans d’autres pays européens, avance le think tank. Selon une enquête réalisée en 2010 et 2011, la France est 13e sur 20 concernant « les opinions positives suite à un contact à l’initiative de la police », 14e pour « l’appréciation du caractère impartial des décisions des policiers », et 19e sur 26 pour « le traitement respectueux des personnes ». Toutefois, selon le rapport et la même étude,

« C’est en France que l’on trouve le niveau de méfiance des policiers vis-à-vis des citoyens le plus élevé. »

Vers une « police du contact » ?

Dans le rapport, un ancien commissaire divisionnaire résume ainsi la situation :

« En France on a une police répressive, une police très utilisée contre la population. La police de proximité démontrait l’inverse. Police dirigée vers le peuple, moins orientée dans la défense des institutions. Aujourd’hui on bricole, on a une police/pompier. »

Pour y remédier, Terra Nova formule plusieurs préconisations destinées à soutenir une réorientation vers une « police du contact » qui saurait « se rendre accessible », « écouter les demandes, utiliser le dialogue, montrer de l’attention, considérer que l’on peut avoir à justifier une intervention, savoir faire retomber une situation conflictuelle sans nécessairement utiliser la force, etc. »

  • « Diversifier le recutement »

Une logique qui impliquerait des « efforts » quant au recrutement, la formation, l’évaluation, explique le groupe de réflexion selon lequel la nomination  de « référents » au sein des services pourraient notamment « incarner cette volonté de rapprochement ».

Terra Nova suggère aussi de « diversifier les patrouilles » (pédestres, VTT, voire équestres). Objectif : rendre le policier plus accessible, plus proche de la population.

Le think-tank propose également de « valoriser les missions de prévention, d’information et d’accueil, la prise en compte des demandes de la population », et préconise de « diversifier le recrutement » des agents. Concrètement, selon le rapport :

« Les candidats reçus au concours de gardiens de la paix sont principalement des jeunes issus de la classe moyenne, venant de province et des zones rurales et périurbaines. Un enjeu essentiel est donc celui d’une police qui compte davantage dans ses rangs de candidats urbains, et notamment des quartiers relégués. »

« Les policiers ont trop souvent le sentiment qu’ils n’ont pas à justifier de leur action, » déplore également Terra Nova, qui insiste sur la « primordiale » communication. 

  • Inscrire le nom des policiers sur l’uniforme ?

Pour rendre la police plus accessible et « humaniser » la relation, Terra Nova préconise en outre, au-delà du retour du matricule, ce qui fera sans doute bondir certains policiers déjà réticents à la présence du numéro d’identification : que leur nom soit inscrit en toutes lettres sur leur uniforme. « Pour certaines missions de voie publique qui impliquent des relations régulières avec le public », précise le think tank.

  • Réfléchir à l’opportunité des contrôles

Pour rendre les contrôles d’identité « justes et efficaces », il propose, entre autres, un « système d’enregistrement », un récépissé par exemple ou un « système électronique avec reçu », ainsi qu’un « changement de pratiques ». C’est-à-dire ? Encourager les policiers à faire de ces contrôles « un usage plus parcimonieux et réflexif. »

  • Revoir les système dévaluation des policiers

Terra Nova rappelle, en outre, que les policiers, comme ils l’ont récemment exprimé, ont le sentiment de ne pas être soutenus par leur hiérarchie. Et note qu’il est « trop réducteur d’évaluer un gardien de la paix ou un gendarme à partir du nombre de contraventions qu’il a constatées ou du nombre de mises à disposition qu’il a effectuées ».

D’où sa proposition, entre autres, d’ajuster les outils quantitatifs « pour mieux rendre compte de la diversité » de ses activités et de « développer la capacité de l’institution à identifier et valoriser les comportements positifs des agents ».

Le think tank ajoute qu’il est nécessaire de « travailler sur la diversité des partenaires », et de consolider les liens avec les acteurs locaux. De quelle manière ? Terra Nova propose de « renforcer le positionnement du maire », notamment en permettant à ce dernier « d’évaluer » le commissaire ou le commandant de brigade avec lequel il travaille. Via, par exemple, une appréciation sur leur fiche d’évaluation annuelle.

  • Valoriser la prévention

Le think tank, qui propose par ailleurs de multiplier les réunions police-population, suggère également qu’il soit possible de « récompenser et promouvoir » les agents ayant eu « une action de prévention ». Ce que Christian Mouhanna nous confiait récemment ainsi : 

« Il y a encore quelques années, les policiers tiraient une certaine fierté de la résolution de conflit quand elle n’aboutissait pas à une affaire judiciaire. Une dispute entre voisins ou un problème avec un groupe de jeunes réglé via la discussion était considéré comme une petite victoire. La politique du chiffre l’a détruit. »
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