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Chronique

Après la pandémie : trop tôt pour se réjouir

Juste avant le G7 qui se réunit à Londres les 11, 12 et 13 juin, une enquête d’opinion fait le point sur la perception de la situation de l’après-Covid dans les pays représentés au G7. La prudence semble dominer les représentations, particulièrement dans les pays européens, mais des opportunités apparaissent clairement pour les politiques progressistes.

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Alors que les campagnes de vaccination se poursuivent à bon rythme en Amérique du Nord et en Europe, l’espoir de tourner la page de la pandémie se renforce. A quelques jours du sommet du G7, une large enquête d’opinion menée par Global Progress et soutenue par YouGov, donne une image de l’état d’esprit de la population dans les pays du G7 et en Australie. Le but de notre démarche était d’identifier, dans ces démocraties avancées, les leçons que l’opinion tire de cette crise et la manière dont celles-ci influencent leurs représentations de l’avenir, leurs aspirations et leurs craintes.

Dans les cercles progressistes, un espoir a émergé : que la crise sanitaire illustre la nécessité de construire des sociétés plus justes et plus durables. Certes, ce sont bien des leçons tirées de l’expérience de l’année écoulée par une partie significative de la population. Malheureusement pour les progressistes, elles ne sont pas pour autant formulées comme telles. Il apparaît clairement aujourd’hui que les leçons de la crise, ou les préférences exprimées pour les choix à venir, ne se traduisent pas automatiquement en soutien ni pour les réponse politiques progressistes ni pour les partis qui les portent.

Première leçon de notre enquête : si le public espère que le virus est maîtrisé, il est encore loin d’en être persuadé. Tandis qu’une majorité pense que le pire de la crise est derrière nous, une proportion plus importante s’attend à une mutation du virus, permettant à nouveau sa diffusion, ou anticipe qu’une autre pandémie du même genre est susceptible d’apparaître dans la prochaine décennie.

Plutôt que l’optimisme, c’est une forme de résignation qui caractérise notre rapport à l’avenir, et un accord général se dessine pour considérer que notre mode de vie est peut-être plus fragile qu’on ne le pensait.

En se tournant vers l’avenir, on ne voit pas de repli vis-à-vis de l’internationalisme. Les populations des pays du G7 et de l’Australie partagent le sentiment que leurs gouvernements devraient coopérer davantage pour répondre à ces crises. Ils souhaitent également les voir réagir plus rapidement et accorder une place plus importante aux experts scientifiques. Les gens commencent aussi à s’inquiéter des montants dépensés pour faire face à la crise dans l’urgence et apparaissent partagés concernant la nécessité de continuer à dépenser ou de commencer à nous serrer la ceinture. En ce qui concerne le partage du coût de la pandémie, toutefois, l’équité domine les représentations. Sans aucun doute, le public pense que la charge de la dépense doit être supportée par ceux qui ont tiré bénéfice de la crise ou qui ont prospéré durant la crise — à savoir les plus riches, les entreprises multinationales ou les plateformes de vente en ligne. De fait, plus de 80% des personnes interrogées défendent l’idée d’une taxe sur ceux qui utilisent l’évasion fiscale pour échapper à leurs responsabilités. Le projet en cours pour instaurer un taux minimum mondial d’imposition sur les entreprises n’apparaît pas seulement comme une bonne mesure économique mais également comme une bonne politique.

Pourtant, en ce qui concerne les défis de l’avenir, les progressistes ont du souci à se faire. Au sujet du changement climatique, le pessimisme, voire une forme de fatalisme, s’installe. Dans les pays du G7 comme en Australie, un nombre croissant de personnes pense maintenant que leurs pays obtiendront peu de résultats tant que des poids lourds économiques comme la Chine et l’Inde ne feront pas davantage d’efforts. C’est peut-être ce qui explique que les personnes interrogées craignent que les politiques en faveur du climat risquent de coûter cher et de nuire à l’emploi. Les progressistes, toutefois, peuvent nourrir quelques espoirs sur ce point. Les personnes interrogées pensent en effet que l’investissement en faveur de l’environnement, des industries vertes et des nouvelles technologies peut donner à leur pays un avantage compétitif dans l’avenir, et créer des bénéfices économiques pour ceux qui se montreront les plus agiles et les plus rapides.

Le tableau redevient beaucoup plus sombre, néanmoins, quand on s’intéresse aux impacts des technologies de l’information. Seule une minorité pense que les réseaux sociaux ont contribué à donner plus de pouvoir aux gens et une nette majorité – proche des trois quarts – pense qu’ils ont contribué à diviser davantage nos sociétés. Quant aux futurs développements économiques comme l’intelligence artificielle, les gens semblent persuadés qu’ils auront un impact négatif sur les emplois et les revenus – sauf en ce qui concerne la conciliation entre travail et vie personnelle.

Quand on considère ces résultats, il est difficile de ne pas conclure que les démocraties occidentales sont sous pression. Seuls les Etats-Unis et l’Australie affichent un franc optimisme concernant leur futur proche, et les Etats-Unis, le Canada et l’Australie considèrent ensemble que les générations à venir connaîtront une vie meilleure que les précédentes. En Europe, c’est l’image en négatif inversé : les Italiens et les Français en particulier ont le sentiment que la vie était meilleure pour les générations précédentes. De même, quand ils imaginent les performances économiques à venir, les Américains, les Canadiens et les Australiens sont également optimistes en ce qui concerne les capacités de leur pays de réussir dans le nouvel ordre mondial. Les Européens, y compris les Britanniques, tout comme par ailleurs les Japonais, tendent au contraire à considérer que les jours de leur prédominance économique sont derrière eux.

Si l’on s’intéresse au G7 auquel l’Inde, l’Australie et la Corée du Sud sont invités, l’idée d’une compétition croissante entre régimes démocratiques et régimes autoritaires, entre capitalisme libéral et capitalisme autocratique, s’affirme. Le débat est encore ouvert pour savoir de quel côté l’Inde va se tourner – du moins tant que Narendra Modi sera au pouvoir. Mais la Russie et la Chine apparaissent nettement comme des menaces, et peu de personnes, voire aucune, ne souhaite se faire vacciner avec leurs vaccins. Cela dit, une majorité significative considère la Chine comme le pays le mieux placé pour réussir dans l’avenir. Plus inquiétant : tandis que les habitants du Vieux continent restent attachés aux idées et aux principes de la démocratie, près de la moitié d’entre eux pensent que le système ne marche pas bien ou ne leur apporte rien de positif à titre personnel. C’est peut-être pourquoi le soutien à des leaders forts qui imposent les décisions sans tenir compte de l’équilibre des pouvoirs ni des contraintes constitutionnelles est étonnamment élevé : en Italie, presque un tiers des électeurs considère que c’est de cela que leur pays a besoin.

Pour le Président américain Joe Biden, sa participation au G7 représente à la fois un risque et une opportunité. Les personnes interrogées expriment leur sympathie pour l’idée d’un leadership américain et expriment une adhésion indiscutable à son programme économique, ses plans d’investissement vert et ses efforts en faveur de la protection sociale. C’est un exemple que leur pays devrait suivre selon huit personnes sur dix, parmi les citoyens des pays membres du G7 et de l’Australie interrogés. C’est beaucoup plus élevé qu’aux Etats-Unis, où son projet en faveur de la reconstruction du pays est en train de se faire piéger par la division partisane.

C’est pourquoi Joe Biden a l’opportunité cette semaine de tracer des perspectives pour le monde et de montrer que la démocratie peut faire face aux défis actuels et à apporter des améliorations concrètes à la vie des citoyens. S’il y parvient, il reste un espoir qu’il puisse convaincre les Américains également. S’il échoue, les conséquences pourraient être aussi catastrophiques en politique intérieure que sur la scène internationale.

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