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Note

Cannabis : pour une autre stratégie policière et pénale

Dans le débat sur le cannabis, l’impasse de la voie répressive actuelle et la nécessité de trouver une autre stratégie font l’objet d’un consensus croissant dans la population, de même que le besoin d’une intervention forte de la puissance publique pour contrôler les usages. Si il semble sur le point de changer de nature, un acteur restait néanmoins largement absent de ces analyses : les forces de l’ordre. Chargées de mener la répression et confrontées au quotidien à la banalisation du cannabis, comment voient-elles l’évolution de la consommation et quel bilan tirent-elles de leur action ? Terra Nova, actif dans ces réflexions grâce à ses nombreux travaux depuis 2014, après avoir ouvert ses pages à des médecins, des économistes, analysé les évolutions de l’opinion publique sur le sujet, donne cette fois la parole à la police et aux magistrats, dans ce rapport réalisé par Mathieu Zagrodzki, chercheur associé au Centre de Recherches Sociologiques sur le Droit et les Institutions Pénales et chargé de cours à l’Université de Versailles St-Quentin-en-Yvelines.

Publié le 

Le présent rapport sur le travail de la police s’inscrit dans une suite de propositions pour une nouvelle politique de lutte contre la consommation de cannabis, présentée dans trois précédents travaux de Terra Nova depuis 2014. Une première étude a d’abord examiné la possibilité de réguler un marché légal plutôt que de réprimer un usage très diffus et de laisser prospérer une économie souterraine. Elle a souligné que la légalisation encadrée de la production, de la vente et de l’usage du cannabis permettrait de contrôler les prix, le niveau des usages, la qualité des produits en circulation et dégagerait des ressources pour une véritable politique de prévention. Cette proposition initiale reposait cependant sur l’idée d’un monopole public qui est apparue comme une impasse. Une deuxième étude s’est donc attachée à proposer un autre mode de régulation publique. Elle préconise un cadre de gouvernance et d’organisation inspiré de celui des jeux d’argent en ligne, une pratique addictive longtemps interdite en France avant d’être légalisée en 2010. Le rôle d’une nouvelle autorité de régulation serait à la fois de faire baisser la consommation et de contrôler les risques liés aux usages. Enfin, une troisième étude soulignait l’évolution de l’opinion sur ces enjeux.

L’impasse de la voie répressive actuelle et la nécessité de trouver une autre stratégie font l’objet d’un consensus croissant dans la population, de même que le besoin d’une intervention forte de la puissance publique pour contrôler les usages. Si le débat sur le cannabis semble sur le point de changer de nature, un acteur restait néanmoins largement absent de ces analyses : les forces de l’ordre. Chargées de mener la répression et confrontées au quotidien à la banalisation du cannabis, comment voient-elles l’évolution de la consommation et quel bilan tirent-elles de leur action? Malgré l’une des législations les plus répressives en Europe, la demande de cannabis demeure très importante en France, y compris parmi les mineurs. Certains quartiers sont fortement marqués par l’ancrage physique des trafics, subissant de ce fait des nuisances importantes au quotidien, et les services de police et la justice sont dans l’incapacité d’appliquer véritablement la loi, avec des disparités très importantes entre territoires dans les pratiques des institutions répressives.

Le présent texte s’efforce d’illustrer ces deux formes d’inégalités. Il montre notamment le caractère vain des nombreux contrôles, enquêtes et interpellations menées dans le cadre des affaires de stupéfiants, avec des policiers et des magistrats avouant avoir l’impression de vider l’océan avec une cuillère face au volume d’affaires à traiter. Face à l’usure des professionnels, à la situation dégradée dans nombre de points du territoire gangrénés par les trafics et à ce décalage entre les textes et leur mise en œuvre, qui par ailleurs nécessiterait des moyens démesurés, il semble qu’une autre approche soit souhaitable. Plutôt qu’une forfaitisation et une répression inefficaces face à l’étendue des trafics, une légalisation raisonnée semble préférable pour assécher ces derniers. Ce rapport ne minimise en aucune façon la dangerosité de drogues. Il ne prône pas non plus une vision naïve qui consisterait à considérer la légalisation comme la solution à tous les problèmes : les marchés parallèles existeront toujours, comme c’est le cas dans le domaine du tabac. Ladite légalisation permettrait néanmoins de dégager du temps aux services judiciaires et policiers pour les dossiers les plus importants, tout en poursuivant des objectifs en termes de santé publique (suivi des personnes souffrant d’addictions, contrôle de la qualité des produits…).

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