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Note

Les virus n’ont pas besoin de visas

La mobilité internationale continue de s’intensifier et, avec elle, la circulation de maladies, phénomène aggravée par les effets du réchauffement et de la perte de biodiversité. C’est un risque sanitaire qu’il nous faut apprendre à gouverner. Malgré les tentations de fermeture migratoire des pays du Nord et malgré le recul possible du commerce mondial, les épidémies mondiales menacent toujours. C’est pourquoi les efforts internationaux en faveur de la sécurité sanitaire restent prioritaires.

Publié le 

Introduction : l’unification biologique du monde

Le monde est fait de paradoxes. Alors que la mondialisation ralentit, que les murs s’élèvent partout, – y compris contre le « doux commerce » cher à Montesquieu et aux régulateurs qui avaient imaginé, après la Seconde Guerre mondiale, un monde où les échanges seraient le fondement de la paix mondiale -, la dynamique commerciale globale est attaquée. Partout, les responsables politiques ne parlent que de protectionnisme, de la fin de la mondialisation et de la régionalisation des économies. Et ce qui est vrai en matière économique et commerciale l’est encore plus dans le domaine migratoire : le droit d’asile est menacé, les migrants suspectés et la lutte contre l’immigration devient l’un des rares sujets consensuels dans des sociétés occidentales fragmentées et divisées.

Pourtant, un bouleversement démographique d’ampleur se prépare et ses premiers effets se font déjà sentir : la natalité des pays les plus riches chutent en même temps que celle de nombreux pays émergents, pour une fois unis. L’Europe comme la Chine sont confrontés au problème qui va arriver aux États-Unis avec un léger retard, celui d’un vieillissement rapide et d’un manque de bras. Alors que les gouvernements affichent leur hostilité à l’idée même d’immigration, les entreprises, les particuliers, les marchés réclament de plus en plus ouvertement l’apport d’une « force de travail extérieure ». Et la Big Tech américaine ralliée à Trump s’inquiète pour ses ingénieurs étrangers tout en promettant de résoudre le problème en inondant le monde de robots humanoïdes. Quant à la mondialisation du commerce, elle continue malgré tout.

Dans le même temps, les effets du changement climatique se font sentir partout, là aussi sans discrimination : l’Asie orientale est touchée comme l’Europe de l’Ouest, les États-Unis et les pôles. Le monde découvre avec stupeur que la dénégation ne fait pas une politique et que n’en faire pas assez est la meilleure manière de laisser advenir la catastrophe.

Et puis les tendances à l’œuvre depuis plusieurs décennies s’amplifient : jamais l’humanité n’a été aussi mobile – et jamais cette mobilité n’a autant déterminé la santé mondiale. En 2010, on comptait environ 240 millions de migrants internationaux. Ils sont aujourd’hui plus de 281 millions, et pourraient dépasser 405 millions d’ici 2050 si la tendance se maintient[1]. L’Europe et l’Asie ont chacune accueilli environ 87 et 86 millions de migrants internationaux, respectivement, soit 61 % du total mondial de migrants internationaux. L’Asie a connu la croissance la plus forte entre 2000 et 2020, avec 74 % de hausse (environ 37 millions de personnes en termes absolus). L’Europe a connu la deuxième plus forte croissance pendant cette période, avec une augmentation de 30 millions de migrants internationaux, suivie par une augmentation de 18 millions en Amérique du Nord.

Ces flux ne se limitent plus aux migrations économiques ou forcées : ils englobent les mobilités saisonnières, touristiques, étudiantes, professionnelles et climatiques, formant une trame circulatoire où les êtres humains, les biens et les agents pathogènes empruntent les mêmes routes. La mondialisation a ainsi transformé la planète en un système circulatoire unique. Les historiens de la grande peste ont forgé l’expression d’« unification biologique du monde » pour décrire le moment où, au XIVe siècle, les routes commerciales entre l’Asie et l’Europe ont relié durablement les écosystèmes et les maladies. Ce processus, amorcé avec la soie et les épices, atteint aujourd’hui son plein régime à l’échelle planétaire : nos mobilités tissent ainsi un espace biologique commun. Cette dynamique, amorcée au XIVe siècle, atteint aujourd’hui son plein régime à l’échelle planétaire : nos mobilités tissent ainsi un espace biologique commun. Et la fin de la mondialisation (ou plutôt la fin de son essor) ne va pas réduire les mouvements migratoires.

Un monde interconnecté, donc vulnérable ensemble

La conséquence est simple. Aujourd’hui, une épidémie, une guerre ou une catastrophe climatique locale peut désormais, en quelques semaines, avoir des répercussions planétaires. L’interdépendance est telle qu’aucune frontière politique n’est une barrière sanitaire durable. La pandémie de COVID-19 l’a révélé avec brutalité : en moins de trois mois, la densité des flux humains a suffi à transformer une épidémie régionale en une crise mondiale.

Derrière cette expérience collective, une vérité doit s’imposer : la sécurité sanitaire mondiale nécessite d’être réaliste. Les mobilités vont s’accentuer, pas diminuer, qu’on le veuille ou non. Et pas seulement parce que la population des pays pauvres va augmenter : la demande de supplément de travail venu de l’extérieur va considérablement augmenter dans les pays riches (Japon, Corée, Europe) et continuer à être dynamique aux États-Unis.

L’Afrique, cœur battant des mobilités du XXIe siècle

Nulle part cette dynamique n’est plus visible qu’en Afrique, qui concentre l’essentiel du futur démographique et migratoire de l’humanité. Peuplée aujourd’hui de 1.5 milliard d’habitants, elle en comptera 2.5 milliards en 2050, soit près d’un quart de la population mondiale.[2] Cette croissance s’accompagne d’un essor inédit des mobilités internes et externes : bien que plus de 80% des migrations africaines se fassent encore à l’intérieur du continent[3], les flux vers l’Europe, et l’Asie s’intensifient, et plus rapidement vers le Golfe. L’Afrique devient ainsi à la fois zone de départ, de transit, d’installation et de retour, articulant travail, formation et stratégies familiales. Ces trajectoires traversent souvent des zones marquées par la vulnérabilité sanitaire : précarité des soins, insécurité, stress climatique. Le continent africain agit dès lors comme un observatoire avancé des liens entre mobilité, santé et stabilité.

L’Europe face à un enjeu de sécurité collective

Pour l’Europe et donc la France, ces mobilités massives ne sont pas un risque à contenir mais un fait structurel à gouverner. Elles ont des implications directes sur la santé publique et la cohésion sociale :

  • Augmentation des cas importés de maladies vectorielles (paludisme, dengue, tuberculose, VIH) ;
  • Pression accrue sur les dispositifs de santé publique et de solidarité, comme l’Aide Médicale d’Etat (AME)[4] en France[5] ;
  • Coûts budgétaires croissants, qu’une politique de prévention en amont pourrait considérablement réduire.

Le constat est simple : alors que l’Afrique comptera bientôt un quart de la population mondiale, l’Europe vieillit et manque de bras. Et comme les mobilités vont augmenter, il faut comprendre que les maladies infectieuses suivent les mêmes routes que les hommes et redessinent la carte sanitaire du monde. Comprendre comment ces maladies se propagent, c’est saisir l’unité sanitaire du monde contemporain, où la santé d’un village du Sahel peut influencer celle d’une ville européenne quelques semaines plus tard. Investir dans la prévention et la santé au Sud, c’est protéger les citoyens du Nord.

Cette étude vise à rappeler aux responsables politiques la réalité du monde : les hommes n’ont pas fini de circuler, les maladies non plus, d’autant que le changement climatique rend certaines zones jusqu’alors préservées susceptibles d’être touchées par des maladies contagieuses. Alors il faut regarder cette réalité en face pour mettre en place les politiques les plus efficaces qui – c’est une bonne nouvelle – sont pour une bonne part déjà en place. Reste à les déployer. Et à ne pas les détruire par inconscience.

 

1. Les maladies contagieuses profitent du réchauffement climatique et de la mondialisation

Un avion, un camion, un moustique, un réfugié, un touriste : les vecteurs changent, la logique reste la même. Les maladies circulent parce que les hommes et les marchandises circulent – et parce que le climat, désormais, accélère les cycles biologiques et bouleverse les équilibres anciens. Les hommes et la nature sont alliés dans la grande roue mondiale qui a été mise en marche à la fin du XIXe siècle et qui tourne de plus en plus vite.  

A. Transmission par les personnes : les épidémies du moment[6]

Les grandes pandémies contemporaines — VIH, tuberculose, paludisme, COVID-19, Ebola — se propagent d’abord avec les êtres humains.

Dans un monde où plus de 4 milliards de voyages aériens sont enregistrés chaque année[7], un virus peut franchir plusieurs continents en moins de 36 heures, là où il lui fallait plusieurs mois au milieu du XXe siècle et plusieurs années au milieu du XIVe siècle (on pense par exemple à la peste noire qui a suivi les routes de la soie et les expéditions mongoles pour arriver des années plus tard en Europe et se propager à Marseille, Avignon, Paris et Londres)[8]. Cette accélération fait des mobilités humaines le principal multiplicateur biologique de notre époque. Et c’est vrai pour les plus terribles des maladies, à commencer par la tuberculose qui est, on l’oublie trop souvent, la première cause de mortalité parmi les maladies infectieuses[9].

 

Maladie

 

Mode de transmission

 

Mortalité annuelle

Mortalité totale

Zones de recrudescence

Tuberculose (TB)

Aérienne

1.25 M[10]

~1Md (depuis 1850)[11]

Afrique, Ukraine

VIH

Sexuelle / Sanguine

630 000[12]

~44M (depuis le début de l’épidémie en 1981)[13]

Afrique, Europe de l’Est

Paludisme (Malaria)

Moustique

600 000[14]

~400M (depuis 1900)[15]

Afrique, Asie, Am. Latine

Dengue

Moustique

9 000[16]

~2,5M (depuis 1950)

Tropiques / Europe du Sud

Ebola

Contact direct

~3 000

~15 000 (depuis la première épidémie documentée de 1976)[17]

Afrique centrale

 

Chaque maladie suit sa propre trajectoire, mais toutes illustrent une même vérité : plus les hommes se déplacent, plus les pathogènes trouvent de relais. Et ces maladies trouvent aujourd’hui des terrains fertiles à leur expansion :

  • En 2024, plus de 123 millions de personnes déplacées de force (HCR) vivaient sans accès stable à un système de santé[18].
  • La tuberculose se propage dans les contextes de promiscuité et de guerre (Ukraine[19], RDC, Soudan)[20].
  • Le VIH reste principalement concentré dans les zones de mobilité économiques[21] (corridors de transports, ports)[22].
  • Le paludisme réapparaît ponctuellement dans des régions où il avait disparu[23].
  • Le COVID-19 a démontré qu’un virus respiratoire global pouvait exploiter les mêmes réseaux que notre économie mondialisée.

Les frontières politiques n’arrêtent pas les maladies, elles les amplifient. Et les hommes ne sont pas les seuls à transporter les maladies. A cela s’ajoute le climat qui, en bouleversant les cycles écologiques, devient à son tour un vecteur.

B. Transmission par les vecteurs : le climat, nouveau passeur

Certains groupes d’insectes vecteurs et parasites – en particulier les moustiques tropicaux et certaines tiques – sont devenus les grands bénéficiaires du réchauffement climatique. En modifiant la température, l’humidité et la végétation, le climat étend les zones de reproduction des moustiques, tiques et moucherons, et raccourcit le cycle d’incubation des virus qu’ils transportent. Comme le résume Anna-Bella Failloux, responsable de l’unité Arbovirus et insectes vecteurs à l’Institut Pasteur, « nous savions que le réchauffement climatique allait exacerber les maladies vectorielles, mais une situation aussi favorable aux épidémies est nouvelle »[24].

Pour qu’une maladie se propage, trois conditions sont nécessaires : un agent pathogène, un vecteur (moustique, tique) et un hôte humain ou animal. Or ces trois paramètres se croisent aujourd’hui dans des zones où ils ne coexistaient pas auparavant :

  • L’allongement des saisons chaudes et humides favorise la survie des moustiques ;
  • La végétalisation urbaine et les « villes vertes » créent de nouveaux gîtes larvaires (pots, gouttières, récupérateurs d’eau).
  • Les transports internationaux accélèrent la dispersion des vecteurs : le moustique tigre (Aedes albopictus) est désormais implanté dans plus de vingt pays européens et 81 départements français[25].

Résultat : des maladies que l’on croyait lointaines ou éradiquées reviennent frapper aux portes de l’Europe.

a) Du paludisme à la dengue : l’Europe en « pré-endémicité »

Le paludisme, disparu d’Europe depuis les années 1970, refait ponctuellement surface sous forme de cas autochtones, notamment en France, Espagne, Italie et Grèce[26]. L’écrasante majorité des cas déclarés restent importés (99,8 %)[27], mais la tendance est claire : le réchauffement climatique prolonge la saison de reproduction des moustiques anopheles, encore partiellement présents en Europe du Sud[28]. Jusqu’ici, le phénomène semblait marginal – 47 cas de ce type ont été recensés en Europe depuis 1969[29] – mais il est appelé à croître rapidement avec la hausse des températures.

La même évolution s’observe pour la dengue, autrefois confinée aux tropiques : plusieurs centaines de cas indigènes par an sont désormais enregistrés dans le sud de la France, en Espagne ou en Italie par exemple[30]. Le chikungunya, apparu sporadiquement en 2007, devient lui aussi récurrent, notamment en Italie[31].

Le Haut Conseil de la santé publique parle désormais de pré-endémicité : les vecteurs sont présents, les pathogènes circulent, mais les hivers encore frais limitent la transmission continue. Selon les projections de l’ECDC, à l’horizon 2035, le sud de la France, l’Espagne et l’Italie pourraient connaître une transmission saisonnière durable de ces maladies vectorielles du fait de l’adoucissement des hivers. L’Europe n’est donc plus une zone exempte : elle devient une zone perméable, biologiquement ouverte à la mondialisation du climat.  

Figure 1 : Répartition actuelle connue d’Anopheles maculipennis en Europe en octobre 2023[32]

b) Trois dynamiques structurantes[33]

Ces signaux faibles annoncent un basculement : les maladies dites tropicales ne sont plus seulement importées, elles s’enracinent dans un environnement européen qui leur est de plus en plus favorable. Trois dynamiques principales expliquent cette progression :

1. L’urbanisation des moustiques : les villes vertes deviennent des foyers larvaires invisibles

Les moustiques, jadis confinés aux zones tropicales humides, sont devenus des espèces urbaines opportunistes. L’urbanisation rapide, la densité humaine et l’absence de prédateurs créent des environnements propices à leur prolifération. C’est le cas par exemple des espèces du genre Aedes qui se sont adaptées à la vie urbaine. Les micro-zones humides – bacs à plantes, gouttières, bassins décoratifs, réserves d’eau – remplacent les mares tropicales. Les programmes de « villes vertes », pourtant essentiels pour l’adaptation au changement climatique, génèrent eux-aussi – paradoxalement – de nouveaux gîtes larvaires. Ce phénomène est déjà global : plus de 55% de la population mondiale vit aujourd’hui dans des zones à risque de maladies vectorielles.

Cette urbanisation vectorielle change la nature du risque. Les maladies ne viennent plus seulement de l’extérieur, elles émergent au cœur même des villes.[34] L’Europe et la Méditerranée en particulier deviennent ainsi des laboratoires de cohabitation sanitaire, où la lutte contre le dérèglement climatique et la gestion du risque épidémique doivent être pensées ensemble.

2. L’accélération climatique : des cycles biologiques plus courts

Le climat joue un rôle d’accélérateur métabolique chez les moustiques. Organismes à sang froid, la température ambiante détermine leur vitesse de développement et celle des virus qu’ils hébergent.

Prenons cet exemple : une hausse de 2°C suffit à diviser par deux le temps d’incubation du virus de la dengue dans le moustique. Simplement dit, plus il fait chaud, plus les moustiques infectent vite, parce que leur métabolisme s’accélère, leurs cellules se divisent plus vite, et le virus, qui dépend de ce métabolisme pour se multiplier, se réplique plus rapidement lui aussi. Donc, une hausse de 2°C de la température ambiante, ce sont des moustiques capables d’infecter deux fois plus vite.

Ce phénomène est encore amplifié par l’allongement des saisons chaudes, qui n’a sûrement pas échappé aux habitants du sud de la France par exemple. Autrefois limitées à juin-septembre, elles s’étendent désormais d’avril à novembre dans certaines régions d’Europe méridionale. C’est propice aux populations de moustiques, qui survivent à l’hiver sous forme d’œufs ou de larves, prêtes à éclore dès les premiers redoux.

Autre conséquence de l’allongement des saisons chaudes, et donc de l’expansion des zones géographiques propices aux moustiques : ils gagnent du terrain ! On observe une progression moyenne de 4,7km vers les pôles et 6,5m en altitude chaque année depuis 1898[35]. Sur un siècle, cela représente plusieurs centaines de kilomètres d’expansion potentielle pour une augmentation de la température ambiante d’environ 1°C, un seuil déjà atteint par rapport à l’ère préindustrielle. Sous un scénario de réchauffement modéré (+2°C à l’horizon 2100, correspondant à la trajectoire RCP 4.5), les effets deviendraient exponentiels : le rapport de The Lancet prévoit alors une hausse de plus de 35% du potentiel de transmission de la dengue d’ici 2050[36]. Et dans un scénario de forte atténuation (SSP1–1.9)[37], compatible avec un réchauffement limité à 1.5°C), près de 2,35 milliards de personnes supplémentaires vivraient dans des zones propices à la transmission du paludisme d’ici la fin du siècle[38].

Le climat devient ainsi un transporteur invisible et un multiplicateur instantané : plus le climat s’emballe, plus le risque de coïncidence entre vecteurs, virus et humains augmente. Mais le dérèglement climatique n’affecte pas seulement les moustiques : il agit aussi en amplificateur indirect des zoonoses – non pas tant par la chaleur elle-même que par les transformations écologiques qu’elle entraîne (modification des régimes de pluie, raréfaction des ressources, déplacement des espèces sauvages vers de nouveaux habitats)[39].

3. Les nouveaux réservoirs : tiques et rongeurs, sentinelles du changement écologique

Les moustiques sont des symboles visibles de la mondialisation climatique et de la trace de l’homme sur les paysages. Mais d’autres acteurs, plus discrets, participent eux aussi à la transformation du risque sanitaire : les tiques et les rongeurs, témoins et bénéficiaires du bouleversement écologique.[40]

Les tiques profitent des hivers plus doux et de la transformation des paysages liée à l’activité humaine – étalement urbain, destruction des espaces naturels intermédiaires entre ville et monde sauvage, agriculture intensive. Ces zones tampons, qui limitaient autrefois la circulation des pathogènes entre espèces, disparaissent progressivement, favorisant la cohabitation rapprochée entre humains et faune sauvage[41].

Le cas des tiques Hyalomma, vectrices de la fièvre hémorragique de Crimée Congo, en est une illustration : longtemps absentes du continent européen, elles ont été identifiées pour la première fois en France en 2023, dans les Pyrénées-Orientales et en Corse.[42] Cette émergence résulte d’un double phénomène : le réchauffement climatique, qui élargit les zones de survie de ces espèces, et la modification des milieux forestiers (sélection des essences, fragmentation, monocultures, usage de pesticides, artificialisation des sols), qui crée des habitats favorables pour leurs hôtes privilégiés – ongulés et rongeurs. Résultat : ces espèces colonisent désormais des zones de moyenne altitude et des espaces périurbains, se rapprochant de plus en plus des lieux de vie humains.

Le cas de la maladie de Lyme illustre cette dynamique multifactorielle. Dans les milieux écologiquement appauvris, là où la biodiversité recule, les rongeurs – des réservoirs importants d’agents infectieux – prolifèrent, ce qui simplifie les chaînes de transmission vers l’humain[43].

Ces évolutions confirment une tendance de fond : le risque infectieux se déplace avec les écosystèmes, et le risque zoonotique naît d’une interaction entre changement climatique, perte de biodiversité et artificialisation accélérée des paysages[44], qui détruisent les « effets tampon » qui protégeaient l’humanité des pathogènes du monde sauvage. L’Europe entre ainsi dans une ère de pré-endémicité vectorielle, où il en faut peu pour transformer une menace sporadique en réalité endémique. Les cartes épidémiologiques du Sud se superposent peu à peu à celles du Nord. En conséquence, le défi n’est plus de contenir des maladies « importées », mais d’empêcher leur installation durable.

Dans un monde interconnecté, tout foyer local – qu’il soit sanitaire, climatique ou politique – peut devenir global en quelques semaines. C’est pourquoi la compréhension de ces dynamiques écologiques doit désormais être intégrée à la prévention sanitaire mondiale.

C. Interdépendance : un foyer local devient mondial en quelques semaines[45]

On le voit, les transformations écologiques ne sont qu’une partie du problème. Ce qui, hier encore, relevait du hasard biologique est désormais amplifié par la densité des échanges humains et économiques. Chaque guerre, catastrophe naturelle ou mutation climatique peut désormais déclencher, à partir d’un seul point du globe, une série d’effets en chaîne qui se répercutent jusqu’à l’autre bout de la planète. Les virus et les bactéries ne reconnaissent pas les frontières : ils empruntent celles du tourisme, de la logistique et de la migration. Un choc sanitaire local est aujourd’hui un risque systémique global.

a) De la maladie au système : la santé mondiale et la mondialisation malgré tout

Dans un monde interdépendant, la vulnérabilité est cumulative. La santé, l’économie, la migration et la sécurité ne sont plus des sphères séparées : elles s’imbriquent dans des boucles d’amplification mutuelles. Quand un maillon cède, c’est tout l’équilibre global qui vacille. La pandémie de COVID-19 en a offert une démonstration brutale : en trois mois, un foyer viral localisé à Wuhan a paralysé 189 pays[46], mis à l’arrêt 94% du trafic aérien mondial[47] et provoqué une récession de 3.1% du PIB global[48].

Mais des crises plus silencieuses reproduisent la même mécanique : 

  • Ebola (2014–2016), qui a coûté plus de 2.8 milliards USD aux pays touchés, dont une grande partie hors Afrique de l’Ouest[49] ;
  • Le choléra au Mozambique (2023–2024), où des inondations ont relancé une maladie que l’on croyait contenue[50] ;
  • La poliomyélite, réapparue au Soudan[51] et au Yémen[52], puis détectée dans les eaux usées de Londres et New York[53].

Chaque exemple illustre la même leçon : la santé mondiale est devenue le maillon faible de la mondialisation, un point de rupture potentiel dans l’équilibre planétaire.

b) Le cas ukrainien : quand la guerre ravive les épidémies

Ces dynamiques d’interconnexion ne concernent pas que les virus ou les marchés : elles s’étendent désormais aux conflits eux-mêmes. Comme le rappelle Peter Sands, directeur exécutif du Fonds mondial : « la guerre en Ukraine nous rappelle qu’un effondrement sanitaire local ne reste jamais local : il déstabilise des systèmes régionaux entiers »[54].

Pendant des décennies, l’UE a vu la tuberculose reculer en Europe[55]. Mais la guerre en Ukraine en 2022, a déplacé plus de 14 millions de personnes et désorganisé un système de santé déjà sous pression.[56] Résultat : après des planchers historiques, plusieurs pays européens ont notifié une hausse de cas en 2022.

L’Ukraine joue ici un rôle central : le pays porte l’un des fardeaux les plus élevés de tuberculose multirésistante (MDR-TB) en Europe. Avant l’invasion, ses taux étaient déjà parmi les plus forts du continent[57] – exigeant des traitements longs, coûteux et strictement encadrés : tout ce qu’une guerre rend quasiment impossible. Centres fermés, laboratoires détruits, patients déplacés, la continuité des soins est rompue. Ainsi parmi les 230 réfugiés ukrainiens en Pologne atteints de tuberculose résistante, seulement 46 étaient en traitement[58]. Selon la dernière évaluation des besoins sanitaires de l’Ukraine réalisée par l’OMS (octobre 2024), 68 % des Ukrainiens déclarent que leur état de santé s’est détérioré par rapport à la période d’avant-guerre[59]. Il n’y a pas eu d’explosion épidémique en Europe, mais un rebond des notifications après la sous-détection liée au COVID et une forte pression sur les services de santé dans les pays d’accueil, en particulier ceux recevant beaucoup de réfugiés[60].

Cette situation illustre un principe fondamental : dans un monde interdépendant, une guerre entre deux pays peut rapidement devenir une crise régionale, puis un défi continental. Les foyers infectieux, les crises climatiques ou les conflits armés sont aujourd’hui les déclencheurs invisibles de déséquilibres globaux. La santé devient ainsi un pilier de la sécurité collective, au même titre que l’énergie, le climat ou la défense. Il faut la penser comme un bien public mondial, gouverné, financé et protégé de manière préventive.

Car dans un monde où tout circule – hommes, marchandises, moustiques ou microbes –, protéger la santé ailleurs, c’est protéger la stabilité ici. Reste à comprendre où ces mobilités se jouent concrètement, et ce qu’elles impliquent.

II. Europe, Afrique : les malades sont au Sud et les médecins émigrent au Nord

Les flux humains – qu’ils soient choisis (travail, études, tourisme) ou contraints (guerre, pauvreté, climat) – redessinent la carte mondiale des vulnérabilités. Comprendre où et pourquoi l’on bouge — en particulier les trajectoires migratoires qui mènent vers la France et l’Europe —, c’est éclairer comment circulent les risques… et les solutions. Chaque année, plus d’un milliard de personnes traversent une frontière : travailleurs, étudiants, réfugiés, touristes, déplacés climatiques (en Asie du Sud par exemple, le nombre de personnes déplacées en raison de catastrophes liées au climat a presque triplé en 2024, atteignant 9.2 millions)[61]. Ces mobilités multiples reconfigurent les cartes de la santé mondiale, car les routes humaines et les routes épidémiologiques se confondent de plus en plus souvent. Nous allons regarder plus spécifiquement la question des migrations africaines vers l’Europe, l’Afrique étant une zone de forte prévalence des maladies infectieuses.

A.  Routes migratoires vers l’Europe

Les différents bassins d’origine des immigrés dans l’Union Européenne se mesurent notamment par le nombre de titres de séjour accordés[62]. En 2023, l’UE a accordé 3,821 millions premiers titres de séjour, soit une hausse de 7 % par rapport à 2022[63]. Le Comité d’Action pour la Méditerranée[64] l’a identifié dans son rapport 2025 : les flux restent dominés par les voisinages immédiats de l’Union[65].

Pays d’origine des candidats au séjour dans l’Union Européenne

Nombre de titres de séjour dans les Etats de l’Union Européenne octroyés en 2023

Ukraine

308 541

Biélorussie

281 503

Inde

212 217

Syrie

185 097

Maroc

180 784

Turquie

127 555

Russie

117 641

Chine

109 671

Afghanistan

95 944

Algérie

48 756

 

Répartition des premiers titres de séjour délivrés dans l’Union européenne en 2023 (par régions)

Europe

Europe de l’Est

728 155

Balkans, Europe du Sud Est

332 440

Europe occidentale

45 315

Europe du Nord

1 910

Asie

Asie du Sud

556 357

Asie du Sud Est

134 369

Asie centrale

73 928

Afrique

Afrique du Nord

337 813

Afrique de l’Ouest

163 126

Afrique de l’Est

74 152

Afrique centrale

44 082

Afrique australe

23 595

Amérique

Amérique du Sud

387 091

Amérique du Nord

114 960

Amérique centrale et caraïbes

88 848

Autre

Moyen-Orient

367 862

Océanie

11 973

 

Autre observation : bien que les pays de la rive Sud de la Méditerranée conservent un rôle structurant dans les flux migratoires, leur poids relatif recule dans l’ensemble européen, au profit de l’Afrique subsaharienne et de l’Asie du Sud. Les ressortissants marocains (181 000), égyptiens (54 000 titres), tunisiens (54 000) et algériens (49 000, dont 32 000 en France) illustrent cette tendance.

L’Afrique subsaharienne s’impose désormais comme un foyer migratoire en expansion : les Nigérians (36 000 titres en 2023), les Sénégalais (30 000, contre 17 000 en 2020) et les Ivoiriens (23 000, contre 12 000 en 2020) figurent parmi les flux les plus dynamiques. Ces mobilités s’orientent principalement vers la France, l’Italie et l’Espagne, mais s’étendent aussi vers l’Allemagne et la Pologne. 

B. Les migrants africains traversent des zones à fort risque sanitaire

Contrairement aux idées reçues, près de 80%[66] des migrations africaines se déroulent à l’intérieur du continent[67]. Les taux varient selon les régions : ils sont particulièrement élevés en Afrique de l’Ouest, favorisés par la libre circulation au sein de la CEDEAO. Mais la part des flux vers l’Europe augmente : depuis 1990, le nombre de migrants africains vivant hors de l’Afrique a plus que doublé, la plupart d’entre eux résidant en Europe (11 millions).[68]

Les migrations intra et extra-africaines se superposent : un migrant africain arrivant en Europe a souvent déjà traversé plusieurs pays africains, souvent sujets à des systèmes de santé fragilisés. Sur la route vers l’Italie par exemple, 56 % des migrants déclarent avoir transité par au moins deux pays[69].

En Afrique, on migre d’abord pour vivre, non pour fuir. Ces mobilités économiques et sociales sont structurées autour de pôles régionaux :  

  • En Afrique de l’Ouest, la CEDEAO est devenue un espace de circulation quasi continue : les migrations entre le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Mali ou le Ghana forment le plus grand corridor migratoire du continent, avec plus de 1.3 million de Burkinabés vivant en Côte d’Ivoire. Ces flux soutiennent les secteurs agricole et minier et irriguent les économies rurales grâce aux transferts de fonds[70].
  • Dans la zone sahélo-méditerranéenne, le Niger, le Maroc, la Tunisie et l’Algérie ne sont plus seulement des zones de transit. Ces pays sont devenus des territoires d’installation pour des travailleurs venus du Sahel, employés dans la construction, l’agriculture, les services ou le secteur du soin.
  • En Afrique de l’Est, les migrations vers le Golfe, depuis l’Éthiopie ou le Kenya, restent parmi les plus importantes et les plus risquées, attirées par des salaires cinq fois plus élevés que dans leur pays d’origine[71]. La Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) renforce par ailleurs l’intégration régionale à travers la reconnaissance mutuelle des diplômes et des permis de travail, créant un véritable « espace des compétences ».
  • En Afrique centrale, la mobilité est souvent contrainte : les crises politiques et les conflits (RDC, Centrafrique, Soudan) déplacent chaque année des millions de personnes.

Ces routes croisent souvent des zones de forte endémie sanitaire — paludisme, tuberculose, VIH —, et exposent les populations en mouvement à des risques multiples. Les migrations africaines ne sont pas la cause des maladies, mais elles en subissent pleinement les effets structurels liés au climat, à la pauvreté et aux crises politiques.

 

Les principaux couloirs migratoires en Afrique (2023–24)

Couloir migratoire

Type

Nombre estimé de migrants (2023–24)

Tendances et remarques clés

Burkina Faso à Côte d’Ivoire

Intra-Ouest

1.3 million

Plus grand couloir intra-africain ; historique depuis 1960 ; moteur économique régional

Soudan du Sud à Ouganda

Intra-Est

0.9 million

Migration forcée (conflit)

Mali à Côte d’Ivoire

Intra-Ouest

~800 000

Mobilité économique ancienne, renforcée par réseaux ethniques et agricoles

Nigéria à Ghana

Intra-Ouest

~500 000

Flux circulaires ; mobilité de travail et d’éducation

Ethiopie à Arabie saoudite

Afrique-Golfe

1 à 1.2 million

Principal flux Afrique-Moyen-Orient ; forte proportion de femmes employées domestiques

Egypte à Arabie Saoudite

Afrique – Golfe

~1.6 million

Migration stable et contractuelle

 

a) Avant l’arrivée : les contextes sanitaires des routes migratoires

On l’a vu, avant d’arriver en Europe, un migrant africain traverse souvent plusieurs régions et pays de son propre continent où les systèmes de santé sont défaillants ou inaccessibles. Dans ces environnements, la santé devient une variable de survie – et la mobilité, une réponse à l’effondrement progressif des services publics.

Les zones d’origine et de transit les plus empruntées – Afrique subsaharienne, Proche-Orient et certaines zones d’Asie du Sud – cumulent les maladies transmissibles les plus actives :

  • Paludisme : 94% des cas mondiaux sont enregistrés en Afrique – les sécheresses et inondations récentes favorisent la prolifération du moustique Anopheles.[72]
  • Tuberculose : l’Afrique concentre près de 25% des cas mondiaux et 36% des décès[73], avec des foyers persistants dans la Corne de l’Afrique (Ethiopie, Somalie, Erythrée) et dans le bassin du Congo ; 17 des 30 pays les plus touchés par la tuberculose se trouvent sur le continent[74].
  • VIH : la prévalence atteint en moyenne 3.7% chez les adultes dans plusieurs pays d’Afrique australe, et près de 73% des personnes vivant avec le VIH qui ont contracté la tuberculose se trouvent en Afrique[75].
  • Choléra et dengue : depuis 2022, des flambées simultanées touchent le Soudan, l’Angola, l’Éthiopie, le Yémen, et le Pakistan, dans un contexte de crises hydriques et de déplacement massif de populations[76].

A cela s’ajoutent malnutrition, chaleur extrême, absence de soins : 615 millions de personnes en Afrique n’ont pas accès aux services de santé de base. Chaque frontière franchie se transforme en seuil sanitaire : plus la route est longue, plus la santé se dégrade.

b) Etude de cas : le Sahel, zone de convergence des crises

Le corridor sahélien concentre les tensions du XXIᵉ siècle : réchauffement, insécurité, croissance démographique, raréfaction des ressources et dégradation continue des terres. De la Mauritanie au Tchad, cet espace de mobilité contrainte repose sur une seule constante : la survie dépend de la capacité à se déplacer.  

Dans les zones rurales du Mali et du Niger, jusqu’à la moitié des jeunes hommes se disent prêts à migrer[77]. Cette fragilité structurelle est aggravée par les crises politiques récurrentes : les coups d’État récents au Mali, au Burkina Faso ou en Guinée ont déplacé des millions de personnes. En 2023, 27% des immigrés originaires de Guinée ou d’Afrique centrale sont venus en France pour fuir l’insécurité ou les troubles politiques[78]. Au Burkina Faso, le coup d’État de 2022 a provoqué 1,4 million de déplacés internes et environ 38 000 réfugiés à l’étranger[79].  

La dégradation sécuritaire désintègre les systèmes de santé. Au Burkina Faso, le manque de personnel, les pénuries d’approvisionnement et l’insécurité entraînent la fermeture partielle de nombreux centres, tandis que les activités de vaccination et de dépistage sont régulièrement suspendues[80]. Les conséquences sanitaires sont immédiates : recrudescence du paludisme en saison des pluies[81], et aggravation de la malnutrition infantile[82]. Le Sahel résume un monde à +2°C : mobilité forcée, insécurité alimentaire et risques sanitaires s’y confondent. Mais cette fragilité ne s’arrête pas au Sahel : elle se prolonge vers l’Europe. Car un autre phénomène, plus silencieux mais tout aussi déstabilisant, accompagne ces migrations : l’exode des soignants africains.

C. Et l’Europe soigne sa pénurie de médecins en en important d’Afrique

a) L’Europe prive l’Afrique de ses médecins

Les mobilités entre l’Afrique et l’Europe ne concernent plus seulement les travailleurs peu qualifiés : elles touchent désormais les professions médicales, dont le déficit fragilise durablement les systèmes de santé africains. C’est l’un des paradoxes de notre époque : les maladies sont au Sud et les médecins partent au Nord !

En 2023, près de 30 000 médecins exerçant en France avaient été formés hors de l’Union européenne, un chiffre en hausse de plus de 90 % depuis 2010[83]. Plus de la moitié d’entre eux sont originaires du Maghreb, et une part croissante d’Afrique subsaharienne[84].

Figure 2 : Variation de l’effectif des médecins en activité régulière à diplômes étrangers entre 2010 et 2023[85

Figure 2 : Atlas de la démographie médicale en France – Top 10 des pays d’origine des diplômes des médecins en activité à diplômes étrangers obtenus en dehors de l’UE au 1er janvier 2024[86]

Ce phénomène est généralisé : le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Belgique et la France recrutent dans les pays africains pour combler leurs propres pénuries. Selon l’OCDE, plus de 50% des médecins originaires de certains pays africains exercent aujourd’hui dans un pays de l’OCDE[87]. Ce phénomène s’accentue d’autant plus que les pays d’accueil facilitent désormais la reconnaissance des diplômes étrangers : la loi française de 2021 sur les « praticiens à diplôme hors Union européenne » (PADHUE)[88] ou encore les dispositifs allemands d’équivalence accélérée ont institutionnalisé ce recours[89]. Et cela pourrait s’intensifier dans les années à venir en raison de la demande croissante de soins médicaux de la part d’une population européenne vieillissante – dans certains pays, plus de 40% des médecins sont âgés de 55 ans ou plus[90].

La dépendance devient ainsi structurelle : en 2023, 60% des nouveaux médecins et 72% des nouvelles infirmières sur le marché du travail européen auront été formés à l’étranger. « Il ne s’agit pas seulement d’une question de chiffres », d’après le docteur Natasha Azzopardi-Muscat, chef de l’équipe Politiques et systèmes de santé dans les pays de l’OMS Europe. « Derrière chaque médecin ou infirmière migrant se cache l’histoire d’une ambition et d’une opportunité, mais aussi, souvent, d’une pression sur les familles et sur les systèmes de santé nationaux qu’ils ont laissés derrière eux »[91]

Les écarts économiques expliquent ce drain :

  • Dans les pays de l’OCDE, un médecin gagne en moyenne 2 à 5 fois le salaire national moyen ;
  • En Afrique subsaharienne, un médecin du secteur public gagne à peine l’équivalent du salaire moyen national, soit jusqu’à trente fois moins qu’un confrère européen[92];
  • L’écart est encore plus marqué pour les infirmiers : moins de 100 USD par mois au Cameroun[93], contre 30 000 £ par an au Royaume-Uni[94], soit un rapport de 1 à 40[95].

Les pays les plus touchés appartiennent principalement à l’Afrique subsaharienne et à l’Afrique du Nord – notamment le Ghana, le Nigéria, le Sénégal, le Cameroun et l’Ethiopie. Au Ghana par exemple, plus de 56% des médecins et 24% des infirmières qui sont formés localement travaillent à l’étranger. [96] Bien que le gouvernement ait introduit des mesures pour améliorer le salaire des professionnels de santé, les différences de revenus avec les pays occidentaux restent trop grandes pour rivaliser. [97]

Les conséquences sont lourdes : baisse de la densité médicale, surcharge des personnels restants, délestage vers le privé ou vers l’étranger, augmentation des délais et des coûts de soins.

b) Le cas du Nigeria : un exode structurel et sous-estimé

Avec plus de 220 millions d’habitants[98] et une population active qui croît d’environ 3 millions de personnes par an, le Nigeria est devenu un symbole du brain drain médical[99].

Depuis 2009, le pays perd en moyenne 700 médecins par an au profit de l’Europe, de l’Amérique du Nord, de l’Australie et de l’Afrique du Sud[100]. Le nombre de médecins nigérians enregistrés auprès du General Medical Council (GMC) britannique a doublé entre 2006 et 2016 et celui des médecins nigérians en résidence aux Etats-Unis a également doublé en dix ans[101]. Selon le General Medical Council britannique, près de 11 000 médecins formés au Nigeria exercent aujourd’hui au Royaume-Uni, un chiffre en hausse constante depuis 2016[102]. En 2017, 9 médecins sur 10 cherchaient activement une opportunité de travail à l’étranger – un indicateur sans équivalent en Afrique. Les motivations évoquées par les soignants sont constantes : salaires dérisoires (souvent autour de 400 USD par mois) ; infrastructures obsolètes ; insécurité. Les données récentes de l’Organisation mondiale de la santé sont sans appel : le Nigeria ne compte qu’environ 3.8 médecins pour 10 000 habitants, contre un seuil recommandé de 23 pour 10 000[103]. Cette pénurie est aggravée par l’absence de stratégie nationale de rétention : aucune politique systématique n’encadre le retour des professionnels formés à l’étranger, et les autorités ont parfois minimisé le phénomène – en 2019, le ministre du Travail a même affirmé que le pays « disposait d’un surplus de médecins »[104].

Paradoxalement, le Nigeria investit lourdement dans la formation médicale – mais pour les autres. Le système de résidence hospitalière, instauré dès 1974 pour limiter les départs, a été conçu pour former les spécialistes indispensables à la population nationale[105]. Pourtant, les médecins formés par l’Etat émigrent massivement : en 2021, 13 609 professionnels de santé nigérians ont obtenu un visa de travail britannique en 2021, et 727 médecins formés au Nigeria ont rejoint le Royaume-Uni entre décembre 2021 et mai 2022[106].

Cette fuite de compétences crée une dépendance circulaire : les hôpitaux britanniques s’appuient sur les praticiens nigérians, tandis que le Nigeria, pour pallier le déficit, doit faire appel à du personnel étranger venu de Cuba, d’Inde ou d’autres pays du Sud. Résultat : un système de santé sous tension, où les services d’urgence ferment périodiquement faute de spécialistes, et où la densité médicale reste dix fois inférieure à la moyenne mondiale.

c) Le cas du Sénégal : entre vocation nationale et exode silencieux

Le Sénégal connaît un phénomène plus discret mais tout aussi structurel.

Deuxième pays de la CEDEAO dont les flux d’émigration vers les pays de l’OCDE sont les plus élevés (après le Nigeria), ses flux d’émigration vers les pays de l’OCDE ont fortement augmenté depuis le début des années 2000, passant de 9 700 entrées annuelles en 2000 à près de 20 000 en 2010 et à 23 500 en 2019. Le pays forme ses soignants dans un esprit de service public, mais ne parvient pas à les retenir face à la combinaison d’un système hospitalier sous-financé et d’une demande étrangère en plein essor.

Selon les données des Nations unies, plus de 740 000 Sénégalais vivent à l’étranger, soit environ 5% de la population totale[107]. Cette diaspora, concentrée en France, Italie, Espagne, Etats-Unis ainsi qu’au Royaume-Uni et au Canada, joue un rôle majeur dans la stabilité économique du pays via les transferts de fonds – qui ont atteint 3 milliards de dollars en 2023, soit environ 11.6% du PIB. Les intentions d’émigration au sein de la population sont relativement élevées : 36% des Sénégalais indiquent souhaiter quitter leur pays et vivre de façon permanente à l’étranger. Parmi eux, la majorité indique souhaiter s’installer en France ou aux Etats-Unis[108].

Le système de santé sénégalais souffre d’un manque chronique de personnel médical : le Sénégal ne compte qu’environ 1.24 médecin pour 10 000 habitants, bien loin du seuil de 23 recommandé pour atteindre la couverture sanitaire universelle[109]. Dans les régions rurales du Fouta, du Sine Saloum ou de la Casamance, certains hôpitaux régionaux fonctionnent sans pédiatre, sans anesthésiste, ni chirurgien résident. La concentration des compétences dans la région de Dakar accentue les inégalités : 60% des médecins y exercent, alors que la capitale ne regroupe qu’environ 20% de la population nationale[110].

Cette pénurie est encore amplifiée par un exode médical discret mais continu. Les statistiques de l’OCDE montrent une augmentation soutenue du nombre de médecins et d’infirmiers formés au Sénégal exerçant dans les pays membres de l’Organisation depuis le début des années 2000[111]. La France reste le principal pays de destination, en raison de la proximité linguistique et d’accords hospitaliers de coopération. L’Italie et l’Espagne accueillent quant à elles un nombre croissant de personnels paramédicaux sénégalais recrutés par les hôpitaux publics dans le cadre de contrats temporaires ou de formations professionnelles.

Les raisons du départ des médecins sénégalais sont bien identifiées et similaires à d’autres pays africains : salaires faibles et irréguliers ; conditions de travail difficiles (équipements vétustes, ruptures d’approvisionnement en médicaments et en oxygène) ; manque de perspectives de carrière dans la fonction publique hospitalière ; attraction croissante des programmes de recrutement européens offrant des salaires jusqu’à vingt fois supérieurs.

Conscient du problème, l’État a lancé plusieurs initiatives pour reconnecter la diaspora médicale au territoire. Le programme « Santé Diaspora », mis en place en 2022, facilite les missions temporaires de médecins sénégalais installés en Europe dans les hôpitaux régionaux. Le Plan Santé 2030, soutenu par l’OMS et la Banque mondiale, prévoit quant à lui la revalorisation des salaires, la création de nouveaux postes publics et le développement de la télémédecine pour couvrir les zones sous-dotées. Mais ces réformes restent incomplètes : le recrutement international continue, et le différentiel de revenus demeure abyssal. Résultat : la majorité des médecins que le Sénégal forme trouveront du travail ailleurs. C’est non seulement une perte économique pour le pays, mais une érosion de la souveraineté sanitaire.

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L’Afrique reste le continent des mobilités internes, mais les flux vers l’Europe et le Golfe s’intensifient. Ces dynamiques sont structurelles : jeunesse africaine, vieillissement européen, déséquilibres économiques et sanitaires. Les migrants en sont les premières victimes – exposés à la précarité, à la promiscuité et aux ruptures de soins. Renforcer les systèmes de santé dans les pays d’origine et de transit, c’est prévenir les crises sanitaires à l’arrivée. Et c’est d’autant plus important que les migrations vont augmenter.

 

III. L’Europe va organiser l’arrivée massive de travailleurs immigrés africains

Le monde occidental et particulièrement l’Europe bruissent de discours anti-immigration : en Grande-Bretagne, en Allemagne, en France, en Italie, au Danemark, en Hongrie, en Pologne… partout les gouvernements, les partis d’opposition, les opinions rejettent l’immigration. Dans le Dictionnaire des Idées reçues de Flaubert aujourd’hui, il faudrait un article sur l’immigration qui serait facile à rédiger : « Immigration : tonnez contre ! ».

Pourtant, l’immigration ne va pas baisser en Europe. Elle va au contraire s’accélérer, y compris là où des gouvernements hostiles sont déjà au pouvoir. L’exemple est frappant : c’est Giorgia Meloni, élue sur un programme de contrôle des frontières et de rejet à la mer des clandestins arrivés par la Tunisie et la Libye, qui ouvre 500 000 visas de travail en 3 ans pour des travailleurs[112]. C’est Viktor Orban qui organise l’arrivée de migrants en nombre proportionnellement aussi important qu’en France. C’est le Danemark qui se veut « réaliste » et inventeur d’une politique sociale-démocrate de restriction du champ de l’asile qui a accueilli 84 000 nouveaux immigrés en 2024, soit l’équivalent de 950 000 pour la France (dont l’équivalent de 500 000 venus de pays non européens et non occidentaux) ! Une partie de ces migrants viennent et vont venir d’Afrique : pas tous, notamment parce que les gouvernements européens d’extrême-droite feront tout pour éviter qu’ils ne viennent d’Afrique. Mais, la proximité géographique et la vitalité démographique du continent africain en feront une zone naturelle de ressources démographiques.

A. Prolégomènes à la situation future

a) Des diplômés chômeurs et des métiers en tension

L’Afrique est le continent le plus jeune du monde. Son âge médian est de 18.8 ans, contre 44.5 ans en Europe[113]. Sa population passera de 1.5 milliard à 2.5 milliards d’ici 2050, dont près de 450 millions de jeunes[114]. Mais cette jeunesse peine à trouver sa place : le chômage des jeunes diplômés atteint 25,9 % au Maroc[115], 23,5 % en Tunisie[116] et 19 % en Algérie[117]. Cette fragilité du marché du travail s’inscrit dans un contexte plus large où, à l’échelle du continent, près de 80 % des actifs africains exercent dans le secteur informel[118], souvent sans contrat ni protection sociale[119]. La migration devient alors une stratégie d’investissement familial : envoyer un enfant étudier ou travailler à l’étranger, c’est diversifier les revenus du foyer et sécuriser l’avenir.

L’Europe, à l’inverse, s’enfonce dans l’hiver démographique. L’âge médian de l’Union européenne est passé de 42.5 à 44.7 ans en dix ans. L’indice de fécondité n’arrête pas de baisser, et les secteurs déjà en tension – santé, aide à la personne, BTP, restauration, agriculture, logistique, ingénierie – dépendent largement de la main-d’œuvre étrangère. Selon l’OCDE, 70% de la croissance de la main-d’œuvre européenne depuis vingt ans vient directement ou indirectement de l’immigration[120]. La pandémie Covid nous l’a montré de façon directe et brutale : sans mobilité, les services essentiels s’arrêtent.

L’économie française illustre concrètement cette interdépendance[121]. Dans la santé, près d’un médecin sur six et un infirmier sur quatorze sont immigrés ; en Île-de-France, les travailleurs immigrés représentent 61 % des aides à domicile et 25 % des médecins. Dans la construction, toujours en Île-de-France, environ 60 % des ouvriers du gros œuvre et 45 % du second œuvre sont nés à l’étranger. Dans l’hôtellerie-restauration, la part d’immigrés atteint 15 % au niveau national et jusqu’à 41 % en région parisienne avec 50 % des cuisiniers immigrés dans les restaurants d’Île-de-France.

L’informatique et l’ingénierie comptent environ 14 % de talents étrangers, et le nettoyage-logistique jusqu’à 76 % en Île-de-France. Autrement dit, réduire les flux reviendrait, secteur par secteur, à désorganiser l’hôpital, retarder les chantiers, fermer des établissements, ralentir des projets technologiques et fragiliser les chaînes d’approvisionnement. La migration n’est plus une variable d’ajustement : c’est une condition de continuité économique, sanitaire et sociale.

Secteur

Part de travailleurs immigrés

Impact d’une baisse de flux

Santé et care (médecins, infirmiers, aides-soignants)

16% des médecins, 7% infirmiers[122].

En Ile-de-France : 61% des aides à domicile[123], et 25% des médecins[124].

Crise du système hospitalier, désertification médicale

Construction & maintenance

En Ile-de-France : 60% de ouvriers du gros œuvre du bâtiment et 45% du second œuvre[125].

Retards de chantiers, hausse des coûts

Hôtellerie-restauration

15%, jusqu’à 41% en Ile-de France[126].

Fermetures d’établissements faute de main-d’œuvre

Informatique & ingénierie

14%[127].

Ralentissement des projets technologiques

Nettoyage & logistique

Jusqu’à 76% en Ile-de-France[128].

Désorganisation des chaînes d’approvisionnement

 

b. Des mobilités intra-africaines plus faciles

Les mobilités sont par ailleurs plus faciles en Afrique. Le continent vit une véritable révolution de la mobilité en entrant dans une ère de connectivité physique et numérique qui abaisse le coût du déplacement et transforme la migration en phénomène structurel :

  • Plus de 90 villes africaines dépassent un million d’habitants contre 50 au début des années 2000[129]. Lagos, Nairobi, Abidjan, Dar es Salaam ou Addis-Abeba concentrent à elles seules près de 100 millions d’habitants – autant de pôles d’attraction internes où s’expérimente la « mobilité par étapes » : les jeunes quittent d’abord la campagne pour la ville, puis la région, puis le continent.   
  • Le trafic aérien en Afrique pourrait doubler d’ici 2040, passant de 145 à plus de 300 millions de passagers annuels[130]. Les compagnies régionales (Ethiopian Airlines, Royal Air Maroc, Air Côte d’Ivoire étendent leurs réseaux intra-africains, tandis que la mise en œuvre progressive du Marché unique du transport aérien africain (SAATM) — ratifié par 37 États — vise à libéraliser les liaisons continentales et à réduire les tarifs[131].
  • La CEDEAO prévoit une baisse de 25% du prix moyen des billets intra-africains d’ici 2026, grâce à la suppression des taxes interétatiques et à la mutualisation de services aéroportuaires[132]. Parallèlement, les e-visas et passeports biométriques régionaux (déjà en vigueur en Afrique de l’Ouest par exemple)[133] facilitent la circulation des personnes.
  • Sur le plan terrestre, les réseaux de bus transfrontaliers et d’autoroutes régionales (Dakar-Lagos, Abidjan-Ouagadougou, Nairobi-Addis-Abeba) permettent désormais des déplacements rapides et réguliers entre les capitales. Cette connectivité croissante crée une mobilité de proximité, faite d’allers-retours courts et d’opportunités temporaires.
  • Les chaînes de recrutement bilatérales (agriculture, santé, hôtellerie) se multiplient et créent des passerelles légales et encadrées, mais aussi de nouveaux flux de mobilité circulaire où le travail temporaire devient un moteur du déplacement.
  • Enfin, la révolution numérique joue un rôle clé : l’essor du paiement mobile, des plateformes d’emploi transnationales (Jobberman, Jumia Jobs, Linkedin) et des transferts d’argent en ligne réduit les barrières à la mobilité.

En somme, il est aujourd’hui plus simple, plus rapide et moins coûteux de se déplacer – pour étudier, travailler ou fuir. L’urbanisation devient ainsi une antichambre de la migration internationale, et la mobilité humaine une composante structurelle du développement.

B. L’Europe : 20 % de baisse de la population active sans immigration d’ici 2050

Ce constat démographique a des conséquences massives. L’Union européenne est entrée dans un vieillissement structurel : l’âge médian atteint 44.7 ans et continuera d’augmenter[134]. Le ratio de dépendance des +65 rapporté à la population active devrait avoisiner 56–57% en 2050, soit moins de 2 actifs pour un senior (contre ~34% en 2019 et 33.9 % en 2024).

Parallèlement, la fécondité reste sous le seuil de remplacement (1,46 enfant par femme en moyenne dans l’UE) ; la France a perdu plus de 110 000 naissances par an entre 2017 et 2024. Le solde naturel de l’Union Européenne décline ainsi de plus d’un million de personnes chaque année, au point où l’on parle d’un « hiver démographique européen ».

Cet « hiver » est d’abord méditerranéen : l’Italie perdrait 15.62% de sa population active d’ici 2050 sans immigration, l’Espagne 11%, la Grèce 25%. La France, seule, ne se maintient qu’en raison de son solde migratoire positif, ce qui en fait paradoxalement l’un des pays les plus jeunes du continent. Ailleurs, les sociétés européennes sont presque toutes prises dans ce que les démographes appellent le « piège de la fécondité basse », qui a trois caractéristiques clés : moins de naissances aujourd’hui signifie moins de femmes en âge de procréer demain, moins de perspectives familiales et plus de poids sur les actifs.

D’ici 2050, le vieillissement de la population européenne se considérable : l’Espagne atteindrait 59 % de taux de dépendance, l’Italie 61%, la France 48%, l’Allemagne 46%. Rappelons que le taux de dépendance mesure la pression que les populations dites « à charge » exercent sur la population d’âge actif. En Espagne par exemple, il y 59 personnes à charge pour 100 personnes d’âge actif.

a) La relance récente de l’immigration de travail

Conscients de cette réalité, plusieurs États membres ouvrent discrètement des « voies légales » : l’Italie, avec son Decreto Flussi, prévoit pas loin de 500 000 travailleurs étrangers d’ici 2028 ; l’Espagne a régularisé 500 000 personnes en 2024[135] ; l’Allemagne réforme son droit du travail étranger pour permettre 400 000 entrées annuelles[136] ; la France, via la loi « immigration » de 2024, crée une procédure de régularisation pour les métiers en tension.

Pays

Mesure

Période

Volume

Italie

Decreto Flussi (quotas de travailleurs étrangers)

2026–2028

497 550 travailleurs étrangers

Espagne

Régularisation des sans-papiers

2024

500 000[137]  

Allemagne

Réforme du droit du travail étranger

2023

+400 000 entrées/an

France

Loi « immigration » pour les métiers en tension[138]

2024

10 000 (estimation du Ministère du travail)[139]

 

Ces mesures traduisent un pragmatisme économique assumé, loin des discours de fermeture. Les enquêtes Eurobaromètre 2024 le confirment : 65 % des Européens jugent les flux « trop élevés », mais 68 % soutiennent la migration encadrée pour les métiers essentiels[140].

Les fédérations professionnelles – bâtiment, santé, agriculture – appellent à créer de véritables filières d’immigration de travail, liant formation au Sud et emploi au Nord. Ces dispositifs, déjà testés entre l’Espagne et le Sénégal ou entre la France et le Maroc, montrent qu’une coopération migratoire mutuellement bénéfique est possible.

La migration saisonnière illustre cette évolution : ce qui était temporaire devient structurel. En 2024, la province de Huelva (Andalousie) a accueilli plus de 13 000 travailleuses saisonnières marocaines pour la récolte des fruits rouges[141]. En France, un quota annuel de 2 500 travailleurs tunisiens saisonniers a été fixé dans le cadre d’un accord bilatéral signé en 2008[142]. Les sociétés vieillissantes n’ont plus le luxe du déni : elles devront choisir entre ouverture organisée et chaos social. Car là où circulent les hommes, circulent aussi les maladies dont ils sont les vecteurs.

Plus de mobilité, oui, mais plus de mobilité protégée. La mobilité doit être protégée, préventive et prévisible – condition d’un équilibre durable.

b) Conséquence directe : des besoins massifs de main-d’œuvre à horizon 2035–2050[143]

Les projections convergent, répétons-le : sans immigration, la population active de l’Union européenne chutera d’ici 2050 de près de 20%, soit environ 35 millions de personnes en moins sur le marché du travail. C’est une transformation systémique, extrêmement importante et rapide.

Ce déficit structurel ne pourra être comblé par les gains de productivité ni par la robotisation, car il touche des secteurs où l’humain reste indispensable : santé, éducation, construction, transport, agriculture, logistique et services à la personne. Déjà, près de trois quarts des entreprises européennes déclarent des difficultés de recrutement. Les tensions concernent à la fois les métiers très qualifiés (médecins, ingénieurs, informaticiens, techniciens spécialisés) et ceux à forte technicité ou intensité humaine (soins, entretiens, construction, logistique). Le système de formation ne suffira pas à absorber la pénurie : selon France Stratégie, plus d’un million de postes seront vacants d’ici 2030 dans la santé, le BTP, le numérique et les transports. En France, il manque déjà environ 300 000 agents d’entretien, 200 000 aides à domicile, 100 000 aides-soignants et 200 000 chauffeurs.

France Travail[144] classe en 2024 les professions les plus critiques selon les besoins exprimés par les employeurs :

Secteur

Exemples de métiers

% d’entreprises signalant des difficultés de recrutement

Services à la personne

Aides à domicile, auxiliaires de vie

83,7 %

Professions médicales

Médecins, dentistes, pharmaciens, vétérinaires

81,6 %

Industrie et maintenance

Techniciens, chaudronniers, mécaniciens

62 %

Construction et BTP

Maçons, plombiers, électriciens, chefs de chantier

69 %

Hôtellerie-restauration

Cuisiniers, serveurs, gestionnaires d’hôtels

58 %

Transports et logistique

Chauffeurs poids lourds, caristes, manutentionnaires

54 %

Technologies et ingénierie

Développeurs, ingénieurs systèmes, data analysts

47 %

 

Ces chiffres traduisent un phénomène structurel : la tension s’installe aux deux extrémités de la hiérarchie du travail. Les postes très qualifiés manquent de candidats formés ; les métiers techniques et de proximité manquent de bras. Les métiers intermédiaires – techniciens, opérateurs, agents de maintenance – sont également un point de tension du marché, car ils requièrent une expérience et une technicité difficilement transférables. Le système de formation ne suffira pas à absorber la pénurie. En France, il manque déjà environ 300 000 agents d’entretien, 200 000 aides à domicile, 100 000 aides-soignants et 200 000 chauffeurs. Le marché du travail se polarise : en haut, les métiers à haute qualification se multiplient ; en bas, les services de proximité explosent ; au centre, les métiers techniques se raréfient, car ils requièrent une expérience difficilement remplaçable. La croissance de demain dépendra moins du capital que du travail. Et dans ce contexte, la migration devient un mécanisme d’ajustement du marché.

C. Afrique : la jeunesse sans emploi, moteur migratoire du XXIe siècle  

Dès 2040, l’Afrique comptera plus d’actifs que la Chine[145]. De 205 millions de 15–24 ans en 2010, les jeunes Africains pourraient être près de 437 millions à l’horizon 2050, soit 33.3% de tous les 15–24 ans au monde[146]. Chaque année, 10 à 12 millions de jeunes Africains arrivent sur le marché du travail – plus de 30 millions à l’horizon 2030[147] – pour seulement 3 millions d’emplois formels créés par an[148]. Cette disproportion alimente l’essor d’un secteur informel qui concentre déjà plus de 85% des emplois du continent[149]. La jeunesse africaine ne manque pas d’énergie ni de talent, mais d’opportunités.

Figure 4 : Pauvreté au travail dans les pays africains. Part des travailleurs pauvres vivant avec moins de 2,15 dollars US par jour, en pourcentage de l’emploi total[150]

Quatre facteurs nourrissent cette mobilité structurelle :

  1. Une croissance trop faible et peu inclusive. Même en reprise post-pandémie, elle demeure volatile et concentrée sur les secteurs extractifs – pétrole, gaz, minerais – intensifs en capital et peu créateurs d’emplois. C’est le cas de l’Afrique subsaharienne par exemple, qui connaît une croissance moyenne de 3 à 4%[151], largement tirée par les matières premières. L’industrialisation reste lente (moins de 15% du PIB en moyenne[152]) et la productivité agricole stagne[153]. L’emploi, majoritairement agricole (43% de l’emploi total en 2023[154]) ne pèse qu’environ 20% du PIB[155]. Plus largement, la capacité de créer des emplois est faible : chaque point de croissance du PIB en Afrique génère en moyenne trois fois moins d’emplois formels qu’en Asie de l’Est au même stade de développement.
  2. Des systèmes éducatifs inadaptés aux besoins réels. Beaucoup de formations restent théoriques et déconnectées du tissu productif (besoin d’alternance, de filières courtes, de spécialités techniques). Près d’un tiers des entreprises d’Afrique subsaharienne estiment que les jeunes diplômés n’ont pas les compétences pratiques nécessaires à l’emploi[156]. Des approches par compétences via l’alternance commencent à se développer dans des pays comme le Ghana, le Maroc, le Sénégal, le Mali, la Tunisie ou le Burkina Faso, mais à une échelle encore insuffisante pour absorber les cohortes de sortants114.
  3. Des politiques d’emploi souvent réactives plutôt que structurelles. Les programmes nationaux de création d’emploi (Nigeria Youth Investment Fund, Plan Sénégal Emergent, Digital Morocco 2030), soutiennent des milliers de jeunes entrepreneurs, mais restent dépendants de financements publics fragiles et n’offrent pas de solution systémique. Leur caractère ad hoc[157], souvent déconnecté des stratégies de développement à long terme, traduit une approche fragmentée et conjoncturelle de la question de l’emploi.[158]  
  4. Une aspiration générationnelle nouvelle. Plus connectée, plus mobile, la jeunesse africaine mesure les écarts de qualité de vie et se projette davantage à l’international. Au Ghana par exemple, une part importante des jeunes déclare envisager de migrer pour des raisons professionnelles ou éducatives[159]. Entre 2000 et 2020, le nombre d’émigrants ghanéens vivant dans les pays de l’OCDE a triplé[160].

En l’absence d’une croissance plus rapide, de formations alignées sur les besoins du marché et de politiques d’emploi structurelles, l’Afrique continuera de produire une mobilité contrainte plutôt que choisie. Tant que les secteurs à forte intensité de main d’œuvre ne prendront pas le relais, migrer restera, pour des millions de jeunes, la voie la plus crédible vers la dignité et la mobilité sociale.

L’avenir des mobilités humaines s’inscrit dans une mécanique mondiale désormais irréversible. D’un côté, une Afrique jeune, connectée et en pleine expansion démographique, dont la vitalité contraste avec la lenteur des transitions économiques et la rareté des emplois formels. De l’autre, une Europe vieillissante, dont la prospérité dépend structurellement d’une main-d’œuvre étrangère qu’elle redoute autant qu’elle la requiert. Entre ces deux dynamiques, la migration n’est plus un choix idéologique, mais un fait économique, social et humain. Ni « invasion » ni solution miracle, elle constitue le levier d’équilibre d’un monde interdépendant, où la continuité des systèmes de santé, de production et de services repose sur la mobilité protégée des personnes.

Refuser de penser cette réalité, c’est s’exposer à la subir dans l’urgence et le désordre. L’enjeu n’est donc plus de savoir s’il y aura davantage de migrations, mais comment les organiser pour qu’elles soient sources de stabilité, de dignité et de co-développement entre les deux rives de la Méditerranée. Bref, l’équation des prochaines années est posée : pour que les mobilités soutiennent la stabilité plutôt qu’elles ne la fragilisent, une condition s’impose : mettre la prévention sanitaire au cœur de la gouvernance des flux. Reste à passer de la réaction à la prévention fondée sur la science. C’est tout l’objet des pages qui suivent.  

IV. Prévenir plutôt que subir : les solutions médicales sont là

La santé mondiale n’est plus une affaire de charité : c’est un enjeu de sécurité collective. En vingt ans, l’action coordonnée (Fonds mondial, Gavi, OMS, UNICEF) [161] a produit des résultats spectaculaires :

  • 70 millions de vies sauvées depuis 2002 à travers le Global Fund[162]
  • Des bons d’espérance de vie (+15 ans en Zambie, +19 ans au Malawi)
  • Des systèmes de santé renforcés dans plus de 120 pays

Mais ces progrès sont fragiles : les financements se contractent, les résistances s’accroissent et la crise écologique multiplie les foyers à risque. On le voit, les maladies circulent plus vite que les ressources, et les migrants plus vite que les politiques publiques. Désormais, les outils de prévention – vaccins, traitements longue durée, diagnostics rapides – doivent être considérés comme des instruments stratégiques de stabilité, tout particulièrement pour l’Europe. Peter Sands, le directeur du Fonds mondial, le résume ainsi : « Si ces maladies s’aggravent dans des pays qui ont des liens commerciaux, familiaux et historiques forts avec l’Europe, elles se propageront inévitablement en Europe, plus encore qu’elles ne le font aujourd’hui ».[163] D’où l’importance de la révolution en cours.

A. Vaccins et traitements longue durée : la révolution de la prévention

a) Paludisme : une percée scientifique et géopolitique

Longtemps première cause de mortalité infantile en Afrique subsaharienne, le paludisme est au cœur d’une bascule : deux vaccins homologués en moins de trois ans – RTS, S (Mosquirix) en 2021, puis R21/Matrix-M en 2023 – ont ouvert une nouvelle ère dans la prévention mondiale. Ce dernier, mis au point par l’Université d’Oxford et le Serum Institute of India, affiche une efficacité de 75%, un coût de 4 USD par dose, et une capacité de production inédite. D’ici fin 2025, plus de 10 millions d’enfants devraient être vaccinés dans 17 pays[164], avec à la clé une baisse moyenne de 13% de la mortalité infantile toutes causes confondues[165].

Le Fonds mondial, qui finance 65% des programmes mondiaux contre le paludisme, soutient également des innovations de terrain : moustiquaires à double insecticide (+45% d’efficacité) ; répulsifs muraux longue durée et thérapies combinées de nouvelle génération[166]. De façon plus générale, au-delà de la santé se dessine une géopolitique de la prévention, fondée sur la production locale, les transferts technologiques et l’autonomie des pays africains.

Réduire la charge du paludisme au Sud, c’est réduire le risque vectoriel au Nord, notamment dans l’Europe du Sud où les moustiques gagnent du terrain avec le réchauffement. La liste d’innovations ne s’arrête pas là.

b) VIH : le lenacapavir, la prophylaxie semestrielle

Le lenacapavir – un médicament injectable deux fois par an – est une innovation majeure dans la lutte contre le VIH, avec une efficacité proche de 100% lors des essais cliniques[167]. Il agit en bloquant une étape clé du cycle de réplication du virus : il empêche la capside (l’enveloppe qui protège le matériel génétique du VIH) de se former ou de se désassembler correctement. Sans cette structure fonctionnelle, le virus ne peut ni se multiplier ni infecter de nouvelles cellules.

Grâce à un accord mondial de licence entre Gilead et le Medecines Patent Pool, sa production générique est autorisée pour les pays à revenu faible et intermédiaire, avec un prix cible de 40 USD par an, contre 28 218 USD par an pour la version initiale aux Etats-Unis[168]. L’OMS et le Fonds mondial prévoient un déploiement ciblé dans les zones à forte prévalence (Afrique australe, Afrique de l’Ouest, Europe de l’Est, Moyen-Orient). Mais au-delà de la prouesse scientifique, le véritable enjeu devient politique : garantir un accès rapide, équitable et durable à ces innovations. Peter Sands le rappelle : « Nous sommes à la veille des découvertes les plus prometteuses. La question est maintenant de savoir si les dirigeants d’aujourd’hui auront le courage de redécouvrir les raisons qui nous ont poussés à lutter contre ces maladies – et pourquoi nous devons continuer à le faire ».[169] L’une de ces raisons étant le nombre de morts que ces maladies causent chaque année.

c) Tuberculose : diagnostics express et traitements courts

La tuberculose demeure la première cause infectieuse de mortalité dans le monde, devant le VIH et le paludisme, avec environ 1.25 million de morts par an[170].

Cependant, deux percées rebattent les cartes : le protocol BPal (bedaquiline, pretomanid, linezolid) qui guérit 90% des formes résistantes en six mois (contre 18 à 24 mois auparavant) ; les diagnostics moléculaires rapides qui détectent la maladie en moins de deux heures, alors qu’une culture classique peut prendre jusqu’à trois mois[171]. Ces innovations sauvent déjà des vies sur le terrain. En Ukraine par exemple, des cliniques mobiles et laboratoires portables soutenus par le Fonds mondial assurent le dépistage et le suivi des soins malgré la guerre[172]. Avant le déclenchement de la guerre déjà, le Fonds avait investi 850 millions de dollars localement, avec l’objectif de réduire les nouvelles infections par le VIH à environ un tiers du nombre enregistré en 2002 et de diminuer de moitié le nombre de personnes vivant avec la tuberculose. Les fonds mobilisés pendant la guerre ont aussi permis aux personnes vivant avec le VIH et la tuberculose de continuer leur traitement, réduisant ainsi la propagation des maladies infectieuses dans la région.

Après 2022, des subventions ont été conclus avec le Fonds dans le cadre du programme « Réponse durable aux épidémies de VIH et de tuberculose dans le contexte de la guerre et de la reconstruction en Ukraine ». Ces programmes ont permis de rééquiper des véhicules spéciaux pour la livraison de médicaments et de consommables essentiels, d’alimenter des laboratoires via des générateurs, d’améliorer l’accès aux services de santé et d’assurer la livraison de médicaments aux patients atteints de tuberculose et du VIH et à ceux qui bénéficient de programmes de prévention au niveau régional.[173]

Fil conducteur sur lequel bâtir : ces avancées n’ont d’impact que si l’on intervient au bon endroit et au bon moment. D’où la place importante donnée à la surveillance.

B. Surveillance et diagnostics rapides : anticiper les crises

Puisque les maladies suivent les routes humaines, la prévention doit suivre les mêmes chemins. Car dans un monde où les virus voyagent plus vite que les vaccins, voir venir vaut mieux que guérir.  

a) Paludisme et extension climatique

On l’a vu, le réchauffement climatique redessine la géographie des maladies vectorielles. Et de fait, la réponse change d’échelle ; il faut désormais être capable de prévoir avant de soigner, en croisant données climatiques, biologiques et humaines, notamment en se servant de l’IA. C’est le cas du Fonds mondial et du centre africain de contrôle et de prévention des maladies (Africa CDC) qui déploient des modèles IA combinant :

  • Les images satellites de la NASA et l’ESA, pour monitorer les évolutions de température, le niveau de précipitations et l’humidité des sols[174] ;
  • Les bases de données de santé communautaire qui recouvrent les cas déclarés, les mouvements de population et les stocks de moustiques[175] ;
  • Des indicateurs socio-économiques comme la densité urbaine, le niveau d’infrastructures et les activités agricoles.

A la clé : des cartes de risque dynamiques pour anticiper les pics d’infection, cibler les campagnes de vaccination ou de démoustication, et déclencher les interventions préventives avant les flambées locales. Cette convergence technologique crée un nouveau champ de coopération entre l’Europe et l’Afrique : une diplomatie de la donnée sanitaire.

Dès lors, les stratégies doivent être doubles et miroirs entre le Sud et le Nord[176] :

  • Au Sud : vaccination, moustiquaires, assainissement des eaux stagnantes ;
  • Au Nord : surveillance entomologique, stations climato-sanitaires, suivi des migrations vectorielles.  

Ce que l’IA détecte pour les moustiques, les réseaux de cliniques mobiles et les innovations de prévention médicale (comme la prophylaxie préexposition (PrEP) l’appliquent aux corridors de transit.

b) VIH et migration : cibler les zones de transit

Les zones de transit migratoire sont de vrais catalyseurs de risques sanitaires : surpopulation, stress, rupture de traitement, exploitation et manque d’accès aux soins de base. On observe souvent dans ces endroits ce que certains appellent une « épidémiologie de la rupture ». En d’autres termes, interrompre son traitement plus de deux semaines fait exploser la charge virale et multiplie le risque de transmission par dix tout en favorisant les résistances.

Selon l’ONUSIDA (2024), près de 15 % des nouvelles infections au VIH en Afrique de l’Ouest et du Centre surviennent dans les zones de forte mobilité humaine – couloirs économiques, sites miniers, chantiers, ports ou routes migratoires.

Certaines populations sont les plus exposées :

  • Les travailleurs saisonniers et mineurs itinérants (notamment au Mali, au Ghana, en RDC et en Afrique du Sud) ;
  • Les travailleuses domestiques et migrantes du corridor Afrique de l’Est – Golfe persique, souvent sans accès au dépistage ni aux soins ;
  • Les femmes et jeunes filles en transit, particulièrement vulnérables aux violences sexuelles et à l’exploitation ;
  • Et, plus largement, les jeunes hommes des zones rurales en quête de travail, surexposés aux risques sexuels et sanitaires pendant les longues migrations internes.

C’est le cas dans plusieurs pays du Sahel, où plus de 40 % des personnes vivant avec le VIH connaissent au moins une interruption annuelle de traitement liée à la mobilité.[177] Rappelons que de telles ruptures favorisent l’apparition de souches résistantes, rendant les traitements plus coûteux et moins efficaces à long terme.

Pour contrer ce phénomène, plusieurs organisations cherchent à transformer les routes migratoires en routes de prévention. Depuis 2022, le Fonds mondial, l’OIM et l’OMS ont lancé des programmes de cliniques mobiles et transfrontalières, offrant dépistage rapide (résultats en 20 minutes) ; distribution de PrEP longue durée (dont le lenacapavir) ; sensibilisation communautaire et accompagnement psychosocial. Les résultats sont déjà tangibles : une baisse de 25 à 30 % des nouvelles infections dans les zones couvertes.[178] Le message opérationnel est le suivant : investir dans la prévention le long des routes migratoires, c’est protéger les deux rives de la Méditerranée.

Mais comment s’y prendre au-delà des routes, dans les villes par exemple, qui concentrent et amplifient les risques ?

c) Tuberculose et urbanisation

La tuberculose reste, au XXIe siècle, la maladie de la promiscuité : elle prospère là où les humains s’entassent – camps, usines, métropoles saturées. Plus de 70 % des nouveaux cas mondiaux sont désormais recensés dans des zones urbaines densément peuplées[179].

À Lagos, Nairobi ou Maputo, la croissance démographique rapide et les logements insalubres ont fait de la tuberculose la principale cause infectieuse de mortalité urbaine. Au Bangladesh, où Dhaka dépasse 22 millions d’habitants, les taux de contamination sont dix fois supérieurs à la moyenne nationale. En Afrique du Sud, la combinaison entre pauvreté urbaine et VIH crée un terrain explosif : les townships du Cap-Occidental enregistrent encore plus de 600 cas pour 100 000 habitants, contre 10 en France.

Pourtant, tests portables de détection rapide et traitements courts BPaL (Bedaquiline–Pretomanid–Linézolide) permettent d’interrompre les chaînes de transmission en quelques jours. C’est déjà le cas au Bangladesh ou au Mozambique, où des unités mobiles maintiennent la continuité des soins malgré la guerre ou les déplacements massifs.

En résumé, un système de santé fragile – capable de se déplacer avec les populations – vaut mieux qu’un système immobile et saturé. Mais encore faut-il en mesurer les effets, non seulement sur la mortalité, mais sur la croissance, la stabilité et la confiance entre continents. C’est l’objet du bilan qui suit.

C. Impact prouvé : un investissement vital et rentable

La coopération sanitaire mondiale a souvent été perçue comme un effort humanitaire, alors qu’elle est en réalité un levier économique et stratégique. Depuis plus de vingt ans, les programmes coordonnés par le Fonds mondial, Gavi, l’OMS ou l’UNICEF ont démontré que prévenir les crises coûte toujours moins que les subir, et qu’une politique de santé cohérente peut transformer la trajectoire d’un pays. 

a) Des résultats incontestables : 70 millions de vies sauvées

Depuis 2000, la lutte mondiale contre les grandes pandémies a sauvé près de 70 millions de vies[180].

Les chiffres parlent d’eux-mêmes :

  • VIH/sida : mortalité réduite de 70%[181] ;
  • Paludisme : mortalité divisée par deux (-60%) depuis 2000[182] ;
  • Tuberculose : mortalité réduite de 41%[183].

Ces résultats se lisent en millions d’enfants scolarisés, de parents qui peuvent aller travailler et en communautés résilientes. C’est le cas au Rwanda par exemple, où la généralisation du dépistage communautaire a permis une réduction de 83% de la mortalité liée au VIH entre 2000 et 2022[184]. En Tanzanie, la mortalité des enfants de moins de 5 ans a chuté de 112 à 52 pour 1000 naissances vivantes depuis 2005, soit une baisse de plus de 50%[185].  

Chaque avancée sanitaire crée un cercle vertueux : un élève demain, une mère qui reste en vie (rappelons qu’en 2023, environ une femme mourrait de causes évitables liées à la grossesse et à l’accouchement toutes les deux minutes[186]), un travailleur après-demain, un pilier économique dans dix ans. L’impact est cumulatif, intergénérationnel et systémique. C’est aussi un levier économique clé.

b) Un effet de levier économique majeur : la santé comme moteur de stabilité

Chaque dollar investi dans la santé mondiale engendre jusqu’à 31 dollars sous forme de croissance, de productivité et de stabilité sociale[187].

Les pays qui ont investi dans leurs systèmes de santé ont connu des transformations structurelles :

  • En Éthiopie, la formation et le déploiement de 40 000 agentes de santé communautaires et de trois millions de volontaires ont profondément transformé l’accès aux soins de base. En moins de deux décennies, ce programme a porté la couverture sanitaire de 64 % à 92 % de la population et permis une réduction de 71 % de la mortalité maternelle, grâce à la prévention de proximité et à la prise en charge précoce des maladies courantes[188].
  • Au Rwanda, la couverture santé universelle a contribué à accroître la productivité agricole et à réduire l’absentéisme pour raison médicale, grâce à la généralisation de l’accès aux soins de base. Entre 2000 et 2017, l’espérance de vie est passée de 49 à 67 ans, tandis que la fréquence de recours aux soins primaires est passée de 0,3 à 1,9 visite par personne et par an. Ces avancées ont renforcé la participation économique des ménages ruraux et contribué à la stabilité sociale d’un pays dont l’économie reste majoritairement agricole[189].
  • En Sierra Leone, les infrastructures créées pour lutter contre Ebola – laboratoires, chaînes logistiques, surveillance épidémiologique – ont été intégrées au système de santé national. Elles servent désormais à la vaccination de routine et à la détection précoce d’épidémies, comme la rougeole ou la paralysie flasque aiguë[190].

c) Iniquités persistantes et coût de l’inaction

Malgré les progrès, les inégalités restent criantes. Des millions de personnes meurent encore de maladies évitables pour lesquelles le traitement existe déjà : le paludisme tue près d’un enfant toutes les trois minutes[191], et les épidémies de choléra ou de dengue refont surface dans des dizaines de pays en 2024.

De ce fait, le coût de l’inaction est vertigineux : chaque épidémie non contenue coûte entre 50 et 100 fois plus que sa prévention[192]. C’est le cas de la pandémie COVID-19 qui a entrainé près de 16 000 milliards de dollars de pertes économiques cumulées entre 2020 et 2024[193] – soit l’équivalent de plus de soixante-dix années d’aide publique au développement mondiale actuelle[194].

Cela est d’autant plus inquiétant que l’horizon reste incertain : entre 600 000 et 800 000 virus encore inconnus pourraient infecter les humains dans les prochaines décennies[195].

d) Soutenir la prévention mondiale est dans nos intérêts

Prévenir une flambée de dengue à Dakar, c’est éviter une épidémie à Marseille six mois plus tard. La politique sanitaire est aussi une politique migratoire, économique et sécuritaire. Et les outils existent ! Non seulement les outils scientifiques existent, mais les données sont robustes et les coûts sont maîtrisés. Ce qui manque, ce n’est pas la technologie, mais la volonté politique de la déployer à l’échelle du monde mobile d’aujourd’hui. La chaîne de causalité est claire : financement à prévention  stabilité à mobilités maitrisées.

Avec un peu de recul, on observe qu’en deux décennies, la santé mondiale est passée du registre de la compassion à celui de la prévention stratégique. Cela dans un système où l’efficacité dépend d’un maillage continu de financements, de coordination et de confiance : qu’un maillon cède et toute la chaîne vacille. Or, c’est précisément ce qui est en train de se produire lorsque le principal bailleur mondial – les Etats-Unis – réduit brutalement la voilure.

La coopération mondiale, hier vecteur de stabilité, devient vulnérable à la conjoncture politique d’un seul pays. C’est le cœur de la prochaine partie : comprendre l’impact des coupes américaines sur la sécurité sanitaire et, par ricochet, sur les dynamiques migratoires vers l’Europe.

 

V. L’effet boomerang des coupes américaines (USAID, PEPFAR)

En 2025, les programmes de coopération sanitaire américaine ont connu leur plus forte contraction depuis deux décennies[196]. La réduction soudaine de l’aide étrangère – conséquence des blocages politiques au Congrès et du recentrage budgétaire de Washington – a entraîné un choc mondial dans la lutte contre les maladies infectieuses.

Près de 86 % des programmes USAID dans le domaine de la santé mondiale ont été restructurés ou suspendus[197], et entre 70 % et 80% des programmes VIH/TB/paludisme ont subi une réduction de portée ou de financement.[198]

De fait, les coupes budgétaires de l’USAID pourraient entraîner plus de 14 millions de décès dans le monde, dont 4,5 millions d’enfants de moins de 5 ans d’ici 2030[199].

Ces coupes fragilisent non seulement les campagnes de prévention, mais aussi les chaînes d’approvisionnement, les laboratoires, la formation et les systèmes de santé communautaires qu’elles soutenaient. Là où une organisation comme le Fonds mondial soutient la pérennité des programmes, les financements américains représentaient souvent la colonne vertébrale des dispositifs locaux.

Le résultat : une spirale d’effets secondaires qui dépasse les frontières sanitaires et se propage sur les plans économique et migratoire.

A. 6 millions de morts du Sida (2025–2029) supplémentaires

L’USAID et le PEPFAR ont historiquement représenté près de la moitié de l’aide mondiale contre le VIH[200]. En 2022, le PEPFAR finançait les traitements de plus de 20 millions de personnes vivant avec le VIH[201].

Depuis 2024, plusieurs pays (Kenya, Ouganda, Zambie, Nigéria) signalent des ruptures d’approvisionnement en antirétroviraux et des suspensions partielles de campagnes de prévention. (OMS, UNAIDS). La President’s Malaria Initiative (PMI), longtemps vitrine de la diplomatie sanitaire américaine, est quant à elle en stagnation quasi-totale depuis 2023, freinant la distribution de moustiquaires et de traitements saisonniers. Ces restrictions budgétaires supplémentaires ont eu des répercussions directes sur les programmes de terrain :

  • Les nouvelles infections VIH ont augmenté de +8% eu Kenya, et de +11% au Malawi (OMS 2025).
  • Le dépistage de la tuberculose a chuté de près de 50 % dans les pays les plus dépendants des financements américains, après les ordres de suspension émis par Washington[202]. Ces coupes budgétaires mettent en péril 18 des pays les plus touchés, car ils dépendaient à 89 % du financement prévu par les États-Unis pour la prise en charge de la tuberculose[203].
  • En Colombie, le gel a gravement affecté la capacité du pays à inclure les migrants dans le système de santé (ils étaient 4 000 à recevoir un traitement antirétroviral grâce aux efforts du gouvernement et aux fonds de coopération). Une organisation communautaire soutenant les services VIH parmi les communautés migrantes et LGBT a dû mettre fin aux contrats de 40 des 70 membres de son équipe[204].

L’ONUSIDA estime alors que si le PEPFAR était définitivement suspendu et qu’aucune autre ressource ne venait combler ce vide, 6,3 millions de décès supplémentaires liés au sida surviendraient entre 2025 et 2029 et que 8,7 millions de nouveaux cas d’infection par le VIH chez les adultes seraient recensés d’ici 2029[205].

Dans les pays fragiles ou en conflit (Soudan, RDC, Mozambique), ces reculs pourraient réduire à néant des décennies de progrès en matière de sécurité sanitaire[206] : résurgence de foyers de paludisme, baisse des dépistages VIH, interruption de traitements TB, affaiblissement des systèmes de veille épidémiologique. Ces ruptures locales créent de nouveaux foyers infectieux régionaux qui se propagent le long des routes économiques et migratoires. Et les crises ne sont pas seulement épidémiologiques : en retirant les financements, ce sont des écosystèmes entiers qui sont touchés.

B. Conséquences économiques et migratoires : la santé comme moteur invisible de l’exode

On le voit, la santé n’est pas qu’un indicateur social – c’est un stabilisateur économique majeur.

Lorsque les financements internationaux s’effondrent, ce sont des chaînes entières d’emplois, de soins et de production qui s’écroulent, replongeant les communautés dans la précarité :

  • Le Malawi illustre cette vulnérabilité : 97% de sa réponse VIH dépend du Fonds mondial ; le retrait américain a déjà ralenti plusieurs programmes de santé communautaire et réduit la distribution de traitements antirétroviraux dans les zones rurales[207].
  • Au Mozambique, la suspension partielle des programmes USAID a entraîné une hausse de 20% des cas de paludisme en un an, accentuée par les inondations climatiques.

L’impact du retrait américain sur les systèmes de santé se traduit également par des fermetures d’établissements de santé et des perturbations des services cliniques. Ainsi, des milliers de professionnels de santé auparavant soutenus par l’aide américaine ont été licenciés (54 000 au Kenya[208]), ce qui limite considérablement l’accès aux services médicaux et augmente le risque d’une fuite des cerveaux dans le secteur de la santé[209].

  • En Ouganda, où l’USAID avait alloué un budget annuel de 950 millions de dollars, le gel des fonds a contraint l’université Makerere de Kampala, un institut de recherche de premier plan, à licencier 200 membres de son personnel, tandis que plus de 2 000 travailleurs de la santé ont également perdu leur emploi[210].

 

On assiste aussi à un effondrement des systèmes communautaires. Dans plusieurs cas, même lorsque les gouvernements interviennent pour combler les lacunes en matière de traitement, la plupart des ressources sont affectées aux systèmes de santé officiels, laissant de côté les initiatives communautaires[211] :

  • En Angola, tous les programmes communautaires soutenus par le PEPFAR dans quatre des 21 provinces du pays ont été interrompus.
  • En Eswatini, de nombreux établissements et services communautaires (ou gérés par des pairs), ainsi que les services fournis par des ONG locales et internationales, ont cessé de fonctionner.
  • En République démocratique du Congo, le gel des financements a mis en péril le modèle des PODI (Points de Distribution Communautaire), qui assurent la distribution gratuite d’antirétroviraux à Kinshasa[212] – considéré comme l’un des systèmes les plus efficaces d’Afrique.
  • Au Zimbabwe, la suspension des fonds a interrompu le programme DREAMS, qui visait à réduire les nouvelles infections de VIH chez les adolescentes et jeunes femmes[213], une population représentant près de 24% des nouvelles contaminations[214].

Ces ruptures produisent ce que les chercheurs appellent une « migration sanitaire indirecte » : les gens ne fuitent pas la maladie, mais les systèmes qui ne peuvent plus les protéger. Faute de soin, ils se déplacent vers les villes, les pays voisins ou les rives méditerranéennes, où les pathologies non traitées deviennent à leur tour des risques importés.

Par voie de conséquence, une politique budgétaire décidée à Washington finit par influencer les flux migratoires observés à Lampedusa ou Marseille.

C. Impact direct pour l’Europe : flux contraints, cas importés, vulnérabilités accrues

En affaiblissant la prévention au Sud, on augmente les coûts au Nord. Et ces conséquences concernent directement l’Europe, d’autant que, dans le sillage des Etats-Unis, de nombreux pays européens ont eux aussi annoncé des coupes dans leurs budgets d’aide étrangère. Ces coupes signifient que les programmes de santé mondiaux – qui ont reçu environ 10 % de l’aide étrangère totale en 2023 – se disputent des fonds de plus en plus limités (les Européens se tournant vers la défense et d’autres priorités nationales)[215].

Malgré ce désengagement, ou peut-être à cause de lui, l’Union européenne découvre à son tour que la santé mondiale est un système de vases communicants :

  • Des cas de paludisme importés qui restent élevés et des épisodes autochtones de dengue en forte hausse en Europe du Sud en 2023–2024 (cf. partie I) ;
  • Une vigilance accrue sur la tuberculose multirésistante liée à la discontinuité des soins chez certaines populations déplacées ;
  • Des capacités de première ligne sous tension dans plusieurs zones frontalières, où gestion migratoire et santé publique se superposent.

Le constat est clair : le retrait américain a agi comme une secousse sismique dans l’architecture de la santé mondiale. En quelques mois, il a révélé la dépendance des systèmes de prévention du Sud à un financement trop concentré. Là où le Fonds mondial garantissait la continuité, les programmes soutenus par l’USAID et le PEPFAR assuraient la colonne vertébrale des soins, des chaînes logistiques et de la formation. Leur contraction a fait vaciller cet équilibre : campagnes interrompues, personnels licenciés, ruptures d’approvisionnement, foyers infectieux réactivés.

Cette onde de choc dépasse le champ sanitaire : elle agit comme un multiplicateur d’instabilité économique et migratoire, créant un vide que d’autres puissances ou institutions tenteront inévitablement de combler, car en santé mondiale, un retrait n’efface pas le besoin, il le déplace. Et plus le vide se creuse, plus le coût collectif augmente. Dans ce contexte, ni les Etats-Unis, ni l’Europe, ni l’Afrique ne peuvent désormais agir seuls. La stabilité du monde mobile exige une réponse collective, durable et interconnectée. La situation est grave mais loin d’être tragique, car les mesures à prendre sont tout à fait à notre portée.

C’est tout l’objet de la partie suivante : démontrer que les outils pour rétablir l’équilibre existent déjà, qu’ils reposent sur des dispositifs éprouvés – Fonds mondial, Gavi, CEPI, etc. – et qu’ils ne demandent qu’une chose pour fonctionner : la volonté politique de coopérer avant la crise plutôt qu’après.

VI. Des politiques publiques au service de la santé globale

Les outils pour éviter le double choc migratoire et sanitaire existent déjà. Le cœur du sujet n’est donc pas de les inventer, mais de les coordonner, de les financer et de les inscrire dans une stratégie commune Europe-Afrique. En somme, la question est politique : voulons-nous agir avant la crise ou après ?

A. Intégrer la santé et la prévention dans les accords migratoires

Les mobilités de travail, saisonnières ou contractuelles, doivent devenir un pilier des politiques de prévention, au même titre que la sécurité ou la mobilité économique. Les accords migratoires[216] – bilatéraux ou multilatéraux – devraient inclure plus explicitement un chapitre santé publique couvrant tout le cycle de la mobilité : avant, pendant et après la mission :

  1. Avant le départ : dépistage VIH/TB, vaccination, formation sanitaire de base. Au Qatar par exemple, l’obtention d’un visa de travail est conditionnée à un examen médical obligatoire visant à vérifier l’aptitude au travail et à prévenir la transmission de maladies infectieuses. Les tests incluent notamment le dépistage de la tuberculose (TB) et du VIH/sida, complétés par un examen général de santé et, selon les cas, des vaccinations exigées par les autorités sanitaires. Ces contrôles doivent être effectués dans des centres médicaux agréés par le gouvernement qatari avant la délivrance du visa[217].
  2. Pendant la mission : accès minimal aux soins et à la protection sociale pour les travailleurs migrants. C’est le cas aux Philippines par exemple, où la législation sur les travailleurs migrants[218] prévoit une assurance santé obligatoire couvrant les soins, l’évacuation et la répatriation médicale, ainsi qu’un examen médical pré-départ réalisé par des cliniques agréées du ministère de la Santé. Les travailleurs affiliés à l’Overseas Workers Welfare Administration (OWWA) et à PhilHealth peuvent en outre bénéficier du programme médical complémentaire MEDplus.
  3. Au retour : suivi post-mobilité et coordination entre systèmes de santé d’origine et d’accueil. L’accord bilatéral de sécurité sociale entre la France et le Maroc[219] prévoit la portabilité des droits à la retraite et à l’assurance maladie pour les travailleurs migrants. En pratique, il permet aux Marocains ayant travaillé en France de conserver leurs droits aux soins à leur retour, en s’appuyant sur les caisses nationales d’assurance maladie des deux pays. Ce dispositif constitue un premier pas vers une meilleure continuité de la couverture santé entre pays d’origine et d’accueil, même si son application reste inégale[220].

De tels mécanismes, aujourd’hui fragmentés, doivent être généralisés. Ils permettraient de réduire les coûts futurs de santé publique, d’assurer la continuité des traitements et de renforcer la confiance mutuelle entre Etats de départ et d’accueil[221].

B. Maintenir et renforcer les financements globaux : le Fonds mondial, Gavi et CEPI comme boucliers collectifs

Le triptyque Fonds mondial – Gavi – CEPI forme aujourd’hui la véritable architecture de sécurité sanitaire mondiale, capable d’absorber les chocs avant qu’ils ne se transforment en crises géopolitiques :

  • Fonds mondial : lutte contre VIH, TB, paludisme (70 millions de vies sauvées depuis 2002[222])
  • Gavi a permis de vacciner plus de 1.2 milliard d’enfants depuis 2000[223].
  • La Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies (CEPI), finance le développement de vaccins contre les maladies infectieuses émergentes et en garantit un accès équitable à l’ensemble des populations affectées.

L’Europe y joue déjà un rôle clé : environ un tiers des financements totaux du Fonds mondial provient de l’UE et de ses États membres. La France, deuxième contributeur mondial derrière les États-Unis, a versé plus de 7,2 milliards d’euros depuis la création du Fonds en 2002 et s’est engagée à 1,6 milliard d’euros pour la période 2023–2025. Pour ce même cycle de reconstitution, la Commission européenne s’est engagée à 715 millions d’euros, tandis que l’Allemagne (1,3 Md€), l’Italie (185 M€), l’Espagne (130 M€) et les Pays-Bas (180 M€) figurent également parmi les principaux donateurs européens.

De façon plus générale et structurelle après les coupes américaines, le leadership européen devient vital. Une stagnation ou un recul de ses engagements aurait un double effet boomerang : sanitaire d’abord, avec le retour de foyers infectieux et la perte de vingt ans de progrès ; migratoire ensuite, avec la déstabilisation de zones déjà fragiles, qui alimenterait des flux contraints vers l’Europe.

Ces efforts sont d’autant plus accessibles qu’ils ne représentent qu’une part minime de nos budgets : investir 1 milliard d’euros dans la prévention mondiale représente 0,005 à 0,01% du PIB de l’UE[224] –comparé aux milliards que coûterait une nouvelle pandémie[225]. Alors rappelons-le : ces institutions constituent le bouclier collectif le plus rentable et le plus pragmatique dont dispose la communauté internationale, servons-en nous !

C. Renforcer les systèmes d’alerte et de prévention épidémique

L’Afrique et l’Europe doivent désormais envisager la prévention épidémique comme une sécurité commune, en bâtissant ensemble une architecture de veille transcontinentale, équivalent sanitaire d’une défense collective.  

Trois leviers pourraient rendre ce système réellement opérationnel :

  1. Créer et renforcer des centres régionaux de surveillance épidémique conjoints

Le Centre Africain de Contrôle et de prévention des maladies (CDC) et le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) collaborent déjà, mais leurs échanges doivent devenir opérationnels et systématiques, avec des cellules mixtes de veille dans les zones de forte mobilité (Maghreb, Sahel, Corne de l’Afrique…). Ce modèle pourrait s’inspirer du Centre de coordination de la réaction d’urgence (ERCC) de l’Union européenne, dont la capacité à mobiliser en quelques heures des ressources médicales ou logistiques a fait ses preuves. En adaptant cette logique à la santé mondiale, l’Europe et l’Afrique pourraient disposer d’un outil de réaction rapide commun, à la fois technique, diplomatique et humanitaire.

  1. Partager des outils technologiques communs

Le couplage des données météorologiques, épidémiologiques et de mobilité est désormais une arme stratégique. Les plateformes de surveillance fondées sur l’intelligence artificielle permettent de détecter les signaux faibles avant l’apparition visible d’une épidémie. En combinant les données satellites (températures, humidité, précipitations) avec les flux migratoires et les alertes hospitalières, on peut anticiper les foyers à risques. L’Europe et l’Afrique pourraient ainsi unifier leurs systèmes de données sous un format interopérables commun (open data sanitaire sécurisé) ; développer des outils d’IA prédictive partagés, utilisant des modèles climatiques et démographiques pour anticiper les zones de vulnérabilité et suivre leurs évolutions ; créer une plateforme Euro-Africa Health Watch, pilotée conjointement et intégrant visualisation, alertes automatiques et tableau de bord pour les autorités sanitaires.

Cette mutualisation des données constituerait une révolution silencieuse : la santé deviendrait un domaine de coopération numérique stratégique, au même titre que l’énergie ou la défense.

  1. Former et déployer ensemble

Le savoir-faire est la première ligne de défense contre les pandémies. L’ECDC forme déjà des épidémiologistes européens et pourrait ouvrir des formations aux experts africains – et réciproquement.

Créer des équipes de réponse rapide binationales, inspirées du European Medical Corps[226] déployé après Ebola (2014). Le Corps médical européen permet une assistance médicale rapide et une expertise en matière de santé publique de tous les Etats membres de l’UE et des Etats participants en cas d’urgence sanitaire à l’intérieur et à l’extérieur de l’UE. [227]

Cette coopération opérationnelle aurait aussi une dimension géopolitique : elle ancrerait la solidarité euro-africaine dans la pratique quotidienne, en transformant les promesses de partenariat en réflexes institutionnels.

Mais bâtir des systèmes d’alerte ne sert à rien si les Etats continuent de réagir toujours après coup. Ces dispositifs techniques et institutionnels ne suffiront toutefois que s’ils s’accompagnent d’un changement profond de logique budgétaire. Car tant que la prévention restera marginale dans les budgets publics, l’Europe continuera de payer plus cher pour réparer que pour protéger.

D. Réduire les coûts intérieurs par l’investissement en amont.

On le voit aujourd’hui : une Europe qui continue de subir les effets d’un paradoxe budgétaire en dépensant massivement pour soigner, très peu pour prévenir.

En 2022, les services préventifs représentaient seulement 5.5% des dépenses totales de santé de l’UE[228], contre près de 52% pour les soins curatifs et de réadaptation, 17.8% pour les produits pharmaceutiques et 16.2% pour les soins de longue durée. Cette structure budgétaire est symbolique d’un déséquilibre profond : les systèmes de santé européens réagissent aux crises au lieu de les anticiper.

Pourtant, prévenir coûte bien moins cher que soigner ! En France, la pression sur les dispositifs de santé publique témoigne de cette logique réactive. Les dépenses d’Aide Médicale d’Etat (AME) – destinée à garantir l’accès aux soins des personnes en situation irrégulière – ont atteint près de 1.4 milliard d’euros en 2024, en hausse de 15% en un an et 67.6% en 10 ans[229]. Ces chiffres traduisent moins une dérive qu’une défaillance systémique : en l’absence d’investissements en amont dans la prévention et la santé mondiale, l’Europe paie en bout de chaîne le coût de sa propre inaction.

Investir dans les systèmes de santé des pays d’origine ou de transit n’est pas un acte de charité, c’est un levier de soutenabilité budgétaire et de sécurité sanitaire. Un euro injecté dans le dépistage du VIH, la vaccination ou l’accès aux soins primaires réduit mécaniquement les dépenses hospitalières et les tensions migratoires futures.

Réduire les coûts intérieurs ne signifie donc pas réduire la solidarité : cela signifie agir plus tôt et plus loin.

En matière de santé mondiale comme de migrations, la prévention est la forme la plus rationnelle de souveraineté.

Conclusion : la France et l’Europe doivent être au rendez-vous du multilatéralisme sanitaire

Certains disent qu’ils vont arrêter l’immigration. Mais ce discours ne résiste pas à la réalité : partout, l’immigration augmente à raison de la recherche d’une vie meilleure pour les migrants et du besoin d’apport de force de travail extérieur dans les pays d’immigration. Même les régimes les plus hostiles (Italie, Hongrie, Danemark) ouvrent leurs portes. L’augmentation des flux humains va donc durer. Notre choix n’est pas entre mobilité ou immobilité, mais entre mobilité protégée ou mobilité subie.

Nous partageons un destin sanitaire commun : les flux, les maladies et les solutions circulent ensemble. Déjà, des infections que l’on croyait maîtrisées réapparaissent – VIH et tuberculose en Europe ; paludisme et dengue dans le sud du continent ; choléra et rougeole dans des zones de guerre ou de migration. Ces résurgences ne sont pas des fatalités : elles révèlent le prix de l’inaction, du désengagement et l’urgence d’une approche nouvelle.

Investir dans la santé mondiale, c’est investir dans notre sécurité collective. Ces investissements constituent l’un des meilleurs retours sur investissement du siècle. Chaque euro consacré à la prévention dans les pays d’origine ou de transit économise des dizaines d’euros dépensés plus tard dans l’urgence hospitalière, la gestion des crises ou la reconstruction.

La santé mondiale n’est plus un geste humanitaire, c’est une assurance de stabilité, une politique économique et une politique de paix.

C’est pourquoi il faut désormais bâtir une co-sécurité sanitaire euro-africaine fondée sur trois piliers :

  • Prévenir ensemble : coordonner surveillance, vaccination et formation.
  • Produire ensemble : renforcer les capacités pharmaceutiques et logistiques régionales.
  • Réagir ensemble : partager les alertes, les équipes et les financements en cas d’épidémie.

Ainsi se dessine une Europe protectrice par la coopération, et non par la fermeture.

Car prévenir au Sud, c’est protéger au Nord — et préparer un monde où la santé devient enfin ce qu’elle aurait toujours dû être : un bien public mondial, partagé, défendu, et transmis.


[1] IOM (2024), World Migration Report 2024

[2] United Nations (2022), World Population Prospects

[3] Union Africaine (2021), Migration Policy Framework for Africa and Plan of Action (2018 – 2030). Morel Tien (2024), Intra-African migration and the real exchange rate

[4] L’Aide Médicale d’État permet aux personnes étrangères en situation irrégulière et vivant en France depuis plus de trois mois d’avoir accès à des soins médicaux de base. Elle couvre les consultations, hospitalisations, médicaments et soins urgents, de la même manière que l’assurance maladie, mais uniquement pour les personnes aux revenus très faibles. Le projet de loi de finances pour 2026 prévoit une enveloppe de 1.2 milliard d’euros pour l’AME.

[5] Forte surreprésentation des cas de tuberculose et de VIH non diagnostiqué parmi les populations sans couverture maladie stable.

[6] OMS, Global Health Observatory ; Global fund, Results report 2024 ; IHME, Global Burden of Diesease (GBD)

[7] International Air Transport Association (IATA), Air passenger market analysis, 2023  

[8] Global Preparedness Monitoring Board (GPMB, 2019), A world at risk

[9] Maladie infectieuse due à la bactérie Mycobacterium tuberculosis, elle touche principalement les poumons mais peut aussi atteindre d’autres organes (os, reins, cerveau, ganglions, etc.).

[10] Oms, Tuberculosis, 2025

[11] Frontline Genomics, Ancient DNA provides insights into how tuberculosis shaped the immune system , 2021

[12] HIV.gov, The Global HIV and AIDS Epidemic , 2025

[13]OMS, Data on the size of the HIV epidemic , 2025

[14] OMS, Paludisme , 2025

[15] Au XXe siècle. Biomedical Scientist, Malaria: the resurgence of a deadly disease, 2025 

[16] PumMed, Global dengue epidemic worsens with record 14 million cases and 9000 deaths reported in 2024, 2025

[17] La plus importante épidémie d’Ebola, survenue en Afrique de l’Ouest entre 2014 et 2016, a provoqué plus de 11 000 décès, principalement en Guinée, au Liberia et en Sierra Leone. ECDC (2023), Factsheet about Ebola disease

[18] UNHCR (2024), Global Trends, Forced Displacement in 2024

[19] En France, 17 cas de tuberculose ont été identifiés entre février et octobre 2022, dont six formes multirésistantes, lors d’un dépistage actif mené auprès de réfugiés ukrainiens. Guthmann et al. (2023), Active tuberculosis screening among the displaced population fleeing Ukraine, France, February to October 2022 – PMC

[20] Marou et al. (2024), The impact of conflict on infectious disease: a systematic literature review

[21] Le VIH est aussi présent en zones rurales avec moins d’accès aux soins (1.5 fois plus de cas en zone urbaine mais encore 4.3% en zone rurale).

[22] East African Community Secretariat (2015), Health and HIV and AIDS along the east African community transport corridors

[23] OMS (2007), Guidelines on prevention of the reintroduction of malaria, EMRO Technical Publication Series 34  

[24] Institut Pasteur (2024), Maladies vectorielles : Moustiques, tiques, mouches piqueuses… jusqu’où iront-ils ?

[25] Ministère de la Santé, de la Famille, de l’Autonomie et des Personnes handicapées (2025), Cartes de présence du moustique tigre (Aedes albopicturs) en France métropolitaine.

[26] Delamare et al. (2024), Locally acquired malaria: a retrospective analysis of long-term surveillance data, European France, 1995 to 2022

[27] ECDC (2024), Malaria – Annual Epidemiological Report for 2022

[28] ECDC (2024), Disease information about malaria

[29] Balzli et al. (2025), Airport/seaport and autochthonous malaria in Europe from 1969 to 2022: A systematic review

[30] En 2022, la France a recensé autant de cas autochtones de dengue en une seule année qu’entre 2010 et 2018 réunis (Santé publique France).

[31] Caputo et al. (2020), A comparative analysis of the 2007 and 2017 Italian chikungunya outbreaks and implication for public health response

[32] ECDC (2023), Anopheles maculipennis s.l. – current known distribution: October 2023

[33] Institut Pasteur (2024), Climat et Santé : Anticiper les maladies vectorielles de demain en France

[34]  Institut Pasteur (2011), Communiqué de presse : Découverte d’un nouveau groupe de moustiques capable de transmettre fortement le paludisme

[35] Carlson et al. (2023) Rapid range shifts in African Anopheles mosquitoes over the last century – PMC

[36] Romanello et al. (2023), The 2023 report of the Lancet Countdown on health and climate change: the imperative for a health-centred response in a world facing irreversible harms

[37] Statistique publique de l’énergie, des transports, du logement et de l’environnement (2025), Key figures on Climate, France, Europe and Worldwide

[38] London School of Hygiene and Tropical Medicine (2021), Malaria and dengue predicted to affect billions more people if global warming continues uncurbed

[39] Maladies ou infections qui se transmettent des animaux vertébrés à l’homme, et vice versa.

[40] INRS (2024), Maladies zoonotiques et vectorielles en milieu professionnel : impacts du changement climatique.

[41] Terra Nova, Crise écologique et crise sanitaire

[42] CIRAD (2023), Première détection du virus de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo dans le Sud de la France.

[43] Commissariat Général au Développement Durable (2022), Dans quel environnement se cachent les tiques ?

[44] Institute of Ecosystem studies (2001), Biodiversity and disease risk: the case of lyme disease

[45] OMS, Institut Pasteur, Global Fund, CDC Africa, ECDC, IHME.

[46] 189 pays ont pris des mesures de restrictions de mouvements, confinements dans 115 pays. Acaps (2020), Covid-19 Government measures 

[47] Banque Mondiale (2020), Air transport annual report

[48] Eric Heyer & Xavier Timbeau (2022), L’économie mondiale sous le(s) choc(s), Revue de l’OFCE, chiffres du FMI

[49] Caroline Huber et al (2018), The Economic and Social Burden of the 2014 Ebola Outbreak in West Africa, The Journal of Infectious Diasease.

[50] Conséquence directe des inondations liées au cyclone Freddy ; propagation rapide à plusieurs pays d’Afrique australe.

[51] UNICEF (2024), Sudan to respond to new emergence of variant poliovirus in Red Sea State

[52] OMS (2021), Disease Outbreak News : Circulating vaccine – derived poliovirus type 2 – Yemen

[53] A Larsen et al. (2024) Non-detection of emerging and re-emerging pathogens in wastewater surveillance to confirm absence to transmission risk: A case study of polio in New York

[54] The Global Fund (2024), War in Ukraine: Maintaining Lifesaving HIV and TB Services

[55] La tuberculose reste une cause importante de souffrance dans l’UE/EEE, avec environ 55 000 cas signalés chaque année au Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC). La plupart des pays de l’UE/EEE sont des pays à faible incidence où la tuberculose touche principalement les populations vulnérables, telles que les migrants, les détenus ou les personnes co-infectées par le VIH.

[56] Global Fund (2024), War in Ukraine: Maintaining lifesaving HIV and TB services

[57] Déjà avant 2022 sévissait en Ukraine la deuxième plus grande épidémie de VIH en Europe Orientale et Asie centrale. Le pays était classé parmi les 30 pays avec le plus haut taux de tuberculose en 2021. The Global Fund (2024), War in Ukraine: Maintaining Lifesaving HIV and TB Services

[58] OMS (2024), Improving refugee and host-population access to tuberculosis treatment in Poland through a patient-centred model of care

[59] OMS (2025), Three years of war: rising demand for mental health support, trauma care and rehabilitation

[60] Karami et al. (2025), Global excess tuberculosis mortality during COVID-19: a country-level modeling study of policy and development correlates

[61] Global Report on internal displacement (2024).

[62] Pour Eurostat, un titre de séjour ou permis de résidence désigne toute autorisation valide pour au moins trois mois émise par les autorités d’un État membre de l’Union européenne et permettant à un citoyen ressortissant d’un pays tiers de séjourner légalement sur son territoire. Cela exclut donc les visas de courts séjours (inférieurs à 90 jours) pour tourisme, voyage d’affaires ou visites familiales et privées. D’autre part, Eurostat prend uniquement en compte les titres délivrés à une personne pour la première fois (nouveaux permis de résidence). Les renouvellements sont donc exclus de ces chiffres. Les migrants clandestins, estimés à 385 000 selon Frontex en 2023, ne sont pas non plus pris en charge dans ces estimations – même si certains peuvent être régularisés et ainsi bénéficier d’un titre de séjour.

[63] Eurostat (2025), First permits by reason, length of validity and citizenship

[64] Action Committee for the Mediterranean – ACM project

[65] CAM (2025), Méditerranée : La frontière qui ré-unit. Eléments de prospective démographique, 2025.

[66] Union Africaine (2017), Migration Policy Framework for Africa and Plan of Action (2018 – 2030). Morel Tien (2024), Intra-African migration and the real exchange rate

[67] 21 millions d’Africains vivant dans un pays africain autre que le leur. OIM (2025), Stratégie de l’OIM pour l’Afrique

[68] OIM (2024), World migration report

[69] OIM (2023), Migrants travelling to Europe by land and by sea

[70] OIM et RDH (2024), Cartographie régionales des mobilités, Afrique de l’Ouest et du centre

[71] Wendy Williams (2024), Tendances migratoires à surveiller en Afrique en 2024

[72] OMS (2024), World malaria report 2024

[73] OMS (2022), The global picture of Tuberculosis: A view from WHO

[74] Ibid.

[75] Ibid.

[76] OMS (2025), Disease Outbreak News

[77] IPAR (2020), Migration et politique d’intégration régionale en Afrique de l’Ouest – cas du Niger

[78] INSEE (2023), In 2023, 3.5 million immigrants born in Africa lived in France

[79] ICMDP (2022), Migration Outlook 2022

[80] Acaps (2025), Burkina Faso, Humanitarian needs in blockaded areas

[81] Médecins sans frontières (2012), Malnutrition in the Sahel requires long-term solutions

[82] UNICEF (2020), Central Sahel, Advocacy Brief

[83] The Independent (2024), France’s North African doctors consider emigration amid rise of far right

[84] Ordre National des médecins (2024), Atlas de la démographie médicale en France

[85] Conseil National de l’Ordre des médecins (2024), Atlas de la démographie médicale en France

[86] Conseil National de l’Ordre des médecins (2024), Atlas de la démographie médicale en France

[87] OCDE (2021), International migration and movement of doctors to and within OECD countries – 2000 to 2018: Developments in countries of destination and impact on countries of origin

[88] Ministère de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicappées (2022), Praticiens diplômés hors UE (PADHUE) : le point sur leur affectation

[89]Anerkennung in Deutschland (2025), Information portal of the German government for the recognition of foreign professional qualifications

[90] Euronews (2025), L’Europe dépend de plus en plus du personnel de santé étranger : voici pourquoi cela est important.

[91] Euronews (2025), L’Europe depend de plus en plus du personnel de santé étranger : voici pourquoi cela est important.

[92] OCDE (2023), Health at a Glance 2023: Europe – Remuneration of Doctors and Nurses.

[93] AP News (2024), Cameroon or Canada? Poorly paid doctors and nurses are choosing to leave. That’s common in Africa

[94] NHS Employers (2025), Pay scales for 2025/26

[95] AP News (2024), Cameroon or Canada? Poorly paid doctors and nurses are choosing to leave. That’s common in Africa

[96] OIM (2010), Les Ghanéens qualifiés se tournent de plus en plus vers les pays hors d’Afrique pour trouver du travail

[97] OCDE (2023), Health at a Glance 2023: Europe – Remuneration of Doctors and Nurses.

[98] Banque Mondiale (2024), World Development Indicators

[99] OIT, Key Indicators of the Labour Market (KILM)

[100] Adebayo et al. (2021) “What Are You Really Doing in This Country?”: Emigration Intentions of Nigerian Doctors and Their Policy Implications for Human Resource for Health Management – PMC

[101] Ibid.

[102] General Medical Council (2024), Number of foreign doctors practising in the UK by country of origin.

[103] OMS (2025), World health statistics 2025: monitoring health for the SDGs, sustainable development goals

[104] Punch Newspapers (2019), Doctors free to leave Nigeria, we have enough – Ngige

[105] PubMed (2010), Residency training program: perceptions of residents – PubMed

[106] Oxford, Blavatnik School of Government (2023), The brain drain of healthcare professionals in Nigeria: The buck stops with government

[107] Nation Unies (2024), International Migrant Stock | Population Division

[108] OCDE (2022), Panorama de l’émigration sénégalaise (FR)

[109] OMS (2023), Sénégal

[110] Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) du Sénégal (2025),  Le Sénégal en bref

[111] OCDE (2021), International migration and movement of doctors to and within OECD countries – 2000 to 2018 (EN)

[112] Reuters (2025), Italy to issue half million non-EU work visas over next three years.

[113] ONU (2024), World Population Prospects 2024

[114] Entre 15 et 35 ans.

[115] Deux fois le taux de chômage national (13%). University World News (2024), Quarter of Moroccan graduate unemployed, report shows

[116] INS (2025), Indicateurs de l’emploi et du chômage, premier trimestre 2025

[117] Le Carrefour (2025), Le chômage, des chiffres et des disparités !

[118] Sur des petites exploitations ou dans des entreprises familiales. A noter que le secteur informel recouvre beaucoup de réalités : travail sans contrat, sans protection sociale, non enregistré, exploitation familiale, etc. Dans la plupart des pays africains, plus de 85% de la population active est engagée dans le secteur informel. Au Nigeria par exemple, le taux d’emploi informel était de 92,3% en 2023. OIT et Banque Mondiale (2024), Nigeria Labour Force statistics report Q1 2024

[119] Banque Mondiale (2016), L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne

[120] Il est aussi intéressant de noter que par rapport à la population active dans les pays de l’UE, les personnes nées à l’étranger étaient surreprésentées dans la tranche d’âge des 20 à 54 ans, tandis qu’elles étaient sous-représentées dans les tranches d’âge plus jeunes et plus âgées. Au total, 59.7% de la population née à l’étranger était âgée de 20 à 54 ans, contre 42.1% de la population active.

[121] INSEE, Dares, France Travail, Conseil d’analyse économique

[122] OCDE (2020), Contribution des médecins et des infirmiers migrants à la lutte contre la crise du COVID 19 dans les pays de l’OCDE

[123] INSEE (2022), Les actifs immigrés en Île-de-France : leurs métiers, diplômes et origines

[124] CEPII (2022), Métiers essentiels : quelle contribution des travailleurs immigrés ?

[125] Ibid.

[126] La proportion d’immigrés parmi les salariés de la restauration en Ile-de-France est trois fois plus forte que dans les autres régions de France (41.6% contre 13.7%). DRIEETS (2024), La restauration en Île-de-France : un secteur en tension

[127] Terra Nova (2025), Les travailleurs immigrés avec ou sans eux ?

[128] APUR (2021), Qui sont les 1,8 million de travailleurs « essentiels du quotidien » résidant en Île-de-France

[129] OCDE (2025), Dynamiques de l’urbanisation africaine 2025

[130] Le 360 (2025), Aéroports. Les raisons qui poussent les pays d’Afrique à en construire de nouveaux et à agrandir les anciens

[131] Union Africaine (2023), Marché unique du transport aérien africain, vers un ciel unique africain

[132] Agence Ecofin (2024), CEDEAO : une feuille de route pour réduire les prix des vols dès janvier 2026

[133] OIM (2015), L’Afrique de l’Ouest adopte la carte d’identité biométrique

[134] Comité d’action pour la Méditerranée (2025), Méditerranée : La frontière qui ré-unit. Eléments de prospective démographique

[135] Le processus législatif a été approuvé en avril 2024 par tous les bancs du Congrès des députés, à l’exception de l’extrême droite VOX, mais il est resté bloqué depuis lors. Cette initiative a été présentée avec le soutien de 600 000 signatures, viendrait compléter la réforme du règlement sur l’immigration, entrée en vigueur le 20 mai et qui devrait bénéficier à quelque 900 000 immigrants sans papiers au cours des trois prochaines années.

[136] Inspection Générale des affaires sociales, Germany

[137] France24 (2025), The Spanish government seeks the regularization of half a million undocumented immigrants who arrived before 2025.

[138] Il est désormais possible de régulariser, à titre exceptionnel et temporairement, des travailleurs étrangers (non ressortissants des États membres de l’Union européenne, de l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse) exerçant dans des métiers rencontrant des difficultés de recrutement dits métiers « en tension ». Cette disposition s’applique jusqu’au 31 décembre 2026. Entreprendre Service-Public (2024), Ressources humaines -Loi immigration : quels changements dans le volet « travail » ?

[139] Europe 1 (2024), Métiers en tension : « 10 000 personnes par an pourraient bénéficier d’une régularisation)

[140] Sondage CSA 2024

[141] Le Desk (2024), Une délégation de Huelva au Maroc pour recruter plus de travailleurs saisonniers

[142] Commission européenne (2020), Attirer les travailleurs saisonniers dans l’UE et au Royaume-Unis et protéger leurs droits

[143] +25% de besoins anticipés dans la santé et le care (infirmiers, aides-soignants, médecins) ; +20% dans la construction et l’énergie ; +18% dans la logistique et le transport ; +15% dans les métiers du numérique.

[144] France Travail (2024), Enquête Besoins en main-d’œuvre

[145] McKinsey Global Institute (2023), Reimagining economic growth in Africa : turning diversity into opportunity

[146] AFD (2016), Les dispositifs d’appui à l’insertion des jeunes sur le marché du travail en Afrique

[147] Ibid.

[148] BAD (2025), Journée mondiale des compétences des jeunes : la Banque africaine de développement va introduire des réformes systémiques pour investir en priorité dans la jeunesse africaine

[149] ISS African Futures (2025), Tackling working poverty and informality in Africa’s labour future

[150] ISS African Futures (2025), Tackling working poverty and informality in Africa’s labour future. Chiffres de l’Organisation Internationale du Travail (2024).

[151] FMI (2025), Regional Economic Outlook – Sub-Saharan Africa

[152] ISS African Futures (2023), Unlocking Africa’s manufacturing potential

[153] Our World in Data (2022), Increasing agricultural productivity across Sub-Saharan Africa is one of the most important problems this century

[154] Moyenne calculée sur 45 pays d’Afrique subsaharienne. Les taux atteignent des niveaux bien plus élevés au Burundi (85%) ou au Niger (70%). Banque Mondiale (2023), Employment in agriculture – Country rankings.

[155] Moyenne calculée sur 45 pays d’Afrique subsaharienne. Les taux atteignent 35% en Éthiopie et aux Comores. Banque Mondiale (2023), GDP share of agriculture – Country rankings

[156] OIT (2019), State of skills – Africa

[157] Global Africa (2025), Unemployment and Youth Employment in Senegal: A Scoping Review of Achievements, Shortcomings, and Structural Limitations of Public Policies

[158] National Institute for Legislative and Democratic Studies, Nigeria (2023), Empirical Review of Youth-Employment Policies in Nigeria

[159] OCDE (2022), A Review of Ghanaian Emigrants

[160] OMS (2022), The global picture of Tuberculosis: A view from WHO

[161] OMS (2024), Global report on infection prevention and control

[162] The Global Fund (2025), Results Report 2025

[163] Le Grand Continent, Géopolitique de la santé mondiale : une conversation avec le directeur exécutif du Fonds de lutte contre le sida, la tuberculose et la paludisme.

[164] Ghana, Kenya, Malawi, Burkina Faso, Cameroun, Sierra Leone, Bénin, Libéria, Côte d’Ivoire, Soudan du Sud, Mozambique, République centrafricaine, Niger, Tchad, République démocratique du Congo, Soudan et Nigeria)

[165] OMS (2024), Life-saving malaria vaccines reach children in 17 endemic countries in 2024

[166] Les thérapies combinées de nouvelle génération consistent à associer plusieurs médicaments antipaludiques agissant différemment afin de retarder l’apparition de résistances et d’améliorer la guérison. Ce principe, dit de « combinaison thérapeutique », permet de maintenir l’efficacité des traitements face aux formes les plus résistantes de la maladie.

[167] Le Monde (2025), VIH : le lénacapavir, un traitement très efficace, bientôt accessible pour seulement 40 dollars par an

[168] Ibid.

[169] Grand Continent (2025), Géopolitique de la santé mondiale : une conversation avec le directeur exécutif du Fonds de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme

[170] OMS (2024), Global tubercolosis report 2024

[171] Manuel MSD (2025), Tuberculose (TB)

[172] Global Fund (2024), War in Ukraine: Maintaining Lifesaving HIV and TB Services – The Global Fund to Fight AIDS, Tuberculosis and Malaria

[173] Ministère de la Santé, Ukraine (2023), Ukraine signs grant agreements with the Global Fund worth over USD 165 million.  

[174] Africa Center for Strategic Studies (2025), African collaboration in the space domain holds potential for continental benefits

[175] L’Africa CDC lance une plateforme IA de partage des connaissances – AITN

[176] Le Fonds mondial expérimente des outils prédictifs IA croisant météo et données de terrain pour anticiper les pics de moustiques et prévenir les flambées locales.

[177] OMS (2024), HIV Progress Report.

[178] The Lancet Global Health (2024)

[179] OMS, (2024), Global TB Report 2024.

[180] Global Fund (2023), Results Report 2023

[181] par rapport au pic de 2004. OMS (2024),, par rapport au pic de 2004HIV – Number of people dying from HIV-related causes

[182] UNICEF (2022) Achieving the Malaria MDG Target : reversing the incidence of malaria 2000–2015 (2015)

[183] OMS (2024), Global Tuberculosis report 2024

[184] ONUSIDA (2023), Global AIDS Report

[185] Banque Mondiale (2023), UNICEF, World Development Indicators 2023.

[186] OMS (2025), Trends in maternal mortality 2000 to 2023: estimates by WHO, UNICEF, UNFPA, World Bank Group and UNDESA/Population Division

[187] Global Fund (2022), Fight for what it counts, Investment case

[188] Exemplars in Global Health (2020), Why is Ethiopia an exemplar?

[189] Néanmoins, le modèle rwandais, demeure financièrement fragile : le déficit du système est passé de 3,9 milliards de francs rwandais en 2011/2012 à 17,7 milliards en 2017/2018, contraignant l’État à combler chaque année un déséquilibre croissant. Nyandekwe et al. Pan African Medical Journal (2020), Universal health insurance in Rwanda: major challenges and solutions for financial sustainability case study of Rwanda community-based health insurance part I

[190] J. Marston et al. (2017), Ebola Response Impact on Public Health Programs, West Africa, 2014–2017

[191] Médecins Sans Frontières (2024), Diagnosing Paediatric TB: Challenges and Needs

[192] Ibid.

[193] PMC (2020), The COVID-19 Pandemic and the $16 Trillion Virus

[194] En 2024, l’aide publique au développement des pays membres du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE s’est élevée à 212,1 milliards USD, soit 0,33 % du revenu national brut collectif de ces pays. OCDE (2025), Aide publique au développement (APD)

[195] Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services (IPBES, 2020), Escaping the ‘Era of Pandemics’: Experts Warn Worse Crises to Come Options Offered to Reduce Risk 

[196] 86% de l’ensemble des programmes USAID ont été démantelés ; entre 68 et 72% des programmes qui ciblaient HIV/TB/Malaria ont été démantelés.[196] Les crédits du PEPFAR (plus grand programme mondial de lutte contre le VIH) ont été bloqués par le Congrès pour la première fois depuis vingt ans.

[197] Au 1er août 2025, l’administration avait mis fin à 86 % des quelque 6 200 subventions accordées par l’USAID à l’échelle mondiale. Les programmes de santé mondiale ont connu un taux de résiliation légèrement inférieur, mais néanmoins important : 77 % des subventions accordées dans le domaine de la santé ont été résiliées, dont 65 % des subventions accordées dans le cadre du PEPFAR. Center For Global Development (2025), Beneficiaries

[198] KFF (2025), Analysis of USAID’s Active and Terminated Awards List: How Many Are Global Health? (figure 2) 

[199] UCLA Fielding School of Public Health (2025), USAID cuts may lead to more than 14 million deaths globally, including 4.5 million children under 5 by 2030, researchers say

[200] UNAIDS (2023), The path that ends AIDS, 2023 UNAIDS Global AIDS Update

[201] CDC (2023), U.S.-Led Global Effort Dramatically Increases Number of People Receiving Lifesaving HIV Treatment in Less than Two Decades  

[202] Health Policy Watch (2025), Huge Risk of Drug-Resistant Tuberculosis in Wake of Abrupt US Funding Cuts

[203] OMS (2025), Funding cuts impact access to TB services endangering millions of lives

[204] AIDES (2025), USAID, PEPFAR : Les gels des financements américains font déjà des dégâts

[205] UNAIDS (2025), Estimating the potential impacts of HIV response disruptions   

[206] Development Aid (2025), Decades of progress in African healthcare at risk amid US funding freeze

[207] UNAIDS (2025), Impact of US funding cuts on HIV programmes in Malawi  

[208] Development Aid (2025), Decades of progress in African healthcare at risk amid US funding freeze

[209] UNAIDS (2025), Impact of US funding cuts on HIV programmes in East and Southern Africa  

[210] Center for Global Development (2025), Analyzing USAID Program Disruptions: Implications for PEPFAR Programming and Beneficiariesf

[211] Ibid.

[212] Médecins sans Frontières (2025), Gel de l’aide américaine : l’incertitude autour du programme PEPFAR met des millions de personnes en danger

[213] Ibid.

[214] UNAIDS (2025), Zimbabwe national HIV stategic plan 2021–2025

[215] Euronews (2025) ‘Utterly devastating’: Global health groups left reeling as European countries slash foreign aid . Development AID (2025), Germany’s deep aid cuts threaten millions worldwide.

Si la contraction des financements américains a profondément fragilisé l’architecture de la santé mondiale, les réductions budgétaires européennes, bien que réelles, restent plus progressives. En France : la loi de finances 2025 prévoit une réduction de 35 % de l’aide publique au développement (APD). En Suisse, les autorités ont annoncé la fin des programmes de coopération en Albanie, au Bangladesh et en Zambie d’ici 2028. En Allemagne, le budget de la coopération est passé de $13.8Mds en 2023 à $10.3 Mds en 2025, contraction justifiée par le rééquilibrage des priorités au profit de la défense.

[216] La France a conclu des accords avec les pays d’émigration pour mener une gestion cohérente des flux migratoires, adaptée aux besoins des pays signataires et au profil migratoire du pays partenaire. Une soixantaine d’accords bilatéraux signés par la France dans le champ du séjour et du travail sont actuellement en vigueur.

[217] Qatar Visa Check (2025), Qatar Visa Medical Test 2025: The Complete Guide

[218] Migrant Workers and Overseas Filipinos Act, RA 8042 amendée par RA 10022, Congress of the Philippines (2010), Republic Act No. 10022

[219] Convention de sécurité sociale entre la France et le Maroc, signée le 22 octobre 2007 (remplaçant l’accord du 9 juillet 1965) et entrée en vigueur en 2011.

[220] Banque Mondiale (2016), Assessing Benefit Portability for International Migrant Workers: A Review of the France-Morocco Bilateral Social Security Agreement

[221] Le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières (2018) reconnaît le droit de tous les migrants, quel que soit leur statut, à l’accès aux services de base, dont la santé (objectif 15). Accord intergouvernemental non contraignant, il fixe un cadre de référence sans valeur juridique, laissant la mise en œuvre à la discrétion des États : seuls environ la moitié garantissent un accès effectif et égal aux soins.

[222] Fond Mondial (2025), Results Report 2025

[223] GAVI (2024), Gavi progress report 2024

[224] La somme des économies des 27 États membres de l’UE a représenté un produit intérieur brut en prix courants de 17 941,8 milliards d’euros en 2024.

[225] Touteleurope.eu (2025), [Carte] Le PIB des pays de l’Union européenne

[226] Commission Européenne (2022), Corps médical européen – Fiche info

[227] Le déploiement est coordonné par le Centre de coordination de la réaction d’urgence de l’UE, le centre opérationnel du mécanisme de protection civile de l’UE. Les équipes sont formées pour travailler avec des collègues d’autres pays et conformément aux lignes directrices internationales. Le Corps est composé a/ d’équipes médicales d’urgence qui fournissent des soins médicaux directs aux personnes touchées par une catastrophe ; b/ des laboratoires de biosécurité mobiles (la Belgique et l’Allemagne ont par exemple mis à contribution respectivement le laboratoire « B-Life » (laboratoire biologique léger de terrain pour les urgences) et le laboratoire mobile européen, coordonné par l’Institut de médecine tropicale Bernhard-Nocht) ; c/ les capacités d’évacuation médicale, fondamentales lors de catastrophes faisant un grand nombre de victimes et exigeant l’évacuation des citoyens de l’UE et, au besoin, le rapatriement des travailleurs humanitaires et des équipes médicales des zones sinistrées.   

[228] Data.europa.eu (2025) Health and well-being in the EU: Investing where it matters

[229]Sénat (2025), Aide médicale d’État

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