Monkeypox et l’héritage du sida : lutter contre la stigmatisation, lutter contre le virus

Monkeypox et l’héritage du sida : lutter contre la stigmatisation, lutter contre le virus
Publié le 30 août 2022

Quel discours de prévention construire lorsqu’émerge une épidémie dont le principal facteur de risque est d’être un homme ayant des relations sexuelles avec de multiples autres hommes ? Pour les pouvoirs publics, les dilemmes de la communication sur monkeypox cet été rappellent durement ceux affrontés avec le VIH/sida il y a trente ans. Le risque de stigmatiser une communauté déjà exposée à la LGBTQphobie entrave l’émergence d’un discours politique clair de haut niveau pour dire l’urgence à laquelle cette communauté fait face et accélérer la mobilisation. Pourtant, la demande des associations est claire : sans discours politique explicite sur les facteurs de risque, on se prive des leviers d’action nécessaires pour tenter de contrôler cette épidémie et freiner sa sortie hors d’une communauté qui s’offre elle-même à servir de rempart, pour peu qu’on ne la laisse pas seule face à l’urgence.

L’épidémie de monkeypox (ou variole du singe), ce sont aujourd’hui près de 45.000 cas recensés dans 96 pays, dont la France avec près de 3.500 cas signalés. Les Etats-Unis et l’Europe sont particulièrement touchés, avec une inquiétude singulière sur la circulation virale européenne, qui représente plus d’un tiers des cas recensés.

Source: WHO, European CDC, US CDC, and Ministries of Health

Depuis mai 2022, lorsqu’ont été signalés des cas de transmission sans lien direct avec un voyage en zones endémiques (Afrique du Centre ou de l’Ouest), l’épidémie concerne un nombre croissant de pays et la maladie fait l’objet d’une surveillance renforcée. Dans les pays non endémiques, les cas sont identifiés principalement chez des hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH) âgés de 18 à 50 ans. Selon la dernière évaluation de l’organe de surveillance épidémiologique européen, l’ECDC, la probabilité que l’épidémie se propage davantage dans l’Union européenne dans les réseaux de personnes ayant des partenaires sexuels multiples est considérée comme élevée, mais la probabilité d’une diffusion en population générale est jugée très faible. 

Le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé a déclaré une urgence de santé publique de portée internationale le 23 juillet 2022 (la France recensait alors 1.800 cas, et les pays des zones non-endémiques 17.000, soit un nombre très voisin de celui des cas de COVID-19 lors de sa déclaration comme USPPI le 30 janvier 2020). Aussitôt, il a fait part de son inquiétude que cette épidémie, parce qu’elle se diffuse essentiellement dans les communautés HSH, nourrisse la stigmatisation et l’homophobie :

« Bien que je déclare une urgence de santé publique de portée internationale, pour le moment, il s’agit d’une épidémie qui est concentrée chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes, en particulier ceux qui ont de multiples partenaires sexuels. Cela signifie qu’il s’agit d’une épidémie qui peut être arrêtée avec les bonnes stratégies dans les bons groupes.

Il est donc essentiel que tous les pays travaillent en étroite collaboration avec les communautés d’hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes, afin de concevoir et de fournir des informations et des services efficaces, et d’adopter des mesures qui protègent la santé, les droits de l’homme et la dignité des communautés touchées. La stigmatisation et la discrimination peuvent être aussi dangereuses que n’importe quel virus ».

Un diagnostic précoce, l’isolement des personnes identifiées porteuses du virus, le traçage le plus efficace possible des contacts, et des stratégies de communication de prévention et de vaccination ciblées sur les groupes à haut risque sont essentiels pour espérer contrôler efficacement cette épidémie. Dans tous les pays touchés, et tout particulièrement en France, la diffusion concentrée du virus dans la population HSH est à la fois un atout et un handicap pour les pouvoirs publics chargés de l’endiguer. Ils se retrouvent en effet sur une ligne de crête : d’un côté, cela signifie que des stratégies de prévention ciblées, construites avec les associations représentant les personnes à risques, ont de forts atouts pour être efficaces en comparaison d’un risque qui serait plus diffus ; de l’autre, le facteur de risque à cibler est aussi un facteur de fragilité face à la discrimination, le ciblage des stratégies de prévention et de la communication publique étant perçu comme dangereux, stigmatisant, potentiellement contre-productif voire non-éthique.

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Ce débat sur les mérites et les risques du ciblage de la prévention, qui s’amplifie chez les experts, militants et acteurs publics depuis la fin du mois de juillet dans notre pays, est un dilemme que l’histoire de la lutte contre le VIH a déjà largement cartographié dans les années 1990. Fallait-il, alors que l’urgence concernait les HSH et les usagers de drogues, porter un discours public de prévention « universaliste » selon lequel le sida pouvait concerner tout le monde ? Un tel discours, devenu par la suite légitime avec une circulation virale de plus en plus diffuse en population générale, ne correspondait ni à la réalité épidémiologique, ni à l’urgence du danger pour les HSH, ni à la stratégie la plus efficace pour contenir l’expansion de la maladie et l’empêcher de déborder dans le reste de la population. Pour les associations de lutte contre le sida, et pour Aides en particulier aujourd’hui en première ligne face à l’épidémie de monkeypox, la hiérarchie des risques est sans appel : les pouvoirs publics auraient tort d’amoindrir l’efficacité de la réponse par crainte de nourrir la stigmatisation à l’égard des groupes à risque.

Une épidémie qui se diffuse très vite

A ce jour, au niveau mondial moins de 10% des cas (et 3% en France selon Santé publique France) ont entraîné une hospitalisation, et 13 décès dus à la maladie ont été répertoriés dans le monde au 25 août. Les patients rapportent des douleurs majeures, auxquelles s’ajoute l’épreuve psychologique de la crainte de la stigmatisation engendrée par le caractère visible des vésicules et par un isolement de vingt-et-un jours. Le temps de doublement du nombre de cas est actuellement estimé par l’agence de santé britannique à 24 jours.  Même s’il s’agit d’un virus à ADN que l’on sait beaucoup plus stable vis-à-vis des mutations génétiques que les virus à ARN (comme les coronavirus), les signaux de mutation génétique du virus (variants) motivent une surveillance majeure. Les experts ont noté que la souche virale circulant en Europe, identifiée en premier par les Portugais, présente un nombre assez important de mutations pour un virus à ADN par rapport aux deux clades décrits en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. En parallèle, on observe une importante mutation de la présentation clinique de la maladie, sans qu’elle soit à ce jour corrélée à des mutations virales. Surtout, le virus est susceptible de se frayer un chemin dans d’autres réseaux densément connectés où il peut se propager.

Les personnes infectées sont majoritairement des hommes, et majoritairement des hommes ayant des relations sexuelles avec de multiples autres hommes. En France, Santé publique France indique que sur 2.889 cas signalés au 18 août, 34 seulement sont des femmes et 7 des enfants. Parmi les cas pour lesquels l’orientation sexuelle est renseignée, 95% sont survenus chez des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes et, parmi les cas pour lesquels l’information est disponible, 71 % déclarent avoir eu au moins 2 partenaires sexuels dans les 3 semaines avant l’apparition des symptômes. Ces proportions correspondent aux signalements étudiés à l’échelle mondiale. Notons que l’on peut écarter en la matière un biais de surveillance lié à un dépistage plus actif chez les HSH, en comparant les taux de positivité selon les différentes populations dépistées. L’OMS souligne cependant une tendance à la baisse de la proportion d’hommes HSH parmi les cas.

Les modes de transmission

Le monkeypox était considéré avant mai 2022 comme peu efficace pour se transmettre d’un humain à un autre. Il a été identifié il y a plusieurs décennies dans certains pays africains, où des rongeurs (et non des singes !) sont porteurs du virus, mais il a très peu circulé en Occident jusqu’à l’épisode actuel. Des épisodes précédents survenus à Singapour, en Israël, aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne avaient tous été rapidement maîtrisés : les contacts étroits de peau à peau qui permettent que le virus se transmette devaient être suffisamment rares. La situation actuelle a pour spécificité que le virus utilise pour se diffuser une population dont les pratiques lui sont probablement favorables : les hommes qui ont beaucoup de partenaires sexuels masculins sont plus vulnérables.

Certes, la variole du singe peut infecter n’importe qui. Et le consensus scientifique retient que les modes de transmission possibles incluent le fait de toucher un objet manipulé par une personne infectée ou une conversation en face-à-face prolongée et possiblement une transmission par voie aérosol également. La transmission survient par contact physique étroit avec des animaux ou des humains, leurs liquides organiques, des gouttelettes contaminées provenant de sécrétions respiratoires ou de lésions cutanées infectées. Elle se fait aussi indirectement par l’intermédiaire de matières contaminées (objets inanimés tels que les draps, les serviettes et les surfaces dures qui peuvent être chargés de particules virales infectieuses). Mais, à ce stade, ces autres modes de transmission paraissent marginaux au regard de contacts intimes, très étroits et prolongés lors de relations sexuelles – et ce, à l’heure actuelle au sein du véritable « incubateur » que représente la population HSH. Les contacts familiaux étroits des personnes atteintes ont rarement été soupçonnés jusqu’à présent, laissant penser que le virus reste peu contagieux en dehors de conditions de grande promiscuité.

Les morsures d’animaux et la consommation de viande représentent des modes de transmission fréquents dans les zones endémiques. Les infections secondaires – jusqu’à l’épidémie 2022 – entre proches non vaccinés surviendraient dans environ 12,3 % des contacts familiaux et 3,3 % avec le reste de la population. Le taux de transmission (R.0) se situerait entre 1.10 et 2.40.

Il faut cependant rester ouvert vis-à-vis des modes de transmission et retenir les leçons récentes de la pandémie de COVID-19. Il n’est pas impossible par exemple qu’une partie des contaminations au sein même des communautés HSH aient eu lieu par voie aérosol dans des bars ou des clubs. Des modèles animaux ont montré que des contaminations par voie générale pouvaient engendrer des lésions génitales, qui ne sont donc pas uniquement liées, dans le cas du monkeypox, à la voie d’inoculation du virus.

La crainte de stigmatiser les HSH paralyse la prévention

Pour Antoine Flahault et Laure Dasinières, « ce qui est particulièrement affligeant dans cette épidémie, c’est l’absence quasi-totale de politique de santé publique qui s’y rattache. Un peu partout en Europe, les autorités de santé semblent avoir abdiqué dans cette affaire, laissant les patients se débattre seuls avec leurs cliniciens ».

De fait, les responsables de la santé publique, à l’échelle internationale aussi bien que dans chaque pays mobilisé dont la France, ont hésité depuis mai sur la façon de parler de cette épidémie et de nommer le risque spécifique chez les HSH. La crainte de stigmatiser une communauté exposée au péril homophobe gouverne un discours public frileux au point de rester souvent vague.

Il est clair que la problématique, au niveau mondial, doit intégrer la réalité des menaces homophobes, la faiblesse, dans de nombreux pays, de la protection contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle – voire la criminalisation des rapports sexuels consentis entre adultes de même sexe :

Source : ILGA, https://ilga.org/maps-sexual-orientation-laws

Le risque de stigmatiser la communauté HSH par une communication monkeypox trop explicitement ciblée a occupé les pouvoirs publics ces dernières semaines. Comme le déclarait début août François Beck, directeur de la prévention à Santé publique France, devant la commission des affaires sociales du Sénat, « Santé publique France a été très sensible, dès le début de l’épidémie, à la question des discriminations possibles à l’égard de la population LGBT. Nous avons ciblé cette population dans notre communication, mais sans jamais l’évoquer, pour limiter au maximum les amalgames. De manière générale, notre objectif est de faire évoluer dans le bon sens les recommandations adressées à l’ensemble de la population ». Comme pointé par Gilles Pialoux, le risque d’une récupération politique homophobe a pu peser en faveur de cette retenue.

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De fait, s’il est vrai que le mini-site de Santé publique France sexosafe.fr dédié à la sexualité entre hommes propose des informations ciblées de réduction des risques monkeypox et est reconnu comme une référence par les associations, pour autant, au 24 août, la page du ministère de la santé consacrée à la variole du singe ne donne aucune indication de groupe à risque. Il ne s’y trouve aucune information quant à des facteurs de risque, et la diffusion dans la communauté HSH n’est pas même évoquée.

L’héritage du sida

Face à une maladie transmissible qui se diffuse actuellement dans des groupes à risque spécifiques, l’efficacité de la prévention suppose de discriminer positivement les groupes qui sont le plus à risque en les informant davantage et en leur offrant en priorité les services de prévention les plus appropriés. La distribution inégale des facteurs de risque dans la population impose que les pouvoirs publics ciblent les communautés les plus à risque par un accès privilégié au dépistage, à la vaccination et aux traitements, mais aussi par des messages de prévention qui leur soient spécifiquement adressés, des stratégies de diffusion de l’information adaptées aux réseaux concernés, et, en population générale, une communication assumée sur la nature des comportements à risque.

Face au VIH, ce ciblage de la communication en direction des HSH a donné lieu à un véritable dilemme pour les pouvoirs publics à la fin des années 1980 et pendant la décennie 1990. Après des années de silence, la communication publique a plutôt fait le choix de prévenir la stigmatisation des HSH, au risque de diluer les messages, en portant un discours universaliste : on pense bien sûr à la campagne « le sida, il ne passera pas par moi » diffusée en population générale en 1987. La politiste Monika Steffen, dans une analyse comparative entre différents pays d’Europe, a montré que les pays ayant davantage ciblés leur prévention que la France n’ont pas connu de phénomènes d’intolérance plus forts. Elle souligne : « Logiquement, la situation épidémiologique aurait dû conduire à concentrer les efforts de prévention sur des actions soigneusement ciblées en fonction des populations et des territoires les plus atteints. Or les choix politiques ont été exactement l’inverse, privilégiant les campagnes générales visant toute une population sexuellement active.  La crainte d’une stigmatisation sociale confondue avec le souci de sensibiliser la population a conduit les pouvoirs publics à s’adresser à tous ».

Or les associations de lutte contre le sida ont dans leur ensemble d’emblée critiqué cette stratégie d’universalisation artificielle du risque, non conforme à la réalité épidémiologique et à l’urgence de la situation singulière de la communauté gay. Loin de privilégier le risque de stigmatisation homophobe dont ils seraient les premières victimes, ces militants ont réclamé au contraire une communication d’alerte ciblée sur les HSH. La question du ciblage sera même au centre de l’opposition entre les associations et l’Agence française de lutte contre le sida (AFLS), les associations soulignant que le ciblage présenterait une efficacité supérieure à l’indifférenciation pour faire changer les comportements.

Le dilemme du ciblage de la communication de prévention sur le VIH a profondément frappé les acteurs publics en charge du sujet, qui gardent le souvenir d’une aporie et restent marqués par l’incompréhension qui entravait alors leur dialogue avec les militants de la lutte contre le sida. Citons un ancien responsable de l’AFLS, qui décrit un vrai dialogue de sourds avec les associations : ce qu’elles demandaient, « c’était par exemple de mettre des homosexuels en scène, en grand écran, mettre des Africains sur l’écran de télévision. C’était vraiment un sujet de bataille insensé et on avait beau leur dire : « vous allez les désigner, il va y avoir des réactions de rejet, on va redynamiser les voix autour du Front national », à chaque fois ils nous disaient : « si vous montriez la réalité, ça ferait changer les gens » ».

Pour tenter de contrôler l’épidémie de monkeypox tant qu’elle ne représente que quelques milliers de cas sur le territoire national, les personnes les plus vulnérables à l’infection doivent disposer d’informations qui leur permettent de prendre les bonnes décisions. Les stratégies de communication qui sont pertinentes sont bien connues d’une agence comme Santé publique France. Elles supposent un ciblage des messages en direction des réseaux concernés, mais aussi d’assumer un discours politique qui désigne clairement les facteurs de risque en population générale. A l’inverse, l’universalisation du message, si elle modère le risque de stigmatisation, dilue la capacité des autorités à afficher l’urgence de la situation, entrave la mobilisation des acteurs et distord la perception du risque aussi bien pour ceux qui sont en danger que pour ceux qui ne le sont pas.

Vaccination

Face au monkeypox, si certaines associations LGBTQ+ appellent aujourd’hui d’abord à la vigilance face au risque de stigmatisation, Aides en revanche est mobilisée pour défendre le ciblage des moyens de prévention. Le ciblage de la communication, en premier lieu, puisque, rappelle sa présidente, « plus la communication est ciblée, plus elle est précise et efficace ». Mais aussi le ciblage de l’accès accéléré à la vaccination.

Sur ce chapitre, les autorités font face aux critiques des associations, qui considèrent que le rythme actuel est insuffisant et que la mobilisation des ARS n’a pas atteint un régime suffisant. Là encore, la question du ciblage est cruciale. A l’heure actuelle, outre la vaccination post-exposition des cas contacts, les populations que la Haute autorité de santé a définies comme cibles de la vaccination prophylactique sont : « les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes rapportant des partenaires sexuels multiples (sans précision de délai ni de nombre) ; les personnes trans rapportant des partenaires sexuels multiples ; les travailleurs-ses du sexe ; les professionnels exerçant dans les lieux de consommation sexuelle ».

Si le ciblage de la liste est donc explicite, les associations déplorent en revanche, dans un communiqué commun du 17 août, une cadence largement insuffisante ; alors que la population cible est, au minimum, selon l’évaluation des autorités, de 250.000, ce sont à l’heure actuelle moins de 40.000 personnes qui ont reçu leur première dose, soit, au rythme actuel, une population cible qui ne sera couverte qu’à la fin décembre, et avec une seule dose de vaccin au lieu de deux. Les associations n’hésitent alors pas à revendiquer la nécessité de contenir l’épidémie dans la communauté HSH aujourd’hui touchée, et à brandir le risque d’une sortie de l’épidémie hors de cet « incubateur », protecteur pour la population générale, qu’elles assument finalement de représenter : « A cette date, et à ce rythme, il est sûr qu’il y aura bien plus de cas en dehors du groupe actuellement le plus touché. L’épidémie sera hors de contrôle ». Pour ces associations, il faut passer aujourd’hui de 15.000 vaccinations hebdomadaires à près de 40.000 si l’on veut contenir la circulation virale. De fait, on ne connaît pas de maladies qui se cantonneraient à un segment de la société, pas de maladies qui resteraient chez les HSH. Il y a davantage de contaminations chez les hétérosexuels aujourd’hui par le VIH que chez les hommes homosexuels. A terme, il est donc probable que d’autres segments de la population soient atteints, si le virus continue à se propager et qu’on n’arrive pas à endiguer à temps sa propagation.

Là encore, la mobilisation de moyens ciblés sur les facteurs de risque reste une arme sous-utilisée ; les associations évoquent en particulier les opportunités que constitueraient les événements festifs de la communauté HSH à venir. Pour elles, le flou maintenu par les autorités sur l’urgence du risque qui frappe spécifiquement la communauté HSH signale un défaut d’appréciation. Si balance des risques il doit y avoir, celui d’une circulation virale incontrôlée, ne peut que l’emporter sur le désir de garder les mains blanches face à un risque de stigmatisation sur lequel, au demeurant, aucun moyen de recherche ou d’évaluation visibles n’a été déployé ; comme face au VIH dans la décennie 1990, et comme face au Covid-19 (voir la conclusion de notre interview récente d’Antoine Flahault), la faiblesse des outils d’évaluation des risques sociétaux, en sciences du comportement et en sciences de la communication, conduit les autorités à atténuer la force de la réponse au risque sanitaire au lieu de renforcer les moyens spécifiques de minimisation des risques socio-politiques corrélés.

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Mélanie Heard

Responsable du pôle Santé de Terra Nova