Pour des protections sociales durables

Pour des protections sociales durables
Article 3/3 du dossier
Publié le 24 février 2022
  • Président de la Fédération Nationale de la Mutualité Française
Dans cette série de trois articles publiés simultanément par Terra Nova, les auteurs proposent leurs analyses des grands défis auxquels devra faire face notre système de santé et de protection sociale dans les prochaines années. Ils interrogent l’avenir de notre système de soins solidaire à la lumière notamment des enjeux soulevés dans le cadre de la campagne présidentielle. Retrouvez-ci dessous la contribution de Eric Chenut et les liens vers les deux autres articles de la série.

Notre système de protection sociale, une institution majeure de notre société qui représente près d’un tiers de notre PIB et qui réduit sensiblement les inégalités de revenus, est menacé par des évolutions qui pèseront sur sa soutenabilité. Son rôle sociétal potentiel dépasse sa capacité d’amortisseur social en cas de crises et de réduction des écarts de revenus. Pour intégrer l’ensemble des enjeux, faire face aux nouveaux risques qui touchent la population et adapter notre système, il nous faut collectivement et démocratiquement en débattre. Les sujets de financement et de solidarité intergénérationnelle doivent prendre place dans ce débat. C’est aussi à l’aune du champ prospectif des protections sociales durables que la question du périmètre d’intervention des mutuelles et de leur articulation avec l’intervention publique doit être posée.

1. Des facteurs de risques accrus et renouvelés

La soutenabilité du système de protection sociale est remise en question par un ensemble de facteurs. Certains, déjà identifiés, devraient s’aggraver tandis que d’autres sont émergents. En l’absence de mesures correctrices, cette situation pourrait conduire à un renforcement des inégalités sociales en matière de santé qui sont d’ores et déjà marquées, avec un écart entre l’espérance de vie des cadres et celle des ouvriers qui est de 6,4 ans pour les hommes et 3,2 ans pour les femmes (INSEE, 2016).

Transition démographique

Les projections démographiques concluent pour la France à une augmentation de la part des personnes âgées dans la population pour les prochaines décennies. L’espérance de vie devrait s’accroître mais le temps de vie avec incapacité devrait pour sa part augmenter plus rapidement, ces deux phénomènes provoquant une hausse sensible des besoins de santé des aînés.

Des besoins qui, comme aujourd’hui, découleront du développement des incapacités liées à l’âge (vision, audition, mobilité…) et des maladies chroniques (cancers…). Le poids de ces maladies dans les dépenses de santé, notamment en lien avec des facteurs relevant de la santé environnementale, devrait s’accroître et l’augmentation de la longévité s’accompagner d’une multiplication des cas de perte d’autonomie.

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Par ailleurs, la crise sanitaire actuelle a permis une prise de conscience plus large des enjeux de la santé mentale, à la fois sous l’angle de l’importance du phénomène et des dysfonctionnements de leur prise en charge. En France, l’unité de recherche clinique en économie de la santé estime à près de 6,7 % du PIB, le coût des maladies psychiatriques en 2018, dont près de 80 % de coûts indirects (perte de qualité de vie, temps de travail payé et non réalisé).

Au-delà du champ de la santé stricto sensu, les protections sont encore trop faibles dans certains domaines, notamment en matière de perte d’autonomie. C’est aussi le cas, plus largement, de la prévoyance. L’absence de protection sociale complémentaire dans ce domaine entraîne des pertes de revenus, un manque de ressources et des pertes de chance pour les personnes concernées et leurs enfants, qui ne leur permettent plus de faire face à leurs dépenses courantes, et potentiellement peuvent également avoir de lourdes conséquences financières sur l’avenir et l’éducation de leurs enfants. L’observatoire de l’imprévoyance publié par le Groupe VYV a estimé à 13 milliards d’euros le coût annuel lié à l’ensemble de ces pertes.

Au total, le vieillissement de la population et l’accroissement des maladies chroniques appellent une réflexion collective sur les formes de solidarité les plus adéquates pour couvrir les risques maladie et dépendance et, plus largement, pour financer les conditions du « bien vieillir ». Cette réflexion doit évidemment inclure les besoins des populations jeunes, dont les niveaux de couvertures santé et prévoyance sont faibles, alors que dégradation potentielle de leur état aura des conséquences tout au long de leur vie.

Transition environnementale

L’OMS retient une définition extensive de la santé environnementale qui inclut tous les aspects de la santé humaine, y compris la qualité de la vie, notamment ceux déterminés par des facteurs physiques, chimiques, biologiques, sociaux. Selon cette organisation, la santé environnementale « concerne également la politique et les pratiques de gestion, de résorption, de contrôle et de prévention des facteurs environnementaux susceptibles d’affecter la santé des générations actuelles et futures ».

Cette définition recouvre l’ensemble des effets sur la santé dus à des facteurs extérieurs à la personne ou à des facteurs comportementaux (par opposition à des facteurs génétiques) : la qualité des milieux (pollution de l’air, nuisances sonores, insalubrité…) ; les activités humaines (pollution de l’air, accidents domestiques…) ; les conditions de vie avec les expositions liées à l’habitat et à l’activité professionnelle ; les comportements individuels (tabagisme passif, malbouffe, sédentarité…).

Selon la littérature scientifique (cf. determinantsofhealth.org), la santé environnementale expliquerait deux-tiers des déterminants de santé : 36% au titre des facteurs comportementaux, 24% pour les aspects socioculturels et 7% pour les facteurs environnementaux au sens strict. Les facteurs génétiques et le système de soins expliqueraient respectivement 22% et 11%.

Durant les dernières décennies, les conditions de travail se sont améliorées mais pas uniformément. Les accidents de travail ont reculé mais pas les maladies professionnelles. Par ailleurs, le développement des pathologies psychiques questionne davantage la frontière entre les champs professionnel et personnel. A l’avenir, l’intégration des nouvelles technologies aura des effets probablement contrastés, pour certains positifs mais une intensification du travail est à craindre.

Parmi les facteurs environnementaux se dégagent ceux liés au changement climatique, dont les effets sur la santé sont nombreux (cf. « L’évolution des besoins en santé dans les décennies qui viennent » – Note Terra Nova novembre 2018) : impacts matériels et humains liés à l’intensité et la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes ; effets de nature épidémiologique ; conséquences sur la sécurité alimentaire. Pour répondre à ces enjeux, l’action collective devra à la fois s’attacher à réduire l’intensité du changement climatique et mettre en œuvre des mesures pour en limiter les impacts.

Le traitement de ces problématiques appelle des approches multidimensionnelles, impliquant une diversité d’acteurs. L’aspect curatif ne constitue qu’une partie des réponses, au côté d’efforts de prévention et d’évolutions de la règlementation. Face à certains risques, compter sur les changements de comportements individuels ou des progrès thérapeutiques sera d’un faible secours.

Du point de vue de l’anticipation des impacts sur la soutenabilité financière du système de protection sociale, les conséquences de la dégradation de l’environnement sur la santé apparaissent incertaines. Il est encore difficile d’estimer à ce jour l’ensemble des effets liés à ces nouveaux risques. D’autant que parallèlement, les progrès de la science en matière de prévention et traitements médicaux sont impressionnants.

Transition numérique

La transition numérique impacte tous les compartiments de la vie des Français, dans l’organisation et le recours aux datas, l’intelligence artificielle, en particulier dans le domaine de la santé. Innovation en matière de soins (chirurgie, dispositifs médicaux…), amélioration du partage de l’information entre professionnels et patients, télémédecine, prévention, accompagnement… les bénéfices attendus sont potentiellement considérables, comme le sont également les risques d’un inégal accès à ces bénéfices (illectronisme, zones blanches…). Ces évolutions doivent être accompagnées pour se traduire en progrès partagés pour tous, notamment pour permettre une meilleure personnalisation. En revanche, l’individualisation du risque serait mortifère pour les solidarités et la cohésion sociale.

Territoire, famille, d’autres transitions sont à l’œuvre

La population mondiale vit de plus en plus et déjà majoritairement dans les villes. Estimée à environ 55% de la population mondiale aujourd’hui, la population en ville devrait passer à 68% d’ici 30 ans. Ce phénomène s’observe aussi en France. Cela pose d’importants problèmes de logements, de transports et de mises à disposition des services nécessaires pour maintenir une qualité de vie décente, avec des impacts en termes de santé et de prévoyance. S’y ajoute l’effet de concentration face à des risques de catastrophes naturelles.

Alors que 7,4 millions de Français résident dans un désert médical et que les délais pour accéder à certains médecins s’allongent, les inégalités géographiques en matière d’accès aux soins menacent la santé de la population et la cohésion sociale du territoire.

L’évolution des modèles familiaux modifie la situation des individus face aux risques de santé et de prévoyance. Les familles monoparentales et les personnes isolées sont davantage exposées.

2. Des conditions de financement questionnées

Les facteurs génétiques ne comptant que pour 22 % des déterminants de santé, il est possible de jouer sur les comportements par la connaissance, l’information, ainsi que sur les autres déterminants de santé. Il s’agit là d’enjeux de société majeurs. Quels objectifs en matière de bien-être physique et psychique souhaitent-on collectivement se fixer ? C’est pour permettre l’émergence de ces préférences sociales que nous misons sur un renouveau des espaces de la démocratie sanitaire. Les questions financières sur les niveaux et la répartition des financements sont la résultante de ces choix.

Solidarité intergénérationnelle

Malgré le rôle d’amortisseur joué par la protection sociale durant les dernières crises, nombre de Français n’en ont pas une perception positive. L’idée s’est diffusée qu’elle serait trop coûteuse. Elle est perçue comme une charge et non comme un investissement social et solidaire. A l’inverse, les externalités positives qu’elle délivre par la redistribution induite ne sont pas mesurées dûment ou appréciées.

La dimension sociologique de ce phénomène s’accompagne d’interrogations plus économiques sur les équations générationnelles et sociales complexes qui se posent d’ores et déjà et que les évolutions démographiques vont contribuer à rendre plus prégnantes encore : comment organiser un soutien nécessaire aux jeunes générations alors mêmes que les besoins des générations âgées s’accroissent, à la fois en matière de santé mais aussi de prises en charge de la perte d’autonomie ? Comment organiser la solidarité entre populations en capacité de se financer et celles qui ne le sont pas ?

Evolution des modes productifs

A modèle constant, le financement de la protection sociale devrait à l’avenir subir l’impact de l’évolution des modes productifs et des emplois notamment sous l’effet de deux facteurs : une augmentation possible de l’auto-entrepreneuriat et du travail indépendant, au détriment du salariat, et les changements impliqués par la transition écologique.

Financement de la protection sociale et PIB

La pondération des composantes du financement de la protection sociale a fortement évolué au cours des dernières décennies avec une montée en puissance de la CSG, et dans une moindre mesure la CRDS, contributions qui ne reposent pas seulement sur l’activité mais aussi sur le patrimoine. Toutefois, ce financement demeure très dépendant du revenu des actifs.

Au cours des trente dernières années, les grandes phases de déficit de la sécurité sociale sont essentiellement dues à des chutes massives de la production et au chômage de masse. C’était le cas avec la forte hausse du chômage au cours de la période 1993 – 1996 et lors de la récession économique engendrée par les conséquences de la crise financière de 2008. C’est le cas encore en 2020, avec la crise sanitaire liée au Covid, avec un recul marqué des recettes en raison de la mise sous cloche de l’économie et une hausse exceptionnelle des dépenses.

La protection sociale est placée dans un schéma qui paraît inextricable : à poids constant des prélèvements obligatoires dans le PIB, les financements supplémentaires pour faire face à la hausse des besoins sociaux nécessitent une croissance économique dynamique. Or, une part de ces besoins supplémentaires découle des effets de la croissance économique. A l’avenir, il apparaît décisif de décorréler le financement de la protection sociale de la croissance économique telle qu’elle est aujourd’hui mesurée et s’interroger sur son assiette de financement qui repose très largement sur les revenus d’activités. Il faut également poursuivre les réflexions sur de meilleurs indicateurs qui rendent compte d’un ensemble d’externalités de l’activité économique sur le bien-être des populations.

3. Quel périmètre d’activité pour les mutuelles ?

Pour un large débat sur l’avenir de la protection sociale

Répondre aux enjeux auxquels le système de protection sociale est confronté, et qui remettent en cause sa soutenabilité même, implique de faire des choix de société. Seul un large débat réunissant l’ensemble des parties prenantes le permettra. Quels sont les risques que nous souhaitons solvabiliser ? Quelles populations veut-on protéger ? Accepte-t-on d’y consacrer une part plus importante de notre richesse nationale ? Se pose ensuite la question de la répartition de la prise en charge financière : socialisée avec la couverture assurée par la Sécurité sociale, mutualisée avec les mutuelles ou revenant aux familles ?

Le débat doit porter sur le sens même de la protection sociale, sur les objectifs qu’on lui assigne, avec, au-delà d’une fonction d’amortisseur social en situation de crise et de réduction des inégalités, la perspective de son rôle en matière de cohésion sociale et d’émancipation individuelle et collective.

Le débat doit aussi porter sur des questions techniques. En matière de santé, la répartition de la prise en charge financière du panier de soins entre les différents intervenants est à considérer dans le détail.

Dans une situation où préexistent des dépassements tarifaires, et des dépenses non couvertes par la Sécurité sociale comme la chambre particulière à l’hôpital, séparer strictement les domaines d’intervention de l’assurance maladie obligatoire et des complémentaires santé créé les conditions d’une assurance privée devenue supplémentaire, non mutualisée, inflationniste et de facto non accessible financièrement à une partie de la population, avec la perspective d’une médecine à deux vitesses.

C’est bien parce qu’aujourd’hui la prise en charge des complémentaires santé est étendue à l’ensemble des soins que la couverture de la population est généralisée et qu’une mutualisation des risques est possible. Dans la mesure où, pour raisons qui tiennent à la fois à l’absence de plafonnement de certains tarifs et à des contraintes de financement public, le remboursement des dépassements tarifaires par la Sécurité sociale n’est pas envisagé, de nombreuses voies d’évolution de l’articulation entre l’assurance maladie obligatoire et les complémentaires santé viennent buter sur cet écueil. C’est le cas de la prise en charge de la totalité du ticket modérateur par la Sécurité sociale ou d’un bouclier sanitaire qui viendrait écrêter le reste à charge sur la dépense remboursable mais qui laisserait de côté tous les dépassements tarifaires et les dépenses sur lesquelles la Sécurité sociale n’intervient pas. Si les mutuelles intervenaient au premier euro dans certains domaines, comme l’optique, et étaient exclues de toutes autres prises en charge, seules les personnes directement concernées à un moment donné s’assureraient. C’est bien les conditions même d’une large mutualisation qui sont en cause.

Le système mixte actuel permet de combiner une composante de redistribution marquée avec l’AMO, qui repose sur un financement progressif et des prestations indépendantes du revenu, tandis que les mutuelles mutualisent le risque entre bien-portants et malades et apportent une forme de personnalisation de la couverture ainsi qu’une capacité d’innovation et d’adaptation.

Les mutuelles héritent d’ailleurs des défaillances de la prise en charge de l’AMO qui, avant intervention de l’AMC, laisse des restes à charge élevés, voire très élevés, en cas d’hospitalisation ou de maladies chroniques. Pour les retraités à revenu modeste, l’augmentation du poids de la santé dans leur budget sera à l’avenir problématique. Pour cette raison nous poussons à un renforcement de la solidarité entre les biens portants et les malades, par des mesures ciblant les besoins de soins, sans opposer les générations. Il faut agir sur le niveau des restes à charge élevés en modulant les prises en charge de l’AMO et de l’AMC et traiter des questions fiscales, notamment avec la mise en place d’un crédit d’impôt pour aider à la souscription d’une complémentaire santé.

Libérer les énergies

Ces dernières décennies, l’activité des complémentaires a fait l’objet d’un encadrement des garanties toujours plus marqué. La puissance publique s’en est par ailleurs remise aveuglément au principe de la concurrence par les prix sans en évaluer les effets. La segmentation des voies d’accès à la complémentaire a été accrue, au détriment des capacités de mutualisation. Pour répondre à l’évolution des besoins sociaux, il nous faut aujourd’hui changer de grille de lecture et desserrer le carcan normatif pour permettre aux mutuelles d’exprimer pleinement leur plus-value. Cela ne saura possible que si le large débat sur l’avenir de la protection sociale que nous appelons de nos vœux incorpore ces questions.

Dans un souci d’égalité, l’intervention de l’AMO en matière de conventionnement est uniforme. Mais les besoins dans les territoires n’étant pas identiques, les mutuelles ont un rôle à tenir avec les réseaux de soins. Les freins encore existants doivent être levés.

L’Etat n’est pas le seul garant de l’intérêt général. Il est même parfois défaillant comme en témoignent le creusement des inégalités géographiques en matière d’accès effectif aux soins, le sous-financement chronique du secteur hospitalier, l’absence de culture de santé publique.

Permettre aux mutuelles de contractualiser avec les offreurs de soins et de gérer le risque pose la question de leur accès aux données. Des marges de manœuvre sont nécessaires pour agir sur les coûts, l’orientation, l’accompagnement des assurés, pour que la pression concurrentielle se traduise par des actions positives pour les patients, en matière de pertinence des soins, de parcours, de dépenses. La frilosité sur cette question occasionne des pertes de chances. Il nous faut travailler sur les modalités d’accès en poussant la transparence, notamment en matière d’algorithme, et s’assurer que les données ne sont pas utilisées à l’insu du patient, que le consentement à la collecte est effectif, et garantir la sécurité des infrastructures. C’est un enjeu d’innovation essentiel.

Pour la Mutualité Française, il doit être accordé à la société civile davantage de place pour offrir de nouveaux droits. Il faut plus de démocratie en santé, notamment pour aborder la question des données et de l’intelligence artificielle.

La prévention, un enjeu décisif

La prévention est un rôle que les mutuelles ont depuis longtemps investi mais qui pourrait être davantage développé. En prévention primaire, le rôle de la puissance publique est important. Pour autant, les mutuelles sont autant de relais, de points d’appui sur le territoire, de politiques globales. Parties prenantes de ces politiques, les mutuelles doivent être associées à leurs définitions mais il faut aussi qu’une contrepartie financière soit déterminée.

En prévention secondaire, notamment dans le cadre professionnel, il faut trouver des moyens de généraliser l’implication des mutuelles. Cela pourrait passer par la fixation d’un taux de cotisation affectée aux actions de prévention, à l’image de ce qui se fait avec le « haut degré de solidarité ».

Mais il faut aussi que la prévention, comme l’ensemble des services des mutuelles qui ne relèvent pas des remboursements de soins, en matière d’action sociale ou de tiers-payant par exemple, ne soit pas comme aujourd’hui comptabilisée dans les frais de gestion, ce qui a pour effet mécanique de minorer leur taux de redistribution réel.

Pour la Mutualité Française, les considérations de bien-être et de santé doivent être intégrées dans l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation de toutes les politiques publiques et deux axes prioritaires doivent être empruntés : la petite enfance, tant les premiers mois sont essentiels pour le développement futur, et l’activité physique et sportive régulière tout au long de l’existence, condition impérieuse du mieux-être. La question de la santé mentale est également essentielle, les enjeux de prévention, de dépistage précoce, de déstigmatisation y jouant un rôle déterminant.

Autonomie, prévoyance, des risques insuffisamment couverts

La création d’une cinquième branche de la Sécurité sociale consacrée à l’autonomie est louable mais le niveau des financements n’est pas à la hauteur des besoins. La prise en charge du risque de perte d’autonomie relève d’une responsabilité collective et doit être avant tout supportée par la solidarité nationale. Si l’État ne peut en assumer l’intégralité du financement, une solution assurantielle pourrait être envisagée. C’est le sens de la proposition que la Mutualité Française a élaboré avec France Assureurs, qui vise une réduction significative du reste à charge et une couverture universelle de la dépendance lourde tout en restant financièrement soutenable pour les cotisants, avec une assurance dépendance associée au contrat santé, qui en assure la généralisation.

Jugés complexes, mal appréhendés, les risques qui relèvent de la prévoyance (arrêt de travail, invalidité, décès…) sont trop peu couverts, ce qui peut avoir des conséquences pénalisantes sur le quotidien des Français. Il faut sensibiliser les employeurs et les actifs au risque d’absence de couverture en prévoyance et développer les couvertures de prévoyance.

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Toutes ces nouvelles contraintes, tous ces défis, nous pouvons les transformer en autant d’opportunités pour faire évoluer notre système de protection sociale. Mais pour cela, il nous faudra étendre le champ de la démocratie en santé pour aborder collectivement ces sujets de société essentiels, pour faire vivre et évoluer notre modèle social, en concertation et en renforçant la participation de l’ensemble des parties prenantes.

Les enjeux de la protection sociale ne s’arrêtent pas à la solvabilisation de dépenses, aux versements de prestations. Facteur essentiel de cohésion, la protection sociale met en œuvre des choix de société, parfois anciens ou peu débattus. Ces options doivent être réinterrogés au regard des conditions et aspirations qui se font jours, notamment en matière d’émancipation – comment permettre à chacun de prendre les risques associés à ses choix? – et d’accompagnement.

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