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Série « Coronavirus »

Quel choix stratégique face au Covid ? Plaidoyer pour une stratégie d’endiguement

La réflexion stratégique dans la lutte contre le Covid-19 semble avoir perdu de vue une troisième voie : la stratégie d’endiguement connue en santé publique sous le nom de stratégie de « suppression ». Comme la mitigation, elle renonce à éradiquer complètement le virus, mais se fixe un objectif maximal de circulation virale, digue en-deçà de laquelle l’épidémie reste sous contrôle et permet au triptyque Tester/Tracer/Isoler de casser les chaînes de contamination. Si nous adoptions une telle stratégie, c’est ce seuil de circulation virale qui guiderait alors le choix des mesures adaptées pour réduire le nombre de contaminations en soutien à la campagne vaccinale, de façon à préserver nos intérêts sanitaires, économiques, sociaux et politiques. Cette stratégie implique tout d’abord d’atteindre ce seuil en maintenant le temps nécessaire de fortes mesures de restriction. Elle exige ensuite, pour se maintenir sous ce seuil, de combiner plusieurs instruments (vaccins, gestion des frontières, dépistage, traçage, isolement, sécurisation des espaces scolaires, pass sanitaire, télétravail, etc.). Pour qu’elle porte tous ses fruits, il serait bien sûr préférable qu’elle soit déployée à une échelle européenne.. C’est la position que défend Terra Nova dans ce rapport.
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Cette publication fait partie de Série « Coronavirus »

D’abord perçue comme une épreuve temporaire, la pandémie de Covid-19 s’est peu à peu installée dans la durée. Certes, la découverte en un temps record de plusieurs vaccins a laissé espérer une sortie prochaine du tunnel. Mais les difficultés d’approvisionnement, puis l’inquiétude face à l’apparition de nouveaux variants capables d’affaiblir leur efficacité ont rapidement tempéré cet optimisme. 
Confrontés à l’impatience des populations après plus d’un an de contraintes et de restrictions, les gouvernements européens hésitent aujourd’hui sur la stratégie à adopter. Doivent-ils se projeter dans un avenir où les vaccins auront bientôt triomphé du virus, ou bien la bataille exigera-t-elle des efforts plus durables reposant sur une combinaison d’instruments complémentaires ? Doivent-ils lâcher la bride aux légitimes désirs de mobilité et d’interactions sociales, ou bien maintenir les restrictions actuelles ? Doivent-ils choisir pour boussole le refus de la saturation hospitalière ou bien décider de contenir plus sévèrement la circulation virale en se fixant un plafond de contaminations quotidiennes ou de taux d’incidence à ne pas dépasser ? 
Le gouvernement français n’échappe pas à ces doutes. Ses hésitations ces derniers mois en témoignent : en octobre 2020, il fixait un seuil de circulation virale à 5.000 contaminations par jour, mais il décidait de déconfiner le pays en décembre alors même que le nombre de contaminations quotidiennes excédait encore ce seuil. A l’approche de chaque nouvelle vague, à la recherche d’un « équilibre » entre impératifs sanitaires, économiques et sociaux, il élabore de nouveaux compromis. Mais l’addition de compromis successifs ne fait pas une stratégie cohérente dans le temps ; tout au plus permet-elle d’identifier des préférences objectives et quelques constantes : le souci de protéger le système de santé, la priorité accordée à la vaccination des plus vulnérables, la préférence pour l’ouverture des établissements scolaires… 
S’il veut se donner un cadre d’action plus cohérent, quelles sont les options qui s’offrent au gouvernement aujourd’hui ? Commençons par écarter l’option d’une stratégie centrée exclusivement sur la vaccination. Celle-ci n’est pas, à ce stade, une réponse suffisante à l’épidémie. D’abord parce que la diffusion des nouveaux variants pourrait réduire son efficacité. Ensuite, parce que le niveau de couverture vaccinale que nous devrons atteindre pour vaincre réellement l’épidémie est élevé, et que le calendrier pour y parvenir dépasse largement l’été. Enfin, parce que le risque que les personnes vaccinées continuent de contribuer à la circulation virale n’est pas encore parfaitement écarté. Ajoutons que l’efficacité vaccinale est un enjeu mondial et non purement domestique : tant que l’ensemble des pays du monde n’auront pas atteint un niveau d’immunité collective suffisant, nous serons à la merci de nouveaux variants et de nouveaux rebonds. De fait, la vaccination n’est que l’une des composantes de la lutte contre l’épidémie, aujourd’hui et pour encore de longs mois.
Deux autres stratégies se distinguent. D’un côté, la « mitigation » : elle consiste à tolérer un niveau élevé de circulation virale aussi longtemps que l’afflux de cas graves ne sature pas les capacités hospitalières, tout en vaccinant les populations, en les invitant à respecter les gestes barrières et en limitant les contacts sociaux et les mobilités. « Vivre avec le virus » et « aplatir la courbe » des entrées à l’hôpital : c’est globalement la stratégie qui prévaut dans nombre de pays européens, avec des variantes nationales plus ou moins prononcées. 
De l’autre côté, la stratégie dite d’ « éradication » : elle consiste à faire tout ce qui est possible pour tenir la circulation virale proche de zéro en mobilisant tous les outils disponibles, pharmaceutiques (vaccins) et non pharmaceutiques (contrôle des frontières, dépistage massif, traçage intrusif, isolement obligatoire, etc.). C’est celle qu’ont adoptée avec succès plusieurs pays asiatiques d’abord face au SARS-Cov 1, puis face au SARS-Cov 2. C’est aussi celle que promeuvent depuis quelques mois les partisans du ZeroCovid. 
Au point où nous en sommes arrivés, la mitigation apparaît manifestement insuffisante : non seulement elle a fait la preuve de son incapacité à éviter de nouveaux pics de crise avec leur lot de morts, de séquelles et de dommages sociaux et économiques, mais elle offre un terrain propice au développement de nouveaux variants. Elle condamne en outre à un pilotage où les décisions sont prises en réaction plutôt qu’en anticipation, et conduit à alterner des séquences de durcissement et de relâchement qui procurent aux populations le sentiment d’une crise sans fin et aux acteurs économiques celui d’une insécurité croissante. 
Il est également clair que la seconde stratégie – l’éradication – ne parvient pas à convaincre la plupart des pays de l’Union européenne, inscrits dans un ensemble très intégré où prévaut la libre circulation des personnes et dont les populations paraissent peu disposées à accepter un tel niveau de contraintes. 
La réflexion stratégique semble avoir perdu de vue une troisième voie : la stratégie d’endiguement connue en santé publique sous le nom de stratégie de « suppression ». Comme la mitigation, elle renonce à éradiquer complètement le virus, mais se fixe un objectif maximal de circulation virale, digue en-deçà de laquelle l’épidémie reste sous contrôle et permet au triptyque Tester/Tracer/Isoler de casser les chaînes de contamination. Si nous adoptions une telle stratégie, c’est ce seuil de circulation virale qui guiderait alors le choix des mesures adaptées pour réduire le nombre de contaminations en soutien à la campagne vaccinale, de façon à préserver nos intérêts sanitaires, économiques, sociaux et politiques. 
Cette stratégie implique tout d’abord d’atteindre ce seuil en maintenant le temps nécessaire de fortes mesures de restriction. Elle exige ensuite, pour se maintenir sous ce seuil, de combiner plusieurs instruments (vaccins, gestion des frontières, dépistage, traçage, isolement, sécurisation des espaces scolaires, pass sanitaire, télétravail, etc.). Pour qu’elle porte tous ses fruits, il serait bien sûr préférable qu’elle soit déployée à une échelle européenne.   

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