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Note

Temps gagné ou temps perdu ? Pourquoi il faut modifier le cadre cognitif de la décision publique

En défendant son choix de ne pas confiner à nouveau le pays, le gouvernement explique qu’on peut se réjouir d’avoir « gagné du temps ». A l’inverse, le conseil scientifique, parmi d’autres prises de paroles médicales, s’inquiète de décisions retardées qui nous font « perdre du temps ». Comment expliquer une telle contradiction ? Temps gagné ou temps perdu ? Il est urgent de modifier le cadre cognitif de la décision publique. C’est l’objet de cette note de Mélanie Heard, responsable du pôle santé de Terra Nova.

Publié le 

Introduction

Nous avons très bien fait de ne pas reconfiner le 29 janvier. Chaque jour passé est un jour gagné
Jean Castex, mi-mars 2021

La réponse politique à un problème public dépend du cadre cognitif dans lequel ce problème est appréhendé. Comme l’ont montré depuis les années 1980 les travaux d’analyse cognitive des politiques publiques, pour comprendre l’action publique, il est bon de considérer la construction du « référentiel cognitif » qui la guide. Le présupposé est que la façon dont un problème est traité par une politique publique (volet normatif) dépend de la façon dont sa compréhension est façonnée (volet cognitif) [1] . Autrement dit, selon les termes de Peter Hall, le « puzzling » d’un problème public et le « powering » à son sujet sont des processus conjoints [2] . Pour l’analyste, la question est donc de saisir à travers les axiomes, les objectifs, les représentations mobilisés par l’action publique : «  d’où vient ce sentiment qu’une politique publique exprime une sorte de vérité du moment ?  » [3] . .

La vérité du moment , dans le discours des autorités sur la crise sanitaire, c’est qu’on a « gagné du temps » en refusant d’adopter les mesures restrictives fortes que le Conseil scientifique préconisait pour contrôler l’épidémie le 29 janvier dernier. Comment une telle affirmation a-t-elle pu acquérir un statut de « vérité » dans le discours public – alors que la parole scientifique est unanime pour considérer qu’on a au contraire perdu du temps, c’est-à-dire exactement l’inverse.

1. La disjonction entre experts et décideurs

Il n’est probablement pas si fréquent que le discours des autorités emploie un mot là où les acteurs scientifiques et experts du secteur auraient employé précisément son exact contraire. C’est le cas aujourd’hui pour la lutte contre l’épidémie : le temps sans confinement depuis janvier est « gagné » aux yeux des autorités, qui persistent et insistent sur ce point, de Gabriel Attal à Jean Castex en passant par Olivier Véran ; mais ce temps est au contraire un temps coupablement « perdu » pour de très nombreux experts reconnus du secteur, de William Dab [4] à Dominique Costagliola [5] en passant par Bruno Riou [6] , le collectif Du côté de la science [7] ou Antoine Flahault [8] . Citons Bruno Riou, directeur médical de crise à l’AP-HP, le 15 mars : « La situation n’est pas encore hors de contrôle, mais elle va l’être. J’entends beaucoup dire qu’une semaine sans confinement est une semaine gagnée , pour moi c’est une semaine perdue , notamment lorsqu’on considère le nombre de décès, le nombre de patients en réanimation dont il faut rappeler qu’un sur quatre décédera et [que d’autres] garderont des séquelles. Quand on considère aussi l’ensemble des contaminations : je vous rappelle que l’ensemble des Covid longs toucheraient un sur dix de ces patients (…). Et puis il y a tous ceux qui n’ont pas de Covid, mais pour qui les déprogrammations, les non-dépistages de cancer, vont poser d’énormes problèmes. Les conséquences sont considérables ». Un temps donc dramatiquement perdu, et non gagné.

L’impression d’un registre normatif à front renversé ne s’arrête pas à ce seul mot. Lorsqu’ils entendent Jérôme Salomon dire que mille patients ont « bénéficié » [9] d’une évacuation sanitaire depuis le début de la pandémie, les réanimateurs rappellent qu’il faudrait probablement plutôt employer le verbe « subir ». Lorsque Gabriel Attal [10] vante mi-mars dans ces transferts « un exploit sanitaire et logistique », ce qui domine c’est la surprise qu’on puisse y voir un succès au lieu d’un terrible échec. Quand le président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Renaud Muselier [11] , parlait d’« injustice » commise à l’encontre de ses administrés reconfinés et enviait la Seine-saint-Denis, certains entendaient en miroir le tort commis à l’égard des départements où l’épidémie était laissée hors de contrôle. Et beaucoup ont témoigné du même malaise en entendant le ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer affirmer que, pour des parents d’enfants scolarisés, supporter de ce fait un surrisque d’être infecté de 30% « paraît peu de chose » [12] .

Ceux qui qualifient de « perdu » le temps qui a suivi la décision de ne pas confiner le pays fin janvier invoquent le fait que des vies ont été perdues qui auraient pu être sauvées. Au Royaume-Uni, le think tank Resolution Foundation [13] vient ainsi de publier une analyse sévère des décisions gouvernementales, démontrant que 27.000 décès liés au Covid auraient pu être évités si le gouvernement britannique, devant la hausse des contaminations en décembre, avait confiné sans attendre le mois de janvier. En France, Bernard Jomier [14] , président de la mission d’information du Sénat sur les effets des mesures sanitaires, souligne de même que « la conséquence du choix de janvier, c’est 8.000 à 10.000 vies perdues ».

Ces critiques ne sont pas derrière nous. Les décisions annoncées le 18 mars dans 16 départements pour répondre à la hausse des contaminations et à l’embolie inéluctable de l’hôpital, loin de rompre avec les décisions de fin janvier, sont en effet jugées notoirement insuffisantes par un grand nombre d’acteurs. Pour Axel Kahn [15] ainsi : « Freiner un peu les contacts physiques lorsque la covid commence de submerger le système hospitalier et les réanimations, c’est, lancé à 130km/h, appuyer mollement sur le frein de la voiture à 5 mètres de l’obstacle ».

Plusieurs pistes sont sur la table pour comprendre cette disjonction entre les décisions prises et les préconisations des experts. On écarte ici par principe les hypothèses qui renverraient au cynisme des décideurs ou à une poursuite masquée de l’immunité de groupe. Un travail de fond sur les relations entre expertise et décision s’imposera, à l’évidence. Dans l’immédiat, la question peut être de montrer que le cadre normatif décalé que révèle l’idée d’un temps « gagné » dépend d’un référentiel cognitif inapproprié : problème posé, objectifs et leviers ne sont pas cadrés de façon complètement identique dans le discours scientifique et dans celui des autorités.

2. Gagner du temps : surseoir, temporiser, pour un répit ?

Que veut dire l’expression « gagner du temps » ? Le premier sens de la langue courante est exclu ici : gagner du temps au sens d’atteindre l’objectif en moins de temps que prévu.

Un deuxième sens possible se rattache à une forme de critique de l’anticipation du pire en situation d’incertitude. Ainsi, pour Olivier Véran le 31 janvier [16] , « le danger auquel nous faisons face est possible, voire probable. Mais il n’est pas certain ». Et il poursuit : « L’idée, c’est de gagner du temps, de limiter la casse ». En somme une anticipation exagérée pourrait causer une casse superflue : rien ne sert de courir, il faut attendre de voir, il sera toujours temps, si nécessaire, de serrer la vis à point nommé – et, dans l’intervalle, le temps d’une vie sociale moins restreinte aura toujours été gagné. Peut-être cet optimisme est-il renforcé par l’amélioration [17] effectivement constatée sur tous les indicateurs à la mi-février ; la forte poussée des hospitalisations constatée durant les trois premières semaines de janvier s’est interrompue, et la France est entrée comme ses voisins européens dans une phase de reflux. Il est possible aussi qu’à cette date se soit imposée rétrospectivement l’idée que les prédictions passées étaient exagérées : les craintes liées aux fêtes de fin d’année ne se sont pas confirmées, et même le pic anticipé à l’automne s’est avéré plus bas que prévu – 4.900 patients au pic en soins critiques, alors qu’Emmanuel Macron avait annoncé lors de son allocution de reconfinement du 28 octobre que 9.000 patients seraient en réanimation à la mi-novembre « quoi que nous fassions ». La volonté de « gagner du temps » a pu sonner alors comme l’option raisonnable à opposer aux prédictions des « Cassandre » [18] – le mot s’impose alors dans le discours des autorités. L’anticipation serait donc trop affectée par l’incertitude et conduirait à un excès de précaution. C’est le sens que les autorités donnent aujourd’hui aux décisions qu’elles ont prises depuis janvier. Dans cet argumentaire a posteriori, deux éléments sont mis en avant.

Le premier est que l’explosion prédite par le Conseil scientifique ne se serait pas produite. Emmanuel Macron [19] a souhaité s’exprimer lui-même sur ce point le 26 mars : « les modèles montraient que nous allions flamber en février, mais nous avons fait l’expérience collective, réelle, que non – et donc nous avons eu raison de ne pas confiner la France fin janvier, parce qu’il n’y a pas eu l’explosion qui était prévue par tous les modèles ». Clairement, les projections du Conseil scientifique mettaient en réalité plutôt l’alerte sur la deuxième quinzaine de mars, comme en témoigne par exemple l’audition de Jean-François Delfraissy le 28 janvier devant l’OPECST [20] – «  les projections effectuées par les modélisateurs avec lesquels travaille le Conseil scientifique montrent que l’arrivée du variant anglais pourrait conduire à la mi-mars à ce que ce variant soit dominant, avec un facteur de transmission très élevé et des conséquences sanitaires importantes en termes d’hospitalisations et d’admission en réanimation ».

Le second argument pour affirmer que des mesures de restriction par anticipation auraient été superflues, c’est la critique répétée de leur échec en Allemagne. Ainsi pour Jean Castex le 18 mars [21]  : « Depuis le mois de janvier, nous avons opté́ pour une stratégie qui nous distingue des autres pays européens. Contrairement à beaucoup de nos voisins, nous n’avons pas appliqué de confinement au long cours, à l’échelle de tout le pays. Nous avons même écarté cette option fin janvier dernier et c’était la bonne décision car si nous avions dû confiner alors, dans une logique d’anticipation, nous aurions alors infligé au pays un confinement de probablement 3 mois. Cela aurait été excessif et insupportable. Et nous avons bien fait de ne pas suivre les prévisions de certains modèles qui indiquaient un emballement de l’épidémie dès la mi-février, ce qui ne s’est pas produit grâce à notre mobilisation collective. L’Allemagne par exemple applique un confinement strict depuis trois mois en fermant ses crèches et ses écoles, et en décale aujourd’hui la levée compte tenu des nouveaux effets du variant  ».

Pareille posture a de quoi surprendre si l’on compare la situation épidémiologique en Allemagne et en France depuis janvier. En effet, les restrictions en vigueur en Allemagne – fermeture des écoles, des restaurants, des lieux culturels et des commerces non-essentiels, limitation des rassemblements et des interactions entre foyers – ont permis à ce pays de compter, au 15 février lorsque s’est posée la question de rouvrir partiellement les écoles, 86 nouveaux cas quotidiens par million d’habitants, contre 270 à la même date en France – et au 27 mars 193 vs 538.

Reste que le point dans l’argumentaire du Premier ministre est qu’un tel résultat ne méritait par les efforts « excessifs et insupportables » nécessaires pour y parvenir. Le critère de jugement est donc un critère de proportionnalité. La perspective d’une efficacité sanitaire dans le contrôle de l’incidence est mise en balance avec d’autres dimensions. Le poids économique des mesures, leurs conséquences sociales et psychologiques pour des citoyens éprouvés, sont jugés disproportionnés. « Gagner du temps », ici, c’est protéger la vie économique et le moral des Français avec des mesures de restriction intermédiaires – couvre-feu, fermeture des restaurants et des lieux culturels – dont le coût paraît plus proportionné. Pour Olivier Véran le 7 février, « Le président de la République a eu raison de ne pas décider un confinement généralisé » car « chaque semaine que nous gagnons sur le confinement, c’est une semaine de liberté supplémentaire pour les Français ». Pour Gabriel Attal sur Cnews le 7 février, « chaque jour sans confinement est un jour qui est gagné pour les Français, pour notre économie, notre liberté, nos commerçants ».

Devant un tel argumentaire, le premier point qui demande examen est donc de déterminer s’il y avait de bonnes raisons de penser qu’une telle décision de surseoir avec des mesures intermédiaires aurait effectivement des effets positifs sur l’économie, en tout cas significativement supérieurs à ceux d’un nouveau confinement.

Le débat public n’a pas eu accès aux éléments d’instruction qui étaient disponibles pour le penser à la fin janvier. On en est donc réduit à des hypothèses pour imaginer les modes de raisonnement qui ont pu être mobilisés. Si les dommages économiques d’un confinement strict apparaissent en effet majeurs, y compris, quoi dans une moindre mesure, dans une option partielle avec écoles ouvertes, pour autant les connaissances se précisent pour démontrer que l’absence de mesures de contrôle de l’épidémie a, elle aussi, des effets économiques négatifs. Le point est naturellement de ne pas mettre en balance la logique sanitaire avec la défense d’une économie florissante, mais de mettre en relation l’intérêt sanitaire des mesures de restriction avec une économie qui, même si les restrictions sont repoussées, risque d’être, comme le décrivent Jean Pisani-Ferry et Olivier Blanchard [22] , fragilisée par l’incertitude au long cours et par la perspective de « vagues d’infection récurrentes conduisant les gouvernements à osciller entre l’imposition et la levée de mesures sanitaires en fonction des hauts et des bas de l’épidémie ».

L’Institut IFO [23] allemand a cherché le point d’optimum, où le contrôle du taux de reproduction R 0 et l’impact économique des mesures s’équilibreraient – un taux R 0 incontrôlé supérieur à 1 entraînant des effets économiques négatifs tout autant que le feraient des mesures exagérément drastiques pour le contrôler. « Dans le débat public sur les décisions à prendre, on présente souvent un conflit entre les intérêts économiques et les priorités de santé publique. Bien que cette représentation des choses semble s’imposer à première vue, la réalité est plus complexe. L’idée qu’il s’agit de trouver le bon équilibre entre santé et économie ne prend pas assez en compte le fait qu’une diffusion incontrôlée du virus et ses effets en nombre de malades aurait aussi des effets négatifs pour l’économie. L’analyse des conséquences économiques de moyen et long terme des précédentes épidémies le montre clairement. De nouvelles vagues d’infection, dues par exemple à un allègement marqué des contraintes sanitaires, réduirait la confiance des consommateurs et des investisseurs si bien que les entreprises seraient obligées de réduire à nouveau leur activité à nouveau – indépendamment des dispositions gouvernementales – ce qui induirait de nouveaux coûts économiques considérables (…) C’est pourquoi, nous ne pouvons pas opposer l’économie à la protection sanitaire avec ou sans relâchement des mesures de distanciation – dans les deux cas, les coûts seraient plus élevés ».

Opposer santé et économie est donc inepte, selon ces auteurs, qui concluent que la stratégie optimale d’un point de vue économique est de viser un contrôle du R 0 autour de 0,8. Dans cette optique, on peut considérer qu’il est probablement dangereux de penser que surseoir, c’est gagner du temps de répit pour l’économie : l’incertitude et la probabilité croissante de nouvelles restrictions continuent d’exercer dans cet intervalle leurs effets négatifs. La mise en balance des dimensions économiques et des dimensions sanitaires de la décision n’est évidemment pas contestée dans son principe ; mais, si l’on suit l’IFO, on doit intégrer dans le raisonnement l’idée qu’il serait dangereux de penser que la menace économique à combattre est celle des mesures de restriction, et non de l’épidémie elle-même. Comme le résumait récemment dans Le Monde Devi Sridhar [24] , professeur de santé publique à l’Université d’Edimbourg et auteur de plusieurs publications internationales importantes sur l’épidémie : « En France, il y a cette idée de préserver l’économie en restant ouvert aussi longtemps que possible. C’est comme rouler en voiture vers un mur et affirmer qu’en freinant le plus tard possible on gagnera du temps. Vous perdez sur tous les tableaux : économique et sanitaire. Vous avez les morts et la crise ».

Le temps gagné à repousser les restrictions l’est aussi, dans le raisonnement des autorités, du point de vue du moral des Français. A la fin du mois de janvier, sous l’effet notamment des émeutes anti couvre-feu qui éclatent dans plusieurs pays d’Europe, en particulier aux Pays-Bas [25] , l’enjeu de l’acceptabilité des mesures devient central. Il recouvre, semble-t-il, une double dimension. On a d’un côté le risque que des restrictions suscitent l’exaspération, le rejet, voire la révolte ; et de l’autre la crainte que la lassitude engendre une moindre compliance à l’égard des restrictions et en atténue donc l’impact.

L’OMS a proposé le concept de « pandemic fatigue » [26] en octobre 2020 et invité les gouvernements à l’intégrer dans les décisions. Mais là encore, la période de mesures intermédiaires que nous avons connue ces derniers mois n’est probablement pas un temps de répit « gagné » favorisant la confiance et l’adhésion. Pour le déterminer, on manque de données fines d’analyse psychosociologique des représentations à l’égard de l’épidémie, au-delà des sondages d’opinion : des dispositifs de recherche en sciences sociales, permettant un suivi approfondi pour guider l’action publique, à la manière de l’apport crucial qu’ont pu avoir les enquêtes dites KABP (knowledge, attitudes, beliefs and practices) dans la conduite de l’action publique face au VIH/sida – comme l’ont montré [27] Michaël Pollak, Wiliam Dab et Jean-Paul Moatti dès 1989 [28] . En Allemagne, l’Institut Robert Koch et le département de « communication en santé » de l’Université d’Erfurt ont monté un dispositif de ce type avec l’enquête Cosmo [29] , qui interroge chaque semaine depuis mars 2020 un échantillon d’environ mille citoyens. L’équipe menée par Cornelia Betsch a construit un score complexe de mesure de la « fatigue pandémique » [30] , et montré qu’elle était largement accrue par l’incertitude concernant les décisions des autorités, le manque de clarté des consignes et l’absence de mobilisation collective autour d’un objectif clair.

Les résultats des différentes vagues et notamment de la plus récente [31] permettent de souligner que l’incertitude face à l’avenir, mais aussi la complexité des consignes à suivre, leur caractère relatif et variable dans l’espace et dans le temps, entament le sentiment d’auto-efficacité et induisent ainsi une perte de confiance dans les autorités, une moindre compliance à l’égard des mesures et une perte d’intérêt pour l’épidémie en général. Dans la dernière vague, on retrouve 22% de répondants qui ne savent pas exactement quelles consignes ils doivent appliquer, 32% qui considèrent que les restrictions vont trop loin, 50% qui considèrent comme improbable d’être eux-mêmes infectés, 33% qui ignorent que la transmission est liée aux aérosols, 13% qui se déclarent prêts à manifester contre les autorités.

De façon intéressante, l’équipe a voulu tester auprès des répondants l’appétence pour la stratégie « Zéro Covid », qui leur était décrite comme une stratégie de contrôle visant à autoriser le retour à une vie normale dans les zones où l’incidence serait ramenée par des contraintes fortes « en-dessous de 10 pour 100 000 » : sur un certain nombre d’affirmations comme « cela me motiverait davantage à participer à la lutte contre l’épidémie », « cela m’inspire confiance », ou « cela garantit des règles simples », les répondants exprimaient un accord significativement plus fort qu’à propos du plan de restrictions en vigueur.

C’est ce qui conduit Cornelia Betsch [32] à recommander aux autorités de répondre à la « fatigue pandémique », non pas en diluant la réponse par des mesures intermédiaires censées témoigner d’une prise en compte empathique de la lassitude, mais au contraire en combattant le risque que les consignes soient relativisées ou mal comprises, et en fédérant les populations autour de motivations claires et ambitieuses justifiant d’en appeler à leur engagement. En mettant l’accent sur l’incertitude et sur les moteurs du sentiment d’auto-efficacité, les résultats de ce dispositif permettent en tout cas de penser qu’un répit « gagné » par des mesures intermédiaires n’en est en réalité probablement pas un pour le moral des citoyens.

3. Gagner du temps : contourner l’échéance grâce à la vaccination ?

L’atermoiement pour gagner un répit sur d’autres plans que le plan sanitaire n’est pas le seul sens que paraît revêtir l’expression « gagner du temps » dans le discours des autorités.

On trouve aussi l’idée d’une stratégie avisée permettant d’« acheter du temps » pour mieux se prémunir dans l’intervalle : en repoussant l’échéance, je me donne les moyens d’accumuler des ressources précieuses pour mieux faire face. On gagne du temps, notamment, en anticipant un dommage par une action de prévention qui permet de le minimiser lorsqu’il survient.

C’est dans ce sens-là, justement, que le Conseil scientifique employait bien l’expression « gagner du temps » pour plaider en faveur de mesures fortes fin janvier [33]  : « Un confinement précoce permet de gagner du temps à un moment critique ». Dans cette proposition du Conseil scientifique, il s’agissait de « gagner du temps » en freinant la hausse inéluctable de l’incidence par un confinement de quatre semaines en février, pour augmenter dans l’intervalle la couverture vaccinale des plus fragiles et ainsi affronter finalement l’explosion des cas, prévue pour la mi-mars, avec une meilleure protection.

La décision des autorités a gardé l’expression mais inversé la proposition : l’idée de gagner du temps en misant sur la vaccination est reprise, mais l’opportunité de contenir parallèlement l’incidence pour repousser activement l’échéance d’une troisième vague le plus longtemps possible est, elle, récusée. Le « pari » étant que l’augmentation de la couverture vaccinale est susceptible de produire des effets d’atténuation suffisants pour rendre finalement inutile le recours à des mesures de restrictions fortes. Alors que le Conseil scientifique identifie une opportunité de gagner du temps dans la potentialisation réciproque des deux leviers – le confinement et la vaccination –, le cadre cognitif retenu par les autorités consiste au contraire à les opposer comme des stratégies alternatives et à gagner du temps grâce à l’une pour éviter l’autre. Selon le mot de Gabriel Attal [34] , « le confinement n’est pas la clé, c’est la vaccination ».

Y avait-il de bonnes raisons fin janvier, y a-t-il de bonnes raisons aujourd’hui, de penser que la vaccination permet d’éviter des mesures de restrictions fortes ?

On comprend bien le raisonnement si l’on considère que l’objectif central de la réponse à la pandémie est d’éviter la saturation hospitalière – le fameux « aplatir la courbe ». Le pari des autorités est que la vaccination prioritaire des plus âgés, qui sont ceux qui sont le plus à risque d’hospitalisation, permet logiquement de réduire le risque d’embolie à l’hôpital. Face à la hausse des hospitalisations que les projections situent entre avril et juin selon la modélisation qui appuie l’avis du Conseil scientifique du 12 janvier, la solution est d’accélérer la vaccination des plus à risque.

Comme la France vaccine en priorité les publics les plus fragiles, on s’attend à ce que la vaccination ait rapidement un impact sur les hospitalisations, de façon toutefois moins marquée pour les hospitalisations en réanimation auxquelles les plus de 75 ans ont de toutes façons peu accès du fait de leur fragilité. Et il est vrai qu’aujourd’hui l’impact de la vaccination des plus de 75 ans sur la survenue des formes graves est déjà observé en EHPAD et USLD. Les courbes d’hospitalisations en cours pour Covid-19 par classes d’âge au 18 mars (avec 24% de plus de 75 ans vaccinés et 49% ayant reçu une seule dose) semblent déjà témoigner d’un « effet vaccination » chez les personnes âgées avec la baisse des hospitalisations en cours des 80–89 et +90 ans. La baisse du taux d’hospitalisation [35] des plus de 75 ans (de 92,2 pour 100 000 en semaine 3 à 57,6 en semaine 10), suggère bien un premier bénéfice de la vaccination sur cet objectif d’atténuation de l’impact de l’épidémie à l’hôpital (même si le début de hausse en semaine 11 pourrait en réalité tempérer déjà cet optimisme).

Le pari, en janvier, est de considérer qu’une fois que les personnes à risque d’hospitalisation seront vaccinées, le risque d’embolie à l’hôpital sera maîtrisé, et le recours à des restrictions fortes aura été évité ; la vaccination du reste de la population au fil de l’eau par la suite permettra dans un deuxième temps de contrôler l’incidence en population générale, laquelle constitue finalement un problème de second rang dans l’ordre des priorités par rapport à la pression sur l’hôpital. C’est cette conception de la vaccination, « solution » au surrisque d’hospitalisation des plus âgés, qui construit le référentiel selon lequel la vaccination constitue une alternative gagnante au confinement. Ainsi, selon le récit de Jean Castex le 25 février [36]  : « avec le Président de la République nous avons souhaité, le mois dernier, nous donner tous les moyens d’éviter un nouveau confinement que nous avions envisagé fin janvier sur la base de projections qui nous prédisaient une dégradation rapide et brutale de la situation. Cette décision s’est avérée la bonne ; elle nous a permis de gagner du temps. Or ce temps est précieux, car chaque jour, nous avons un peu plus de personnes vaccinées ».

C’est en réalité dès cette étape de définition du problème – le « puzzling » – que s’opère la disjonction entre le référentiel de l’expertise et celui de la décision publique.

La réponse des autorités identifie comme problème à résoudre la perspective d’une hausse des hospitalisations et des admissions en réanimation des plus âgés, et non le contrôle de l’incidence en population générale. Cette définition du problème laisse pour partie de côté l’alerte [37] donnée par le Conseil scientifique le 24 janvier : «  les variants changent complètement la donne  ». La focale sur les entrées à l’hôpital n’est pas suffisante pour caractériser le problème à résoudre. La transmissibilité accrue du variant dit britannique, même à l’heure où, en janvier, les données sur une possible aggravation de sa morbidité et de sa létalité étaient encore incertaines, impose de prendre pour focale du problème à résoudre la hausse des cas elle-même. Même si les plus fragiles sont bien protégés et donc moins hospitalisés, le nombre de cas très important engendrera un nombre trop important d’hospitalisations. C’est le sens des modélisations présentées dans l’avis du Conseil scientifique du 12 janvier – et c’est bien la situation que nous connaissons aujourd’hui. Dans la modélisation de l’Institut Pasteur, pour évaluer la capacité de la vaccination à atténuer la vague, trois scénarios étaient distingués en fonction de la date à laquelle la transmission augmenterait du fait du variant (février, mars, ou avril) ; dans les trois cas, la vaccination atténue certes l’impact sur les entrées à l’hôpital, et ce d’autant plus que la couverture vaccinale a augmenté dans l’intervalle, mais toujours dans des proportions très insuffisantes puisque dans les trois cas le pic du printemps 2020 est plus que doublé. Le Conseil scientifique note certes : « Par rapport à un scénario sans vaccin, la campagne de vaccination permet de réduire le nombre d’hospitalisations au pic de 20%, 33% et 44% selon que le taux de transmission augmente le 1er février, le 1er mars ou le 1er avril respectivement ». Mais il enchaîne immédiatement sur l’idée que les pics ainsi atteints seraient de toutes façons insupportables, et, sans même douter qu’un confinement sera mis en place, il conclut dans la foulée : « Bien entendu, étant donné le stress attendu sur le système de santé, des mesures de contrôle (potentiellement drastiques) seront mises en place pour réduire la circulation virale ».

Pour le Conseil scientifique, le problème à résoudre est donc bien celui de la circulation virale en population générale, dont la saturation hospitalière n’est qu’une déclinaison. Du coup, la vaccination, qui peut certes atténuer cette saturation, et les restrictions drastiques du confinement, qui seules peuvent réduire la circulation virale, ne sont pas des leviers alternatifs entre lesquels on pourrait faire un choix avisé, mais des leviers inséparables à actionner en même temps. La vaccination ne se substitue pas au confinement, il n’y a pas de scénario qui permette de l’optimiser au point qu’elle nous exonère de mesures drastiques, tout simplement parce qu’elle ne répond pas du tout au même problème : elle protège bien les plus âgés, mais nous n’avons pas suffisamment de doses pour mener une campagne de masse capable de réduire la circulation virale en population générale.

Plusieurs paramètres expliquent cet impact limité de la vaccination. Le rythme de la campagne d’abord, qui du fait du nombre de doses contraint procède nécessairement par priorisations sans possibilité d’accéder d’emblée à une vaccination de masse en population générale. Au 28 mars, après 3 mois de campagne, 11,27% des Français ont reçu une dose de vaccin, et 3,93% ont reçu les deux doses.

Un deuxième paramètre s’ajoute pour expliquer la relative limitation de la vaccination pour contrôler l’explosion des hospitalisations : la contagiosité accrue du variant B.1.1.7 dit britannique. Selon le Conseil scientifique le 11 mars, « l’effet positif des vaccins sera sans doute insuffisant pour éviter une augmentation importante des hospitalisations, du fait de la transmissibilité accrue des nouveaux variants ». On sait en effet, dès janvier, que le variant B.1.1.7 dit britannique est plus contagieux que la souche classique. La dégradation exponentielle du nombre de contaminations est donc plus rapide. Les données récentes suggèrent une aggravation sévère de la létalité. Mais même en amont de ces publications, la simple aggravation de la contagiosité impliquait une augmentation du nombre de cas, et donc, a minima à due proportion, du nombre de formes graves, y compris chez des patients jeunes et sans facteurs de risque.

Or l’alerte sur les variants, « deuxième pandémie » selon les mots de Jean-François Delfraissy le 24 janvier, semble n’avoir pas été pleinement intégrée au référentiel d’analyse de la décision fin janvier. Huit semaines plus tard, l’idée que « les variants changent la donne » est reprise comme une réalité pour ainsi dire nouvelle par Gabriel Attal [38] à la sortie du Conseil de défense le 17 mars.

Et encore cette prise de conscience tardive n’engendre-t-elle toujours pas de décisions drastiques aujourd’hui pour réduire la circulation du virus. Les projections du 11 mars du Conseil scientifique, toujours à partir de la modélisation de l’institut Pasteur, restent donc a priori valables à l’heure qu’il est : dans le scénario de base, avec 200.000 vaccinations par jour avant le 1 er avril puis 300.000 à partir du 1 er avril, et avec 70% des plus de 75 ans vaccinés au 1er avril 2021, on s’attend à une baisse de 28% des hospitalisations le 1er avril 2021 et de plus de 50% en mai par rapport à un scénario sans vaccin. Mais pour autant, « sans réductions supplémentaires des taux de transmission et avec l’effet des variants, on peut s’attendre à observer un pic d’hospitalisations supérieur à celui de mars 2020 ». L’augmentation exponentielle des contaminations quotidiennes n’est donc pas un problème que l’on pourrait choisir de résoudre ou pas, en fonction de ce qu’aura donné la vaccination dans l’intervalle pour atténuer le problème de la submersion de l’hôpital. Il n’y a pas de bon timing permettant de gagner du temps sur ce problème-là en résolvant le problème de la vulnérabilité des plus à risque.

La nécessité de combiner la vaccination avec une ambition forte de contrôle de la circulation virale par des restrictions sociales est soulignée dans la littérature internationale ; ce n’est pas une spécificité des modélisations françaises, et cela vaut indépendamment du rythme de la campagne. On oublie parfois que le succès de la campagne vaccinale israélienne est inséparable d’un confinement strict commencé à Noël et levé début mars quand plus de la moitié des Israéliens avaient reçu une première dose et environ 40% les deux doses. Même les hypothèses les plus favorables concernant la campagne vaccinale ne permettent pas de l’envisager comme une alternative aux leviers de contrôle « non-pharmaceutiques » permettant de réduire les interactions sociales. Comme l’a montré une modélisation récemment parue dans Lancet [39] , la vaccination ne possède pas à elle seule une efficacité suffisante pour ramener le taux de reproduction R 0 au-dessous de 1 et contrôler l’épidémie. Les mesures de restrictions « non-pharmaceutiques » demeurent nécessaires pour éviter des vagues d’infections répétées, la saturation des hôpitaux, et une surmortalité, même dans un scénario où une vaccination efficace à 85% pour réduire le risque d’infection (ce qui demeure une hypothèse fragile, cf infra) est acceptée par 95% des plus de 80 ans, 85% des 50–79 ans et 75% des 18–49 ans (qui sont des hypothèses d’acceptation supérieures à celles retenues dans la campagne vaccinale française). Avec ces hypothèses, une levée totale des restrictions en janvier 2022, à l’issue d’une campagne vaccinale réussie, se traduirait encore par 96700 décès liés au Covid ; la seule hypothèse favorable pour une levée totale des restrictions en janvier 2022 n’entraînant pas d’excès de mortalité impliquerait de disposer d’un vaccin efficace à 85% contre l’infection et d’une adhésion à la vaccination supérieure à 85% dans toutes les classes d’âge. Pour les auteurs, « Même avec un bon taux de vaccination, un part importante de la population doit être immunisée afin de prévenir de puissantes nouvelles vagues de contamination. Ce qui implique que de fortes actions non-pharmaceutiques seraient toujours nécessaires durant la première phase de vaccination (qui concerne les personnes de plus de 50 ans) afin d’éviter de nouvelles flambées de contamination ». Elaborer la stratégie de réponse à l’épidémie dans un cadre cognitif qui opposerait vaccination et restrictions paraît donc inapproprié.

4. Un temps finalement perdu

Le décalage dans le « puzzling » du problème à résoudre par les autorités se retrouve à un autre niveau, avec un cadrage de la décision qui semble tenir un compte insuffisant de trois phénomènes que les mesures intermédiaires ont contribué à favoriser, faisant de ces derniers mois non pas un temps « gagné » mais bien un temps dramatiquement perdu. Ces trois phénomènes sont : la prévalence des « covid longs » chez les personnes infectées, le rajeunissement de la population à risque, et l’émergence des variants.

La domination progressive du variant dit britannique, la circulation sur le territoire des variants sud-africain et brésilien, la conscience enfin du risque d’émergence de nouveaux variants paraissent requérir une reformulation des raisonnements décisionnels aujourd’hui. Le cadre cognitif de la décision doit désormais intégrer la perspective d’événements qui sont à la fois irréversibles et capables d’annuler, de façon potentiellement répétée à l’infini, tous les efforts réalisés. Depuis le début de l’année 2021, ce risque est devenu une réalité aigüe mettant en péril les réponses à la pandémie dans tous les pays. Plus contagieux, plus létaux, capables d’échappement immunitaire (risque de réinfection et perte d’efficacité des vaccins) pour le variant sud-africain et le variant brésilien, ces mutations « changent complètement la donne » de l’épidémie mais aussi des conditions de la décision en matière de restrictions. En effet, la sélection de nouveaux variants est clairement favorisée par une incidence hors de contrôle : chaque nouveau cas devenant ipso facto un laboratoire de sélection potentiel de nouveaux variants pour le virus, plus il y a de personnes contaminées, plus le risque de voir apparaître de nouveaux variants augmente. La circulation favorise la réplication : le processus est indéterminé, mais il peut provoquer l’émergence successive de nouveaux mutants dont l’avantage sélectif assure alors la domination. Il apparaît aussi qu’une campagne vaccinale progressant à un rythme modéré peut favoriser la pression de sélection sur le virus et pousser à l’émergence de nouveaux variants.

C’est ici un critère important qui intervient dans le cadre cognitif de la décision : car on a là, en cas de décisions inappropriées, insuffisantes pour contrôler l’augmentation des nouveaux cas et donc offrant un terrain propice à l’émergence de variants, la perspective de conséquences irréversibles à large échelle qui peuvent éventuellement affaiblir l’immunité de la population, acquise naturellement ou par la vaccination, et en poussant les choses au pire nous ramener quasiment à la case départ indéfiniment.

L’opportunité des mesures de restriction fortes est par ailleurs désormais liée à un deuxième sujet qui modifie le cadre cognitif de compréhension des enjeux de l’épidémie : la prévalence des « covid longs ». Le sujet n’en est encore qu’à ses premières incursions dans l’agenda des autorités. Pourtant plusieurs acteurs ont souligné qu’une croissance non-contrôlée des cas engendrait une explosion de ces situations cliniques sur lesquelles les connaissances augmentent et dont la reconnaissance progresse. Le terme « Long-COVID » (pour long-term Covid illness ) décrit généralement (il n’existe pas actuellement de définition consensuelle) les personnes atteintes de Covid-19 qui présentent des symptômes pendant plus de 28 jours après le diagnostic. Les symptômes, survenant volontiers chez des patients ayant souffert d’une maladie initialement « légère », sont hétérogènes et peuvent être constants ou fluctuer. Dès la fin de la première vague épidémique en mai 2020, la persistance de symptômes plusieurs semaines ou mois après les premières manifestations avait été décrite chez plus de 20 % des patients après 5 semaines et plus, et chez plus de 10 % des patients après 3 mois. Le Conseil scientifique souligne dans son avis du 11 mars qu’une étude française portant sur 1841 patients ambulatoires, non encore publiée (LIFEN), a établi que 40% de ces patients se plaignaient encore de symptômes 5 mois après leur infection : fatigue, dyspnée, palpitations, maux de tête, troubles cognitifs ou neurologiques, myalgies et anosmie/dysgueusie.

Après une première mention du sujet dans le discours de reconfinement du Président de la République dès le 28 octobre (« nous ne savons pas dire aujourd’hui quelles sont les séquelles à long terme »), un pas vers la reconnaissance du sujet a été franchi avec la publication de recommandations de prise en charge par la HAS le 9 février, puis avec la reconnaissance par l’Assemblée nationale le 17 février des enjeux de ces complications au long cours à travers une résolution présentée par la députée (LRM) Patricia Mirallès. Ce texte non contraignant pose quelques principes, comme l’importance de renforcer la recherche et les parcours de soins de ces patients, principes qu’Olivier Véran a repris lors d’un déplacement à Nice le 20 février largement consacré à ce sujet. Mais la pondération pertinente de cet enjeu dans les décisions de lutte contre l’épidémie reste une question ouverte. Il n’est pas exclu que le progrès des connaissances implique dès aujourd’hui de repenser le cadre cognitif de la décision pour inclure cet enjeu dont la croissance suit celle de l’incidence. Le choix de ne pas intervenir fin janvier pour freiner l’incidence, avec un plateau d’environ 20.000 nouveaux cas détectés chaque jour tout au long du mois de février, pourrait ainsi s’évaluer à l’aune de plus de 200.000 cas de Covid longs causés sur le seul mois de février, sans compter ceux qui se déclareront éventuellement chez des cas non-dépistés (dans l’hypothèse d’une prévalence de 40%). 200.000 existences douloureuses, marquées par l’incertitude d’une symptomatologie encore en pleine exploration scientifique, 200.000 parcours de soins très chaotiques, et probablement très coûteux. Là où l’enjeu prégnant des décisions de 2020 concernait la morbidité et la mortalité des personnes âgées définies comme étant les plus à risque de formes graves, désormais la prévalence du Covid long, concernant toutes les classes d’âge et sans facteurs de risque, pourrait bien obliger à reformuler le cadre d’analyse.

L’arrivée en réanimation de patients de plus en plus jeunes conduit à la même interrogation. La réalité du risque même chez des personnes de moins de 65 ans n’a jamais été absente du discours des autorités. Emmanuel Macron soulignait dès l’annonce du reconfinement le 28 octobre : « Aujourd’hui, au moment où je vous parle, 35% des personnes en réanimation ont moins de 65 ans ». Sur ce point, le Premier ministre a bien souligné l’évolution liée au variant britannique lors de sa conférence de presse du 18 mars [40]  : « les arrivées en services de réanimation concernent des personnes plus jeunes et en meilleure santé que lors des vagues précédentes, et leur durée de séjour à l’hôpital est de plus en plus longue ». Cette réalité, qui se profilait clairement fin janvier d’après les données anglaises, invite probablement, elle aussi, à une reformulation du cadre cognitif de la décision. Comme la prévalence des Covid longs, cette réalité paraît pouvoir infléchir le cadre de la décision ; si les alertes en direction des plus jeunes sont présentes dans les discours, la définition du problème à résoudre pour les autorités paraît encore largement centrée sur les personnes que la souche classique du virus frappait le plus durement. Le refus persistant des autorités d’alerter sérieusement sur la réalité du risque à l’école, avec son corollaire de circulation virale à l’intérieur des familles, de même que les freins persistants sur le télétravail, participent de cette problématisation centrée sur les plus âgés.

L’application la plus frappante de cette focalisation sur les plus âgés réside bien évidemment dans le choix des critères de priorisation de la campagne vaccinale. Celle-ci mériterait aujourd’hui une forme de « reset » car son référentiel cognitif et normatif évolue, du fait à la fois de l’augmentation du risque chez les plus jeunes, et des connaissances scientifiques qui progressent sur la capacité de la vaccination à protéger, non pas uniquement des formes graves, mais aussi du portage infectieux et de la transmission. Sur ce sujet, les résultats des essais cliniques de Pfizer et de Moderna n’avaient pas donné d’information, puisque leur objectif était de démontrer l’efficacité de la vaccination pour prévenir l’aggravation de la maladie. En novembre 2020, la stratégie de priorisation a donc été construite par la Haute autorité de santé en retenant « seulement » l’intérêt individuel de la vaccination, protégeant des formes graves ; l’intérêt « de santé publique » des vaccins, leur contribution à réduire la circulation virale dans la population, n’avait pas été retenu comme un critère stratégique de priorisation, du fait de son caractère encore non avéré. Mais désormais, les données des campagnes « en vie réelle », en Israël notamment, suggèrent une efficacité élevée sur ce point-là également, de 89% [41] selon des données en preprint. Même si des confirmations semblent encore attendues pour valider définitivement l’information, il semble désormais qu’il y ait consensus pour retenir l’idée que les vaccinés ne peuvent pas transmettre le virus, et que la vaccination réduit par conséquent la circulation virale en population. Le paradigme de la stratégie vaccinale devrait s’en trouver profondément modifié. Le cadre actuel de priorisation voit dans la vaccination le bénéfice d’une prophylaxie individuelle. Mais si l’objectif devient la prévention de la circulation virale, alors la question de la priorisation devrait légitimement être reposée : les personnes qui ont les contacts quotidiens les plus nombreux et qui sont donc à la fois le plus exposées et le plus susceptibles, si elles sont infectées, de transmettre le virus, comme les caissiers, les chauffeurs, les enseignants par exemple, pourraient être considérées comme prioritaires sous cet objectif reformulé. C’est le point qu’a soulevé par exemple tout récemment Yazdan Yazdanpanah [42] , directeur de l’agence ANRS Maladies infectieuses émergentes. La capacité de la vaccination à réduire la circulation virale en bloquant la transmission a aussi un impact sur l’enjeu de la future vaccination des enfants. La réduction de la transmission, et sa vertu pour limiter le risque d’émergence de nouveaux variants évoqué plus haut, pourrait être freinée si une sous-population reste exclue de la vaccination et se comporte comme un réservoir – un risque qui conduit Israël [43] à commencer à vacciner des adolescents, envisageant de vacciner les enfants d’ici l’automne.

A côté de la vaccination et des mesures de restrictions des contacts sociaux, le troisième grand volet d’action contre l’épidémie, c’est le dépistage et son corollaire de traçage et d’isolement-quarantaine. Sur ce point-là aussi, les orientations stratégiques mériteraient d’être enrichies. En semaine 11, 2,8 millions de tests ont été réalisés. L’essentiel de l’activité de dépistage repose sur une démarche individuelle : apparition de symptômes, alerte après un contact à risque, voyage, motivent une initiative personnelle. Or d’autres stratégies de dépistage sont possibles. La santé publique distingue les dépistages individuels, qu’on appelle aussi opportunistes, des dépistages organisés où une population est soumise à une offre systématique adossée à une évaluation. Dans ce cas, les alternatives à examiner sont multiples : il faut d’abord choisir entre l’obligation et le volontariat ; puis, pour le volontariat, on peut opter pour des démarches dites « opt-in » (cancer du sein : l’offre est systématique mais chaque femme décide ou non d’entrer dans la démarche) ou « opt-out » (dépistage VIH prénatal : le dépistage est prescrit dans le suivi de grossesse et effectué par défaut) ; pour favoriser l’adhésion des populations ciblées, les différentes options d’organisation sont pesées pour favoriser la simplicité de la démarche et le sentiment d’auto-efficacité des personnes (vertu incitative des bénéfices accessibles en aval d’un dépistage positif) ; enfin, il faut anticiper les défauts d’équité dans l’accès, et examiner les stratégies pertinentes d’ « aller vers » adaptées aux populations les plus éloignées.

S’il est vrai que certaines agences régionales de santé ont pris des initiatives en faveur des stratégies de promotion communautaire de dépistage (stratégies d’« aller vers » ciblées sur les populations qui y recourent le moins, disponibilité d’une offre au plus près des lieux de vie quotidienne, sur les marchés ou dans les gares, ouverture des lieux de vaccination le week-end et le soir, etc.), il reste que l’on sait peu de choses sur la mobilisation à grande échelle de ces outils proactifs. Le même constat vaut pour la proposition de systématisation du dépistage sur le lieu de travail, qui vient d’être adoptée par exemple à Berlin [44] avec obligation aux employeurs de proposer à leurs employés au moins deux dépistages gratuits par semaine, et obligation à ces derniers de s’y soumettre s’ils sont au contact du public. De même pour ce qui concerne l’offre de dépistage à l’école, les informations disponibles demeurent très limitées : le seul chiffre communiqué lors de la dernière conférence de presse [45] du ministre est de 200.000 tests salivaires réalisés sur la semaine du 22 mars auprès des 6.600.000 élèves des écoles primaires, soit 0,03 test par semaine et par enfant (à ce rythme-là, il faudrait plus de 6 mois pour tester l’ensemble de la population concernée). Une offre massive de dépistage permettant de déclencher un traçage et un isolement efficaces constituerait pourtant, à rebours de la vaccination à son ryhtme actuel, une alternative raisonnable aux restrictions et une option crédible pour « gagner du temps ». Au Royaume-Uni, ce sont plus de 8 millions de tests qui ont été réalisés en semaine 11 (pour 66 millions d’habitants) ; depuis la réouverture des écoles le 8 mars, chaque membre d’un foyer britannique qui compte un enfant scolarisé est invité à se faire tester deux fois par semaine [46] , et peut pour cela commander des kits d’auto-tests gratuits et enregistrer ses résultats sur la plateforme du NHS. Une telle stratégie de dépistage incitative et proactive fait entrer le réflexe dans le quotidien des populations. De ce point de vue, le retard pris dans l’accès aux autotests en France paraît problématique : alors qu’ils sont vendus en supermarché chez nos voisins, à 5 euros l’unité par exemple en Allemagne, en France la recommandation, déjà tardive, de la Haute autorité de santé à la mi-mars n’a pas permis d’accélérer la mise à disposition, actuellement annoncée pour la mi-avril, avec probablement des restrictions sur certains publics. L’outil paraît pourtant apporter une contribution décisive à la lutte contre l’épidémie, selon les conclusions d’une analyse [47] méthodique des bénéfices et des risques liés à ces outils réalisés par le European Center for disease control (ECDC). En aval des outils de test, les insuffisances de la stratégie d’isolement ont été déplorées par le Conseil scientifique en septembre 2020 [48] , sans réel débat depuis sur les moyens de la renforcer. Emmanuel Macron avait annoncé dans son allocution du 28 octobre un approfondissement de cette stratégie en sortie de confinement, sans développement visible depuis. Or il faut souligner que, si la littérature internationale détaille les difficultés que rencontrent tous les pays pour renforcer l’isolement des cas, elle remarque aussi que le caractère volontaire, et non obligatoire de l’isolement des cas demeure une spécificité française [49] .

*

Il y a un an, sous l’effet notamment des choix initiaux au Royaume-Uni, de premiers éléments de débat avaient émergé sur les mérites respectifs de la stratégie dite de « suppression », visant une circulation minimale du virus, et de la stratégie de « mitigation », adoptant pour maximes le « vivre avec » et l’aplatissement de la courbe des hospitalisations. Depuis, une troisième stratégie, celle du « ZéroCovid », visant l’éradication, s’est imposée dans le débat public à la faveur des succès de certains pays d’Asie et d’Océanie.

Sur la stratégie « ZéroCovid », le message de Gabriel Attal [50] en direction de ceux qui la prônent a été sans nuances : « Pardon, qu’ils quittent deux secondes leur bureau et qu’ils regardent ce qui se passe dehors : le Zéro Covid est une utopie que même les îles totalement coupées du monde peinent à appliquer ». La critique est fréquente mais simpliste, et les arguments disponibles en faveur de cette stratégie ne peuvent que conduire à déplorer un jugement si tranché. Quoi qu’il en soit, si cette piste nouvelle est écartée, force est de remarquer que nous nous sommes écartés tout autant des deux premières stratégies. A la place, c’est l’axiome « gagner du temps » qui a fait office de mantra. Les nombreux problèmes que cela pose d’un point de vue de santé publique ont été évoqués ici. Ce « temps gagné » sonne finalement surtout comme l’antienne infernale qui rythme dans l’imaginaire collectif le drame de l’endetté, qui croit « gagner du temps » dans une spirale que seule la faillite vient enrayer, ou encore l’obsession du joueur, qui mise sur l’incertitude et ne s’arrêtera qu’en un « dernier recours » sans cesse invoqué – et sans cesse différé.

Deux remarques pour conclure. La première est qu’une telle logique du « dernier recours », invoqué ces derniers jours au sujet de la fermeture des écoles et le confinement, fait proprement l’impasse sur la notion même de prévention : la part d’incertitude que comporte l’anticipation du dommage probable est réputée annuler sa pertinence, et c’est l’action curative « le dos au mur » qui est donnée pour seule raisonnable. Olivier Véran l’a nettement signifié aux députés le 24 mars [51]  : « Les décisions sont prises lorsqu’elles deviennent absolument indispensables. Il était devenu indispensable, il y a quelques jours, de prendre des mesures fortes dans certaines régions. Nous prendrons les mesures indispensables chaque fois qu’elles le deviendront et non par anticipation, monsieur le député, car si l’on anticipe trop, on décide trop tôt, on confine trop et on ne protège pas mieux ».

La seconde remarque, c’est qu’une telle philosophie d’action entrave la transparence et l’intelligibilité de la décision pour les citoyens. Sans seuils d’alerte fixés a priori comme c’est le cas chez la plupart de nos voisins, sans critères de décision établis ex ante, sans réelle boussole sur les dimensions pertinentes de la décision ni sur les outils disponibles pour les instruire précisément, il ne peut y avoir ni transparence, ni débat public, ni intelligence collective.

  1. Y.Surel, « The role of cognitive and normative frames in policy-making », Journal of European Public Policy , 7(4), 495–512

  2. P.Hall, « Policy paradigm, Social learning, and the State », Comparative politics, 25(3), 1993, 275–296

  3. Pierre Muller, op. cit. , p.9

  4. https://twitter.com/DabWilliam/status/1370796610188365827

  5. https://twitter.com/DgCostagliola/status/1370819363289362438

  6. https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50–15-mars-2021

  7. https://ducotedelascience.org/nouvelles-mesures-durcir-mais-pas-trop/

  8. https://twitter.com/Cdanslair/status/1375143982452379653

  9. https://www.bfmtv.com/politique/jerome-salomon-1000-patients-ont-beneficie-d-une-evacuation-sanitaire-depuis-le-debut-de-l-epidemie_VN-202103140106.html

  10. https://www.bfmtv.com/sante/en-direct-les-transferts-de-patients-se-poursuivent-vers-les-regions_LN-202103140029.html

  11. https://www.lefigaro.fr/politique/confinement-le-week-end-muselier-denonce-une-injustice-entre-les-alpes-maritimes-et-la-seine-saint-denis-20210313

  12. https://twitter.com/vousnousils/status/1374009874342944773

  13. https://www.resolutionfoundation.org/press-releases/the-covid-effect-186bn-of-income-support-25-million-jabs-and-around-25000-avoidable-deaths-in-the-winter-wave/

  14. https://www.publicsenat.fr/article/societe/covid-19-ne-pas-avoir-confine-en-janvier-c-est-8000-a-10000-vies-de-perdues-188166

  15. https://twitter.com/axelkahn/status/1374275972371996673

  16. https://www.leparisien.fr/societe/coronavirus-l-idee-c-est-de-gagner-du-temps-de-limiter-la-casse-explique-olivier-veran-31–01–2021–8422204.php

  17. https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/infection-a-coronavirus/documents/bulletin-national/covid-19-point-epidemiologique-du-18-fevrier-2021

  18. https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/02/10/covid-19-l-executif-insuffle-une-dose-d-optimisme_6069428_823448.html

  19. https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/03/26/covid-19-emmanuel-macron-estime-avoir-eu-raison-de-ne-pas-reconfiner-la-france-fin-janvier_6074499_3244.html

  20. https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20210125/opecst_bul_2021_01_28.html

  21. https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2021/03/discours_de_m._jean_castex_premier_ministre_-_conference_de_presse_sur_le_point_de_situation_sur_la_lutte_contre_la_covid-19_-_18.03.2021.pdf

  22. https://tnova.fr/notes/les-implications-economiques-potentielles-d-une-pandemie-durable

  23. https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.08.14.20175224v1

  24. https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/03/24/covid-19-en-france-vous-perdez-sur-tous-les-tableaux-vous-avez-les-morts-et-la-crise_6074316_3244.html

  25. https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/les-emeutes-aux-pays-bas-symbole-dune-contestation-croissante-des-restrictions-anti-covid-1284849

  26. https://apps.who.int/iris/handle/10665/337574

  27. https://www.persee.fr/doc/sosan_0294–0337_1989_num_7_1_1121

  28. Pollak, M., Dab, W., & Moatti, J. P. (1989). Systèmes de réaction au sida et action préventive. Sciences sociales et santé , 7 (1), 111–140 : https://www.persee.fr/doc/sosan_0294–0337_1989_num_7_1_1121

  29. https://projekte.uni-erfurt.de/cosmo2020/web/

  30. https://psyarxiv.com/2xvbr/

  31. https://dfncloud.uni-erfurt.de/s/KXcSgekG7qXg3gY#pdfviewer

  32. https://www.zeit.de/wissen/gesundheit/2021–02/cornelia-betsch-psychologin-gesundheitskommunikation-universitaet-erfurt-corona-politik

  33. https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/note_eclairage_variants_modelisation_29_janvier_2021.pdf

  34. https://www.lejdd.fr/Politique/gabriel-attal-au-jdd-le-confinement-nest-pas-la-cle-cest-la-vaccination-4032878

  35. https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/infection-a-coronavirus/documents/bulletin-national/covid-19-point-epidemiologique-du-25-mars-2021

  36. https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2021/02/discours_de_m._jean_castex_premier_ministre_-_conference_de_presse_sur_les_mesures_contre_la_covid-19–25.02.2021.pdf

  37. https://www.bfmtv.com/sante/pour-jean-francois-delfraissy-les-nouveaux-variants-du-covid-19-changent-completement-la-donne_AV-202101240175.html

  38. https://www.leparisien.fr/video/video-covid-19-des-mesures-supplementaires-des-ce-week-end-en-ile-de-france-previent-attal-17–03–2021–5MNTT53NVRD5FOE7SSXWMTPLJE.php

  39. https://www.thelancet.com/journals/laninf/article/PIIS1473–3099(21)00143–2/fulltext

  40. https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2021/03/discours_de_m._jean_castex_premier_ministre_-_conference_de_presse_sur_le_point_de_situation_sur_la_lutte_contre_la_covid-19_-_18.03.2021.pdf

  41. https://www.ft.com/content/2626ec05–5bc5–4121-afc4-be62c29c4894?desktop=true&segmentId=d8d3e364–5197–20eb-17cf-2437841d178a#myft:notification:instant-email:content

  42. https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/vaccin/video-covid-19-le-professeur-yazdan-yazdanpanah-favorable-desormais-a-la-vaccination-des-enseignants-des-caissieres_4342691.html

  43. https://www.bmj.com/content/372/bmj.n723

  44. https://www.berlin.de/corona/massnahmen/verordnung/

  45. https://www.pscp.tv/w/1BdxYYRbvzgxX

  46. https://www.gov.uk/order-coronavirus-rapid-lateral-flow-tests$

  47. https://www.ecdc.europa.eu/sites/default/files/documents/Considerations-for-the-use-of-self-tests-for-COVID-19-in-the-EU-EEA_0.pdf

  48. Voir M.Heard, « Convaincre tout le monde plutôt que contraindre quelques-uns » , Terra Nova, octobre 2020

  49. Patel J, Fernandes G, Sridhar D. How can we improve self-isolation and quarantine for covid-19? BMJ 2021; 372 :n625 doi:10.1136/bmj.n625 : « Most of the countries we studied have mandatory isolation periods for covid-19 of 10 to 14 days, with France (7 days and voluntary) and Vietnam (21 days and mandatory) notable exceptions »

  50. https://www.lejdd.fr/Politique/gabriel-attal-au-jdd-le-confinement-nest-pas-la-cle-cest-la-vaccination-4032878

  51. https://www.assemblee-nationale.fr/15/cri/2020–2021/20210212.asp

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