Un balcon en forêt 2020 : Essai comparatif sur l’épidémie de Covid
Depuis le début de la pandémie de Covid-19 qui frappe toutes les populations du globe, de nombreux chiffres circulent, présentant des écarts de contamination ou de mortalité d’un pays à l’autre. Chacun est ainsi invité à observer et à comparer les situations nationales : des classements, des graphiques animés, des courbes éloquentes semblent nous donner accès à une comparaison mondiale instantanée des ravages de l’épidémie. En donnant l’impression de fixer une réalité objective, ces chiffres suscitent en même temps une multitude d’interrogations : pourquoi ne sommes-nous pas égaux devant la maladie ? Nos gouvernants ont-ils pris les bonnes décisions ? Notre système de santé est-il adapté et réactif ? Ces questions sont légitimes. Mais peut-on vraiment comparer les pays les uns aux autres, malgré la disparité de leurs situations économiques, sociales, politiques, sanitaires etc. ?
Avant de « laisser parler les chiffres », il faut se demander comment ces derniers sont construits, ce qu’ils parviennent à expliquer (ou non), ce qu’ils peuvent nous apprendre de fiable. Or, nombre de comparaisons présentées jour après jour se limitent à donner des chiffres bruts ou des pourcentages dont la construction n’est pas la même d’un pays à l’autre. Ils n’autorisent donc pas les comparaisons qu’on en tire déjà de manière prématurée et approximative. Pour comparer deux pays, et plus encore une dizaine ou une trentaine de pays, des précautions s’imposent afin de ne rapprocher que des situations effectivement comparables. La chronologie de la maladie (quand le pays a-t-il été touché ?), la composition de la population (est-elle relativement plus âgée ici que là ?), la construction des statistiques (ne compte-t-on que les morts à l’hôpital ou tous les morts dus au virus ?) etc. On comprend rapidement la difficulté à répertorier et à neutraliser tous les facteurs qui peuvent expliquer les variations d’un pays à l’autre. Or, celles-ci sont considérables et retiennent à juste titre l’attention. C’est pourquoi le travail de comparaison, aussi ardu soit-il, mérite d’être mené, en présentant toutes les prudences de méthode qui s’imposent. La présente étude procède donc par étapes successives pour proposer un classement de l’impact de l’épidémie de Codiv-19 dans 24 pays, dans le but d’approcher l’efficacité relative de leur réponse à la crise sanitaire.
Comment expliquer des performances très variables des pays face au même défi ? Une série d’indicateurs doivent alors entrer en compte : tout d’abord les politiques de santé publique (appréciées à travers le financement, le nombre de lits disponibles à l’hôpital, la qualité des soins intensifs) puis les actions spécifiquement déployées contre le Covid-19 (analysées par le degré de sévérité des mesures de confinement et l’utilisation des tests). Les données de mortalité corrigées par ces neuf variables donnent un tableau fiable des résultats des pays face à l’épidémie qui classe les pays en trois groupes : ceux qui s’en sortent le mieux (les 9 premiers du classements), ceux qui évitent la catastrophe (du rang 10 au rang 15), ceux qui présentent de mauvais résultats (de 16 à 24).
Le tableau qui en ressort a de quoi surprendre tant il semble peu cohérent avec les indicateurs économiques habituels. La crise nous invite ainsi à jeter un œil complètement nouveau sur la « réussite » d’un système de santé. Le classement est dominé par le Japon, la Corée du Sud, les pays scandinaves et l’Allemagne. L’Espagne, la Belgique, l’Italie, la Turquie et l’Iran sont dans le groupe le moins performant, avec les deux pays qui dépensent le plus d’argent pour la santé : les Etats-Unis et la Suisse. La France se situe en milieu de classement.