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Note

Pour un financement local du sport plus équitable

Comme l’a démontré la Cour des comptes dans son rapport du 10 décembre 2009, le financement du sport par les collectivités territoriales fait l’objet d’importants déséquilibres . Hormis des disparités entre les clubs ou les disciplines, les dépenses publiques en faveur du sport ont parfois pour unique finalité l’amélioration des recettes commerciales des clubs. Une autre politique est possible, qui permette de préserver les intérêts des collectivités territoriales en assurant une répartition plus équitable de leurs moyens consacrés au sport.
Publié le 

1 – Un partenariat déséquilibré entre les clubs sportifs professionnels et les collectivités territoriales

1.1 – Un financement fortement concentré et sous-évalué…

Le soutien aux clubs sportifs professionnels par les collectivités territoriales s’élevait, selon le centre de droit et d’économie du sport de l’Université de Limoges, à 160 millions d’euros en 2006. Un financement fortement concentré puisqu’il bénéficie à 212 clubs professionnels évoluant dans 5 disciplines (football, rugby, basketball, handball, volleyball).

Ce montant cache cependant d’importantes disparités entre les différentes disciplines et fait apparaître des niveaux de dépendance aux financements publics locaux très inégaux.

Pour certaines disciplines, les recettes en provenance des collectivités territoriales apparaissent comme la condition sine qua non d’existence des clubs, alors que pour d’autres ces recettes sont minoritaires dans leur budget global.

Ainsi, les financements reçus par les clubs de football professionnels (Ligues 1 et 2) ne représentent que 4% de leur chiffre d’affaires alors qu’ils constituent 37,5% du total des concours des collectivités territoriales aux clubs professionnels. Les seuls clubs de Ligue 1 de football reçoivent 20% (32M€) des sommes consacrées par les collectivités territoriales. Dans le même temps le volley-ball professionnel dépend à 54% des subventions versées par les collectivités pour un montant total de 8 millions d’euros (5%).

Si ces 160 millions d’euros ne représentent que 1,55% des 10,25 milliards d’euros [2] consacrés par les collectivités territoriales au sport, ce chiffre n’en apparaît pas moins sous-évalué.

En effet, les moyens d’investissement mobilisés pour la construction et la rénovation des infrastructures sportives ou des structures d’accès (routes, transports publics) ne sont que très rarement valorisés dans le montant des aides accordés aux clubs, alors qu’ils peuvent représenter des montants conséquents. A titre d’illustration, le coût des infrastructures d’accès au futur stade de l’Olympique Lyonnais, entièrement financé par des fonds privés, se situerait dans une fourchette comprise entre 80 et 150 millions d’euros pour les collectivités.

Par ailleurs, les modalités de mise à disposition des stades ne respectent pas toujours les règles de la domanialité publique, entraînant également une sous-évaluation des aides fournies aux clubs. Cela confère aux clubs professionnels un avantage économique injustifié, minorant les ressources non-fiscales des collectivités territoriales et constituant surtout un risque juridique pour les collectivités et les sociétés sportives.

De fait, les 160 millions d’euros de subvention aux clubs professionnels constituent essentiellement des dépenses de fonctionnement et représentent 3% du budget de fonctionnement [3] des collectivités territoriales dans le domaine sportif.

Ainsi, 212 clubs professionnels – soit 0,13% des 167 503 associations sportives [4] – concentrent à eux seuls 3% des montants consacrés par les collectivités territoriales au fonctionnement des clubs sportifs.

1.2 – …Aux contreparties, à l’impact et à l’intérêt mal définis

Les subventions versées par les collectivités territoriales aux clubs sportifs peuvent se faire selon deux modalités :

- pour des missions d’intérêt général – le financement de centres de formation par exemple – mises en œuvre par les sociétés professionnelles sous un plafond de 2,3 millions d’euros ;

- dans le cadre d’achat de prestations de service par les collectivités aux clubs professionnels (achats de places ou d’espaces publicitaires) pour un montant maximal de 1,6 million d’euros par saison sportive.

Les financements octroyés par les collectivités territoriales se font ainsi en contrepartie de missions ou de prestations menées par les clubs professionnels.

Or, constate la Cour des comptes, ces contreparties ne sont pas toujours assurées et ces subventions semblent d’avantage concourir à l’équilibre global du budget de la société sportive professionnelle qu’à assurer des missions d’intérêt général.

Pour justifier des subventions versées aux sociétés sportives, les collectivités évoquent l’impact positif des rencontres sportives en termes de développement local et d’image de marque. Or, ces impacts, s’ils peuvent exister, notamment en matière de développement économique local (hôtellerie, restauration) sont peu évalués et reposent plus sur une démonstration que sur un réel calcul coûts – avantages.

En matière d’investissement, les collectivités territoriales prennent régulièrement en charge des dépenses d’aménagement des stades – exigées par les cahiers des charges des ligues professionnelles – qui peuvent être dictées plus par des exigences commerciales que par la réalisation d’une mission d’intérêt général. C’est notamment le cas lors de travaux relatifs à l’équipement audiovisuel des stades pour la retransmission des matchs.

Dans ces conditions, la préservation des intérêts des collectivités territoriales n’est pas assurée. La Cour émet ainsi un certain nombre de recommandations afin de rééquilibrer les partenariats en faveur des collectivités territoriales.

Au-delà de ces recommandations techniques et dans un contexte budgétaire contraint, la question politique d’une meilleure répartition des moyens entre les sports professionnels mais également entre sport professionnel et sport amateur peut être soulevée.

2 – Au-delà d’un partenariat plus équilibré en faveur des collectivités territoriales se pose la question de la répartition des moyens consacrés au sport

2.1 – Pour un partenariat plus équilibré qui préserve les intérêts des collectivités territoriales

La professionnalisation et la commercialisation du sport nécessitent une meilleure régulation du « spectacle sportif » afin de préserver les intérêts des collectivités et de respecter le cadre juridique existant.

Ainsi, en matière de soutien financier apporté par les collectivités territoriales aux sociétés sportives il importe de :

- rendre plus transparent et de mieux évaluer l’utilisation et l’efficacité du soutien accordé aux clubs professionnels ;

- conditionner le versement des subventions à la réalisation effective des missions d’intérêt général confiées à la société sportive et définir plus précisément les termes des contrats relatifs aux achats de prestations de service ;

- valoriser de manière exhaustive le coût complet des aides apportées aux clubs professionnels.

En complément des recommandations énoncées par la Cour des comptes, la mesure de l’impact, des bénéfices mais aussi des coûts économiques, sociaux, environnementaux, engendrés par la société sportive pourrait constituer un critère de l’attribution des aides locales.

En ce qui concerne l’utilisation, la rénovation et la construction d’infrastructures sportives, il incombe, selon la Cour, aux collectivités de :

- mieux respecter les règles relatives à la domanialité publique pour l’occupation du stade par le club au travers du paiement d’une redevance reflétant la valeur locative de la structure et des avantages retirés de l’occupation par le bénéficiaire ;

- anticiper et limiter les risques juridiques et financiers liés à la construction ou à la rénovation des ouvrages sportifs ;

- ne pas financer des travaux de construction ou de rénovation des stades lorsque ceux-ci sont uniquement motivés par des impératifs d’ordre commercial, conformément au décret du 22 février 2006 [5] .

En complément du respect de cette règle juridique, le financement par les contribuables devrait se limiter uniquement aux travaux présentant un caractère d’intérêt général, que ce soit au sein des infrastructures sportives, qu’à ses abords.

La recherche d’un meilleur équilibre dans la répartition des financements aux clubs professionnels constitue un enjeu essentiel dans un contexte budgétaire contraint.

2.2 – Pour une répartition plus équitable des moyens des collectivités territoriales consacrés au sport

La question de la répartition du financement du sport par les collectivités territoriales peut être posée à deux niveaux : entre les différentes disciplines professionnelles et entre le sport professionnel et le sport amateur.

En ce qui concerne la répartition des moyens entre disciplines professionnelles, une politique progressiste en matière sportive conduirait à concentrer les aides sur les clubs dont les disciplines sont fortement dépendantes du soutien public (basketball, handball, volleyball) et pour lesquels les concours publics constituent une condition de la pérennité de l’activité professionnelle.

Cette question mérite d’être posée d’autant plus que les clubs de football professionnel dégagent depuis 3 années consécutives un résultat net positif. Celui de la saison 2007–2008 pour la Ligue 1 a d’ailleurs été supérieur au montant des subventions versées par les collectivités territoriales : 24,944 millions d’euros de résultat net pour 20,765 millions d’euros de subventions des collectivités territoriales [6] .

Au-delà de cette concentration des aides, la légitimité et la pertinence du financement du sport professionnel par les collectivités locales doit d’être posée. En effet, si le coût pour les collectivités d’une telle implication auprès des entreprises sportives est établi et s’avère non négligeable, l’intérêt qu’elles en retirent n’est lui pas avéré. En l’absence de contreparties, notamment au travers de la réalisation de missions d’intérêt général, seuls les impacts en termes d’image et de développement local peuvent constituer une retombée pour les collectivités. Ces impacts restent limités – si Paris est la première ville touristique au monde elle le doit bien plus à son patrimoine et à ses activités culturelles qu’à ses clubs sportifs – et peuvent même s’avérer négatifs en cas de violences en marge des rencontres sportives ou d’affaires liées au dopage ou au financement du sport.

Dans ce cas, le financement du sport professionnel par les collectivités territoriales revient à publiciser les risques et les coûts voire les pertes et à privatiser les bénéfices.

L’occupation des installations sportives devrait s’inscrire dans le respect du principe fondamental de solidarité entre clubs professionnels et amateurs.

Ainsi, plutôt que de se diriger vers la privatisation des stades professionnels, il conviendrait de favoriser la cohabitation entre sport professionnel et sport amateur au sein des stades. Cette approche se justifie, dans le domaine du football, par le fait que la rénovation des stades dans le cadre de la candidature de la France à l’Euro 2016 sera financée en partie par les collectivités territoriales [7] et que ces investissements pourraient générer des « recettes complémentaires importantes » [8] pour les clubs.

Elle aurait également le mérite d’introduire de la mixité au sein d’une enceinte qui est avant tout un lieu de socialisation, porteur de valeurs humanistes.

Le besoin de dégager des marges de manœuvre et de rentabiliser les équipements sportifs apparaît d’autant plus nécessaire que le projet de loi relatif à la réforme des collectivités territoriales pourrait limiter les possibilités de cofinancement des infrastructures d’intérêt communal. Dans ce contexte, les recommandations de la Cour des comptes de transparence et d’évaluation des moyens accordés aux clubs professionnels, et de valorisation des équipements se trouvent renforcées.

  1. Xavier Sautenuage est le pseudonyme d’un expert spécialiste des questions sportives

  2. 8,95 milliards d’euros pour les communes, 0,8 milliard d’euros pour les conseils généraux, 0,5 milliard d’euros pour les conseils régionaux, en 2007.

  3. Le budget de fonctionnement en matière de sport représente 52% du budget total « sport » des collectivités territoriales

  4. Recensement réalisé par la Mission des Etudes, de l’Observation et des Statistiques, auprès des fédérations sportives agréées par le Ministère de la Santé et des Sports.

  5. Décret n°2006–217 du 22 février 2006 relatif aux règles édictées en matière d’équipements sportifs par les fédérations sportives mentionnées à l’article 17 de la loi n° 84–610 du 16 juillet 1984.

  6. Ligue de football professionnel / Direction nationale du contrôle de gestion : Rapport d’activité comptes des clubs saison 2007–2008

  7. Source AFP : Communiqué de la Secrétaire d’Etat aux sports du 2 décembre 2009 annonçant un financement par l’Etat à hauteur de 150 millions d’euros pour la construction ou la rénovation des stades des villes candidates à l’organisation de l’Euro 2016

  8. Ligue de football professionnel / Direction nationale du contrôle de gestion : rapport annuel de la saison 2007–2008

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